Plongeant le visiteur dans un dialogue captivant entre deux monuments de la modernité, l’exposition “Picasso et Maillol, un face-à-face inattendu” déploie au musée Hyacinthe Rigaud une mise en regard subtile et stimulante, du 28 juin au 31 décembre 2025. Par-delà le simple confrontationnisme, elle tisse des passerelles esthétiques et conceptuelles entre l’œuvre de Picasso et celle de Maillol, révélant des convergences insoupçonnées au cœur de leurs recherches formelles et plastiques .
Revisiter le classique par le prisme de l’innovation
Au premier regard, Maillol incarne un retour à un classicisme épuré : sa Méditerranée (1905) impose, par la pureté de ses volumes et la sérénité de son équilibre, l’idée d’une beauté parfaitement harmonieuse, mémoire d’un idéal antique retrouvé . Picasso, quant à lui, apparaît souvent comme le démiurge du bouleversement, de la déconstruction formelle : et pourtant, dans Femmes devant la mer (1956), toile tardive et moins anguleuse que ses cubismes, transparaît un élan vers la monumentalité rassurante d’une figure féminine en symbiose avec un horizon apaisé .
L’exposition joue de ces correspondances : la verticalité stoïque de la grande femme de Maillol fait écho aux silhouettes féminines de Picasso, tandis que la souplesse linéaire du peintre espagnol rappelle la préciosité de l’usinage des formes chez le sculpteur catalan.

Un dialogue architecturé par Mies van der Rohe
Point d’orgue de la scénographie : l’évocation du Museum for a Small City, projet imaginé par Ludwig Mies van der Rohe en 1943 pour l’Architectural Forum. En abolissant les cloisonnements traditionnels, Mies institue un espace fluide où les œuvres, quelle que soit leur époque de création, conversent librement. Cette proposition spatiale est reprise en ses termes par les commissaires : accueillir Maillol et Picasso côte à côte, non pour les opposer, mais pour en révéler l’unité de modernité .
Au sein des salles, l’absence presque totale de barrières et l’éclairage tamisé placent le visiteur en contact direct avec les œuvres, comme invité à éprouver intuitivement les affinités secrètes entre un bronze millimétré et un tableau aux teintes évanescentes.

Convergences techniques et inspirations partagées
Chacun des deux maîtres a exploré la taille du bois : Maillol trouve dans le geste direct la force de ses silhouettes, Picasso y puise un rapport primitif à la matière, influencé par le primitivisme et la découverte de l’œuvre de Gauguin . Le visiteur pourra ainsi comparer côte à côte la Danseuse de Maillol (v. 1895) à l’une des rares sculptures en bois de Picasso, et mesurer comment l’absence de recherche d’épaisseur superflue conduit, dans les deux cas, à une expressivité maximale.
Plus tard, la gravure et la peinture sur toile deviennent des terrains de passage : on relèvera, par exemple, dans Femmes à la fontaine (1921) de Picasso, une réminiscence de la tonicité classique propre à Maillol, dont l’atelier d’entrainement aux formes pures n’est jamais très loin, même dans les audaces cubistes .
Une immersion sensorielle et intellectuelle
L’accrochage rythmé par des légendes précises invite à des lectures croisées : dates, lieux de création, références aux séjours de Picasso à Perpignan (1953–1955) face aux retours annuels de Maillol dans son Roussillon natal. Des clichés d’archives (Raymond Fabre photographiant Picasso devant Méditerranée en 1954) font basculer l’expérience du visiteur dans l’intime, révélant l’admiration réciproque et la parenté d’émotion entre les deux artistes .
Enfin, la section consacrée aux prêts majeurs (musée d’Orsay, musée Picasso, Fondation Dina Vierny, etc.) souligne l’envergure internationale de l’entreprise et confère à cette confrontation un prestige à la hauteur de sa portée historique.
“Picasso et Maillol, un face-à-face inattendu” s’impose ainsi comme une vraie fête de la modernité, où l’on ressort avec le sentiment d’avoir effleuré, le temps d’une visite, les arcanes d’une création artistique partagée – et redécouverte. Une exposition à ne pas manquer pour saisir comment deux génies, loin de s’exclure, se répondent et se révèlent mutuellement.
Données pratiques
- Période : du 28 juin au 31 décembre 2025
- Lieu : Musée Hyacinthe Rigaud, 1 place Maurice Blandin, 25400 Pontarlier (entrée : par le jardin), accès par la D446 depuis Rennes ou bus lignes 12 et 23 (arrêt « Musée Rigaud »)
- Horaires :
- Mardi – dimanche : 10 h 00 – 18 h 00
- Nocturne le mercredi jusqu’à 20 h 00
- Fermé le lundi et les jours fériés
- Tarifs :
- Plein tarif : 12 €
- Tarif réduit (étudiants, demandeurs d’emploi, groupe > 10) : 8 €
- Gratuit pour les moins de 18 ans, bénéficiaires du RSA et détenteurs de la carte Culture
- Visites guidées (sur réservation) :
- Individuelles : mercredi et samedi à 11 h 00 et 15 h 00
- Groupes (à partir de 10 personnes) : tous les jours sur demande
- Contact et réservations :
- Tél. : 02 99 00 00 00
- mail : info@musee-rigaud.fr
- site web : www.musee-rigaud.fr/expos/picasso-maillol
- Accessibilité : entièrement accessible aux personnes à mobilité réduite, audio-guides disponibles en français et en anglais, ateliers tactiles pour déficients visuels (sur inscription)