Rennes d’hier, aujourd’hui : les Portes Mordelaises. Le paysage urbain de la capitale bretonne évolue sans cesse. Aujourd’hui, zoom sur les Portes Mordelaises, un ensemble architectural militaire médiéval qui a traversé les siècles depuis la fondation de la capitale bretonne ou ce que dit un des plus anciens vestiges de la ville sur son histoire. Une nouvelle étape dans la restauration se profile mercredi 28 juillet 2021. La phase 1 de la pose du pont-levis débutera à partir de 8 h 30.

En cours de restauration depuis plusieurs mois, les barrières tombent peu à peu et révèlent le résultat de longs mois de travail. Nombre de nouveaux et nouvelles arrivant.e.s n’ont pas eu l’occasion de découvrir pleinement les Portes Mordelaises, la porte d’entrée antique de la ville, mais ça ne saurait tarder… Mercredi 28 juillet 2021, à partir de 8 h30, l’armature métallique du pont-levis de la porte Mordelaise, sur le site des Jardins des remparts par l’entreprise Creze (ferronerie).

La ou les Portes Mordelaises ? Les deux se disent. Une seule porte est encore sur pied, une seconde était érigée, mais a complètement disparu. Le nom est une référence à la route qui rejoignait la première paroisse rencontrée en partant de l’Ouest de la ville, la commune actuelle de Mordelles, fief important dès le XIe siècle.

portes mordelaises rennes
Fenaut Désiré (8 septembre 1832 – 1909) (Photographe ; D’après), 1885, Rennes. Il s’agit d’un retirage plus récent dont on ne connait pas la date (sans doute 1930 ca). Musée de Bretagne, Collection Arts graphiques

Arrivé en bas de la place des Lices, prendre rue des Portes Mordelaises et suivre le chemin pour une promenade dans l’histoire rennaise. D’abord, traverser ce qui était à l’origine un pont-levis à potence et contrepoids et s’arrêter quelques secondes pour admirer l’architecture médiévale construite sur des bases antiques. Il n’y a pas si longtemps il était possible d’observer le résultat des fouilles préventives lancées par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), la Ville et la direction des affaires culturelles de Bretagne de 2012 à 2016.

Dirigé par l’archéologue Elen Esnault, le chantier a déterré leur histoire. Cette étude intégrale de l’entrée de ville a permis de comprendre l’évolution de ces constructions emblématiques de Condate, ville romaine de Rennes, au fil des siècles. Des vestiges de murs par-ci par-là étaient difficilement identifiables pour un public non averti, mais tout de même un bout de passé dans le présent. Ce qu’il reste d’une architecture ancienne, reflet d’une époque révolue.

Ensuite, passer cette imposante porte, le châtelet à deux tours du XVe siècle couronné sur mâchicoulis 1. Après le passage voûté, anciennement clos par une herse 2, rejoindre la place de la Cathédrale Saint-Pierre. Dans la deuxième partie de la rue, quelques commerces cohabitent dans un paysage urbain caractéristique du vieux Rennes.

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Traduction de la pierre : À l’empereur César / Marc-Antoine / Gordien pieux / heureux, auguste, le plus grand pontife, revêtu de la puissance tribunicienne / Consul, l’ordre (décurional) des Riedones.

Comment se fabrique une ville ? De quelle manière se construit son identité ? Le visage d’hier construit l’identité d’aujourd’hui et les Portes Mordelaises sont de ces constructions qui ont traversé le temps et l’histoire de la capitale bretonne.

Pour raconter cette histoire, il faut remonter il y a près de 2000 ans. Situé à 900 mètres du confluent de l’Ille et la Vilaine, Condate – devenue Civitas Riedonum au Bas-Empire – est dotée d’un rempart dès la fin du IIIe siècle (280-310). Les archéologues du XIXe siècle évoquent alors quatre portes pour la cité bretonne. Les fouilles successives ont attesté du rôle de la Porte Mordelaise : elle fut une des quatre portes cardinales de la première enceinte autour de la ville antique, soit un des axes principaux pour accéder à la ville – les trois autres seraient situées sur l’emplacement de la porte Saint-Michel (ou Chastelière), la porte Baudrière (au sud-est de l’enceinte près du carrefour des rues de Rohan et Beau-manoir) et la porte Aivière (en bas de la rue Le Bouteiller près de la chapelle Saint-Yves).

La construction de ce rempart représente le premier changement majeur depuis la création de la ville au début de l’ère. Et pendant quinze siècles, cette zone va délimiter le noyau historique de la ville où sont installés les pouvoirs politiques et religieux.

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Les remparts formaient un plan pentagonal irrégulier en angles arrondis avec un périmètre d’environ 1200 met une superficie intérieure légèrement inférieure à 9 m. Dessin de Véronique Bardel : Condate au Bas-Empire, depuis le Sud.

Fortifications militaires et lieu de sacre des ducs au XVe siècle

Pendant longtemps, peu d’informations archéologiques permettent de relater l’évolution de la fortification antique entre le Ve et le XVe siècle avec précision, hormis l’adaptation des défenses pendant le XIe siècle. Il faut attendre le XIIIe s. pour connaître une restructuration complète de l’entrée, mais l’aménagement n’est pas pour autant terminé. On assiste à la construction d’une défense avancée à partir du XIVe s.

