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UN VIOLENT DÉSIR DE BONHEUR, RÉVOLUTION FRANÇAISE HIPPIE PAR CLÉMENT SCHNEIDER

Voilà le film Un violent désir de bonheur de Clément Schneider. France 1h15. Sélection de l’ACID. Vu salle des Arcades le 13 mai 2018. Dans ces notes d’un festivalier, Antoine Glémain propose aux lecteur d’Unidivers de rendre compte de ses premières impressions sur divers films en sélection du festival de Cannes 2018.

un violent désir de bonheur

Loin de l’épicentre de la Révolution française, le couvent du jeune moine Gabriel est réquisitionné comme caserne par les troupes révolutionnaires. Une cohabitation forcée entre moines et soldats s’ensuit, qui ne laisse pas Gabriel indifférent aux idées nouvelles.

La Révolution française, revécue dans un coin de verdure de la vallée de la Roya (encore resserré par le cadre du format 1 :33 et le minimalisme des moyens de la reconstitution historique) et réinterprétée dans une version franciscaine/hippie. Improbable projet.

Tant qu’à parler de révolution, je préfère citer ces derniers mots dans Le Livre d’image de Jean-Luc Godard :

« Et même si rien ne devait être comme nous l’avions espéré, cela ne changerait rien à nos espérances. Les espérances resteraient, l’utopie serait nécessaire. »

un violent désir de bonheur

un violent désir de bonheur

un violent désir de bonheur

un violent désir de bonheur

un violent désir de bonheur

un violent désir de bonheur

un violent désir de bonheur

Un violent désir de bonheur de Clément Schneider
Avec : Quentin Dolmaire, Grace Seri, Vincent Cardona, Ilias le Doré, Étienne Durot, Franc Bruneau, Francis Leplay, Guillaume Compiano, Macha Dussart
Scénario : Chloé Chevalier, Clément Schneider
Production : Alice Bégon, Clément Schneider
Image : Manuel Bolaños
Son : Elton Rabineau, Florent Castellani, Maxime Roy
Décors : Samuel Charbonnot
Costumes : Sophie Bégon
Montage : Anna Brunstein

FILM HEUREUX COMME LAZZARO, BRIC-A-BRAC COMMUNAUTAIRE PAR ALICE ROHRWACHER

Voilà le film Heureux comme Lazzaro d’Alice Rohrwacher. Italie-France-Suisse 2h05. Sélection officielle, compétition. Vu Grand Théâtre Lumière le 13 mai 2018. Dans ces notes d’un festivalier, Antoine Glémain propose aux lecteur d’Unidivers de rendre compte de ses premières impressions sur divers films en sélection du festival de Cannes 2018.

heureux comme lazzaro

Lazzaro, un jeune paysan d’une bonté exceptionnelle, vit à l’Inviolata, un hameau resté à l’écart du monde sur lequel règne la marquise Alfonsina de Luna. La vie des paysans est inchangée depuis toujours, ils sont exploités, et à leur tour, ils abusent de la bonté de Lazzaro. Un été, il se lie d’amitié avec Tancredi, le fils de la marquise. Une amitié si précieuse qu’elle lui fera traverser le temps et mènera Lazzaro au monde moderne.

Pauvre Lazare ! Alice Rohrwacher tente une résurrection du petit monde de son précédent film, Les Merveilles (2014), que j’avais plutôt aimé. Tous les ingrédients sont là : une utopie communautaire en contrepoint de la société comme escroquerie généralisée, une forme de merveilleux rural, une religiosité bricolée… Mais cette fois, à mes yeux en tout cas, le miracle n’opère pas, tout reste à l’état de bric-à-brac et je me suis beaucoup ennuyé.

Date de sortie
31/12/2018 Au cinéma (02h10)
Titre original
Lazzaro felice
Réalisé par
Alice Rohrwacher
Avec
Nicoletta Braschi, Sergi López, Alba Rohrwacher, Natalino Balasso, Tommaso Ragno, Adriano Tardiolo
Genre
Drame
Nationalité
France, Italie, Allemagne, Suisse

FILM LES DIAMANTS DE LA NUIT, PERCEPTIONS SUBJECTIVES PAR JAN NEMEC

Voilà le film Les Diamants de la nuit de Jan Nĕmec. République tchèque 1h08. Sélection officielle, Cannes Classics. Vu salle Buñuel le 13 mai 2018. Dans ces notes d’un festivalier, Antoine Glémain propose aux lecteur d’Unidivers de rendre compte de ses premières impressions sur divers films en sélection du festival de Cannes 2018.

diamants de la nuit

Le film Les Diamants de la nuit de Jan Nĕmec prend place durant la Seconde Guerre mondiale dans les Sudètes en Tchécoslovaquie. Deux jeunes juifs sautent d’un train de déportés. Par miracle, ils gagnent la forêt où ils tentent de survivre. Au cours de leur course éperdue, ils revivent encore et encore des scènes de leur vie d’avant, au milieu d’hallucinations causées par la faim, la fatigue et la peur de mourir. Ils sont bientôt pourchassés par un groupe de vieillards armés.

Jan Nemĕc (1936-2016) a été l’un des chefs de file de la « nouvelle vague tchécoslovaque » dans les années 1960. Les Diamants de la nuit, son premier long métrage de 1964, proposé cette année à Cannes Classics en copie numérique restaurée, reste un pur joyau de cinéma. Il est insolent politiquement : s’il s’agit bien d’une histoire tragique de juifs et de nazis, ce qu’on voit d’abord à l’écran, ce sont deux beaux jeunes gens poursuivis par une troupe de vieux chasseurs affreux. Et son audace est tout autant esthétique : presque sans paroles, il est entièrement construit autour des perceptions subjectives des deux jeunes, où se fondent tensions du présent, réminiscences du passé, rêves et fantasmes.

diamants de la nuit

Réalisateur : Jan Nemec
Scénaristes : Arnost Lustig, Jan Nemec
Acteurs : Ladislav Jánsky, Antonín Kumbera, Ilse Bischofova

film les diamants de la nuit

FILM MANTO, PORTRAIT D’UN ARTISTE MAUDIT INDIEN PAR NANDITA DAS

Voilà le film Manto de Nandita Das. USA-Inde 1h52. Sélection officielle, Un certain regard. Vu salle Debussy le 13 mai 2018. Dans ces notes d’un festivalier, Antoine Glémain propose aux lecteur d’Unidivers de rendre compte de ses premières impressions sur divers films en sélection du festival de Cannes 2018.

film manto nadita

Le film Manto de Nandita Das prend place en 1948, au moment de la partition entre Inde et Pakistan. Saadat Hasan Manto, célèbre auteur indien, doit quitter Bombay pour Lahore, malgré son attachement à sa ville. Ses convictions pour la liberté d’expression et son inlassable passion pour les laissés-pour-compte finissent de faire de l’exil un drame et de donner toute sa puissance à l’écriture de Manto.

Dans ce film sobre et de facture classique, la réalisatrice indienne Nandita Dras dresse un portrait attachant de Saadat Hasan Manto, un « artiste maudit » de l’après-guerre aux résonances très actuelles. J’avoue que j’ignorais tout de cet auteur de nouvelles, qui s’est opposé aux fanatismes ethniques et religieux tout en restant à l’écart des courants dits « progressistes » de son époque. La dernière partie de sa vie au Pakistan a été difficile, marquée par d’incessants procès pour « obscénité », et elle est aussi plus difficile pour le film Manto, qui perd un peu de son rythme. Mais je suis déjà reconnaissant à Nandita Das de m’avoir fait découvrir Manto.

film manto nadita

Réalisatrice : Nandita Das
Scénaristes : Nandita Das, Mir Ali Hussain
Acteurs : Nawazuddin Siddiqui, Rasika Dugal, Tahir Raj Bhasin

BENOÎTE GROULT, « JOURNAL D’IRLANDE »

Romancière mondialement connue, décédée en 2016, à l’âge de 96 ans, Benoîte Groult a écrit en Irlande, pendant un quart de siècle, un Journal estival qui raconte la vieillesse, la pêche, l’amour. Un Journal formidable de lucidité et de liberté.

C’est un rendez-vous annuel, comme un marquage du temps, une balise posée en mer d’Iroise, une balise dans une année de vie. Depuis août 1977, Benoîte Groult et son compagnon Paul Guimard (« Les choses de la vie », « l’ironie du sort » notamment) ont choisi de passer une partie de leurs étés en Irlande, dans le Kerry, où ils vont faire construire une maison offerte à la mer, passion du couple avec la littérature. C’est dans ce pays rude et austère que pendant 25 ans les deux écrivains vont vivre essentiellement leur mois d’août, dans « ce pays de gueux, cette nourriture de merde, cette mer perverse, ces cieux désespérants et si beaux », qui « tournent très vite à la nostalgie dès qu’on s’en éloigne. C’est ça le sortilège irlandais ». Benoîte Groult va tenir pendant cette période un journal irlandais et un journal de pêche que sa fille Blandine de Caunes ressuscitent aujourd’hui pour notre plus grand bonheur.

benoite groult journal irlande

Cette permanence de lieu et de temps, comme dans une tragédie grecque, est fascinante, écartant les vicissitudes des onze autres mois de l’année, marquant encore plus les égratignures du temps qui passe. Même lieu, même saison, mais pourtant d’année en année les ridules qui marquent les yeux, la peau des bras qui se fane, rendent le séjour de plus en plus triste, difficile. Au long de ses 400 pages, l’écrivaine scrute son corps à l’aune des efforts qu’elle réalise pour pêcher, lever ses casiers, porter ces kilos de lieus et de bouquets qu’elle décompte journellement avec méticulosité, comme si ces pesées tangibles et mesurables constituaient un point d’ancrage à la vie et une source de sécurité contre le temps qui s’égrène. Dès les premières pages, cette hantise de la vieillesse et de la mort apparaissent, véritable fil rouge que les difficultés de la météo irlandaise accentuent. Pourtant Benoîte Groult est une battante…

Il ne faut rien céder à la mort, sauf quand on cède tout. Tous les petits abandons et renoncements qui vous livrent par petits bouts au néant, je les combats.

…et c’est dans le renoncement de Paul qu’elle prend peur, Paul le « Pacha », dont Benoîte, féministe et surtout femme libre, redoute la descente vers la mort qu’elle décèle rapidement, guettant avec une réelle froideur et un certain réalisme, les signes avant coureurs. Car Benoîte aime la vie et son activité incessante, sa pratique de la pêche quasi obsessionnelle, ne sont là que pour décrire cet acharnement à vivre. Et à aimer. Ce Journal est aussi un merveilleux livre d’amour. D’amour à son époux avec qui elle partage ses pêches, ses activités intellectuelles, ses souvenirs et qu’elle ne parviendra jamais à quitter. D’amour à Kurt, cet américain, peu cultivé, rencontré en 1945, qui pendant plus de 50 ans aimera l’auteure française avec une passion désespérée lui renvoyant par l’amour charnel, qu’il pratique à merveille, l’image de la jeunesse et de la vitalité.

