Dans le cadre de l’événement Viva-cités, du 29 septembre au 7 octobre, Rennes était censé communier dans une vaste concertation autour des grands projets de la Métropole à l’horizon de 20 ans (et des un an et demi qui séparent les électeurs des prochaines municipales…). L’objectif était d’articuler les questions d’urbanisme à la place donnée à la parole des habitants. Les Rennais ont-ils enfin assisté à l’arrivée de la démocratie directe à Rennes ou à un simple coup de com’ ? Le tandem Mairie-Métropole de Rennes a-t-il mis un système ouvert de démocratie directe et transversale en place ou une illusion culturelle, néoféodale et clientéliste ? La réponse en dix points et cinq solutions.

 

Des chiffres de République bananière pour une communication chinoise ?

Mardi 9 octobre, ce n’est pas sans sourire que les Rennais encore conscients ont pu lire dans Ouest-France que Viva-cités a attiré – aux dires d’Yves Préault, maire adjoint à la communication de la Mairie – « une fréquentation de 48855 personnes selon le comptage de la sécurité ». Une exactitude à faire pâlir les anciens RG ! Sans remettre en question le décompte de la police privée de Citédia (société que le présent article introduit peu après), à fin de comparaison, nous aurions aimé connaître les chiffres des syndicats !

En pratique, une fois décompté les salariés de la Métropole qui ont bénéficié d’heures de congé exceptionnel (heures bien sûr payées par le contribuable et non par la mairie ou la fédération socialiste) pour se rendre à l’événement, voire faire la claque, les résultats croisés dessinent une fourchette comprise entre 14 et 18000 visiteurs. Comment pouvait-il en être autrement ? Déjà, la date et les horaires retenus ne favorisaient ni la présence des salariés (hors ceux généreusement mis à disposition par la Métropole bien sûr), ni des étudiants. Les têtes présentes affichaient souvent des cheveux blancs. Comme bien souvent dans ce genre de réunion piloté par la Mairie-Métropole (MaiMet pour faire court).

Absence d’unité et de fil conducteur

Mais une autre raison explique le succès mitigé de ces 140 ateliers et manifestations. Comme l’expliquait une jeune membre de l’équipe en charge de l’information du public dans un petit cabanon : « Tout le monde nous demande à quoi ça sert, c’est quoi le but. On répond que c’est pour que les gens parlent. Mais personne ne comprend vraiment ce qu’il y à voir, ni nous-mêmes à vrai dire. C’est un peu difficile de renseigner parce que le truc part un peu dans tous les sens. » Bref, Viva-cités se résume à un rapide montage de bric et de broc composé d’une débauche de manifestations aux liens et interactions des plus vagues.

Cela étant, dans ce brouhaha visuel, ce tohubohu médiatique, ce capharnaüm communicationnel, quelques installations réussies méritaient l’attention. Ce fut le cas, entre autres, du Cube APARK 2.0 près du cinéma Gaumont sur la place du champ de Marx et de quelques ravissantes installations végétales. Ces dernières sont d’autant plus appréciables que la Mairie de Rennes s’emploie depuis des années à dévégétaliser Rennes au profit d’une minéralisation désenchantée. Quand la contradiction frise l’absurde, tout espoir n’est pas vain…

10 jours de concertation feront-ils oublier plusieurs années de simple consultation ?

« Œuvrer pour que chacun puisse s’exprimer, débattre, contester. C’est comme ça qu’on arrivera à fédérer une communauté de vie. » C’est ainsi qu’Yves Préault décrit Viva-cités. Michel Gautier, le vice-président de la Métropole en charge de l’équipe culturelle, de renchérir : « en rendant les gens acteurs. » Quelle louable intention ! Mais pourquoi avoir attendu septembre 2012 pour proposer aux Rennais de devenir acteurs de leur ville ? Et-ce la fin de ces ‘concertations’ qui consistent à inviter ces derniers à participer à des ‘consultations’ sur des dossiers qui sont en réalité déjà pliés (voir par ex. notre article) ?

