Rafael vit aux États-Unis. Sa vie ne fait que commencer, pourtant elle est déjà terminée. Dans une communauté sans eau courante, électricité ni installations sanitaires, l’alcoolisme sévit, le travail est absent. En échange de sa vie, Rafael veut assurer à sa femme et ses trois enfants une existence à la mesure de l’amour qu’il leur porte. Il ne lui reste que trois jours à vivre.
Les snuff movies, ça vous dit quelque chose? Ces films où les protagonistes se font violer, torturer et tuer… sauf que ce ne sont pas des acteurs. Où les réalisateurs trouvent-ils des victimes consentantes pour tourner ces scènes dont l’horreur défie l’entendement? Rafael a accepté, et dans quelques heures, Rafael va mourir.

Un livre mordant, un uppercut en pleine face et… une émotion indicible

On s’incline devant le talent de Gregory Mcdonald, son style riche et sobre, une plume d’une grande sensibilité, pleine d’amour et de compassion. Parce qu’il faut du génie pour magnifier cette histoire et ne pas en faire un roman de gare sordide, glauque et dégoulinant de pathos. D’ailleurs l’auteur le précise en introduction : vous pouvez sauter le chapitre trois, dans lequel sont décrits les sévices que subira Rafael, sans que cela nuise à la compréhension du livre. Car ce qui intéresse Gregory Mcdonald, et c’est ce qui fait la qualité de ce roman, ce n’est certainement pas de tartiner des pages d’atrocités pour le simple plaisir de choquer le lecteur.

Gregory Mcdonald nous dépeint ces indigents, les pauvres parmi les pauvres, les oubliés de la société dont le désespoir et la résignation n’ont d’égal que leur amour de la vie et de leur famille. Les déchets humains qu’on fait vivre à côté des décharges municipales. Habillés avec des lambeaux, constamment ivres pour oublier l’absurdité de leur existence, ces hommes et ces femmes ressemblent à des animaux apprivoisés. Et on oublierait volontiers de leur prêter les qualités intrinsèques aux êtres humains: l’amour, le sens du devoir, l’attachement à la communauté, le dévouement total à leurs enfants, le partage…

Rafael, derniers jours est un roman bouleversant qui remet en cause les fondements de nos certitudes. Au XXIe siècle, des gens sont prêts à payer pour voir des humains souffrir et mourir devant une caméra. Rafael ne symbolise pas la décadence et la déchéance de la nature humaine. Ceux qui incarnent cette déchéance sont ceux qui acceptent que des gens comme Rafael en soient réduits à monnayer leur vie en échange d’un avenir pour leurs enfants. Et ceux qui ferment les yeux.

À conseiller si…

vous aimez les livres dérangeants, poignants, qui traitent de phénomènes de société. Je vous conseille la lecture du chapitre trois (que je n’aurais jamais pu écouter en version audio), pour comprendre l’horreur et l’étendue du sacrifice de Rafael.

EXTRAITS :

[…] la plupart des gens qu’il croisait à Big Dry Lake n’avaient ni le nez ni les yeux qui coulaient, ils n’avaient pas d’allergies visibles, ils n’éternuaient ou ne toussaient pas constamment, et ils ne semblaient pas bourrés. La plupart d’entre eux avaient un boulot. Et ils ne vivaient pas ici, ici, dans cet endroit qui s’appelait Morgantown. Et la plupart savaient,  ou croyaient savoir, de quoi serait fait leur avenir. Pour la première fois, Rafael prenait conscience de tout cela. Il sentait maintenant qu’il contrôlait enfin sa vie, et même sa propre mort. Il en éprouvait un immense soulagement.

Hélène

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Rafael, derniers jours,

90 pages

10/18 (3 mai 2005)

7€

Gregory Mcdonald (Auteur),

Jean-François Merle (Traduction)

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