Dans l’effervescence du renouveau post-pandémique, la mode du printemps-été 2025 se libère des codes classiques pour embrasser une esthétique empreinte de liberté, d’exubérance et de confort assumé. Mais derrière cette apparente légèreté se dessinent aussi des interrogations : cette déconstruction des silhouettes et cette explosion chromatique traduisent-elles un désir de légèreté, une volonté de rompre définitivement avec le sérieux ou une manière subtile de répondre aux anxiétés contemporaines ?
Chez Valentino, Alessandro Michele, fraîchement arrivé à la tête de la maison, pousse à l’extrême le langage de la couleur. Le fuchsia électrise, l’orange brûlé intrigue, le vert lime interpelle. Ces teintes franches et sans compromis invitent le regard à s’arrêter, à questionner. Ces vêtements affirment-ils une résistance à l’uniformité qui guette notre époque ultra-numérique ? Ou simplement une audace esthétique qui refuse de s’excuser ? La collection Pavillon des Folies semble revendiquer une joie excessive, une baroque théâtralité en guise de pied de nez à la morosité.
À Milan, Armani raconte une autre histoire : celle d’une élégance redéfinie à travers l’aisance corporelle. Ses tissus fluides en mousseline de soie ne sont pas seulement beaux ; ils interrogent la définition même de ce qu’est aujourd’hui le luxe. Est-ce le confort, finalement, qui définit désormais l’élégance véritable ? Le vestiaire est dominé par des bleus brumeux, des ocres doux, des verts d’eau : une palette apaisante pour un monde qui cherche à ralentir.
Jacquemus, fidèle à son goût du contraste entre naturel et sophistication, impose une esthétique faussement décontractée. Derrière l’apparente simplicité des chemises oversized, des sandales plates et des robes en lin drapées, une vision plus complexe émerge : la désinvolture étudiée comme réponse à la rigidité des conventions sociales. Simon Porte Jacquemus interroge notre besoin paradoxal de liberté et d’appartenance, dans un décor minimaliste qui renforce le propos.
Chez Hermès, Nadège Vanhee-Cybulski continue d’explorer un environnementalisme chic. À travers des matières naturelles comme le lin, le coton bio ou le cuir végétal et des palettes monochromes apaisantes – jaune pastel, lavande, abricot doux –, la maison parisienne pose une question essentielle : peut-on concilier luxe et durabilité sans compromettre l’un ou l’autre ? Les coupes franches, l’artisanat d’excellence, et l’absence d’effet superflu font de cette collection une forme de retour à l’essence.
Mais c’est aussi chez Dries Van Noten, qui tire sa révérence avec cette dernière saison en tant que directeur créatif, que la mode se fait introspective. Dans une ambiance mélancolique mais radieuse, il juxtapose tissus précieux, broderies florales et motifs psychédéliques avec la grâce d’un alchimiste des émotions. Ses vêtements, à la fois flamboyants et pleins de retenue, semblent dire adieu à une époque en en saluant la beauté fragile.
Chanel, sous la direction de Virginie Viard, revisite le vestiaire balnéaire dans un esprit Riviera rétro. Mini-robes en tweed pastel, mailles crochetées, vestes raccourcies et tongs ornées de camélias composent un hommage discret aux archives, mais portées dans une légèreté nouvelle. La collection évoque un temps suspendu, entre vacances d’antan et élégance futuriste, un dialogue entre nostalgie et projection.
Loewe, avec Jonathan Anderson, continue de jouer sur la frontière entre sculpture et vêtement. Les silhouettes sont architecturales, parfois déroutantes, comme ces robes bustiers rigides en cuir végétal ou ces pantalons à pinces démesurées. Le corps devient terrain d’expérimentation, surface mouvante où s’expriment la tension entre structure et fluidité, entre classicisme et abstraction.
Du côté de Balenciaga, Demna renoue cette saison avec un minimalisme acéré. Exit la provocation brute des précédentes années : les coupes sont franches, les volumes amples mais maîtrisés, les teintes monochromes. Un retour au silence après le vacarme ? Ou une manière de répondre à une époque saturée d’images par la densité du vêtement lui-même ?
Chez Versace, Donatella puise dans les archives de la maison, revisitant sa collection Versus du printemps 1997. Les mini-robes métalliques, les micro-jupes taille basse et les imprimés psychédéliques évoquent une époque insouciante et ultra-glamour, pré-millénaire. Cette rétromania maîtrisée incarne une envie assumée de décadence heureuse, comme une réponse jubilatoire aux tensions du monde contemporain.
Le défilé Saint Laurent, orchestré par Anthony Vaccarello dans le cadre solennel du siège historique de la maison, marque un retour spectaculaire à la pureté des lignes. Robes longues près du corps, tailleurs noirs ultra-structurés, lunettes oversized et talons aiguille affirment une silhouette aussi impérieuse que sensuelle. Vaccarello explore ici une féminité dramatique, cinématographique, avec l’élégance de celles qui ne s’excusent de rien.
