Depuis hier soir, la France ne fait plus partie des derniers pays européens à refuser de dévoiler le patrimoine de ses ministres. La transparence arriverait-elle en France (du moins à l’échelon national) ? Pourtant, cet exercice louable et attendu a été pratiqué de diverses manières selon chacun. Ce qui ne rassure pas vraiment sur les coulisses du pouvoir…

L’argent est un sujet tabou en France. Cela n’est pas près de changer. Il aura fallu l’affaire Cahuzac et un gouvernement en pleine détresse pour réussir à  imposer aux ministres (mais non au président de la République qui lui doit néanmoins se plier à cet exercice avant l’élection) la publicité de leur patrimoine. Pour faire suite aux promesses d’une République exemplaire (leitmotiv qui revient tous les 5 ans), serait-on passé aux actes ? Depuis hier, un site regroupe les déclarations de patrimoine dans un format électronique américain, le fameux PDF.

Avant même la mise en ligne (retardée), l’une des « plus riches » ministres devançait la critique sur son patrimoine en en expliquant la provenance. Quand on travaille dans la santé et le social, cela ferait mauvais genre de payer l’ISF. Et voilà l’un des premiers écueils de l’exercice : le patrimoine a plusieurs sources, entre salaires, héritages, ventes ou prêts. L’ISF étant encore un marqueur de richesse et quatre ministres l’acquittant, serait-ce une honte pour la gauche qui fustige les riches ? Vaste débat depuis longtemps pipé et qui en devient ridicule et hypocrite.

Il est intéressant d’examiner certaines lignes, notamment celle des véhicules. Arnaud Montebourg déclare une Peugeot 407 bien française pendant que d’autres roulent en Opel ou Hyundai. Mais que dire du petit bateau de Michel Sapin, du Combi Volkswagen de Jean-Marc Ayrault ou des trois vélos revendiqués par Christiane Taubira ? Ces ajouts à la limite du ridicule sentent la marque de chargés de communication qui travaillent à tenter de gommer une image d’élus riches et distants. On regrette l’absence de la liste de biens mobiliers : chaine hifi, écran plat et vase de Tata Josette ! Et on regrettera vraiment l’absence de mention des avantages liés à la fonction. La majorité des ministres n’a aucun véhicule personnel, car ils ont un de fonction. Et puis, quid  de leurs salaires et défraiements ?

Du côté des prêts et comptes-courants, on s’étonnera de la gestion de certains compte en banque et de la valeur de certaines mensualités de remboursement. Un compte-courant à 0 ou à découvert accompagné d’une assurance vie à plus de 100 000€ – voilà qui n’est pas banal. Bercy ne manquerait pas de désapprouver  une telle gestion et, au final, cette mise en scène veut surtout suggérer que les ministres ont leur petits soucis comme tous les Français… Espérons qu’ils ne touchent pas leur salaire avec du retard… Peut-être devrait-on organiser une collecte de soutien ?

un découvert comme tout le monde
Un découvert comme tout le monde

Reste que, sans instance de contrôle indépendante (promise mais dénuée de moyens), ces affirmations riment plus avec dispositif de communication qu’avec souci de transparence. Au fait, où sont les PEA ? Où sont les jetons de présence empochés grâce aux participations à des conseils d’administration d’entreprises ? Rien. Pas la moindre trace susceptible de faire écho à tous les conflits d’intérêts qui polluent notre vie politique française.

On peut craindre que la cruelle actualité ne chasse bien vite ces déclarations faites dans l’urgence. Les députés s’y mettront bientôt, bien briefés par les conseillers en communication de leurs partis respectifs. Mais, en fait, le patrimoine et le compte en banque, ce n’est pas vraiment le problème des Français.

Ce que ces derniers aimeraient savoir des élus nationaux comme locaux, c’est combien ils possèdent avant, pendant et après leur prise de fonction. En outre, les administrés apprécieraient de pouvoir consulter les comptes d’une mairie et d’une agglomération comme on le fait avec une association ou un syndic. Ils apprécieraient que tous les comptes-rendus soient publics dans un format numérique aux données directement exploitables. Ils apprécieraient que les élus ne soient plus aux responsabilités après avoir été condamnés par la justice. Ils apprécieraient que les élus ne favorisent pas des permis de construire par intérêt personnel. Qu’ils ne confondent pas défraiements pour fonction avec sorties personnelles (ou à plusieurs). Que des maires ne décident pas de passer la rue où ils habitent en rue piétonne pour leur confort personnel ou celui d’un proche. Qu’ils fassent passer le bien-être de leurs administrés avant celui de promoteurs immobiliers. Etc.

Et puis, si les élus perçoivent ces différents obligations comme du voyeurisme à leur égard, ils n’ont qu’à faire un autre métier. Voire une autre carrière. La République y gagnerait sûrement.

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Didier Acker
didier.ackermann {@] unidivers .fr

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