Les caresses sur les seins sont à elles seules une redécouverte des merveilleux chemins de l’amour.

 Partagée entre ces deux amours, différents et complémentaires, dans un ménage à trois que l’Irlande accueille temporairement, Benoîte Groult dans des pages sublimes explique ses atermoiements, que seule la mort de Kurt, dont elle regarde finalement le corps usé et décrépi, avec rudesse et désenchantement, rompra. Lucide toujours, refusant l’allégorie de l’amour, aimant les relations physiques, soucieuse de n’abandonner aucun plaisir, Benoîte Groult se dresse comme une femme libre, une liberté qu’elle conquiert aussi par ses activités domestiques et familiales décuplées, par un appétit de saisir toutes les joies de la vie.

Pourtant au fil des années et des pages du Journal, la passion s’étiole, l’Irlande devient de plus en plus pluvieuse et insupportable : « Naître rose, en Irlande, quel destin ! J’ai cueilli l’unique rose de mon unique rosier, exquise, blanche, rose, parfumée, que la pluie courbait déjà vers le sol ». Benoîte plie aussi, légèrement, très légèrement, mais suffisamment pour qu’en 2002 la maison irlandaise soit vendue. Kurt est mort. Paul va mourir deux ans plus tard. Et « l’Irlande aurait ma peau si j’y restais ».

Malgré toute sa volonté, la vieillesse vainc peu à peu, inlassablement car « on ne meurt pas seulement de maladie, quand on vieillit, on meurt parce que le goût s’en va ». Et les quelques allusions combatives, et tragiquement prophétiques à l’égard de la maladie d’Alzheimer, qui emportera sa mère Nicole et sa soeur Flora, n’empêcheront pas la femme de Paul Guimard, d’y succomber aussi.

Ce Journal révèle pourtant avant tout une forme puissante de vie et de liberté qui résonne très fort aujourd’hui. Benoîte Groult écrit  que « cette Irlande tragique, déchiquetée, on ne peut pas ne pas l’aimer: il faut l’adorer ou la fuir. Ou les deux ». L’Irlande que l’on pourrait aussi appeler « les hommes de sa vie ». Ou encore « sa vie » qu’elle a menée passionnément, mais qui l’a fuit.

benoite groult journal

Benoîte Groult Journal d’Irlande, Carnets de pêche et d’amour. 1977-2003, Editions Grasset. 430 pages. 22€. ISBN: 978 2 246 81687 4.

FILM 3 VISAGES DE L’IRAN PAR JAFAR PANAHI

Voilà le film 3 visages de Jafar Panahi. Iran 1h40. Sélection officielle, compétition. Vu salle Debussy le 13 mai 2018. Dans ces notes d’un festivalier, Antoine Glémain propose aux lecteur d’Unidivers de rendre compte de ses premières impressions sur divers films en sélection du festival de Cannes 2018.

3 visages

Le film 3 visages campe une célèbre actrice iranienne qui reçoit la troublante vidéo d’une jeune fille implorant son aide pour échapper à sa famille conservatrice… Elle demande alors à son ami, le réalisateur Jafar Panahi, de l’aider à comprendre s’il s’agit d’une manipulation. Ensemble, ils prennent la route en direction du village de la jeune fille, dans les montagnes turcophones reculées du Nord-Ouest où les traditions ancestrales continuent de dicter la vie locale.

Sortir de Téhéran fait du bien à Jafar Panahi et à son cinéma. Son film est un vibrant hommage à trois générations de femmes. La jeune Marziyeh, qui déclenche la fiction en envoyant sa vidéo en forme d’appel au secours. Behnaz Jafari, une actrice très connue aujourd’hui en Iran pour ses rôles dans des séries télévisées, qui accompagne le cinéaste dans son périple. Sharaz, enfin, une autre actrice de la période antérieure à la Révolution islamique, qui vit un exil intérieur en étant chassée de son travail et contrainte de vivre seule à l’écart du village où elle a trouvé refuge. Le film 3 visages est aimanté par cette dernière femme, dont on ne verra jamais le visage mais seulement la persistance de ses gestes artistiques (dire un poème, peindre un tableau). Belle et pudique manière pour Panahi d’évoquer sa propre situation.
film three faces

Réalisateur : Jafar Panahi
Scénaristes : Jafar Panahi, Nader Saeivar
Acteurs: Behnaz Jafari, Jafar Panahi, Marziyeh Rezaei

FILM THUNDER ROAD, PLAISANT NARCISSISME DE JIM CUNNINGS

Voilà le film Thunder Road de Jim Cummings avec Jim Cummings, Kendal Farr, Nican Robinson. USA 1h30. Sélection de l’ACID. Vu salle des Arcades le 12 mai 2018. Dans ces notes d’un festivalier, Antoine Glémain propose aux lecteur d’Unidivers de rendre compte de ses premières impressions sur divers films en sélection du festival de Cannes 2018.

L’histoire de Jimmy Arnaud, un policier texan qui essaie tant bien que mal d’élever sa fille. Le portrait tragi-comique d’une figure d’une Amérique vacillante.

https://youtu.be/zXThAUVBGjE

Jim Cummings est le scénariste, le réalisateur, le producteur, le musicien et l’acteur principal (dans le rôle du policier à côté de ses pompes) de ce premier film Thunder Road, au ton original et décalé, aux frontières du mélodrame et de la comédie. Tout se concentre sur son personnage qui fatigue en même temps qu’il émeut et séduit…

film Thunder Road

FILM TERET, TRANSMISSION SERBE PAR OGNJEN GLAVONIC

Voilà le film Teret (The Load) de Ognjen Glavonić. Serbie-France-Croatie-Iran 1h38. Quinzaine des réalisateurs, en lice pour la Caméra d’or. Vu Palais Croisette le 12 mai 2018. Dans ces notes d’un festivalier, Antoine Glémain propose aux lecteur d’Unidivers de rendre compte de ses premières impressions sur divers films en sélection du festival de Cannes 2018.

 

Dans le film Teret, Vlada travaille comme chauffeur de poids lourds durant les bombardements de la Serbie par l’OTAN, en 1999. Chargé de conduire un mystérieux chargement du Kosovo jusqu’à Belgrade, il traverse un territoire marqué par la guerre. Il sait pourtant que, lorsque sa tâche touchera à sa fin, il devra rentrer chez lui et faire face aux conséquences de ses actes.

Le film Teret est taiseux, elliptique, très économe de ses moyens, imprégné par la désolation du territoire en guerre qu’il traverse. Il s’éclaire dans sa partie finale où Vlada rentre chez lui pour retrouver sa femme et son fils. Il met l’accent sur les enjeux de la transmission entre générations en Serbie : les anciens qui ont mené la guerre des partisans contre les nazis ; leurs descendants, embarqués bon gré mal gré par le régime de Milosevic dans les nouvelles guerres balkaniques des années 1990 ; et les enfants de ces derniers, qui demandent des comptes et cherchent simplement à vivre.

teret film the load

 

FILM LE MONDE EST À TOI, PLAISIR CANAILLE DE ROMAIN GAVRAS

Voilà le film Le Monde est à toi de Romain Gavras. Quinzaine des réalisateurs. Vu au Palais Croisette le 12 mai 2018. Dans ces notes d’un festivalier, Antoine Glémain propose aux lecteur d’Unidivers de rendre compte de ses premières impressions sur divers films en sélection du festival de Cannes 2018.

le monde est a toi

Dans le film Le Monde est à toi, François, petit dealer, a un rêve : devenir le distributeur officiel de Mr Freeze au Maghreb. Cette vie, qu’il convoite tant, vole en éclats quand il apprend que Danny, sa mère, a dépensé toutes ses économies. Poutine, le caïd lunatique de la cité, propose à François un plan en Espagne pour se refaire. Mais quand tout son entourage, Lamya son amour de jeunesse, Henri un ancien beau-père à la ramasse tout juste sorti de prison, les deux jeunes Mohamed, tous deux complotistes et sa mère chef d’un gang de femmes pickpockets, s’en mêle, rien ne se passe comme prévu !

Sortir du film-poème de Godard pour découvrir la comédie branchée de Romain Gavras, objet de pur divertissement, est un véritable choc. Mais le plaisir canaille du cinoche, n’est-ce pas aussi le cinéma ?

Le Monde est à toi de Romain Gavras. Avec Karim Leklou, Vincent Cassel, Isabelle Adjani. Sortie prévue le 22 aout 2018.
Réalisateur : Romain Gavras
Musique de : Jamie xx
Distribué par : Studio Canal
Sortie : 2018
Sociétés de production : Iconoclast, Chi-Fou-Mi Productions et Tribus-P-Film
Scénario : Romain Gavras, Noé Debré

FILM LE LIVRE D’IMAGE, POEME SYNESTHESIQUE DE GODARD

Voilà le film Le Livre d’image de Jean-Luc Godard. Sélection officielle, compétition. Vu salle Debussy le 12 mai 2018. Dans ces notes d’un festivalier, Antoine Glémain propose aux lecteur d’Unidivers de rendre compte de ses premières impressions sur divers films en sélection du festival de Cannes 2018.

picture book godard

Te souviens-tu comment nous entraînions autrefois notre pensée ?
Le plus souvent nous partions d’un rêve…
Nous nous demandions comment dans l’obscurité totale
Peuvent surgir en nous des couleurs d’une telle intensité
D’une voix douce et faible
Disant de grandes choses
D’importantes, étonnantes, de profondes et justes choses
Image et parole
On dirait un mauvais rêve écrit dans une nuit d’orage
Sous les yeux de l’Occident
Les paradis perdus
La guerre est là…

En ouvrant son film sur une main qui surgit du noir, Godard le signe en artisan, parvenu à 87 ans au sommet de son art. Une telle œuvre de maître – un chef d’œuvre – ne peut s’approcher en quelques mots ; elle appelle une appropriation critique qui excède les limites et les ambitions de ces notes festivalières. Je peux juste essayer de restituer mon expérience de spectateur. Mon ami Fabrice me disait qu’il sortait de la projection avec les oreilles et les yeux lavés : oui, c’est exactement cela. Un film où, à chaque moment, une image est une image, un son un son, un silence un silence, un plan un plan, une composition de plans une composition de plans… Cette expérience unique n’empêche pas de voir et éventuellement apprécier d’autres films, elle permet à son aune de les regarder autrement, avec une plus grande intensité.