En 2018, de nouvelles données sont récoltées. On souligne la présence d’une maison des Templiers, la seule existant à Rennes, datée entre 1260-1290 au radiocarbone. À l’aube du XVe siècle, « quelques années avant d’imaginer la reprise complète des fortifications, on adapte un ouvrage préexistant nommé le donjon », décrit l’archéologue Elen Esnault.

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L’architecture actuelle date de cette période. « Lorsqu’on construit le châtelet au milieu du XVe s., ce dernier est exclusivement lié à la défense » (source). Le duc Jean V de Bretagne (1399 -1442) édifie une troisième enceinte afin de protéger la Ville Neuve à l’est de la Vieille Cité. Les murailles de la Vieille Cité font l’objet de travaux importants, notamment les Portes Mordelaises situées sur le tracé de la muraille antique. Restaurées à partir de 1418 pour servir de résidence aux gouverneurs de la ville, un programme de reconstruction est également lancé de 1442 à 1452 et de 1486 à 1487.

Entre 1449 et 1476, la ville fortifiée s’étend de nouveau grâce à l’édification d’une troisième enceinte encerclant la « nouvelle ville » au sud de la Vilaine, autour du couvent des Carmes. Lorsque Rennes dote toutes ses portes de boulevards d’artillerie en 1464, afin de renforcer la protection des fortifications, les Portes Mordelaises sont déjà pourvues d’une défense avancée. Cependant, la construction d’une barbacane en forme de fer à cheval avec trois niveaux de canonnières et casemates permet de contenir un attaquant en protégeant la porte principale des assauts directs. À la fin du XVe s., ces nouvelles fortifications entourent pas moins de 62 hectares.

Parallèlement, la ville prend un nouvel essor en devenant le lieu de sacre des ducs. Emblématique au niveau architectural, la porte Mordelaise est également un symbole du pouvoir ducal et de la Bretagne. La veille de leur couronnement, les futur.es ducs ou duchesses de Bretagne procèdent à une cérémonie avant intronisation très codifiée. Accompagné.es de leur escorte, ils prêtent serment de défendre les libertés de la Bretagne devant une porte symboliquement fermée avant d’entrer dans la ville pour une nuit de prières à la Cathédrale Saint-Pierre. Tel est le schéma opéré par Anne de Bretagne, couronnée en 1489.

Siège des événements marquants et grands rites nommé parfois porte royale, ducale ou épiscopale, les Portes Mordelaises gardent une place à part en tant qu’entrée principale de la ville. Les nouveaux évêques et les souverains en visite empruntent le même parcours en direction de la cathédrale. C’est également le chemin que la duchesse et Charles VIII prennent pour leurs fiançailles en novembre 1491, au couvent des Jacobins.

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Musée de Bretagne, Collection Arts graphiques

Du XVIe à aujourd’hui : Appartements, prison et monument historique

Après avoir servi de résidence pour les gouverneurs de la ville jusqu’à la fin du XVIe siècle, elles servent aux réunions de la communauté de la ville. Dès 1602, Henri IV (1553-1910) ordonne le démantèlement des tours et des portes, mais les Portes Mordelaises, devenue la demeure du capitaine, sont épargnées. À partir de 1636, Louis XIII (1600-1643) autorise la vente des fossés, bastions et remparts. Vendues à des particuliers en 1694, les douves entre les Portes Mordelaises et la tour Duchesne sont rapidement urbanisées.

Après l’incendie de 1720, les portes sert d’appartements jusqu’au XIXe siècle. Elles abritent ensuite des services et des personnes jusqu’au début des années 1980. En 1793, après la Révolution française, elles deviennent une prison et prennent le nom de « porte Marat », mais reprend rapidement son nom initial.

Le 11 juin 1926, elles sont inscrites aux monuments historiques avant de devenir la propriété de la ville en 1970.

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Du Vivier Louis (Dessinateur, Peintre, Photographe), fin 19e siècle/Début 20e siècle, Rennes – Musée de Bretagne, Collection Arts graphiques

Les Portes Mordelaises, la Tour Duchesne et un tronçon entre le haut des Lices et la rue Rallier du Baty demeurent les seuls vestiges importants qui subsistent aujourd’hui de cette histoire de la ville.

L’année 2021 marque la fin de la restauration de l’ensemble des vestiges et les façades des tours des portes Mordelaises. Des fouilles archéologiques complémentaires menées par l’Inrap en septembre 2019 sur le parvis des portes Mordelaises ont fait évoluer le projet de pont-levis originel, qui sera prochainement posé.

La passerelle sera finalisée au mois d’août par la fixation du platelage, permettant de rétablir la continuité de la rue des portes Mordelaises sous le porche des tours. Cet accès ne sera rouvert qu’à l’automne 2021, une fois finalisés l’ensemble des aménagements et les vérifications, et contrôles techniques réalisés et validés.

1 Galerie en encorbellement au sommet des murailles médiévales et dont le plancher ajouré permettait de laisser tomber des projectiles pour battre le pied des murs.
2 Grille de fermeture de porte.

SOURCES :
Notices archéologiques d’Elen d’Esnault en ligne
Histoire de Rennes. Michel Denis, Alain Croix et Gauthier Aubert. Edition Apogée, 2010.

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