En réunissant une sélection de photos de sa compagne Monique, le photographe malouin, Yves Trémorin nous livre un magnifique témoignage d’amour. Dans des noirs et blancs somptueux.

monica yves tremorrin

C’est beau une planche contact. Cela raconte une histoire, un moment privilégié d’où l’on extrait un soixantième de seconde pour se rappeler, se souvenir d’une minute, d’une heure, d’une journée, d’une année. Ainsi s’ouvre Monica en pages intérieures. Ces bandes Kodak montrent un profil qui se modifie de seconde en seconde, un bras qui bouge peu à peu sur une poitrine qui se dénude. Le photographe est là derrière l’objectif, il regarde silencieux ou demande une pose. On sent alors de suite la complicité qui réunit les deux acteurs, complicité trop voyante pour ne pas être amoureuse. Monica est un livre d’amour, un amour qui respire à chaque page, un livre de souvenirs qui reprend partiellement par chapitres des séries photographiques inédites ou déjà parues, entre 1977 et 1992, aux noms évocateurs : « La Chambre Close », « Les Amants Magnifiques » ou encore « Dimanche ».

Cela fait plus de quarante ans que Monique et Yves Trémorin s’aiment et se regardent de chaque côté de l’objectif. Pourtant Monique ferme souvent les yeux sur les tirages, non pas de jouissance ou de plaisir mais plutôt comme enfouie dans un bien être ensoleillé, quand la lumière du jour qui chauffe la peau, en montre la finesse, le grain, la sensualité.

Les photos de Trémorin travaillées, abandonnées par une technique maîtrisée mais vite oubliée, sont avant tout un dialogue, une respiration commune. L’opposé de Jean Loup Sieff. Monica ne pose pas, elle est. Elle est quand elle fixe l’objectif sérieuse ou rieuse. Elle est quand son corps se blottit dans les bras de son amant ou qu’elle confie son visage entre ses mains. Elle est par une présence solaire qui l’éloigne du statut de mannequin. Pas de mise en scène sophistiquée, même s’il s’agit toujours de séances de pose soigneusement préparées. La prise de vue, avec un objectif proche de la vision humaine, est minutieuse, presque chirurgicale, tant par l’utilisation de la lumière que dans le cadrage millimétré. La texture d’un chemisier, la lumière naturelle sur une mèche de cheveux, une herbe floue sur la grève suffisent comme cadre.

« Je décide qu’il est inutile d’aller loin et que tout est à portée de main », Yves trÉMORIN.

monique editions lamaindonne
© Yves Trémorin

Cette matière saisie par le grain de la pellicule se retrouve dans l’ouvrage chapitré en cahiers qui font se succéder des prises de vue préparatoires et des séries constituées, elles mêmes différenciées par des papiers, des tirages magnifiques qui vont du contraste fort et brillant au dégradé mat et doux. Cette alternance qui rythme les cycles, les âges, raconte ainsi une histoire dont on comble nous même les interstices. On scrute la jeunesse, la maturité non pas dans une ride, mais dans le regard, le sourire. On regarde croître la maturité d’une relation. Spectateur admiratif mais jamais voyeur, on est associé par l’image à cette maturation avec une proximité qu’accroît le format réduit du livre qui ressemble un peu à un album de famille posé sur la table du salon ou dans l’armoire, que l’on reprend par nostalgie de temps à autre.

Sur la première photo du livre, Monique a dix sept ans. Elle regarde l’objectif comme si elle cherchait à donner au photographe ce qu’elle a de plus profond. Sur la dernière photo, on ne découvre qu’une fraction infime de son visage posant ses lèvres sur un morceau de peau. Comme le passage du général à l’intime. Comme la persistance d’un formidable amour.

Monica de Yves Trémorin. Éditions Lamaindonne. Format 20 x 24 cm. 80 photographies en bichromie. 124 pages. Prix : 35€.

Eric Rubert
Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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