À Cleunay, le Bâtiment à modeler (BAM) fait revivre les anciens locaux de la MJC Antipode en accueillant une dizaine de structures associatives, coopératives et solidaires. Installées depuis début 2022, elles travaillent individuellement ou collégialement à faire du lieu une maison ouverte sur le quartier, proposant animations culturelles, actions sociales et mises à disposition d’espaces. Un nouvel exemple d’urbanisme transitoire qui participe d’une réflexion plus large sur l’utilisation des sites en friche.

En octobre 2021, la MJC Antipode déménageait dans ses nouveaux locaux, au 75 avenue Jules Maniez, dans le quartier de Cleunay. Elle laissait ainsi vacant son bâtiment historique du 2 rue André Trasbot, construit dans les années 1960 et désormais obsolète pour accueillir toutes les activités de la MJC. La question se posait alors, qu’allait devenir le site historique de l’Antipode ?

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Propriétaire du bâtiment, la mairie décide d’en faire un espace de coworking pour des associations ou des entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS), en attendant la destruction du site pour y construire des immeubles d’habitation. Elle prévoit d’y loger en priorité l’association de cirque contemporain Ay Roop, ainsi qu’un atelier bois de l’association de quartier Les Trois maisons. Et pour le reste des structures occupantes, elle lance un appel à manifestation d’intérêt.

Pour y répondre, trois structures se réunissent sous une seule et même candidature : Coop Eskemm (bureau d’études coopératif spécialisé dans les politiques publiques de jeunesse, issu de l’association rennaise Keur Eskemm), Dida (D’ici ou d’ailleurs, association d’aide aux personnes exilées) et Brut de pomme (entreprise de communication solidaire). Elles ont toutes trois par le passé expérimenté ce genre d’occupation temporaire et collective grâce à un passage à l’Hôtel Pasteur, fameux tiers-lieu rennais.

Coop Eskemm a également déjà travaillé sur l’animation et l’utilisation de lieux vacants. Son association sœur, Keur Eskemm, avait même investi l’ancien Antipode en novembre 2021, avec le projet Come:on!. Un réseau d’associations européennes œuvrant à l’engagement des jeunes et à l’échange culturel sur fond d’éducation populaire y avait organisé pendant un mois des ateliers artistiques. « C’était pour nous le moyen d’expérimenter, d’habiter le lieu une première fois et de créer du lien avec les partenaires sociaux et les habitants du quartier », témoigne Alexandre Fontaine, ancien chef de projet chez Keur Eskemm, désormais coordinateur du BAM.

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Alexandre Fontaine (centre), épaulé de Françoise et André, bénévoles du bar associatif.

Ce premier noyau dur de trois structures fait valoir à la mairie les bienfaits d’une gestion collégiale du lieu. « Autrement, les associations qui ont leurs travaux quotidiens resteraient dans leurs bureaux et ce serait compliqué d’ouvrir les portes sur le quartier, d’animer les espaces communs », explique Alexandre Fontaine. Rejointes par d’autres, elles forment une association dotée d’un poste dédié à la coordination interne et à l’animation ouverte sur le quartier. Celle-ci s’appellera BAM, pour bâtiment à modeler.

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En comptant les trois initiateurs du BAM qui emménagent en février 2022, on retrouve désormais une dizaine de structures occupantes : MaksimArt, association du quartier dédiée aux arts plastiques, les Éditions du commun, la compagnie de théâtre 3ème acte, L’Étoile, service petite enfance de la ville de Rennes, et Tout Atout, association culturelle favorisant l’insertion des jeunes adultes. Les associations Ay Roop, arrivée dans les lieux en janvier 2022, et Les Trois Maisons, qui doit y installer un atelier bois, participent également aux réunions de fonctionnement du BAM. D’autres usagers qui utilisent ponctuellement les espaces adhèrent aussi à l’association pour s’impliquer dans la vie collective du lieu.