Bien sûr, certains remarquerons qu’une semaine de concertation après deux ans de mandat, c’est toujours mieux que rien. A-t-elle suffi à « donner du sens » à la politique menée par la Ville de Rennes, comme le souhaitait Daniel Delaveau ? C’est une autre histoire… De fait, pour que la « ville batte au rythme d’une démocratie qui se veut participative », 10 jours n’est-ce pas un peu court ? Bien sûr, eu égard à un budget de 1,2 M€ (on parle déjà de 1,5M€), la Mairie (comme de nombreux contribuables) préfèrera que cet exercice de démocratie se limite à une grosse semaine… 

Une consultation qui exclut la majeure partie de la population

Les grands acteurs de l’avenir de la ville étaient-ils tous réunis pour cette consultation ? On peut en douter. Dans sa systématique de contrôle de l’espace culturel et politique, la MaiMet a réussi le tour de force d’organiser cet événement prospectif sans consultation du tissu associatif.

C’est tout de même curieux de prétendre aller à la rencontre de « tous les Rennais » durant 8 jours en faisant l’économie du tiers secteur qui en est pourtant une éminente expression. Absentes les associations culturelles, pédagogiques, environnementales et artistiques indépendantes, tout comme les mouvements philosophiques, spirituels, religieux (voir notre article) ! Absents, donc, de vastes pans de la population rennaise pourtant fondés à réfléchir et à participer à l’avenir de la Métropole.

« Mais si, si, il y en avait quelques-unes présentes durant l’événement » se défend un organisateur un peu gêné. Mais bien sûr ! Les habituels quelques associations proches du pouvoir étaient invitées ainsi que quelques entreprises connues pour leur sensibilité à l’influence politique. À Rennes, une association comme une entreprise décuple ses chances de prospérer en répondant positivement aux appels du coude, autrement dit en prenant sa carte au PS (1).

De nombreux Rennais, aussi bien de gauche que de droite, se plaignent en privé de cette situation (y compris des personnes qui ont mis la main dans l’engrenage). Mais dans cette bonne ville, c’est comme si tout le monde avait pris l’habitude de laisser la MaiMet faire ce qu’elle voulait. Silence, tant que les services fonctionnent…

Le socialisme rennais : une entreprise (familiale) qui ne connait pas la crise

Dans la même veine, comme l’a révélé le Journal des entreprises début septembre, la scénographie de Vivacité a été attribuée à une certaine Julie de Legge. Cette architecte d’un cabinet parisien n’est autre que la fille de Jean de Legge, directeur de la communication de Rennes Métropole. Certains crient en conséquence au ‘favoritisme’.

L’intéressé, Jean de Legge, nous confie [au JDE] qu’il était ‘ennuyé‘ quand sa fille lui a appris qu’elle avait remporté le marché. Il imaginait déjà les discussions en ville. Pour s’en prémunir, il a donc au préalable pris le pouls d’Yves Préault, adjoint au maire de Rennes Daniel Delaveau en charge de la com’, qui lui a délivré son blanc-seing. “Il m’a dit : ni népotisme, ni exclusion”, indique Jean de Legge. Et celui-ci de préciser qu’il ne peut être accusé de favoritisme dans la mesure où le marché est passé par Citedia, et non directement par Rennes Métropole.

Citedia ? Une société anonyme d’économie mixte dont le dirigeant est… Yves Préault !

 Citedia, l’un des prés carrés de l’élite dirigeante

La mission de Citédia est d’étudier, réaliser et exploiter des équipements et services publics à vocation commerciale. Elle est dirigée par Yves Préault secondé par l’élu communiste Éric Berroche.

En pratique, Citédia s’occupe de stationnement, télésurveillance, événements, loisirs, gestion syndicale, salles multifonctions, surveillance et contrôle des accès du plateau piétonnier du centre-ville. La société gère Le Liberté, le Blizz, le camping des Gayeulles, le Muzikhall, l’Asphol’de, la Halle Martenot, le Ponant, le Zéphyr et la maison du champs de Marx, y compris la maison des Associations. Chiffre d’affaires 2011 : 12,5 M€. Une des vaches à lait à Rennes.