Le film Le Livre d’image est un poème sonore et visuel où Godard livre au passage, plus clairement peut-être que dans toute son œuvre, quelques clés de son ars poetica : fragment, bégaiement, contrepoint… Ce film est aussi un manifeste philosophique et politique d’une noirceur extrême : l’histoire comme série de catastrophes, la guerre comme unique loi. De chaque époque il ne reste que l’art, comme dans le Musée imaginaire de Malraux, mais avec cette nuance, précisée par Godard : l’art meurt aussi, seulement un peu plus tard. Tout cela exprimé dans une forme d’une beauté juvénile, rageuse, convulsive. Splendeur de la noire beauté.

livre d'image godard

Petite note complémentaire sur Godard, les films et les salles de cinéma

Lors de sa conférence de presse téléphonique postérieure à la projection à Cannes, Godard a exprimé le souhait que son film Le livre d’image ne soit pas diffusé en salles de cinéma mais dans des théâtres et autres lieux de culture. Le magazine Variety annonce qu’il circulera dans le cadre d’une installation présentée dans différents musées internationaux, dont le Centre Pompidou à Paris.

Cette requête de Jean-Luc Godard peut s’entendre, à tout le moins, de trois manières différentes :

  • Certaines œuvres filmées, en raison de leur dispositif, leur complexité ou leur durée, ne se prêtent pas à la diffusion en salles de cinéma et doivent trouver d’autres lieux d’accueil.
  • Le cinéma est une forme d’art morte, il ne subsiste comme souvenir que pour un temps, à travers d’autres formes artistiques et en d’autres lieux.
  • Les salles de cinéma ne sont plus des lieux d’art et de culture.

Les trois propositions sont discutables et méritent d’être sérieusement discutées. La troisième est la plus nouvelle chez Godard, dont les derniers films ont été après tout diffusés en salles, en tout cas dans le réseau des salles indépendantes Art et Essai. Elle devrait interpeller tout particulièrement les responsables de ces salles.

Date de sortie : mai 2018
Réalisateur : Jean-Luc Godard
Producteur : Alain Sarde
Scénario : Jean-Luc Godard
Distribué par : Wild Bunch
Nominations : Palme d’or Cannes 2018

CASSANDRO THE EXOTICO, LE ROI DU CATCH MEXICAIN

Voilà le film Cassandro The Exotico ! de Marie Losier. France 1 h 13. Sélection de l’ACID. Vu salle des Arcades le 11 mai 2018. Dans ces notes d’un festivalier, Antoine Glémain propose aux lecteur d’Unidivers de rendre compte de ses premières impressions sur divers films en sélection du festival de Cannes 2018.

cassandro the exotico

Après 26 ans de vols planés et d’empoignades sur le ring, Cassandro, le roi des Exoticos – ces catcheurs gays qui dynamitent les préjugés – est incapable de s’arrêter. Le corps en miettes, pulvérisé, il va pourtant devoir se réinventer…

cassandro the exotico

Avec son film Cassandro The Exotico ! La réalisatrice Marie Losier nous fait pénétrer dans un univers en effet « exotique », celui des catcheurs de la « lucha libre » qui fait l’objet d’un véritable culte national au Mexique. C’est un univers de superhéros très kitsch mais que Marie Losier aborde sous l’angle de la performance artistique contemporaine. Son film, tourné en pellicule 16mm, s’inscrit lui-même dans la lignée du cinéma underground de Jonas Mekas, Stan Brakhage, Andy Warhol… Le sautillement de l’image contribue à son charme fragile.

Pays
France
Année de production
2018
Durée
73 minutes
Un film de
Marie Losier
Scenario
Marie Losier et Antoine Barraud
Image
Marie Losier
Son
Marie Losier et Gilles Benardeau
Montage
Ael Dallier Vega
Production
Tamara Films
Distribution
Urban Distribution
Ventes internationales
Urban Distribution International

cassandro the exotico

FILM MON TISSU PRÉFÉRÉ, SUBVERSION SYRIENNE PAR GAYA JIJI

Voilà le film Mon tissu préféré de Gaya Jiji. France-Allemagne-Turquie 1h35. Sélection officielle, Un certain regard. En lice pour la Caméra d’or. Vu salle Debussy le 11 mai 2018.  Dans ces notes d’un festivalier, Antoine Glémain propose aux lecteur d’Unidivers de rendre compte de ses premières impressions sur divers films en sélection du festival de Cannes 2018.

film mon tissu préféré

Le film Mon tissu préféré débute à Damas au mois de mars 2011. La révolution commence à gronder. Nahla, jeune femme de 25 ans, est tiraillée entre son désir de liberté et l’espoir de quitter le pays grâce au mariage arrangé avec Samir, un syrien expatrié aux Etats-Unis. Mais Samir lui préfère sa jeune sœur Myriam, plus docile. Nahla se rapproche alors de sa nouvelle voisine, Madame Jiji, qui vient d’arriver dans l’immeuble pour ouvrir une maison close.

Ce premier film de la réalisatrice syrienne Gaya Jiji est une belle surprise. Situé sur fond de guerre civile en Syrie (recréée par quelques images et sons d’archives, alors que le film Mon tissu préféré a été tourné en Turquie), il prend le parti de nous raconter une histoire de famille, traitée en huis-clos intimiste. L’éveil de Nahla à la sensualité et à la liberté amoureuse passe dans le film par des détours assez étonnants. Sans doute est-il subversif de manière plus durable que la « révolution » guerrière qui se déchaine à l’arrière-plan.

film mon tissu préféré

Production : 2017, Drame, VOSTFR, Couleur, En salle : 18 juillet 2018, 1h34

FILM L’ANGE DE LUIS ORTEGA, CARLITOS PUCH ET HUMOUR GORE

Voilà le film L’Ange (El Ángel) de Luis Ortega. Argentine/Espagne 2 h 06. Sélection officielle, Un certain regard. Vu salle Debussy le 11 mai 2018. Dans ces notes d’un festivalier, Antoine Glémain propose aux lecteurs d’Unidivers de rendre compte de ses premières impressions sur divers films en sélection du festival de Cannes 2018.

film l'ange

Le film L’Ange El Ángel prend place à Buenos Aires en 1971. Carlitos est un jeune homme de 17 ans. Depuis tout petit il convoite ce qui appartient aux autres, mais ce n’est qu’à l’adolescence qu’il se découvre une vocation de voleur. Lorsqu’il rencontre Ramon, ils s’embarquent dans une histoire de découvertes, d’amours et de délits. Tuer devient une conséquence, un maillon d’une chaîne irrépressible, jusqu’au moment de la capture de Carlitos par la police.

Le film L’Ange est inspiré d’une histoire vraie, celle de Carlos Robledo Puch, « l’ange de la mort », à qui l’on attribue plus de 40 vols et 11 assassinats et qui a passé aujourd’hui plus de 45 années en prison. Le sujet est abordé sur le mode d’un humour gore, grotesque, délibérément « de mauvais goût », dans la lignée des Nouveaux sauvages (2014), déjà une coproduction hispano-argentine où était impliquée El Deseo, la société de production des frères Almodóvar.

film el angel

Réalisateurs :
Luis Ortega
Sergio Olguín
Luis Ortega
Rodolfo Palacios

film l'ange
Acteurs :
Chino Darín
Daniel Fanego
Lorenzo Ferro
Peter Lanzani
Mercedes Morán
William Prociuk
Cecilia Roth
Malena Villa
Producteurs :
Agustín Almodóvar
Pedro Almodóvar
Javier Braier
Micaela Buye
Leticia Cristi
Pablo Culell
Esther García
Axel Kuschevatzky
Matías Mosteirín
Sebastían Ortega
Hugo Sigman

film l'ange

FILM PLAIRE DE CHRISTOPHE HONORÉ, JUSTESSE DES RELATIONS

Voilà le film Plaire, aimer et courir vite de Christophe Honoré avec Vincent Lacoste, Pierre Deladonchamps et Didier Podalydès. France 2h12. Sélection officielle, compétition. Vu Grand Théâtre Lumière le 11 mai 2018. Dans ces notes d’un festivalier, Antoine Glémain propose aux lecteurs d’Unidivers de rendre compte de ses premières impressions sur divers films en sélection du festival de Cannes 2018.

film plaire

1990. Arthur a 20 ans et il est étudiant à Rennes. Sa vie bascule le jour où il rencontre Jacques, un écrivain qui habite à Paris avec son jeune fils. Le temps d’un été, Arthur et Jacques vont se plaire et s’aimer. Mais cet amour, Jacques sait qu’il faut le vivre vite.

Le cinéma de Christophe Honoré avait jusqu’à présent le don de me prendre à rebrousse-poil. Son nouveau film Plaire m’a encore parfois irrité mais – est-ce l’effet de l’air vivifiant de la Bretagne où il été en partie tourné ? – il m’a bien davantage stimulé, réjoui, ému, bouleversé. Justesse des situations et des relations entre les personnes, plaisir de dialogues vifs et bien écrits (presque un peu trop ?), trio d’acteurs impeccables, en la personne de Vincent Lacoste, Pierre Deladonchamps et Didier Podalydès.

CHRISTOPHE HONORÉ TOURNE SON FILM PLAIRE À RENNES

 

Plaire, aimer et courir vite

Film Plaire, aimer et courir vite de Christophe Honoré
Arthur : Vincent Lacoste
Jacques : Pierre Deladonchamps
Mathieu : Denis Podalydès, sociétaire de la Comédie Française
Nadine : Adèle Wismes
Marco : Thomas Gonzalez
Pierre : Clément Métayer
Jean-Marie : Quentin Thébault
Louis : Tristan Farge
Isabelle : Sophie Letourneur
L’actrice : Marlène Saldana
Stéphane : Luca Malinowski
Fabrice : Rio Vega

Histoire : Christophe Honoré
Casting : Mathieu Telinhos
1er assistant mise en scène : Jean-François Fontanel
Image : Rémy Chevrin (A.F.C.)
Décor : Stéphane Taillasson
Costume : Pascaline Chavanne
Son : Guillaume Le Braz – Agnes Ravez – Cyril Holtz
Montage : Chantal Hymans
Beauté : Anne Bergamaschi
Scripte : Maxime Rappaz
Régie : Clotilde Martin
Direction de production : Christian Lambert
Direction de post-production : Juliette Mallon
Produit par Philippe Martin et David Thion
Une production Les Films Pelléas
En coproduction avec Arte France Cinéma,
Avec la participation de Canal +, de Ciné +, de Arte France, et du Centre National du Cinéma et de l’Image Animée,
Avec le soutien de la Région Bretagne
En partenariat avec le CNC,
En association avec Cinémage 12, Cofinova 14, Palatine Etoile 15

COLD WAR, FILM TROP PARFAIT DE PAWEL PAWLIKOWSKI ?

Voilà le film Cold War de Pawel Pawlikowski. Pologne-Grande-Bretagne-France 1h24. Sélection officielle, compétition. Vu salle Debussy le 11 mai 2018. Dans ces notes d’un festivalier, Antoine Glémain propose aux lecteurs d’Unidivers de rendre compte de ses premières impressions sur diverses sélections du festival de Cannes 2018.