L’intérêt de cette cohabitation est précisément la variété des structures, de leurs activités et de leur gouvernance, dont découlent une complémentarité et des apprentissages mutuels. Ay Roop, par exemple, fonctionne avec neuf salariés et une gouvernance verticale, tandis que MaksimArt ne compte que des bénévoles ou que Dida opte pour une gouvernance horizontale. Certaines structures disposent seulement de bureaux ou d’espaces de stockage pour un fonctionnement interne, d’autres comme MaksimArt, Dida ou Brut de pomme utilisent des salles pour des ateliers d’arts plastiques, de français ou de communication à destination du public.

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Réunies sous l’association BAM, coordonnée par Alexandre Fontaine, les dix structures occupantes font vivre le lieu et développent des outils pour le gérer de façon autonome. Car si la ville de Rennes est dans une politique volontariste de mise à disposition de lieux, son millefeuille administratif peine encore à traiter efficacement ce genre d’initiatives. « Les services immobilier, sécurité et entretien de la ville ont l’habitude de traiter avec une seule association, quand il y a une constellation d’associations dans un bâtiment, un fonctionnement collectif, ça devient compliqué », éclaire Alexandre Fontaine, qui signale aussi encore quelques réticences des pouvoirs publics face à des projets qui seraient « trop » collectifs. « Notre volonté est aussi de faire évoluer l’action publique par ce qu’on met en place », poursuit l’animateur du BAM.

En plus des activités respectives des structures occupantes, le BAM a souhaité préserver l’ancrage du lieu dans le quartier. En assurant une mission de permanence sociale par exemple : « accueil des habitants du quartier, espace café qui prend la forme d’un bar associatif sur certaines plages horaires, accompagnement administratif informel », énumère Alexandre Fontaine. Pour prolonger cet accueil, le BAM envisage d’ouvrir les douches du bâtiment et d’installer des machines à laver, avec toujours pour objectif de répondre à des besoins urgents du quotidien en proposant des moments de convivialité.

 

 
 
 
 
 
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Enfin, de concert avec ses occupants, ses usagers ponctuels et des initiatives locales, le BAM propose un agenda d’activités, sur le modèle de la programmation ouverte. Citons l’association Sorna, qui organise chaque 1er samedi du mois des séances de coiffure solidaire à 1 €, accompagnées de débat sur la parentalité, ou encore les distributions alimentaires de Cœurs résistants tous les vendredis. Pour formaliser la multitude de propositions, régulières ou occasionnelles, un agenda est publié de façon bimensuelle. Au mois de décembre, ne manquez pas le marché de Noël de MaksimArt, accessible en continu sur les heures d’ouverture du lieu.

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Face à un projet aussi novateur que dynamique, on comprend pourquoi l’élue de quartier, Cégolène Frisque, souhaiterait que l’association BAM continue à animer des espaces collectifs après la destruction de son actuel bâtiment. Selon Alexandre Fontaine, ce n’est pour le moment pas au programme. La réaffectation de l’ancien Antipode par la ville de Rennes est un projet d’urbanisme transitoire, « une parenthèse qui n’a pas forcément d’influence sur le projet urbain ensuite », explique Alexandre Fontaine. 

Cela dit, l’esprit qui anime BAM se positionne plutôt sur un urbanisme de la transition, dans lequel « l’occupation temporaire a vraiment un impact sur les usages, sur ce qu’il va se passer ensuite dans l’espace ou le terrain utilisé ». Le bâtiment doit être détruit d’ici quelques années pour construire à la place un immeuble d’habitation de deux étages avec un rez-de-chaussée commercial ou associatif. Il n’empêche que plusieurs solutions sont envisageables, et à envisager avec les habitants du quartier, pour que la construction future réponde aux attentes de la population plutôt qu’à celle de la promotion immobilière. Au-delà d’un bâtiment, c’est la ville qu’il faut modeler à nos usages.

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Artwork : Brut de pomme

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Jean Gueguen
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