Qui mieux que Pierre Tanguy nous dit aujourd’hui l’ordre des choses et des jours, les rêves des hommes et des femmes ? Il y a chez lui cette simplicité, cette humanité qui se font découverte, émerveillement, plaisir. Il nous réapprend à toucher, voir, sentir, écouter ce qui nous entoure et goûter aux saisons dans ce qu’elles apportent de différences, d’empreintes anciennes et nouvelles. La tentation est toujours très forte de marcher à sa suite. De regarder les arcs-en-ciel additionner leurs couleurs, d’entendre le pépiement des oiseaux suspendu au bruit de nos pas et de guetter avec lui les silences. Tout est vie chez Pierre Tanguy. Les arbres, les chemins, la mer, le temps, le vent, les pierres. Tout prend racine, renaît, se redessine, s’agrandit et se réveille, rien n’est jamais perdu, ni oublié.

Voilà les quelques lignes que j’écrivais dans la revue Europe pour saluer son précédent recueil*.

Côte des légendes

pierre tanguy

Ces phrases, je pourrais les reprendre intégralement pour son nouveau recueil qui paraît aujourd’hui aux éditions rennaises La Part Commune. Pierre a publié l’essentiel de sa poésie dans cette maison ce qui ne l’empêche pas d’effectuer quelques excursions chez des éditeurs amis** ou des bifurcations vers des essais dont le dernier, remarquable, sur Xavier Grall***. Il y a quelques mois, il réunissait ses chroniques littéraires dans un premier volume aux éditions Sauvages**** et un second est, semble-t-il, en préparation. Pierre est là attentif aux autres et généreux dans ses mots, il sait avec ceux qu’il lit multiplier les regards sur les gens et sur le monde, une manière de poursuivre sa route et de partager ces petits bonheurs ensemble. Mais l’essentiel pour lui est encore et toujours poésie.

pierre tanguy

« Terres natales »*****, son nouvel ouvrage est de cette même haute tenue. Certes, chacun à un moment de sa vie revient vers les choses anciennes, cachées, ces moments privilégiés où nous grandissons sans toujours le savoir, où nous apprenons à conjuguer passé, présent et futur. Pierre Tanguy retourne donc sur ses pas, avec cette émotion légère qui le caractérise et marque toujours son écriture. Nous sommes lui et moi des enfants d’après-guerre et ces images, ces silhouettes sont aussi les miennes. Je vois avec lui ma grand-mère mettre sa coiffe des dimanches, la plus belle, je nous vois jouer sur les talus de nos arcs tendus de ficelle, guetter les soirs d’été au bord de la route les rares voitures à passer. Ce n’était pas dans le Léon mais pendant les vacances à Saint Nicolas du Pelem et c’était pareil, il suffisait d’échanger mer et rivière. Un temps d’avant la télévision où il écoutait comme tout footballeur en herbe , j’en suis certain, sur le poste radiophonique la demi-finale de coupe du monde France-Brésil en 1958 où Piantoni, Kopa et Fontaine donnaient la réplique à Pelé.

terres natales pierre tanguy

Oui, nous plongeons avec « terres natales » dans le passé. Nous avons bien sûr chacun le nôtre et celui de Pierre Tanguy commence sur le tableau noir, chaque matin, par « Dieu seul » écrit « par un homme en soutane ». C’est la première fois à mon sens que ce Dieu est si présent dans les écrits de Pierre Tanguy. Non seulement dans ce chapitre qui en porte le nom mais ailleurs aussi, lorsque les enfants meurent et deviennent des anges, quand il raconte des « histoires sombres », ou encore avec les mandarines à la crèche de Noël. Il nous dit plus loin « tout s’oubliera ». La lavandière, le crieur public, le rémouleur, oui, sans doute. Et le vendeur de châtaignes, et la fête foraine, et les talus couverts de primevères ? Je n’y crois pas une seconde et je veux bien là le prendre au mot et déjà lui donner rendez-vous. Nous écrirons ensemble « demain » à l’encre violette et à la plume comme il se doit.
Tout l’art de Pierre Tanguy réside dans la capture de cet ordinaire du monde et de la vie pour mieux les partager. Qu’il se fasse accompagner des peintures de Cécile Holdban est un bonheur en plus.

cecile a holdban

Cécile a Holdban

Terres natales, Pierre Tanguy, Cécile A. Holdban (Illustrateur), mars 2022, 104 pages, 13,00 €

Notes

[*] Pierre Tanguy « La cueillette des mûres », Editions La Part Commune (2021), 13€, et pour l’article, Revue Europe, juin 2021, pp 330-332

[**] Cf pour un ouvrage récent « Comme un bouquet de fleurs mouillées », éditions Des sources et des livres, 2019

[***] Ici commence la musique du monde, Sur les pas de Xavier Grall, peintures Rachel La Prairie, éditions L’enfance des arbres, 2021, 150 pages

[****] Poètes en Bretagne, Lectures choisies, éditions Sauvages, 2021, 245 pages, 15€ [1] Terres natales avec des peintures de Cécile A.Holdban, éditions La Part Commune, 2022, 100 pages, 13€

[*****] Une allusion à son livre « Débordement sur l’aile et tir dans la lucarne », éditions La Part Commune, 2013, 112 pages, 13€


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Jean-Louis Coatrieux
Jean-Louis Coatrieux est spécialiste de l’imagerie numérique médicale, écrivain et essayiste. Il a publié de nombreux ouvrages, notamment aux éditions La Part Commune et Riveneuve éditions.

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