Le film Cold war prend place durant… la guerre froide. Entre la Pologne stalinienne et le Paris bohème des années 1950, un musicien épris de liberté et une jeune chanteuse passionnée vivent un amour impossible dans une époque impossible.

https://youtu.be/nj-8eHb5NTQ

Le réalisateur d’Ida, Pawel Pawlikowski, revient encore sur le passé de la Pologne ; cette fois dans la période d’après-guerre. Sur fond de guerre froide, il nous raconte dans Cold War une histoire de passion, d’amour fou, d’auto-destruction. La fluidité du filmage, le noir et blanc cotonneux, le travail sur les différents registres de musique, l’engagement des acteurs, la minutie de la reconstitution historique, les résonances intimes de l’histoire de ce couple…, tout est impressionnant, mais étrangement, en dépit (ou à cause ?) de ces qualités, je suis resté comme à distance de la passion vécue par les personnages.

film cold war

Zimna Wojna Cold War Pawel Pawlikowski. Pologne/Grande-Bretagne/France, 1h24. Sélection officielle Cannes 2018. Acteurs : Tomasz Kot, Joanna Kulig, Borys Szyc.

Pawel Pawlikowski
Pawel Pawlikowski

SEULE À MON MARIAGE, MARTA BARGMAN RÉVÈLE ALINA SERBAN

Voilà Seule à mon mariage de Marta Bergman. Belgique 2 h 01. Sélection de l’ACID. Vu salle des Arcades le 10 mai 2018. Dans ces « notes d’un festivalier », Antoine Glémain propose aux lecteurs d’Unidivers de rendre compte de ses premières impressions sur diverses sélections du festival de Cannes 2018.

 

seule à mon mariage
Marta Bergman

Dans le film Seule à mon mariage, Pamela, jeune Rom insolente, spontanée et drôle, s’embarque vers l’inconnu, rompant avec les traditions qui l’étouffent. Elle arrive en Belgique avec trois mots de français et l’espoir d’un mariage pour changer son destin et celui de sa fille.

Beau portrait, tout en finesse, d’une jeune femme, jouée par Alina Serban – une véritable révélation.  Entre Roumanie et Belgique, elle s’affirme d’autant plus librement comme Rom qu’elle fait tout pour échapper à une identité déjà tracée. Le film chemine d’une manière imprévisible, à l’image de son héroïne et, à vrai dire, des autres personnages qu’elle est amenée à croiser et que la réalisatrice se garde de jamais juger.

Produit par Frakas Productions, le film compte parmi ses acteurs principaux la jeune Roumaine Alina Serban et le Belge Tom Vermeir que l’on a déjà pu voir dans Belgica de Felix van Groeningen. « Seule à mon mariage » est la première fiction de Marta Bergman, diplômée de l’Insas. Cette réalisatrice née à Bucarest s’est très rapidement tournée vers le documentaire. Elle y explore la Roumanie et plus spécifiquement les communautés Rom. Ses documentaires ont été montrés dans de prestigieux festivals tels que Visions du réel ou le Leipzig Film Festival.

Alina Serban, née dans une famille Rom en Roumanie, incarne le rôle de Pamela. Comédienne et metteuse en scène, ses études d’art dramatique l’amènent de Bucarest à la Royal Academy of Dramatic Art de Londres ainsi qu’à la Tisch School of the Arts à New York. Très engagée pour la cause de la communauté Rom, elle s’est fait connaître au théâtre à travers le one woman show I Declare at My Own Risk dont elle est à la fois l’auteur et l’interprète et qu’elle a déjà joué sur de nombreuses scènes européennes. Seule à mon mariage est son premier rôle dans un long métrage.

Scénario: Marta Bergman & Laurent Brandenbourger
En collaboration avec Katell Quillévéré, Boris Lojkine
Image : Jonathan Ricquebourg
Montage : Frédéric Fichefet
Son : Quentin Jacques, Frédéric Fichefet, Ingrid Ralet, Emmanuel de Boissieu
Musique : Vlaicu Golcea
Genre : Drame
Durée : 110 min
Pays : Belgique
Sortie estimée : 2018
Acteur :
Alina Serban
Tom Vermeir
Marian Samu
Rebecca Anghel
Viorica Rudareasa
Jonas Bloquet
Achille Ridolfi
Karin Tanghe
Lara Persain
Avec la participation de
Johan Leysen
Marie Denarnaud

SAMOUNI ROAD, DECONSTRUCTION DE GAZA PAR STEFANO SAVONA

Voilà le documentaire Samouni Road de Stefano Savona. France/Italie 2 h 08. Quinzaine des réalisateurs. Vu Théâtre Croisette le 10 mai 2018. Dans ces notes d’un festivalier, Antoine Glémain propose aux lecteurs d’Unidivers de rendre compte de ses premières impressions sur diverses sélections de films projetés au festival de Cannes 2018.

 

samouni road

Le documentaire animé Samouni Road prend place dans la périphérie rurale de la ville de Gaza où la famille Samouni s’apprête à célébrer un mariage. C’est la première fête depuis la dernière guerre en 2009. Amal, Fouad, leurs frères et leurs cousins ont perdu leurs parents, leurs maisons et leurs oliviers. Le quartier où ils habitent est en reconstruction. Ils replantent des arbres et labourent les champs, mais une tâche plus difficile encore incombe à ces jeunes survivants : reconstruire leur propre mémoire.

samouni road

Samouni Road donne l’impression au départ d’un énième reportage télévisuel sur Gaza, avec un apport de techniques d’animation et d’images de synthèse pas forcément convaincant. Mais Stefano Savona est un documentariste chevronné (on lui doit notamment Palazzo Aquile et Tahrir, place de la Libération) et, en prenant le temps de s’installer dans la durée au sein de la famille Samouni, il apporte un nouvel éclairage précieux, non seulement sur la désolation d’un territoire-prison et l’impunité des exactions de l’armée israélienne, mais sur les doutes et les contradictions de la société palestinienne.

 

Samouni Road de Stefano Savona. France/Italie 2h08.

samouni road

FILM YOMEDDINE DE ABU BAKR SHAWKY, ROAD-MOVIE EGYPTIEN

Voilà Yomeddine de Abu Bakr Shawky. Egypte 2h17. Sélection officielle, compétition. Vu Grand Théâtre Lumière le 10 mai 2018. Dans ces notes d’un festivalier, Antoine Glémain propose aux lecteurs d’Unidivers de rendre compte de ses premières impressions sur diverses sélections de films projetés au festival de Cannes 2018.

yomeddine
Shawky at the Leper Colony

Le film Yomeddine campe Beshay, lépreux aujourd’hui guéri, qui n’a jamais quitté depuis l’enfance sa léproserie située dans le désert égyptien. Après la disparition de son épouse, il décide pour la première fois de partir à la recherche de ses racines, ses pauvres possessions entassées sur une charrette tirée par son âne. Vite rejoint par un orphelin nubien qu’il a pris sous son aile, il va traverser l’Egypte et affronter ainsi le monde avec ses maux et ses instants de grâce dans la quête d’une famille, d’un foyer, d’un peu d’humanité.

https://youtu.be/dnW4ufp9nEk

Yomeddine est un road-movie nonchalant, à dos d’âne, où les deux héros, le lépreux et l’orphelin, accèdent à leur pleine humanité à travers de multiples rencontres sur leur chemin avec le petit peuple égyptien. Ce très touchant premier film de Abu Bakr Shawky est un hommage explicite aux Freaks de Tod Browning et à Elephant Man de David Lynch, mais il se situe aussi dans une certaine tradition, disons picaresque, de la littérature et du cinéma égyptiens où il sait faire entendre sa propre voix originale.

yomeddine

Film Yomeddine, Abu Bakr Shawky. Avec Rady Gamal, Ahmed Abdelhafiz, Shahira Fahmy, 2h17

yomeddine

Yomeddine is a coming-of-age comedic drama, a road trip where two outcasts, Beshay and Shika, discover the harshness of the world outside the leper colony where they have spent all their lives.
After the death of his wife, Beshay and his apprentice Shika travel on a donkey cart southwards to search for what remains of Beshay’s family. They hope to find out why his father never came back for him after dropping him off at the gates of the colony when he was a little child. The film is based on real characters that writer/director Abu Bakr Shawky has met at the Abu Zaabal Leper Colony while filming award-winning documentary « The Colony », which screened at many local and international film festivals around the world.

yomeddine

LE FESTIVAL OODAAQ A RENNES ET SAINT-MALO AVEC SIMON GUIOCHET

Avec 36 artistes contemporains d’origine internationale, la 8e édition du Festival Oodaaq promet de nouvelles images nomades et poétiques. Du 16 au 27 mai 2018 à Rennes et du 30 mai au 10 juin à Saint-Malo, l’association rennaise l’Oeil Oodaaq poursuit sa réflexion sur les images qui nous entourent. Au programme : projections vidéo, performances, installations et concerts dans l’espace public. Rencontre avec Simon Guiochet, artiste vidéaste, directeur et programmateur.

Simon Guiochet Festival Ooodaaq 2018
Simon Guiochet, artiste vidéaste, directeur et programmateur d’Art vidéo pour l’association rennaise l’Oeil d’Oodaaq © Enora Davodeau

Unidivers : Pour cette huitième édition, l’appel à projets a une nouvelle fois remporté un franc succès. Vous avez reçu pas moins de 450 candidatures à l’échelle internationale. Comment procédez-vous à la sélection ?

Simon Guiochet : Le principe du festival est fondé sur cet appel à projets. On fonctionne avec un réseau international qui permet d’agrandir l’événement. Nous faisons chaque année des partenariats avec plusieurs festivals dans le monde : Madrid, Lisbonne, Coimbra, Milan et Montréal. Certaines structures sont également distributrices et nous envoient une dizaine d’œuvres pré-sélectionnées. Parallèlement, nous proposons depuis quelques années des cartes blanches, au festival Setu cette année par exemple, événement dédié aux performances artistiques.

Toute l’année, nous poursuivons des activités en collaboration avec des festivals de cinéma, mais le festival constitue un vrai moment d’ouverture sur les images. Pour la sélection, nous constituons un jury, un panel de personnes qui viennent d’horizons différents. Nous étions sept cette année. Tout un travail de tri est réalisé sans thématique, si ce n’est notre ligne artistique : faire en sorte que le public comprenne assez facilement ce qui n’est pas forcément facile à exprimer. L’histoire autour de l’île d’Oodaaq reflète aussi notre identité. Je trouve intéressant de penser une ligne artistique qui est une philosophie, ce que transpire l’association. Nous recevons beaucoup de projets très expérimentaux, lesquelles peuvent être qualifiées de poésies visuelles, avec du texte, de l’image, etc. C’est comme une rêverie où l’on plongerait…

https://vimeo.com/266078394

Unidivers : C’est pourquoi vous employez le terme « d’images nomades et poétiques » pour définir le festival Oodaaq ? 