Citédia a hérité d’une enveloppe des deux tiers des 1,2 M€ du budget de Viva-cités. Et peut-on savoir comment est gérée l’attribution de ce joli pécule ? Ah ça, non. Non ? En effet, c’est une regrettable singularité de cette SEM rennaise : aucun membre de l’opposition n’est autorisé à siéger à la commission d’appel d’offres. Impossible donc d’avoir le moindre contrôle sur les marchés, conditions et attributions. Dans le cas contraire, on imagine que la fille de Legge aurait eu bien moins de chance d’être choisie !

Cette situation est d’autant plus regrettable que d’aucuns trouveront mal venu d’avoir mis à la tête de cette société Yves Préault, lequel a été condamné le 24 juin 2004 à 10 mois de prison avec sursis et 15 000 € d’amendes dans un dossier de corruption et de trafic d’influence : un pot de vin d’un montant de quelque 90000€ dans le cadre de l’attribution du marché de la rénovation électrique de l’usine d’incinération de Villejean (2).

« Nous tenons à une éthique prononcée ! »
(Nelly Pansard, en charge de la Maison du Champ-de-Mars pour Citédia)

À Rennes, on compte sur les doigts d’une main les journaux et magazines indépendants. Ils ne sont pas difficiles à repérer : la MaiMet n’a pas cru bon les inviter au coin presse de Viva-cités !

Ben oui, quoi, le Mensuel de Rennes ? Pas question de distribuer un magazine dont la rubrique les ‘crabes dans la Vilaine’ osent parfois révéler des vérités sur les élus que le bon peuple ne devrait pas entendre ! Le Journal des Entreprises ? Quoi, la gazette de l’armée capitaliste bourgeoise ? Jamais ! C’est vrai quoi : des entreprises, ce n’est pas avec cela qu’on va construire l’avenir du bassin rennais ! Quant à Unidivers, inviter un webzine qui se permet d’évoquer des pans entiers de la vie et politique culturelles indépendamment de la culture officielle et contrôlée, ça va pas, non ?!

Parmi les journaux institutionnels en charge de la propagande, le coin presse-média comptait bien entendu la présence de Place publique (voir notre article). Un exemple éloquent de remerciement politique financé par les contribuables et non par – ce qui ne serait que justice – la fédération socialiste.

Et que dire des ‘conventions’ de 35000€ pour un plateau organisé par TV Rennes et 25000€ pour la présentation de l’événement par Ouest France ? C’est tout de même rare de payer les médias pour venir vous voir ou… faire votre réclame. Il est vrai qu’il est également bien rare de voir la régie publicitaire d’un journal local servir de régie publicitaire à un journal institutionnel. Étrange mélange des genres et conception de l’indépendance de la presse. De là à parler de subventions déguisées, il n’y a qu’un pas que nous nous garderons bien entendu de franchir.

Par contre, cette fois-ci, dans la sphère communication, l’association Bug était absente. C’est vrai que l’événement n’était sans doute pas à sa mesure. Bug ? Au lieu d’employer des sociétés de communication qui sont indépendantes, la MaiMet a eu l’idée de susciter une association spécialisée en multimédia. Que fait-elle ? Bug (autrement dit ses nombreux salariés rémunérés par une enveloppe de subventions bien épaisse) accompagne et supervise les quelques associations qui font partie de la Maison des associations (dont elle assure la gestion de la communication et où elle est installée) et réalise une petite partie des missions publiques en communication. L’éthique commanderait pour remplir cette mission que Bug soit dirigé par un parangon d’attachement à l’intérêt public réputé éloigné de tout intérêt partisan. C’est Richard de Logu, membre du comité de soutien et artisan de la campagne de com’ pour l’élection de Daniel Delaveau aux dernières élections, qui a la chance d’assurer cette fonction… Bug, un exemple d’association grassement rémunéré qui vise avant tout à remercier les jeunes copains des élus.

Clientélisme, féodalisme et uniformisation

Pour différents observateurs, Rennes connait une subversion progressive de la liberté d’expression et de la pluralité des secteurs associatifs et marchands par des organismes inféodés et contrôlés par le pouvoir dominant. Il s’agit d’empêcher la pensée, l’action, les initiatives et l’économie de se développer librement en l’encadrant par une paraéconomie favorisée, subventionnée et inféodée. Par l’intermédiaire d’un système de clientélisme fondé sur des avantages, aides, cadeaux et rétributions directes ou indirectes, prospère à Rennes une structure économique parallèle qui s’emploie à contrôler les secteurs de la culture, des arts, des loisirs et de la communication.

