Jean Bellorini et la Compagnie Air de Lune nous avaient déjà époustouflés avec Tempête sous un Crâne, adaptation des Misérables. Il semblerait que les grands textes ne fassent pas peur au metteur en scène, puisque c’est avec du Rabelais qu’il nous séduit aujourd’hui.

Ce nouveau spectacle est constitué de textes découpés et extraits majoritairement du Quart Livre. Des textes que la compagnie s’est appropriés en extrayant l’essence même, mélange d’humour et d’universalité, afin de nous en offrir une version décoiffante d’énergie.

C’est en effet dans un voyage mouvementé que le public est embarqué : de l’estomac de Pantagruel à la Dive Bouteille, en passant par la guerre contre les Andouilles ou les moutons de Panurge. Tout est bon pour activer l’imagination du spectateur, et c’est alors que les comédiens, qui sont aussi danseurs et chanteurs, montrent l’étendue de leur talent. On aime le décalage des translations en français moderne (dont Camille de la Guillonnière s’occupe, et c’est un bonheur), la scène transformée en pataugeoire ou l’on barbote et s’éclabousse même en robe de mariée, la danse, le chant, les couleurs. C’est un feu d’artifice pour les sens, et on en redemande.

S’il fallait émettre une critique, elle porterait sur la récurrence des listes, dont Rabelais était friand et qui ont

« Paroles gelées » © Polo Garat-Odessa-D.S.C.
« Paroles gelées »
© Polo Garat-Odessa-D.S.C.

été ici récupérées. Outre la première qui, bien que trop longue, est surprenante et fort bien endossée par Geoffroy Rondeau, elles alourdissent le spectacle, et même si tout est fait pour conserver notre attention, on ne prend lus garde au texte et l’on se contente d’observer. Car c’est dans ces moments-là que le jeu et la mise en scène sont les plus remarquables, créant un écart peut-être regrettable.

Cependant, ne boudons pas notre plaisir. Certes, les blagues scatologiques sont légion, mais elles ne sont en rien indigestes, car les artistes et leur bonne humeur jamais ne sombrent dans le vulgaire. On se prend à rire à gorge déployée, et c’est tant mieux. Profitons-en pour souligner le talent de François Deblock, jeune Panurge ardent qui porte le spectacle et dont le charme nous entraîne, comme une évidence, du début à la fin.

Paroles Gelées est un spectacle qui ose, un spectacle étonnant, qui doit se savoir réussi quel que soit l’art exploité mais qui semble ne pas y prendre garde. Et l’on ne peut que saluer chapeau bas ces treize artistes qui savent tout faire et nous offrent leur énergie pour mieux faire entendre le texte. Bravo.

Minyu

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Minyu
Il y a quinze ans, je suis née ; il y a neuf ans, j’ai appris à lire ; il y a quatre ans, j’ai été pour la première fois au théâtre… Ce que j’y ai découvert a changé ma vie : le bonheur que procure un bon spectacle. Comme ce jour a aussi marqué le début de ma propre sensibilité artistique, depuis, pour apaiser mon inextinguible soif d’art dramatique, j’écris. J’essaie du mieux que je peux de donner mon avis sur les pièces que je vais voir, en espérant amener ceux qui me lisent à s’y rendre eux aussi…

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