Les garçons de Radio Elvis reviennent ! En 2016, le premier album de Radio Elvis, Les conquêtes, paraissait sur Le Label (PIAS). Après plus de 250 concerts, le trio parisien sort aujourd’hui son 2e opus intitulé Ces garçons-là. Un album aux thématiques plus intimes, dont la chanson titre renvoie à l’« histoire » des membres du groupe.

L’histoire de Radio Elvis est assez mouvementée. Son fondateur, le chanteur Pierre Guénard, a commencé la musique en tant qu’artiste de slam à Parthenay dans son Poitou natal, faisant même des premières parties de Grand Corps Malade. C’est en 2009, après son déménagement à Paris, qu’il commence à écrire ses premiers textes sous le nom de Radio Elvis. Mais après un départ en solo sous ce même nom, il s’associe au batteur et claviériste Colin Russeil, ancien camarade de lycée, avec lequel il pose les premières bases de son groupe en 2013. La même année voit la sortie de leur premier EP  Juste avant la ruée, suivi en 2015 d’un autre intitulé Les moissons pour lequel ils ont été rejoints par Manu Ralambo, bassiste et claviériste. Une fois le groupe au complet, ils enregistrent leur premier album Les conquêtes, qui leur vaut un grand succès et leur permet même, en 2017, de remporter une Victoire de la musique dans la catégorie « album révélation ». Aujourd’hui, ils nous dévoilent Ces garçons-là, enregistré au Manoir de Léon dans les Landes et réalisé par Pierrick Devin.

Musicalement, le premier album se rapportait à des influences qui se situait, dans une certaine tradition de la chanson française. Dans Ces garçons-là, elles reflètent essentiellement l’influence de groupes anglo-saxons associés au rock et à la pop. L’instrumentation de 23 minutes, marquée notamment par les riffs et les accords énergiques du guitariste Manu Ralambo, témoigne de cette influence et rappelle certaines chansons de Police et aussi des Talking Heads. De même, sur de nombreuses chansons de cet album, la vocalité désenchantée voire désespérée de Pierre Guénard s’apparente à celle de chanteurs comme Robert Smith du groupe The Cure. Dans 23 minutes, les refrains sont également ponctués par ses brefs hurlements qui évoquent ceux de Joe Strummer des Clash, entre autres dans London’s Calling. De façon plus manifeste, la chanson Fini, fini, fini intègre des accents résolument « new wave », notamment à travers la rythmique « uptempo » de Colin Russeil à la batterie, assurant également un riff efficace au clavier et soutenu à la guitare par Manu Ralambo.

RADIO ELVIS, CES GARCONS LA
Photo: Fanny Latour-Lambert

Si ces références punk et « new wave » sont manifestes dans ces chansons, la musique de Radio Elvis paraît également s’inspirer d’autres esthétiques musicales, dont certaines sont voisines. Selon Pierre Guénard, la musique du groupe reflète également l’influence de groupes rock comme les Arctic Monkeys. C’est palpable notamment dans la chanson Selon l’inclinaison, dont le motif introductif et la rythmique assurés par Manu Ralambo et Colin Russeil, peuvent évoquer ceux de Do I Wanna Know ? des Arctic Monkeys. Mais parallèlement à cette énergie rock qui traverse leur album, le style de Radio Elvis réutilise certains éléments présents dans la pop française contemporaine. Leurs instrumentations présentent en outre des rythmiques et des sonorités synthétiques qu’ils avaient déjà commencés à exploiter sur le premier album. Dans cet opus, elles s’insèrent de façon harmonieuse mais non moins expressive, entre autres dans La sueur et le sang ou Ce qui nous fume, ceci sans pour autant prendre une place prédominante dans l’espace sonore. On remarque également une certaine dimension orchestrale sur certaines chansons, présente notamment à travers les sections de cordes intervenant dans Prières perdues et Ces garçons-là. En un sens, leur association à cet idiome pop rock peut rappeler celle présente dans certains morceaux des Rolling Stones tels qu’ As Tears Goes By et Angie (1973).

La voix de Pierre Guénard, toujours aussi lyrique et mélodieuse, permet également de relier l’esthétique du groupe à la tradition de la chanson française. Sur de nombreuses chansons de cet album, elle traduit clairement des sentiments aussi mêlés, que l’agitation, le désespoir ou le désenchantement. Mais l’artiste semble également exprimer une certaine sensualité, qui va de pair avec la thématique amoureuse présente dans cet album. Dans Bouquet d’immortelles, par exemple, sa vocalité est plus délicate et presque chuchotée, explorant également un phrasé et un registre grave qui le rapproche de chanteurs comme Alain Bashung. Hormis cette chanson, c’est peut-être Nocturama qui concentre le plus la sensualité précédemment évoquée, décrite dans ses paroles. Elle y est notamment suggérée par la montée progressive de l’intensité, tandis que ses basses synthétiques sombres et ses lents accords de piano retranscrivent de façon pertinente l’atmosphère nocturne que désigne le titre. On notera également le jeu entrecoupé du batteur qui simule les battements d’un coeur. Ces éléments permettent ainsi de la considérer comme l’une des plus fortes de l’album.