Simon Guiochet : Les premières années, c’était un festival d’art-contemporain. Mais ce terme nous restreignait bien qu’il conférât une certain légitimité, car le public savait de quoi on parlait. Après, il y a eu l’idée d’en faire un festival d’art vidéo, ce qui était intéressant. Ce nouveau terme nous plaçait au croisement de plusieurs champs : l’art contemporain, la vidéo, le cinéma.

Dans les projections et débats que j’anime afin de présenter les images expérimentales dans divers milieux hors monde de l’art, j’aime opérer des parallèles avec la poésie et la littérature. On jouit d’une liberté extrême en poésie. On ne craint pas de s’éloigner des normes habituelles de syntaxes, de grammaire et de parcourir le mémo-son, la sonorité, etc. C’est un peu pareil pour l’art vidéo : on essaie de définir l’art vidéo comme telle ou telle chose, mais ça peut être énormément de choses au final. En ce sens, c’est parfois intéressant de parler de poésie car les gens comprennent déjà – naturellement mais  vaguement – de quoi il retourne. Les images sont aussi un langage : narratif, un peu déconstruit et lié aux émotions.

Charles-André Coderre, Granular Film - Beirut Festival Oodaaq 2018
Charles-André Coderre, Granular Film – Beirut

Unidivers : A l’apparition de l’art vidéo dans les années 60/70, les artistes utilisaient ce médium pour critiquer la société de l’époque. Les œuvres étaient autant plastiques que politiques. Retrouve-t-on ces problématiques dans la programmation de cette année ?

Simon Guiochet : Les programmations tournent à chaque fois autour de deux axes : une branche plastique et une autre liée à l’actualité mais avec un discours différent que celui des années 60-70. Nous avons une programmation très forte cette année qui parle de guerre, de migrants, et de propagande. Mais ce n’est pas d’une manière frontale, c’est évoqué.

L’artiste chinois Hu Di parle de migration et des migrants. Ceux sont des plans au fil d’un parcours où on ne voit pas énormément de choses, mais toutes les images suggèrent et font réfléchir aux autres images que l’on voit d’habitude sur le sujet et la manière dont elles sont manipulées. Il est plus question d’images mentales que d’images à regarder. C’est poser les choses plus que simplement dire « ce n’est pas bien « . C’est plus une critique détournée de la manipulation des images.

Hu Di Ecstasy still Festival oodaaq 2018
Hu Di, Ecstasy still

U. : À l’heure où les médias, les nouvelles technologies et la notion d’image évoluent à une vitesse ahurissante, avez-vous remarqué un changement dans l’organisation du festival ?

Simon Guiochet : Notre recherche ne touche pas forcément les nouvelles technologies, elle est plus sociale. Depuis le début, l’association mène une réflexion sur les images qui nous entoure aujourd’hui, sur notre rapport aux images et la multiplication des écrans – dans les boulangeries, les bars et autres. C’est différent des nouvelles technologies. C’est un travail qui tourne autour de comment voir les œuvres, quel degré d’attention elles demandent et quelle posture nous pourrions adopter. Des œuvres sont à voir couchés dans un transat, à moitié endormi face à un grand format avec du son, d’autres peuvent fonctionner en vitrine d’un magasin, quelques secondes suffisent pour être touché.

Dernièrement, je pense que les gens commencent à prendre du recul face à l’explosion des écrans. C’est réfléchir à cette surabondance d’écrans et se demander quel rapport on a envie d’avoir avec ces outils-là. Ce n’est pas parce que c’est nouveau qu’il faut subir. On trouve des écrans dans de nombreux lieux, mais le contenu se fait souvent par dépit. À Berlin, un groupement d’avocats monte un projet pour interdire les panneaux publicitaires dans la ville, ce qui est déjà le cas à Grenoble. Depuis plusieurs années, les panneaux publicitaires sont interdits dans le centre-ville.

Coline Charcosset, Module d'évasion Festival Oodaaq 2018
Coline Charcosset, Module d’évasion © Maël Le Golvan

A Rennes, Lendroit Édition a remporté l’appel à projets pour le budget participatif. Il proposait de présenter des œuvres sur des écrans et pas seulement de la publicité. Dans le cadre du festival, un écran géant va être installé devant la médiathèque à Saint-Malo. Durant la semaine, une publicité précisera que de 18 h à 19 h 30 de l’art vidéo sera diffusé sur cet écran.

U. : Comment a évolué le festival en huit ans ? Quelles nouveautés pour l’édition 2018 ?

Simon Guiochet : Les trois premières années, le festival se déroulait exclusivement à Rennes. Ensuite, nous sommes passés au format trois semaines/trois villes. La huitième édition est une nouvelle formule car il est question de dix jours à Rennes dont quatre jours de temps forts puis dix jours à Saint-Malo dont quatre jours de temps forts. Cette année est un peu exceptionnelle, car les deux expositions à Saint-Malo sont une carte blanche mais les programmations vidéos, les salons, les œuvres seront les mêmes à Rennes et Saint-Malo.

La défense des droits des artistes, le droit de diffusions et la rémunération sont des problématiques importantes dans l’association donc l’idée était de faire voyager le festival. Avec nos petits moyens, on rémunère tous les artistes. Quand on a commencé à sécréter sur trois villes, l’idée était de faire tourner les œuvres pour augmenter ce droit de diffusion.

Olivier Jagut Festival Oodaaq 2018
Olivier Jagut, « Je t’aimerai toujours »

Après avoir passé une année à créer une programmation, pourquoi ne pas faire comme le spectacle vivant et la présenter dans plusieurs villes ? Être nomade, changer de lieux et mélanger les publics avec le même contenu, les réactions sont très différentes. On tente d’échapper aux étiquettes tout en étant identifié, en investissant l’espace public avec un tournoi de pétanque par exemple. Une projection à côté de la gare Sud est également organisée vendredi 18 mai, en partenariat avec une association. Des bâtiments ont été démolis et d’autres seront construits d’ici 3 ou 4 ans, pour l’instant, ce n’est qu’un espace en friche. Un projet de jardin partagé va être monté avec une inauguration en juin mais une soirée de projection a lieu dans le cadre du festival. C’est super d’être les premiers à le faire.

La tournée de vernissages commence à l’Office du Tourisme, continue à l’espace vidéo de l’école LISAA et, se termine par un pique-nique et projection au milieu des herbes hautes. C’est là que se trouvera prochainement l’Arvor donc le territoire veut continuer à faire des projections en plein air d’ici six mois à un an. C’est difficile de présenter une vidéo artistique dans cette surabondance d’images. Il faut trouver comment présenter les œuvres et comment emmener les publics dans un ailleurs. Le fait d’investir un lieu qu’ils ne connaissaient pas ou qui n’existera plus par la suite, c’est déjà les transporter dans un endroit exceptionnel.

Tanguy Clerc Sur les traces du Bronteion Festival Oodaaq 2018
Tanguy Clerc, Sur les traces du bronteion

U. : Qu’en est-il des partenaires justement ? Retournez-vous dans les mêmes lieux chaque année ou investissez-vous de nouveaux espaces ?

Simon Guiochet : Les lieux changent presque toutes les années même si certains reviennent. C’est la huitième année à Rennes donc on essaie de se renouveler. Si les mêmes lieux revenaient tous les ans, le festival n’aurait pas le même intérêt. Ça permet de tourner un peu, rencontrer de nouvelles personnes, avoir de nouvelles idées… grâce à ça, on a découvert de nouveaux lieux, comme le Lieu, deux petites galerie derrière le Colombier. L’inauguration du mercredi 16 mai se fera là-bas avec une très belle installation de l’artiste français Tanguy Clerc. Il a filmé les mouvements de machines industrielles dans une imprimerie et a fabriqué plusieurs petites sculptures avec des machines à coudre, platines à vinyles et ventilateurs. Avec un système de programmation, le son des machines crée la bande son, comme un orchestre de machines. Une vidéo du sculpteur norvégien Jan Hakon Erichsen est aussi prévue en vitrine. C’est toute une série de performances. Il crée des sculptures avec des objets du quotidien pour en faire des machines de musculation et se met ensuite en scène à l’intérieur. C’est un peu le monde de l’absurde qui fait réfléchir à ces objets qui le gêne dans ses actions. Pour cette exposition, il est question de sculpture, de vidéo, et des rapports entre l’homme, la sculpture et l’image entre une sculpture et l’image d’une sculpture.

Erichsen Jan Hakon Fight Song Festival Oodaaq 2018
Erichsen Jan Hakon, Fight Song 

Dans ce même lieu, une carte blanche a été donnée au festival Setu (Association Gratuit, Clément Vinette et Valentine Sibon). En plus de l’inauguration, une soirée est organisée à l’arrière de la galerie. C’est une ancienne salle de bal ré-agencée en ateliers de graphistes.

Association gratuit fetsival oodaaq 2018
Gratuit, nouvel album « Sur les bras morts »

U. : Vous êtes vous-même artiste, quel est votre avis sur cette place de l’image dans la société ?

Simon Guiochet : Ma pratique est plus dans cette affectation dont on a parlé toute à l’heure, celle de pas être dans les nouvelles technologies. C’est vraiment se poser la question de ce qu’est l’image et comment interagir avec elle. J’ai exploré la télévision cathodique ces dernières années, avec des sculptures où des télévisions étaient suspendues. Depuis deux ans, ma pratique se développe autour de la mécanique de l’image et l’invention de l’image en mouvement. J’ai fait pas mal de recherches sur le XIXe siècle aussi, sur la persistance rétinienne, sur l’image en mouvement et comment elle se fabrique, des familles de jouets optiques découverts jusqu’à ma pratique, qui est en ce moment sur la pellicule 16 mm.

Valentine Sibon Fetsival Oodaaq 201
Valentine Siboni, performance « La lamentation du chasseur »

Je fais aussi parti d’un collectif à Rennes, le Labo K, dont fait d’ailleurs parti l’artiste rennais Emmanuel Piton. C’est à la base un labo photo et de développement de films 16 mm et Super 8. C’est quelque chose qui est de plus en plus recherché, un gros laboratoire à Rennes existe. On a fait pas mal de fois une performance, notamment pendant Travelling, à l’Étage au Liberté. Il y a sept projecteurs de 16 mm, des projecteurs diapo et on réalise un peu Vjing, comme un DJ set mais avec des images.

Pendant plusieurs années, j’ai également travaillé sur les limites de la perception, le moment où l’image devient en mouvement mais ne l’est pas encore. J’essaie de créer des liens entre le numérique, le mécanique et l’analogique. Plus on comprend la manière dont est fabriquée une image, plus il est possible de faire une critique de comment se font les trucages, même les premiers trucages avec l’histoire du cinéma. L’image est un vrai tour de magie. L’outil change mais c’est les mêmes techniques d’incrustation au final.

