Pierre Mezeix expose les Os Invisiveis, les invisibles en portugais. Ils désignent au Brésil les oubliés, SDF et autres habitants des favelas (bidonvilles). Pierre Mezeix, photographe et doctorant en physique des matériaux à l’université de Rennes 1, a décidé de les rendre visibles. On le sait : au Brésil il n’y a pas que le foot, le carnaval et de sublimes femmes en string sur la plage.

 

pierre mezeixNé dans les Côtes-d’Armor, Pierre Mezeix s’est installé à Rennes où il poursuit une thèse en science des matériaux à l’université de Rennes 1. Depuis plusieurs années, ce passionné de photo prend des clichés sans autre ambition que de se faire plaisir. Mais, il y a quelques mois, un voyage au Brésil (notamment à Rio et São Paulo) change la donne : en visitant São Paulo pour y photographier les monuments célèbres de la ville, il est frappé par le dénuement et la solitude des nombreux sans-abris. Il oublie alors un moment son objectif et part à la rencontre de ces exclus. Il fait connaissance et, dans un portugais quelque peu bancal, converse avec eux avant de les photographier. D’invisibles, il compte bien les rendre visibles : ils seront l’objet de sa première exposition de photos à Rennes, à l’atelier de l’artiste.

São Paulo est la plus grande ville du Brésil avec plus de 11 millions d’habitants, c’est aussi la capitale économique (la capitale du pays étant Brasilia) qui cristallise la permanence des inégalités sociales. L’extrême richesse côtoie l’extrême pauvreté ; les favelas, les immeubles ultramodernes. Et si la pauvreté existe et perdure depuis longtemps, les « mégaévénements » que sont la coupe du monde de football (2014) ou les Jeux Olympiques (2016) n’arrangent rien à la situation des plus défavorisés. Pourquoi ?

pierre meneixEntre la coupe du Monde (2014) et les JO d’été de 2016, tous les travaux (infrastructure) devraient coûter, selon le gouvernement et les industriels, plus de 16 milliards d’euros pour les deux événements sportifs réunis (voire le double selon certaines sources). Mais les retombées économiques ne sont-elles pas de nature à améliorer les conditions économiques de tous ? Il n’en est rien et en réalité, les maires souhaitent « naturellement » donner une bonne image de leur ville respective aux nombreux touristes qui arrivent en masse et tentent depuis des années de supprimer les favelas et, sans éradiquer la pauvreté, souhaitent au moins l’éloigner des centres névralgiques, balayer la poussière en la poussant sous le tapis…
pierre meneixQue ce soit à São Paulo ou à Rio de Janeiro, les autorités construisent des voies express ; à Rio, on réalise des travaux autour du stade Maracana, on modernise la zone portuaire ou on aménage les abords du futur parc olympique – ce qui a d’ores et déjà entraîné plusieurs milliers d’expulsions forcées. Principales victimes, les populations vivant dans certains favelas et quartiers informels de la ville. Des associations se forment, les habitants résistent mais c’est pot de terre contre pot de fer et certains habitants voient leur maison rasée du jour au lendemain sans concertation préalable. Une situation dénoncée non seulement par Amnesty International mais par les hauts-représentants de l’ONU. Au cœur du scandale notamment : Vila Autodromo à Rio en bordure du lac de Jacarepagua à l’ouest de la ville. De l’autre côté de la lagune, les habitants aperçoivent le parc des athlètes en construction. Et au loin, les immeubles des classes aisées.

Selon les propres chiffres fournis par les autorités municipales, plus de 19 000 familles, soit près de 100 000 personnes, ont déjà été déplacées depuis octobre 2009, explique Renata Neder, responsable du dossier au sein du bureau d’Amnesty International, à Rio de Janeiro. Et, pour une grande partie d’entre elles, leurs droits les plus élémentaires ont été violés.

Interrogé par Amnesty International, Eliomar Coelho, conseiller municipal à Rio depuis plus de vingt ans, confirme :

Le maire actuel (nda:Eduardo Paes) administre la ville comme si c’était une entreprise, déplore-t-il. Avec un seul objectif : nettoyer Rio de ses pauvres et la transformer en une cité pour les élites. En se servant de l’accueil des mégaévénements pour justifier les expulsions de milliers de cariocas pauvres.

À quelques mois des Jeux olympiques d’été, Pierre Mezeix a donc voulu exposer cette tragique situation. D’ailleurs, les bénéfices des ventes des photos seront reversés à des associations caritatives brésiliennes qui viennent en aide aux plus démunis de São Paulo, pour ce faire il a exposé son projet sur la plate-forme de financement participatif ulule sur laquelle vous pouvez ululer pendant un mois encore. Il exposera dans un premier temps au café l’atelier de l’artiste puis, en mars 2016 au bar le Chantier et enfin au CROUS.

https://www.youtube.com/watch?v=StePPhM7qnw

https://www.youtube.com/watch?v=aWRRUFhQl9g

 

Pierre Mezeix, associations Reintegra Turma da Sopa et Rede Rua, vernissage le 8 décembre à l’Atelier de l’artiste

Photos : Pierre Mezeix. Quartier Catedral Metropolitana, São Paulo

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