RADIO ELVIS, CES GARCONS LA
Photo: Fanny Latour-Lambert

Dans ces chansons, la portée poétique des textes, tous écrits par Pierre Guénard, est tangible et cet aspect lui permet de mieux sublimer leurs sujets. De plus, alors que Les conquêtes était davantage centré sur des thématiques liés au voyage et à l’évasion, les chansons de Ces garçons-là sont essentiellement construites des thèmes intimes. A tel point qu’elles sont mêmes décrites comme un écho à leur histoire personnelle. Mais à certains égards, les expériences de vie qu’ils décrivent dans ces chansons apparaissent comme étant également les nôtres. Ainsi, 23 minutes, la chanson ouvrant l’album, présente d’emblée un dynamisme qui traduit une urgence et une rage de vivre qui, même contenues, anime tout adolescent. Dans cette même vision, la deuxième chanson, Tout ce qui nous fume, aborde de façon romantique la fuite du temps et de la jeunesse qui guettent nos existences. Quant à la chanson New York, au goût doux amer, elle fait entendre des motifs de piano à la fois répétitifs et dynamiques qui pourraient renvoyer au paradoxe des grandes villes : la tension entre une ville en mouvement constant et le sentiment de solitude qui assaille régulièrement les citadins.Toutefois, les paroles de Pierre Guénard, dans L’éclaireur, retranscrivent également l’émerveillement. Cette, chanson fut écrite lors d’un séjour sur les côtes bretonnes et sa thématique aquatique fait presque écho aux sujets de l’album Les conquêtes.

Cet album bénéficie également d’une conclusion magistrale à travers sa chanson titre, Ces garçons-là, la première à avoir été dévoilée cet été. Le texte de ce titre s’avère d’une réelle pertinence, tant il traite avec justesse le mal être de l’adolescence et la transition parfois difficile vers l’âge adulte. Il est très probable que l’auditeur pourra se retrouver dans les descriptions de ces tranches de vies éprouvantes. A l’écoute de cette chanson, l’oscillation de l’harmonie entre majeur et mineur peut être interprétée dans ce sens comme traduisant le ressenti ambivalent du personnage par rapport à ce passé douloureux. Avec toutes ses composantes, l’instrumentation de cette chanson peut être décrite comme exprimant dans la première partie, une esthétique de l’ ambivalence (en particulier lors de l’intro) puis de l’urgence dans la deuxième partie. Le changement brusque d’atmosphères instrumentales entre les deux parties de la chanson semble aussi refléter les souvenirs du personnage à des moments décisifs de son adolescence « ordinaire », caractérisée par ses traumatismes mais débouchant également sur un début d’indépendance.

Au final, l’album Ces garçons-là s’avère captivant et confirme que les esthétiques actuelles du rock français, dont Radio Elvis contribue au développement, restent des expressions parmi les plus efficaces pour poétiser les sentiments et les moments décisifs qui jalonnent nos vies. Il en ressort des chansons à la spontanéité rafraîchissante et s’accordant aux exigences du live. Le trio devrait prochainement les livrer au public lors de leur tournée. On attend d’éventuelles dates bretonnes avec impatience…

RADIO ELVIS, CES GARCONS LA
Photo: Fanny Latour-Lambert/ Artwork: Yannick Levaillant

L’album de Radio Elvis « Ces garçons-là », sorti sur Le Label (PIAS), est disponible dès aujourd’hui dans les bacs et sur les plateformes d’écoute. Les prochaines dates de leur tournée, débutant ce jour à Paris, seront bientôt dévoilées par le groupe sur leur page Facebook : https://www.facebook.com/radioelvis/

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Pierre Kergus
Journaliste musical à Unidivers, Pierre Kergus est titulaire d'un master en Arts spécialité musicologie/recherche. Il est aussi un musicien amateur ouvert à de nombreux styles.

1 COMMENTAIRE

  1. La semaine dernière, j’ai vu le film Vie Sauvage et je l’ai beaucoup aimé.

    Pour moi, ce n’est pas un film des PERES contre les MERES mais plutôt un film HORS SYSTEME contre CONFORMISME.
    Je connais une mère qui était aussi « hors système » et qui a perdu la garde de ses enfants car un juge avait préféré le père qui s’était rapproché du système.

    Je connais aussi des couples qui s’aiment et qui s’entendent bien, et qui réfléchissent à une autre vie (moins conformiste) pour eux et pour leurs enfants…

    Je pense d’ailleurs que je vais acheter le livre « Hors Système » de Xavier Fortin et ses fils…

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