Emmanuel Piton Festival Oodaaq 2018
Emmanuel Piton, Les petits outils

U. : C’est vraiment l’Histoire de la vidéo, de l’image et les techniques qui semblent vous intéresser. Un intérêt qui se reflète dans le festival.

Simon Guiochet : Ce qui me plaît c’est faire des liens avec l’histoire. J’aime les œuvres qui mélangent les techniques, comme avec la pellicule. Chaque technique a ses spécificités et c’est le côté positif. C’est bien de réfléchir au support, aux écrans et aux sortes d’images. La deuxième exposition à Rennes, La chute des images à la Maison des associations, est une exposition avec deux projections, une télé cathodique et un écran plat. Pour la projection sur l’écran plat, il est nécessaire d’avoir un écran plat et une très belle image. Celle sur écran cathodique sont des images d’archives au format 4/3 et sont faites pour ce type d’écran. Ce serait absurde de présenter ça sur un écran plat. Hu Di a travaillé sur une soixantaine de films de propagande de révolution culturelle chinoise. Ceux sont des images hyper kitsch qui montrent comment étaient fabriquées ces vidéos de propagande. Avec le montage, on voit que c’est la même construction avec les mêmes symboles. Le fait de le déconstruire pour le reconstruire différemment fait apparaître les ficelles de fabrication. Ceux sont des images issues de cette télévision cathodique donc ça n’aurait pas fonctionner avec un écran plat. Il y aurait eu deux bandes noires vu que le format n’est pas adapté. Le grain de l’image n’est pas le même aussi, plus chaud. Le vernissage de cette exposition est jeudi 17 mai, à 18 h 30.

Festival Oodaaq Calendrier 2018

BIENNALE RENNES 2018, EXPOSITION À CRIS OUVERTS

 

RENNES EXPO PINAULT, DEBOUT AUX JACOBINS ?

 

FILM LETO (L’ÉTÉ), ROCK’N’ROLL CHEZ LES SOVIETS

Voilà le film Leto (L’Eté) de Kirill Serebrennikov. Russie, France, 2h06. Sélection officielle, compétition. Vu salle Debussy le 10 mai 2018. Dans ces « notes d’un festivalier », Antoine Glémain propose aux lecteurs d’Unidivers de rendre compte de ses premières impressions sur diverses sélections de films projetés au festival de Cannes 2018.

film leto

Le film Leto prend place à Leningrad. Un été du début des années 80. En amont de la Perestroïka, les disques de Lou Reed et de David Bowie s’échangent en contrebande, et une scène rock émerge. Mike et sa femme, la belle Natacha, rencontrent le jeune Viktor Tsoï. Entourés d’une nouvelle génération de musiciens, ils vont changer le cours du rock’n’roll en Union Soviétique.

https://youtu.be/KlHwIRZLFdc

J’étais resté insensible à la précédente réalisation de Kirill Serebrennikov, Le Disciple (Un certain regard, 2016), que j’avais trouvée trop lourdement théâtrale. Le début du film Leto, qui semblait annoncer une sorte de biopic musical avec une structure narrative peu finaude (une belle fille entre deux musiciens), ne me mettait guère dans de meilleures dispositions. Il est vrai que, d’une manière assez retorse, le film Leto joue avec sa propre caricature et s’amuse à aller dans le sens d’attentes supposées du spectateur pour mieux en prendre le contrepied. Mais peu à peu, il révèle son ambition : dresser un portrait vivant (non une reconstitution muséale) de toute une scène underground ; il parvient à le faire sous une forme étonnamment libre et inventive.

film leto

Leto (L’Eté) de Kirill Serebrennikov. Russie/France. Sélection officielle, compétition Cannes 2018, Scenario : Lily Idov, Michael Idov. Acteurs : Teo Yoo, Irina Starshenbaum, Roman Bilyk. Durée : 2h06.

film leto Kirill Serebrennikov

FILM LES OISEAUX DE PASSAGE, DROGUE ET INDIENS DE COLOMBIE

Voilà le film Les Oiseaux de passage (Pájaros de Verano) de Ciro Guerra et Cristina Gallego. Production en Colombie, Mexique, Danemark, France 2h05. Quinzaine des réalisateurs, séance d’ouverture. Vu Palais Croisette le 9 mai 2018. Dans ces « notes d’un festivalier », Antoine Glémain propose aux lecteurs d’Unidivers de rendre compte de ses premières impressions sur diverses sélections de films projetés au festival de Cannes 2018.

oiseaux de passage colombie

Les Oiseaux de passage prend place en Colombie dans les années 1970. Une famille d’indigènes Wayuu se retrouve au cœur du juteux commerce de marijuana destiné à la jeunesse américaine. Quand l’honneur des familles tente de résister à l’avidité des hommes, la guerre des clans devient inévitable et met en péril leurs vies, leur culture et leurs traditions ancestrales. C’est la naissance des cartels de la drogue.

Comme beaucoup, j’avais admiré la précédente réalisation de Ciro Guerra, l’onirique Etreinte du serpent (El Abrazo de la Serpiente), proposée à la Quinzaine des réalisateurs en 2015, où des ethnologues européens se retrouvaient comme engloutis dans l’univers chamanique d’Indiens de la forêt amazonienne. Son nouveau film Les Oiseaux de passage, réalisé cette fois avec son épouse et productrice Cristina Gallego, est situé quelques décennies plus tard, au moment clé où commence l’histoire des cartels de la drogue en Colombie. Les rituels des sociétés traditionnelles (en l’occurrence, celle des Indiens Wayuu du nord de la Colombie) s’effacent désormais devant les nouvelles règles du marché mondial. Avec la simplicité, parfois un peu surlignée, d’un western classique, Les Oiseaux de passage montre cette confrontation tragique de deux lois.

film Les Oiseaux de passage (Pájaros de Verano) de Cristina Gallego, Ciro Guerra. Scénario : Maria Camila Arias, Jacques Toulemonde Vidal. Acteurs : Natalia Reyes, Carmina Martinez, Jhon Narváez. Sortie au cinema le 19 septembre 2018. Durée : 2h05
film bars of passage

FILM DONBASS, SERGEI LOZNITSA VOUS MANIPULE

Voilà le film Donbass de Sergei Loznitsa. Produit en Allemagne, Ukraine, France, Pays-Bas, Roumanie, 2h01. Sélection officielle, Un certain regard, séance d’ouverture. Vu salle Debussy le 9 mai 2018. Dans ces « notes d’un festivalier », Antoine Glémain propose aux lecteurs d’Unidivers de rendre compte de ses premières impressions sur diverses sélections de films projetés au festival de Cannes 2018.

donbass sergei loznitsa

Dans le Donbass, à l’est de l’Ukraine, une guerre hybride mêle conflit armé ouvert et saccage perpétré par des gangs peu ou prou soutenus par la Russie poutinienne.

Sergei Loznitsa est un cinéaste expérimenté et il fait preuve une fois encore d’une grande maîtrise de son art. Il parvient à donner sens au chaos du Donbass en l’organisant en une série, soigneusement composée, de longs plans-séquences. Et ce sens alors, quel est-il ? La guerre apparaît dans le film comme une sinistre bouffonnerie, une manipulation totale des corps et des esprits, des images et des idées, littéralement une merde généralisée. Soit. D’où vient alors mon malaise, et même, pour finir, ma colère de spectateur ? Je me sens moi aussi manipulé. Le message a beau se vouloir universel, le film Dombass de Sergey Loznitsa est situé en un lieu et un temps donnés, il est produit par l’Ukraine et plusieurs pays alliés de l’UE et il se trouve que les personnages, montrés comme aussi veules, sadiques ou corrompus les uns que les autres, sont tous uniquement des séparatistes russophones. Un poids, une mesure. Trop caricatural quand bien même la main invisible de Moscou est bien derrière lesdits séparatistes. Il n’est certes pas interdit à un film d’être une œuvre de propagande, et on peut même reconnaître que l’histoire du cinéma ne manque pas de grands films de ce genre très particulier, mais encore faut-il que la propagande soit assumée.

Donbass, Un film de Sergei Loznitsa avec Boris Kamorzin, Valeriu Andriuta, Tamara Yatsenko, Liudmila Smorodina, Olesya Zhurakovskaya, Boris Kamorzin, Sergei Russkin, Petro Panchuk, Irina Plesnyaeva, Zhanna Lubgane, Vadim Dobuvsky, Alexander Zamurayev, Gerogy Deliev, Valeriu Andriuta, 2h01, au cinéma le 5 septembre 2018.

film donbass

In the Donbass, a region of Eastern Ukraine, a hybrid war takes place, involving an open armed conflict alongside killings and robberies on a mass scale perpetrated by separatist gangs. In the Donbass, war is called peace, propaganda is uttered as truth and hatred is declared to be love. A journey through the Donbass unfolds as a chain of curious adventures, where the grotesque and drama are as intertwined as life and death. This is not a tale of one region, one country or one political system. It is about a world, lost in post-truth and fake identities. It is about each and every one of us.

film donbass sergei loznitsa

LES PREMIERES INTERVENTIONS CHIRURGICALES LORS DES EXPEDITIONS AU POLE SUD

L’Antarctique est situé dans la zone polaire de l’hémisphère sud et est bordé par l’océan austral. L’Antarctique est un continent terrible à l’échelle humaine : froid, sec et venteux. C’est un désert, avec des précipitations annuelles de 200 mm le long des côtes et beaucoup moins à l’intérieur. La température y est en moyenne inférieure à -50°C. Les organismes de l’Antarctique comprennent des d’algues et des lichens, des bactéries, des champignons et des plantes de type toundra. Les animaux vont des acariens et des tardigrades aux manchots et aux phoques.

Fabian Gottlieb Bellingshausen
Fabian Gottlieb Bellingshausen

Imaginé dès l’Antiquité, évoqué dans des légendes polynésiennes, suspecté lors du second voyage de James Cook (1772-1775) qui sera le premier à franchir le cercle polaire, l’Antarctique fut aperçu pour la première fois par Fabian Gottlieb Bellingshausen, officier de marine russe, en 1820. La même année un baleinier américain, John Davis y accosta le premier. Les explorations françaises (1837-1840) de Jules Dumont d’Urville et britanniques (1839-1843), menée par James Clark Ross (1839-1843) précisèrent un peu plus la géographie du continent. En 1895, Henryk Johann Bull un baleinier norvégien accompagné de Carsten Borchgrevink, autre Norvégien installé en Australie, débarquèrent au Cap Adare. Carsten Borchgrevink organisa en 1899 avec le Southern Cross une seconde expédition qui réussit à hiverner tout en menant des travaux scientifiques (British Antarctic Expedition 1898–1900).

