Raphaëlle Bacqué et Arianne Chemin viennent de faire paraître un livre consacré au couple Strauss-Kahn. Vous savez, ce couple médiatique et sulfureux qui a fait vendre tant de journaux, et pas seulement X. La couverture et la 4e de couv, qui dressent un hommage à Dallas et à un Harlequin tendance Secret story, poursuivent sur la lancée. Certes, les deux journalistes s’inscrivent dans la veine d’un journalisme de révélations historiques remis au goût du jour par Pierre Péan depuis une vingtaine d’années. Une veine aux succès divers, mérités ou non. Pour le coup, la recette pourra ici déplaire : dissoudre la frontière entre vie politique et vie privée grâce à une thèse simpliste et une interprétation des faits réductrice sous couvert d’une artificielle mise à distance façon reportage psychologique.

Pourquoi s’attarder sur un homme à terre puisque, aujourd’hui, c’est un autre qui se trouve à l’Élysée ? En politique, les soubresauts et les angles morts d’un parcours ne se saisissent souvent qu’après coup. Beaucoup n’ont toujours pas compris sur quels malentendus, quels non-dits, quelles dissimulations Dominique Strauss-Kahn a pu s’élever si haut, pour sombrer si vite et si bas. Certains ont cru voir dans sa descente aux enfers le résultat d’un complot, faisant de lui la victime d’une machination politique. Lorsqu’on recolle les morceaux du puzzle, ce qui surprend, c’est plutôt de découvrir les protections dont il a profité.

Ces histoires autour de DSK sortent d’un coup du chapeau maintenant que la bête est à terre. Pourtant, dialogues et entrevues « gênantes »  remontent à des années. Rappelez-vous, Le Nouvel Observateur publiait à l’été 2003 un article explosif. Un journaliste de l’hebdo s’était immiscé dans une boîte échangiste pour y décrire par le menu les agissements d’« un ministre ». Panique de Khiroun (un proche de DSK) à l’idée que le nom de son mentor soit dévoilé : il bondit au siège du journal pour obtenir un exemplaire avant parution…

Raphaëlle Bacqué (l’une des rares dames invitées dans C dans l’Air, curieux…) et Arianne Chemin n’en sont pas à leur coup d’essai puisqu’elles avaient suivi Ségolène Royale dans la Femme Fatale en 2007. Pas de chance, elles avaient déjà choisi le mauvais cheval. Le présent ouvrage avait pour ambition d’être… le suivi de la campagne de DSK. Catastrophe : le candidat est disqualifié et il y a déjà du journaleux sur le remplaçant, François Hollande ! Flute alors ! Comment recycler le bouquin, quel nouvel angle “vendeur” trouver ? Allez, vite… La recette éculée fonctionne toujours : du sexe ! Du bon gros sexe qui tâche. Bingo, l’éditeur accepte et attend la livraison pour les élections.

Voilà les deux journalistes partie pour une entreprise de démystification de la stratégie de communication. Entreprise elle-même au service d’une stratégie de communication pour vendre du papier et ne pas dévoiler grand-chose au final. Le Point et Le Monde sont les bras armés de ce plan marketing. Si on ne s’étonnera pas de ce comportement pour le premier, on le regrettera pour le second.

Une stratégie qui s’inscrit dans cette autre mystification : la collusion entre journalistes et pouvoir. Raphaëlle Bacqué en est très friante. Aussi bien pour le dénoncer qu’en profiter. Elle a ainsi ses entrées au Siècle, haut lieu du pouvoir au-delà des clivages partisans, comme l’exposait unRaphaëlle Bacqué, Arianne Chemin, Strauss-Kahn, opportunisme, people, Khiroun, Le Siècle, Albin Michel, collusion, Pierre Péan article de 2007. Elle aime croire qu’elle dévoile les dessous de la collusion avec audace, alors que ces révélations sont d’un petit tonneau. L’exercice de la critique est trop facile lorsqu’elle fait l’objet d’un concensus. Une drôle de conception du métier, mauvaise parodie d’un certain journalisme politique américain, qui semble hélas prospérer au Monde, au Nouvel Obs ou au Figaro.

Autant dire que ce récit opportuniste n’apporte rien à l’information ni à la compréhension de la vie politique nationale ni ne rehausse la réputation déjà bien écornée de ses auteurs. On regrettera finalement qu’il ne serve qu’un seul objectif : faire oublier que ces deux dames ont longtemps préféré taire tout ce qu’elles dévoilent aujourd’hui. Après les médias qui confondent information et propagande électoraliste, les journalistes aux ordres des pouvoirs politiques ou syndicaux, les journalistes qui s’autocensurent, la mode semble aux résistants de la dernière heure. Ah, notre bonne France…

Ice et Nicolas Roberti

 

Les Strauss-Kahn de Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin (Albin Michel), 266 pages, 19,50 € (à laisser dans les rayons)

 

 

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