Conséquence ? Au lieu d’embaucher à un poste la personne la plus compétente, on va placer bien souvent un membre de sa clientèle. Un(e) directeur(rice) d’établissement public va embaucher son fils ou sa fille avant de  les faire monter en grade au détriment de collègues plus qualifiées. En remerciement pour service rendu, voilà un beau cadeau pour un tel, une telle ou son conjoint : par exemple, des missions bien rémunérées. « Ton local associatif n’est pas assez grand ni assez central ? Tu sais comment on pourrait résoudre cela rapidement… » « Une pige grassement rémunérée dans les journaux institutionnels ? À condition de montrer patte rose et plume engagée… » Un ou une président(e) de jury attribue le premier prix à quelqu’un de sa famille, rien de plus normal, personne ne s’en émeut (sinon elle est blacklistée pour de futures aides publiques locales). Les exemples sont légion.

D’où la consolidation puis la cimentation d’un réseau de personnes qui pensent toutes de la même manière (du moins en apparence). Depuis des années, ce tissu humain, sclérosé en pensée unique conservatrice, freine à Rennes le renouvellement des postes, le brassage des hommes, des pensées et des compétences tout en paralysant la réflexion autour des grands enjeux urbains, culturels, économiques et sociaux.

Viva-cité, malgré ses oripeaux de démocratie directe, symbolise bien ce à quoi assistent sans broncher les Rennais : une régression à un néoféodalisme de moins en moins néo. Certes, cette situation n’est pas l’apanage de Rennes. Nombre de villes de gauche comme de droite, d’extrême-gauche et d’extrême-droite, développent ce système d’inféodation clientéliste depuis des années. C’est le cancer de nos villes françaises. Ce système est un frein à l’activité créatrice, associative et marchande. Une entrave à la réalisation toujours à venir d’une démocratie juste et vivante et d’une gestion à l’avenant. Le clientélisme tue la débat et la pratique démocratiques !

Un substitut de pensée : vivre en intelligence raréfiée

La gestion de la sphère culturelle par le politique devrait rendre compte de la dynamique culturelle réelle que connaissent le bassin rennais comme les autres communautés urbaines de France. Or, la réalité nous met en présence d’un multivers (un univers multidimensionnel) ; et ce fait complexe  effraie les politiques (qui ne savent pas en faire un unidivers). C’est pourquoi les grands partis continuent à faire croire aux Français que la France n’a le choix qu’entre deux visions de la politique culturelle : celle de gauche ou celle de droite. Un distinguo aussi artificiel qu’aujourd’hui dépassé.

Dans ce cadre, les Rennais attentifs auront remarqué l’enflure depuis quelque temps d’un dispositif de communication communicante tous azimuts au service de la subversion du pluralisme culturel, associatif et civil par l’élite dirigeante. La MaiMet a bien compris que si la crise économique et la perte du pouvoir d’achat perdurent, le bo-bo comme la petite et moyenne bourgeoisie va être de plus en plus dur à conduire du bon côté des urnes, notamment pour les Municipales de mars 2014. Derrière des motifs plus ou moins louables et des promesses de démocratie directe (comme des lendemains qui chantent alors que le présent déchante), ce dispositif ne poursuit qu’un seul objectif : empêcher de penser. Substituer à une pensée tendanciellement autonome, multiple, interrogative et prospective : une pensée non-réfléchissante et non-intelligente.

Nombre d’observateurs notent avec effarement comment le pouvoir politique rennais fait croire à la population qu’on lui prodigue de la culture et de la pensée à travers une orgie d’événements artistiques et manifestations culturelles d’une qualité variable et aux tonalités idéologiques bien orientées. La visée de ce saupoudrage de communication ? L’assentiment psychologique à un schéma formel qui asphyxie chez les administrés le désir d’un contenu culturel réellement pluriel et la volonté de créer de l’avenir (3).

Quel avenir pour Rennes (la Bretagne et la France) après les élections municipales ?