Robert Falcon Scott
Robert Falcon Scott

Adrien de Gerlache de Gomery, mène une expédition au Pôle Sud avec la Belgica (1897-1899) : à bord le second lieutenant était Roald Amundsen et le médecin Frederick Cook qui se distingueront respectivement dans la conquête le premier du Pôle Sud et le second au Pôle Nord. L’expédition allemande (1901-1903) baptisée Gauss fut menée en Antarctique par Erich Dagobert von Drygalski. L’expédition Scotia, elle est menée entre 1902 et 1904 par William Speirs Bruce, un naturaliste écossais : elle fut ignorée par les autorités scientifiques britanniques de la Royal Society et de la Royal Geographical Society de l’époque car trop « régionaliste » dans sa composition et son financement. Il nous faut citer aussi, les expéditions de Robert Falcon Scott, la Discovery (1901-1904) avec Ernest Shakleton et Terra Nova (1910-1913) ou Scott périra épuisé avec ses compagnons, constatant la victoire imparable au Pôle Sud car hautement préparée de Roald Amundsen (1910-1912). Bien sûr Shackleton ne sera pas en reste avec l’expédition Nimrod (1907-1909) qui le verra s’arrêter à 180 km du Pôle par épuisement et surtout l’Endurance (1914-1917) dont le projet grandiose était la traversée du continent, qui commença par un échec (la perte de son navire écrasé par le pack de glace) pour donner suite à une immense odyssée de plusieurs milliers de kilomètres pour réussir à ramener sain et sauf son équipage. Citons enfin, sans doute beaucoup moins physiques mais hautement scientifiques, les expéditions de notre Commandant et médecin Jean-Baptiste Charcot qui mènera deux expéditions au Pôle Sud sur le Pourquoi-Pas (1903-1905 et 1908-1910).

ANTARCTIQUE
De gauche à droite : Nicolai Hanson, William Colbeck, Herlof Klovstad, Anton Fougner, Louis Bernacchi. (Credit: Antarctic Heritage Trust)

Premiers gestes médicaux :

L’expérience de ces pionniers était modeste en la matière et les résultats parfois funestes. Lors de l’expédition de Carsten Borchgrevink (Southern Cross Exp) en 1898, le Médecin était Herlof Klovstad (1868-1900), résident dans un hôpital psychiatrique qui utilisait du chloroforme pour tuer des albatros pour le zoologiste Nickolai Hansen (1870-1899). Ce dernier souffrait d’un problème intestinal avec des douleurs et des vomissements. Klovstad effectua « une opération légère », insérant un tube dans le flanc gauche de l’abdomen de Hansen. Du liquide sortit du tube. Hansen sembla s’améliorer un peu mais mourut le lendemain. Klovstad n’a rien écrit sur l’affaire, et l’utilisation du chloroforme n’a pas été documentée. Les interventions suivantes sous anesthésie générale concernèrent une extraction pour abcès dentaire (Première expédition de Robert Scott : 1901-04) et le drainage d’un abcès prostatique (Expédition allemande : 1901-03) ou furent utilisés respectivement l’éther et le chloroforme sans que l’on ait de réelles précisions sur les conditions d’administration de ces produits. On frémit en lisant les notes d’Edward Wilson, qui donna l’anesthésie lors de l’extraction dentaire :

Je lui ai donné sur le plan pratique selon l’expérience que j’avais acquise en la recevant moi-même l’année dernière (ayant un abcès axillaire incisé) ».

Aeneas Lionel Acton Mackintosh
Le cas d’Aeneas Lionel Acton Mackintosh

Le premier patient opéré, au sens moderne du terme, fut Aeneas Lionel Acton Mackintosh. Celui-ci était né le 1er juillet 1879 à Tirhut, en Inde et entra en 1894 dans la marine marchande où il progressa d’officier subalterne à premier officier et enfin capitaine d’un navire de la célèbre P & O Company. En 1907 Mackintosh reçut l’autorisation de rejoindre comme navigateur et second officier du Nimrod, la British Antarctic Expedition (1907-1909) dont le chef était le charismatique et parfois fantasque Ernest Henry Shackleton pour qui l’enthousiasme et un courage sans borne palliaient à une préparation parfois médiocre. C’était la seconde expédition de Shackleton sur le Continent blanc et la première pour Mackintosh. Le 31 janvier 1908, peu de temps après l’arrivée de leur bateau le Nimrod à McMurdo Sound, alors qu’il aidait à décharger des provisions et aidait au transbordement des traîneaux de l’expédition, un crochet traversa brutalement le pont et le frappa à l’œil droit, le détruisant pratiquement. Eric Marshall, le médecin principal de l’expédition, le fit immédiatement emmener dans la cabine du capitaine où il l’opéra avec l’aide d’Alister Mackay, autre médecin et vétéran de la Guerre des Boers et Rupert Michell pour énucléer l’œil, en utilisant un équipement chirurgical partiellement improvisé. Il utilisa une combinaison d’atropine, de cocaïne et une anesthésie générale au chloroforme. Marshall fut profondément impressionné par le courage de Mackintosh, observant qu’ ‘«aucun homme n’aurait pu mieux s’en sortir».

ANTARCTIQUE

Dans son journal, conservé au Scott Polar Research Institute de Cambridge, Eric Marshall dit qu’il « l’a examiné et a trouvé ce qui semblait être une partie de la rétine saillant du globe oculaire. Ernest Joyce me dit que quand il est tombé, il a vu le cristallin sur sa joue. L’ai gardé sous atropine et cocaïne et avec l’aide de Mackay et Michell nous avons donné le chloroforme, avec la permission d’agir comme nous le pensions. J’ai trouvé le globe oculaire effondré, la cornée déchirée, le cristallin absent, beaucoup d’humeur vitrée s’était échappée et la rétine était lésée. Nous avons décidé à l’unanimité d’exciser l’œil. L’opération a été couronnée de succès malgré des circonstances défavorables dues au manque d’espace et d’instruments chirurgicaux ».

ANTARCTIQUE NIMROD
Le Nimrod

Une transcription dactylographiée du journal (probablement par Marshall lui-même) donne des détails supplémentaires qui ne sont pas dans l’original : « une paire de ciseaux incurvés seulement étaient disponible. J’ai fait des crochets et écarteurs avec des éléments d’accastillage. La méthode de Mackay formé à Edimbourg pour donner des anesthésiques avec une serviette imbibée de chloroforme ajoutait aux difficultés. Mackintosh gisait sur le plancher de la cabine, nous étions agenouillés, et la seule lumière était une lampe à huile ». L’accident coûta sa place à Mackintosh dans l’expédition car Shackleton exigea son retour en Nouvelle-Zélande pour poursuivre traitement. Il ne prit pas part aux principaux événements de l’expédition, mais il revint au Pôle sud avec le Nimrod en janvier 1909, pour participer aux dernières étapes de l’exploration. Et c’est lui qui sauva en quelque sorte Shackleton, Marshall et un troisième homme qui revenaient de leur tentative avortée de rejoindre le Pôle Sud, en apercevant de la fumée dans la « hutte » qu’ils avaient réussi à rejoindre après les pires difficultés, alors que le navire s’apprêtait à repartir en Nouvelle Zélande, tout le monde croyant l’explorateur et ses compagnons perdus. Il est à noter que lors de cette marche au Pôle, ils utilisèrent de la cocaïne en topique pour traiter l’ophtalmie dont ils souffraient régulièrement du fait de la réverbération du soleil sur la neige.

CHARCOT POLE SUD

Sur le Pourquoi Pas :

La deuxième expédition française (1908-1910), comme la première expédition était dirigée par le Commandant Charcot . Il avait pris son neveu, le Dr Jacques Liouville comme assistant médecin sur le voyage. Le géologue de l’expédition, Ernest Gourdon était étudiant en médecine. À la station norvégienne de l’île de la Déception (chasse à la baleine) l’un des équarisseurs s’était gravement blessé sa main le 23 décembre 1908. Après une évaluation par Charcot et Liouville, ce dernier opéra le jour suivant alors que Gourdon donnait le chloroforme. Charcot a commenté « ils sont tous les deux en retard pour le retour, l’opération a été longue, mais les deux espèrent son succès.

POLE SUD ANTARCTIQUE
L’aurora

La troisième expédition de Shakelton (1914-1917) :

La volonté et La détermination de Mackintosh dans l’adversité avaient impressionné Shackleton. En 1914, il démissionna de son poste de secrétaire adjoint de l’Imperial Merchant Service Guild à Liverpool pour rejoindre la troisième tentative polaire de Shackleton (1914-1917), à savoir une expédition transcontinentale en partant de la mer de Ross. Mackintosh fut nommé capitaine de l’Aurora et chef du groupe dit de la mer de Ross, chargé d’installer une chaîne de dépôts sur la plate-forme de glace de Ross, en direction du glacier Beardmore, destiné à déposer des dépôts d’approvisionnement le long des dernières étapes de la fin de l’expédition. Atterrissant au cap Evans à l’été 1915, l’Aurora fut empêchée par la banquise de mouiller au large du cap Royds et fut ensuite emportée par la tempête, laissant une équipe de dix personnes pour établir une base avec des magasins malgré un équipement inadéquat. Contre toute attente les hommes réussirent à constituer des dépôts sur la plate-forme de glace de Ross jusqu’au Mont Hope, mais Victor Hayward et Mackintosh moururent sur le chemin du retour en traversant la glace entre Hut Point et Cape Evans en mai 1916. Shackleton pour cette troisième expédition réalisa, dans l’échec, un authentique exploit digne d’une odyssée homérique.

POLE SUD
L’Endurance bloqué dans la glace.

Devant abandonner son navire, l’Endurance, écrasé par la banquise et forcé de camper sur la glace pendant six mois, il réussit à ramener la totalité de son équipage sur l’ile Eléphant. Lui-même avec deux autres hommes après un périple maritime forcené pu rejoindre et traverser la Géorgie du Sud pour ramener du secours. Sur l’ile, les 22 hommes survivaient dans des bateaux retournés et convertis en huttes. Percy Blackborrow, qui avait d’abord été un passager clandestin mais fut ensuite incorporé après avoir été découvert au début de l’expédition, souffrait de gelures et ses orteils étaient gangrenés. Il fut donc décidé de l’opérer. Alexander Macklin, qui fut l’anesthésiste, décrit dans son journal personnel : « Aujourd’hui (le chirurgien) James McIlroy a opéré Blackboro ‘, amputant tous les orteils du pied gauche. J’ai donné du chloroforme, il a très bien supporté son anesthésie et n’a pas été malade. Nous avons réussi à plutôt bien stériliser les instruments en utilisant un primus et une marmite. Frank Hurley (le photographe de l’expédition) a pris en charge le feu sans enfumer la cabane. Nous avons réussi à obtenir une température jusqu’à 80 ° Fahrenheit (27 ° C) et le chloroforme s’est vaporisé magnifiquement. Nous n’avions que 8 oz (227 g) de chloroforme, mais bien que l’opération ait duré 55 minutes, j’ai seulement utilisé une once. . Blackboro ‘ était bientôt remis de l’anesthésie et a réclamé pour cela, luxe rare, une cigarette ».
Commencée en 1895, l’ère héroïque de l’exploration de l’Antarctique, se termina avec la mort en Géorgie du Sud de Sir Ernest Shackleton (1874- 1922) lors de sa quatrième tentative au Pôle Sud .

https://www.youtube.com/watch?v=ruDxQeITomg

1. Wilson E. Diary of the Discovery expedition to the Antarctic regions 1901-1904. Blandford Press, 1966:37-8.
2. Marshall E. Diary 31 Jan 1908. Royal Geographical Society Library. MS RGS/EMA 6 and 7.
3. Marshall E. Typed transcript of diaries. Scott Polar Research Institute. MS GB 15 Eric Stewart Marshall/British Antarctic Expedition, 1907-09.
4. Marshall E. Diary 6 – 14 April 1908. Royal Geographical Society Library. MS RGS/EMA 6 & 7.

