Le 8 mai 2025, le monde catholique a retenu son souffle. Le nom qui a émergé du conclave n’était pas celui d’un favori médiatique, d’un prélat romain influent ou d’un évêque de premier plan. Robert Francis Prevost, un religieux augustin discret, ancien missionnaire au Pérou et préfet du Dicastère pour les évêques, est devenu le 267e pape de l’Église catholique, sous le nom de Léon XIV. Ce choix modeste, presque silencieux, dit beaucoup de ce que l’Église traverse et de ce qu’elle espère.
Un moment singulier dans l’histoire de l’Église
L’élection de Léon XIV marque une rupture symbolique forte. Premier pape originaire des États-Unis, mais également citoyen péruvien, il incarne une Église décentrée, plus proche du Sud global que des capitales européennes. L’Amérique latine, l’Afrique et l’Asie constituent aujourd’hui les principaux viviers démographiques de la foi catholique : l’Église s’y nourrit de ferveur populaire, de pauvreté digne et de spiritualité incarnée. Premier membre de l’Ordre de Saint Augustin à monter sur le trône de Pierre depuis le XVe siècle, il redonne visibilité à une tradition monastique moins médiatique, mais théologiquement fondée sur la quête de l’unité intérieure, le dialogue entre foi et raison, et l’intelligence du cœur. Son nom, Léon XIV, s’inscrit dans une lignée de papes bâtisseurs de doctrine (Léon Ier, docteur de l’Église) et de pensée sociale (Léon XIII). Mais c’est aussi un choix de discrétion : peu d’éclat, beaucoup de profondeur.
Une spiritualité d’écoute et de proximité
Missionnaire pendant plus de quinze ans au Pérou, évêque d’un diocèse populaire (Chiclayo), Robert Prevost est un homme façonné par le quotidien des communautés pauvres, rurales ou urbaines. Là-bas, il a appris à écouter, à marcher au rythme des plus fragiles, à annoncer l’Évangile avec les mains autant qu’avec les mots. Son attachement à l’ordre augustinien l’ancre dans une spiritualité communautaire, introspective, marquée par la patience, l’attention aux blessures intérieures et la fraternité. À Rome, en tant que préfet du Dicastère pour les évêques, il s’est imposé par son sens du discernement, son autorité sans bruit, son refus des jeux de pouvoir. Son premier mot au monde, depuis la loggia de la basilique Saint-Pierre — « La paix soit avec vous » — résume toute sa théologie : celle d’un Christ qui se donne dans la simplicité, qui appelle à l’unité, non à la conquête.
Pourquoi les cardinaux ont-ils élu un outsider ?
À bien y regarder, Robert Francis Prevost n’était pas un inconnu pour le collège cardinalice. Il connaissait de nombreux évêques personnellement, les ayant accompagnés dans leur nomination. Il n’était pas un homme de médias, mais un homme de confiance. À un moment où l’Église semblait tiraillée entre rétablir une autorité doctrinale ou poursuivre les réformes pastorales de François, il représentait un équilibre apaisé. Ni révolution, ni restauration : une respiration. Il n’incarne pas une ligne idéologique, mais une fidélité. Celle à l’Évangile, à François, et aux périphéries. Dans un monde saturé d’opinions, où tout se veut polémique ou stratégique, les cardinaux ont choisi la profondeur plutôt que l’éclat, la prière plutôt que la posture.
Une Église fragmentée, un pasteur unificateur
Sur le plan sociologique, Léon XIV arrive dans un monde où les repères spirituels s’effacent, où la sécularisation gagne du terrain en Europe, tandis que d’autres continents affirment une foi vibrante, mais parfois clivée. L’Église est travaillée par des tensions fortes : culturelles, liturgiques, doctrinales. Léon XIV n’est pas un pape charismatique comme Jean-Paul II, ni un réformateur éclatant comme François. Il est un veilleur, un homme d’unité lente, qui pourrait jouer le rôle discret mais décisif d’un passeur entre deux pontificats. Il ne réglera pas tous les conflits, mais pourrait réapprendre à l’Église à se parler, à se taire, à se relever.
Un cap théologique : sobriété, dialogue, tradition vivante
Théologiquement, son profil est clair : fidélité au Concile Vatican II, réception sud-américaine de la foi, ouverture au dialogue interreligieux, respect de la tradition sans rigidité. Son ordre — les augustiniens — offre une théologie de l’intériorité, nourrie par l’expérience du péché, le besoin de grâce et la quête du vrai. Il ne vient ni imposer, ni déconstruire, mais articuler, transmettre, pacifier. On peut attendre de lui une liturgie sobre mais dense, un langage clair mais enraciné, un magistère fidèle mais hospitalier.