Le lecteur aura maintenant compris les buts de Viva-Cités. D’ailleurs, sa raison d’être avait été sans ambiguïté énoncée par Michel Gautier, vice-président de Rennes Métropole, début septembre : « il s’agit de construire le projet 2014 ». On l’aura compris, Viva-cités sonne l’entrée en période préélectorale et vise la reconduction de l’équipe socialiste rennaise à la tête de la municipalité. Et pourquoi se gêner : rares sont les personnes qui semblent trouver anormale que, comme le spectacle des Spectaculaires (voir notre article), la revue Place publique (voir notre article), avec Viva-cités, l’équipe dirigeante et le parti socialiste se fassent payer leur communication par le contribuable.

Dans une situation où l’un des effets pervers de la décentralisation consiste à répliquer le modèle jacobin à petite échelle et promouvoir les baronnies locales, le clientélisme s’apprête à définitivement anéantir la culture du débat et de la proposition. Où est passé ce qui fait la base de la politique : les idées, l’action et la passion ? Ni au PS ni à l’UMP. C’est arrivé à un tel point que non content de ne plus produire d’idées nouvelles, les partis institutionnels s’emploient à étouffer leur apparition en récupérant celles qui ont percé dans d’autres mouvements, cercles et formations. 

Seule une modification profonde du fonctionnement politique est susceptible d’empêcher cette dégénérescence que connait le bassin rennais à l’image de plusieurs coins de France. Dans ce cadre, nous suggérons au pied de cet article cinq solutions à adopter de la manière la plus urgente.

Côté rennais, est-il possible d’obliger les élus à réformer leurs pratiques ? Une fois comptés les socialistes sincères (on en croise rarement dans les appareils de parti, le type d’homme comme Pierre-Yves Heurtin et Martial Gabillard a malheureusement laissé la place à de jeunes politiciens sans âme qui confondent vision et gestion sécurisée), une fois écartée la nombreuse valetaille qui vit des bonnes grâces de la MaiMet, une fois entendu que les cyniques et les immoraux n’ont cure de l’intérêt général, combien demeure-t-il d’être libres – à gauche, à droite et au centre ?

Naïvement peut-être, nous croyons que nombre d’hommes et femmes désirent voir aux commandes des élus qui font passer avant toutes choses l’intérêt des autres – de tous les autres – afin de construire du vivre ensemble toujours plus riche, pluriel et créateur de sens. Au bénéfice des Rennes comme du rayonnement de Rennes à l’échelon régional, national, voire international.

                                                                        

*

5 solutions

1. Le non-cumul des mandats. Tant d’un point de vue spatial que chronologique. Il s’agit de limiter les mandats à un seul à la fois et le même exerçable que deux fois de suite. Premier effet : une modification profonde de la sociologie de la classe politique. Une augmentation du renouvellement des édiles et une diminution des politiciens qui gèrent leur fonction élective comme une carrière professionnelle. (Il est vrai qu’une fois cumulés les salaires, défraiements, avantages et différents jetons de présence, la situation vaut son pesant d’or). Dès lors, les responsables politiques seront obligés d’être capables d’exercer un (vrai) métier en dehors de la politique. D’où une diminution de leur dépendance à l’égard des électeurs. (Le combat entre Jean-Michel Boucheron et Marie-Anne Chapdelaine en a fourni aux dernières législatives un triste exemple.)

2. La restauration du suffrage universel. Les Rennais comme la large majorité des Français ne sont plus administrés par des représentants élus au suffrage universel. Les conseils municipaux deviennent des coquilles quasi vides tant leurs compétences ont été transférées aux structures intercommunales non représentatives. Ces structures, comme Rennes Métropole, sont producteurs de flou démocratique, voire de parasitage administratif. En effet, les administrés ne savent plus à qui s’adresser, ils ne comprennent plus qui est en charge de quoi ; compétence et responsabilité se diluent et deviennent intraçables. Cette exception démocratique et ce flou fonctionnel favorisent le clientélisme, les arrangements et les trafics d’influence. Il faut mettre fin à cette régression d’un acquis central de la République en adoptant l’élection des communautés urbaines au suffrage universel.