Chez Louis Vuitton, Nicolas Ghesquière transforme une fois encore le vestiaire en terrain de science-fiction urbaine. Épaules architecturales, textures métalliques, bottes galactiques, et sacs oversize tracent une silhouette futuriste, presque cyberpunk, où la femme est une exploratrice du monde et du style. La maison assume pleinement le spectaculaire, tout en restant fidèle à un artisanat de précision.
Balmain affirme quant à elle une vision engagée de la mode. Olivier Rousteing imagine une garde-robe à la fois flamboyante et durable : robes bustiers en matériaux recyclés, motifs inspirés de l’art tribal, et volumes sculpturaux. Le message est clair : le luxe de demain est éthique, sans renoncer au pouvoir d’attraction visuelle.
Chez Stella McCartney, la saison célèbre la fusion entre esthétique audacieuse et conscience environnementale. La créatrice britannique propose un vestiaire coloré, fait de soies régénérées, de viscose responsable et de denim recyclé. L’ultra-féminité est célébrée sans superflu, dans une fluidité qui parle d’équilibre et d’harmonie avec le vivant.
Schiaparelli, sous la direction de Daniel Roseberry, continue de déconstruire le luxe avec humour et audace. Les robes-sculptures en laiton doré, les corsets à œillets, les broderies surréalistes dessinent un théâtre de l’excès maîtrisé. Le corps devient territoire d’expérimentation et d’émerveillement. La maison s’impose plus que jamais comme une utopie textile entre art et mode.
La collection Miu Miu repousse les conventions : micro-short en satin froissé, tricots asymétriques, et accumulations d’éléments volontairement dissonants font de chaque silhouette une déclaration d’indépendance. Miuccia Prada orchestre ici un chaos très contrôlé, qui questionne la norme et s’adresse à une jeunesse sans filtre.
Chloé, sous la direction fraîche de Chemena Kamali, opère un retour vers une féminité bohème et solaire. Robes longues volantées, tons naturels, imprimés floraux délicats : la douceur des années 1970 est réinterprétée avec modernité. La maison retrouve ici un souffle romantique et libre, dans un esprit de sororité éthérée.
Enfin, la maison Elora, qui se distingue sur le segment du prêt-à-porter accessible, offre une collection printemps-été 2025 pensée pour la vraie vie. Silhouettes fluides, matières respirantes, coupes flatteuses : l’accent est mis sur l’élégance pratique et démocratique. Une autre manière de répondre aux attentes contemporaines : celle d’une mode incarnée, inclusive, et connectée à ses clientes.
Ce printemps-été 2025 semble marquer un tournant majeur : celui où la mode cesse d’être seulement esthétique pour devenir réflexive, invitant chacun à explorer, au-delà du vêtement, ce qu’il signifie de vivre dans notre époque complexe et ambiguë.
Le coup de coeur de notre rédaction : Chloé, sous la direction de Chemena Kamali, incarne avec le plus de justesse et de sensibilité ce désir de liberté qui traverse la mode contemporaine.
Pourquoi Chloé cette année ?
- Retour à une féminité libre et fluide :
Kamali, récemment nommée directrice artistique, revient à l’essence même de Chloé — cette allure légère, bohème, insaisissable. Les silhouettes sont aériennes, souvent amples, jouant avec la transparence et les superpositions. Il y a une volonté claire de libérer le corps, de l’habiller sans jamais l’entraver. - Une inspiration 70’s revisitée :
La collection convoque les icônes de la liberté — Jane Birkin, Lauren Hutton, les débuts de la contre-culture. Robes longues, gilets en crochet, blouses diaphanes, bottes souples : tout évoque un esprit de voyage, d’indépendance, de naturel assumé. - Des vêtements pour vivre, pas pour s’exhiber :
Dans un contexte où l’ultra-sexy et le retour du corset dominent encore chez certaines maisons, Chloé prend le contrepied. La maison refuse la contrainte comme la provocation facile. C’est une liberté sereine, intérieure, mature — pas une posture marketing. - Un casting inclusif, une attitude naturelle :
Le défilé lui-même célébrait la diversité des âges, des corps, des origines. On y voyait des femmes qui semblent penser, rêver, aimer, marcher dans le vent… et pas seulement défiler. Cela renforce ce sentiment d’authenticité. - Une liberté enracinée dans l’écologie :
Chloé, certifiée B Corp, continue de défendre une mode plus responsable. Le désir de liberté passe aussi par celui de respecter la planète, de sortir des logiques toxiques de surproduction. Cette cohérence renforce le propos esthétique.
Présentation par maison :
Valentino – Pavillon des Folies
Alessandro Michele, pour sa première collection chez Valentino, a présenté une série de silhouettes audacieuses mêlant exubérance théâtrale et détails baroques. Les couleurs vives et les volumes généreux illustrent une volonté de rompre avec la sobriété, offrant une vision festive et débridée de la mode estivale.