Léon XIV, un pape pour le temps long
Ce pontificat ne sera peut-être pas spectaculaire. Mais il pourrait être nécessaire. À l’heure où les repères se dissolvent, où les Églises locales cherchent leur souffle, Léon XIV incarne la patience du jardinier, non l’agitation du bâtisseur. Une Église qui a tant souffert — des abus, des divisions, du silence, d’une théologie de la sexualité défaillante depuis des siècles — choisit un homme qui semble habité par le désir de servir, et non de s’imposer. L’élection de Léon XIV ne marque donc vraiment pas une révolution, mais une consolidation discrète, une phase de retrait spirituel actif, dans un monde fragmenté et une Église affaiblie. Il pourrait s’imposer comme un pape de la transition douce, charismatique par son humilité, ancré dans l’Évangile, réformateur sans éclat, et profond par son silence. Dieu fasse que son action soit agissante ! Bref, wait and see… En n’oubliant jamais la bonne punchline de Nietzsche (qui rassemble de plus en plus de personnes déçues par l’Eglise) : « Je croirai en Dieu, lorsque les chrétiens arboreront une tête de ressuscité ! »
Biographie
Nom de naissance : Robert Francis Prevost
Nom pontifical : Léon XIV
Date de naissance : 14 septembre 1955
Lieu de naissance : Chicago, Illinois, États-Unis
Nationalités : Américaine et péruvienne
Ordre religieux : Ordre de Saint Augustin (O.S.A.)
Langues parlées : Anglais, français, espagnol, italien, latin
Enfance et formation
Né dans une famille catholique de la classe moyenne à Chicago, Robert Francis Prevost est marqué très tôt par l’engagement paroissial et missionnaire. Il entre chez les Augustins en 1977, prononce ses vœux perpétuels en 1981 et est ordonné prêtre le 19 juin 1982 à Rome.
Il poursuit une formation théologique approfondie à Rome, à l’Université pontificale Saint-Thomas-d’Aquin (l’Angelicum), où il obtient un doctorat en droit canonique.
Carrière missionnaire au Pérou (1985–2014)
Son parcours se distingue par un engagement missionnaire exceptionnel : après un passage au sein de la Province augustinienne de Chicago, il est envoyé comme missionnaire au Pérou en 1985, dans la région de Trujillo, puis de Chiclayo.
Il y fonde et dirige un centre de formation religieuse, enseigne la théologie et accompagne spirituellement les jeunes vocations locales. Son intégration est telle qu’il adopte la nationalité péruvienne, et est profondément enraciné dans les communautés andines, rurales et urbaines.
En parallèle, son charisme et son sérieux sont reconnus au niveau international : il est élu prieur général de l’Ordre de Saint Augustin à deux reprises (2001–2013), soit l’autorité suprême de son ordre dans le monde. Il réside alors à Rome, mais voyage beaucoup.
Évêque et prélat péruvien (2014–2020)
En 2014, le pape François le nomme administrateur apostolique de Chiclayo, puis évêque du même diocèse l’année suivante. Il succède à un évêque contesté et ramène rapidement un climat de confiance, en alliant rigueur canonique, proximité humaine et spiritualité incarnée.
Son style pastoral est simple, très proche du terrain, et aligné avec la vision franciscaine du pape François. Il donne une place importante à la formation, à la liturgie, à la lutte contre la pauvreté et à l’écoute des laïcs.
Ascension au Vatican (2020–2025)
- En 2020, il est appelé à Rome comme membre de la Congrégation pour les évêques.
- Le 30 janvier 2023, il est nommé préfet du Dicastère pour les évêques, une des fonctions les plus stratégiques de la Curie, car elle supervise la nomination de tous les évêques dans le monde. Il succède au cardinal Marc Ouellet.
- Il est créé cardinal par le pape François lors du consistoire du 30 septembre 2023.
À ce poste, il s’impose comme une figure modérée, fiable, profondément loyale au pape François, tout en entretenant de bons rapports avec les évêques des cinq continents.
Élection comme pape Léon XIV (2025)
Le 8 mai 2025, après un conclave relativement court, Robert Francis Prevost est élu pape, probablement comme figure de consensus entre plusieurs blocs divisés. Il choisit le nom de Léon XIV, référence à Léon Ier (pape théologien du Ve siècle) et Léon XIII (pape de la doctrine sociale de l’Église).
Dès sa première bénédiction Urbi et Orbi, il met l’accent sur :
- La paix intérieure et mondiale
- La fidélité à l’Évangile
- La réconciliation dans l’Église
- Et la poursuite de l’ouverture pastorale du pontificat de François
Spiritualité et pensée
Léon XIV est marqué par plusieurs influences :
- Saint Augustin, dont il partage l’héritage intellectuel et la quête intérieure.
- La théologie du peuple d’Amérique latine, qui privilégie la foi vécue au quotidien.
- Un modèle de gouvernement collégial, humble, sans ostentation, fidèle à la tradition de service.
Il est perçu comme un homme de ponts, capable de parler aux conservateurs comme aux progressistes, aux Européens comme aux Églises du Sud.
Publications et enseignement
Il a peu publié mais a dirigé plusieurs retraites, conférences et cours de droit canonique et spiritualité en espagnol et italien. Il est apprécié pour sa capacité à transmettre des concepts complexes avec simplicité et pour son écoute tant dans les débats que dans la prière partagée.
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