3. La transparence des décisions. C’est un des meilleurs remèdes contre le clientélisme et l’enrichissement personnel, en particulier dans le fonctionnement des administrations. Nous avons évoqué le cas de Citédia et de sa commission d’attribution des marchés, dont tout opposant à l’équipe dirigeante est banni, ce n’est qu’une goutte dans un océan turbide. Par exemple, le Conseil général et la MaiMet nourrissent à coup de centaines de milliers d’euros TV Rennes et metropole.rennes.fr. Voilà donc une véritable mission que des élus attachés au bien public devraient confier à cette télé et à ce site : publier les ordres du jour de chaque instance locale (municipal, communautaire, général), filmer les sessions et publier les résultats des commissions. Et pourquoi pas, qui plus est, leurs comptes ?

4. La fin des associations paravents. À quand une évaluation publique, transparente et connue de tous des subventions données ? Pour mettre fin à l’octroi des aides en fonction d’attentes électoralistes, il faut que les résultats de l’argent accordé soient évalués et connus de tous.  Imaginons un exemple, l’association ‘Div’art’ a reçu 5000€ pour organiser une journée culturelle visant la participation de jeunes à un projet éducativo-artistique autour de ‘couleurs et diversité’. N’est-ce pas normal qu’une commission en examine la tenue, le déroulement, voire les résultats ? Une telle évaluation permettrait rapidement de réduire les associations qui vivent sur l’argent public en ne produisant que de vagues réflexions ou actions creuses. Elle mettrait fin à l’impunité des associations paravents qui ne visent qu’à rétribuer les amis dans le cadre d’une fidélisation de la clientèle. Il en va de même pour l’attribution des locaux associatifs. Rennes est riche en immobilier. Comment la mairie gère-t-elle son patrimoine ? Unidivers Mag a demandé au printemps à son Service immobilier, rue du Pont des Loges, la transmission de la carte des biens immobiliers de la ville et de leurs attributions ? Réponse : « Impossible, document à usage interne »…

5. L’obligation de réponse. Les élus sont élus par le peuple. À ce titre, ils devraient être obligés de répondre aux questions que la presse (dotée d’une commission paritaire) leur pose dans le cadre de la réalisation de leur mission d’information générale. À Rennes, la technique de MaiMet est simple : blacklister un média dès qu’il commence à vouloir creuser la version officielle. Situation que connaît Unidivers Mag depuis juin 2011, date où notre rédaction avait annoncé le limogeage à bref délai de Larys Frogier (voir notre article). Nos demandes par mail ou téléphones d’entretiens ou de réponses sur tel ou tel sujet auprès des élus n’aboutissent plus jamais ; aucune réponse, ne serait-ce de courtoisie.

*

Notes

  1. Pourquoi prendre sa carte au PS ? Pour les élus, les cartes de complaisance, chèrement payées en rétribution par la collectivité, visent à s’assurer des majorités au sein des instances des partis politiques. Placés par les ténors, les différents cadres et militants du PS se partagent ainsi des postes dans les collectivités locales. À quand une étude sur le nombre de cadres de la fédération socialiste 35 qui sont salariés par une des collectivités locales ? Notre estimation : au moins les trois quarts. Conséquence : le débat politique devient complètement secondaire. Il est devenu un contenu monolithe et conservateur vaguement mis à jour selon les modes du moment par les quelques clans du parti qui n’ont tous qu’un seul objectif : prospérer !
  2. Dans cette affaire, furent aussi condamnés trois cadres de la société Flakt, le PDG de l’entreprise Balan ainsi qu’un intermédiaire. La condamnation n’étant pas inscrite au casier judiciaire, Yves Préault reste éligible. Son avocat a plaidé qu’il n’y avait pas eu d’enrichissement personnel dans cette affaire. L’intégralité du pot de vin aurait alimenté les caisses du Parti socialiste.
  3. Comme disait notre vieux camarade Guy Laborde : « la capitalisation du pouvoir culturel par la MaiMet de Rennes substitue à la valeur formative et l’intention réflexive de la culture la forme d’une valeur culturelle massifiée et idéologisée dont le jeu structurel fait référentiel. Une dynamique faussement didactique, mais réellement performative. Une politique du spectacle. Un spectacle politique. »

 

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Nicolas Roberti
Nicolas Roberti est passionné par toutes les formes d'expression culturelle. Docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il a créé en 2011 le magazine Unidivers dont il dirige la rédaction.

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