Giorgio Armani – Printemps-Été 2025
Giorgio Armani a dévoilé une collection empreinte de fluidité et de légèreté, mettant en avant des tissus soyeux et des coupes épurées. Les teintes naturelles et les silhouettes aériennes traduisent une élégance intemporelle, fidèle à l’esthétique de la maison.
Jacquemus – Printemps-Été 2025
Simon Porte Jacquemus a présenté sa collection dans l’intimité d’un appartement parisien, offrant une atmosphère chaleureuse et personnelle. Les pièces, alliant simplicité et sophistication, jouent sur des volumes généreux et des détails subtils, reflétant une approche décontractée mais raffinée de la mode estivale.
Hermès – Printemps-Été 2025
La collection Hermès, fidèle à son héritage artisanal, met en avant des matières nobles et des coupes précises. Les nuances douces et les silhouettes épurées expriment une élégance discrète, soulignant le savoir-faire exceptionnel de la maison.
Chanel – Collection Croisière Riviera
Virginie Viard explore la Dolce Vita avec une collection inspirée du littoral méditerranéen. Les tweeds pastel, les motifs marins stylisés et les accessoires ludiques revisitent le classicisme de la maison avec une fraîcheur estivale.
Dries Van Noten – Ultima Lux
Pour sa dernière saison, le créateur belge offre une partition onirique et florale. Les motifs se superposent, les textures s’entrechoquent dans un raffinement maîtrisé. Une apothéose mélancolique et somptueuse.
Loewe – Printemps-Été 2025
Jonathan Anderson signe une collection conceptuelle à la lisière de l’objet d’art. Les matières techniques croisent le cuir, les coupes sculpturales flirtent avec l’abstraction. Une mode cérébrale, toujours surprenante.
Balenciaga – Épure radicale
Demna adopte une sobriété presque monacale : trenchs géométriques, tailleurs noirs aux proportions surdimensionnées, silhouettes droites comme tracées au scalpel. Une esthétique introspective, en rupture avec la frénésie visuelle passée.
Versace – Renaissance 1997
Donatella Versace revisite la collection Versus de 1997 dans une version actualisée pour 2025. Paillettes, découpes, jupes taille basse et imprimés ondulants : l’esthétique est radicalement festive et provocante. La maison signe une ode à l’insouciance et à la jeunesse, entre héritage Y2K et séduction assumée.
Saint Laurent – Retour aux Sources
Anthony Vaccarello orchestre un retour magistral au siège historique de Saint Laurent pour un défilé crépusculaire. Robes longues et austères, tailleurs ultra-géométriques et cuirs sombres composent une féminité affirmée et mystique. L’épure extrême devient ici langage de pouvoir.
Louis Vuitton – Futur & Formes
Nicolas Ghesquière continue d’explorer les intersections entre artisanat et science-fiction. Manteaux rigides, textures métalliques, sacs sculpturaux : chaque silhouette semble prête pour un monde post-moderne. Vuitton mise sur l’évasion par le style, l’invention par la coupe.
Balmain – Engagement & Splendeur
Olivier Rousteing allie luxe et militantisme dans une collection pensée pour le long terme. Matières recyclées, broderies riches et silhouettes monumentales composent un manifeste pour une haute couture responsable et flamboyante. L’armure devient manifeste.
Stella McCartney – Beauté éthique
La créatrice britannique poursuit sa quête d’un luxe respectueux de la planète. Robes fluides, ensembles asymétriques et imprimés vibrants incarnent une sensualité douce et affirmée. Les tissus biologiques et technologiques se mêlent pour célébrer un féminisme durable.
Schiaparelli – Ornements et Surréalisme
Daniel Roseberry explore les limites du portables avec ses bijoux-structures, ses robes anatomiques et ses détails dorés en trompe-l’œil. La mode devient langage, sculpture, manifeste. Schiaparelli s’impose comme le théâtre baroque du XXIe siècle.
Miu Miu – Chaos et Charme
Miuccia Prada s’amuse à casser les codes du bon goût. Superpositions étranges, couleurs mal assorties, finitions volontairement bâclées : la collection cultive le malaise chic et la dissonance stylée. Une provocation douce, mais lucide.
Chloé – Lumière bohème
Chemena Kamali insuffle une énergie nouvelle à Chloé. Robes longues, transparences, volants flottants et palette de terre : la féminité se veut ici solaire, éthérée, et libre. Un retour aux origines hippie-chic de la maison, réactualisé pour l’an 2025.
Elora – Élégance du quotidien
La marque française de prêt-à-porter démocratique propose une collection pensée pour les femmes actives, modernes et multiples. Silhouettes confortables, coupes flatteuses, imprimés doux : Elora allie accessibilité et raffinement dans un esprit inclusif.