FILM DOCUMENTAIRE LE GRAND BAL, LAETITIA CARTON EN AUVERGNE

Voilà Le Grand bal de Laetitia Carton. France 1h40. Sélection officielle, Cinéma de la Plage. Vu salle du 60ème le 8 mai 2018. Dans ces « notes d’un festivalier », Antoine Glémain propose aux lecteurs d’Unidivers de rendre compte de ses premières impressions sur diverses sélections de films projetés au festival de Cannes 2018.

grand bal

Le grand bal est un documentaire sur un grand bal tradi qui réunit chaque été pendant une semaine plus de 2000 personnes dans un petit village d’Auvergne. Des corps qui dansent : cela suffit depuis longtemps pour justifier l’existence d’un film. Celui-ci est modeste, tendre, gracieux et à la longue enivrant, si l’on accepte de se laisser guider par son mouvement. La réalisatrice du Grand bal, Laetitia Carton, témoigne des mêmes qualités que dans ses deux précédents films, Edmond, un portrait de Baudoin et J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd. Elle a une manière bien à elle de construire son film en utilisant à petites touches les images d’archives, les silences et une voix off tout à fait singulière – toutes choses qui ne vont pas de soi dans l’art du documentaire.

Synopsis du Grand bal par Lætitia Carton

« C’est l’histoire d’un bal. Un grand bal.

Dans le bocage bourbonnais, au mois de juillet, depuis plus de 27 ans, qu’il pleuve, qu’il gadouille, qu’il vente ou sous le soleil, on y danse, on y danse, pendant sept jours et sept nuits.

Tous en rond, nous sommes plus de deux mille, toutes générations confondues, du nourrisson à l’octogénaire. On y parle aussi plusieurs langues. On vient de partout. Ça tourne, ça virevolte, ça piétine, ça transe, ça transpire, ça rit, ça pleure, ça chante, ça joue, ça suinte, ça vit.

J’y danse aussi.

Mais cette année je vais aussi y faire un film. Tenter de partager, rendre visible ce tourbillon pour qui ne le connaît pas. Le film aussi comme un tourbillon.
Danser, danser, tenir, manger, danser, danser, danser, dormir, danser, danser, écouter son corps, sa fatigue, boire, danser, ne rien louper, des fois que ce soit mieux encore alors qu’on est parti se coucher, danser, se rencontrer.

Filmer les regards, les échanges, le « entre », la communauté, la somme de ses singularités, le mouvement balbutiant, naissant, l’agilité, la simplicité des expérimentés, les lâcher-prises, les libertés que l‘on prend, la folie douce, la grande humanité qui défile, la joie qui illumine les visages, les attentes sur les chaises, l’amour qui naît, la fatigue qui tombe, les liens qui resserrent et font tenir debout.

Donner à voir comme c’est différent, quand on ose enfin se toucher, quand on se regarde, quand on vit ensemble. Et que la vie pulse. »

DOCUMENTAIRE. LE GRAND BAL FAIT DANSER LE CINÉMA

grand bal

Producteur délégué : Jean-Marie Gigon
Directeur de la photo : Karine Aulnette, Prisca Bourgoin, Laetitia Carton, Laurent Coltelloni
Directeur de production : Emmanuel Papin
Monteur : Rodolphe Molla
Son : Nicolas Joly, François Waledisch
Mixeur : Joël Rangon
Monteur son : Virgile van Ginneken
Générique : Eric Delmotte
Photographe de plateau : Véronique Chochon

film grand bal

FILM SOFIA, LE MAROC CORROMPU PAR MERYEM BENM’BAREK

Voilà Sofia de Meryem Benm’Barek. France 1h20. Sélection officielle, Un certain regard. En lice pour la Caméra d’or. Vu salle Debussy le 8 mai 2018. Dans ces « notes d’un festivalier », Antoine Glémain propose aux lecteurs d’Unidivers de rendre compte de ses premières impressions sur diverses sélections de films projetés au festival de Cannes 2018.

Sofia, 20 ans, vit avec ses parents à Casablanca. Suite à un déni de grossesse, elle se retrouve dans l’illégalité en accouchant d’un bébé hors mariage. L’hôpital lui laisse 24 heures pour fournir les papiers du père de l’enfant avant d’alerter les autorités.

Ce premier film d’une jeune réalisatrice pose un regard très sombre sur la société marocaine contemporaine. L’Islam est laissé pour une fois à l’arrière-plan et le film Sofia ne se réduit pas non plus à une dénonciation de la condition féminine au Maroc. Il montre plutôt comment dans ce pays chacun, du haut en bas de l’échelle sociale, contribue à entretenir un consensus, c’est-à-dire un système d’hypocrisie et de corruption généralisées. La séquence finale de mariage est à cet égard implacable. On peut trouver le propos désespérant, je l’ai trouvé en tout cas cinématographiquement plutôt convaincant.

Meryem Benm'Barek
Meryem Benm’Barek

Meryem Benm’Barek est née à Rabat au Maroc. Elle grandit entre le Maroc, la France et la Belgique. Elle entre en 2010 en option « réalisation » à l’INSAS à Bruxelles, où elle réalise plusieurs courts métrages dont JENNAH, sélectionné dans plusieurs festivals internationaux et en lice pour les Oscars 2015. Elle a aussi réalisé une création sonore, HOW DOES IT SOUND,  exposée au Victoria & Albert Museum à Londres et à la Biennale de Sao Paulo. Son premier long métrage, SOFIA, est tourné à Casablanca au Maroc.

Sofia, un film de Meryem Benm’Barek
Maroc / France / Qatar, 2018, Fiction, 1h30 min, version originale arabe & français
Acteurs : Maha Alemi, Sarah Perles, Hamza Khafif, Lubna Azabal, Faouzi Bensaidi, Nadia Niazi, Saïd Bey
Producteur : Olivier Delbosc
Réalisatrice : Meryem Benm’Barek
Scénariste : Meryem Benm’Barek
Production : Curiosa Films

Sofia lives with her parents in a modest apartment in Casablanca. While having lunch with her family one day, she is suddenly stricken with violent abdominal pain. Her cousin Lena, a medical student, is feeling her belly when water starts running down her thighs: Sofia is about to give birth. On the pretext of Sofia having overeaten, the two women head to the hospital. Reluctant at first, the personnel eventually agree to take Sofia in, on the condition that she provide her marriage certificate before the next morning; otherwise they will alert the authorities. After Sofia gives birth, she and Lena immediately leave the hospital in search of the child’s father, launching themselves into a frantic nocturnal quest.

film Sofia Meryem Benm'Barek

 

FILM WOMAN AT WAR, FABLE ECOLO EN ISLANDE

Voilà Woman at war de Benedikt Erlingsson. Islande-France-Ukraine 1h41. Vu le 7 mai 2018, salle Debussy, Semaine de la critique, compétition. Dans ces « notes d’un festivalier », Antoine Glémain propose aux lecteurs d’Unidivers de rendre compte de ses premières impressions sur diverses sélections de films projetés au festival de Cannes 2018.

 

film woman at war

Halla, la cinquantaine, déclare la guerre à l’industrie locale de l’aluminium, qui défigure son pays. Elle prend tous les risques pour protéger les Hautes Terres d’Islande… Mais la situation pourrait changer avec l’arrivée inattendue d’une petite orpheline dans sa vie.

Dans les paysages sauvages de l’Islande, une fable écologiste un brin désinvolte, mais plutôt habilement développée avec un grain de cocasserie qui emporte la mise. La salle était ravie. C’est ce qu’on appelle un « feelgood movie ».

https://youtu.be/TFxz4oNfBV0

Film de Benedikt Erlingsson avec Halldóra Geirharthsdóttir, Haraldur Ari Stefánsson, David Thor Jonsson, Ólafur Egilsson, Jóhann Sigurdarson, Juan Camillo, Roman Estrada, Jörundur Ragnarsson, Haraldur Ari Stefánsson.
Productrices déléguées :
Marianne Slot, Carine Leblanc
Producteur étranger :
Benedikt Erlingsson
Ingénieurs du son :
François de Morant, Raphaël Sohier, Aymeric Devoldère, Vincent Cosson
Monteur :
David Alexander Corno
Auteur de la musique :
David Thor Jónsson
Scénaristes :
Benedikt Erlingsson, Ólafur Egill Egilsson
Directeur de la photo :
Bergsteinn Björgulfsson
Attachées de presse (film) :
Florence Narozny, Clarisse André
Décorateur :
Snorri Freyr Hilmarsson

woman at war

FILM LES CONFINS DU MONDE, VOYAGE EN INDOCHINE DE GUILLAUME NICLOUX

Voilà Les Confins du monde (To the Ends of the World) de Guillaume Nicloux. France/Vietnam 1h43. Quinzaine des réalisateurs. Vu salle Debussy le 8 mai 2018. Dans ces « notes d’un festivalier », Antoine Glémain propose aux lecteurs d’Unidivers de rendre compte de ses premières impressions sur diverses sélections de films projetés au festival de Cannes 2018.

 

 

En Indochine en 1945, Robert Tassen, un paysan mayennais (oui oui…) engagé dans l’armée coloniale, est le seul survivant d’un massacre au cours duquel son frère a péri sous ses yeux. Aveuglé par la vengeance, Robert s’engage dans une quête solitaire à la recherche des assassins.

Le film Les Confins du monde de Guillaume Nicloux est nourri de ses prédécesseurs, comme La 317e section de Pierre Schoendorffer et Apocalypse Now de Coppola, et semble un peu écrasé par leur souvenir. Il est servi par un excellent Gaspard Ulliel dans le rôle de Robert et parvient à restituer par moments son voyage intérieur. Par moments seulement…

Film Les Confins du Monde (To the Ends of the World / To the Ends of the Earth) de Guillaume Nicloux, décembre 2018, 1h43.

Acteurs : Gérard Depardieu, Gaspard Ulliel, Kevin Janssens, Guillaume Gouix, Jonathan Couzinié, Anthony Paliotti.

film confins du monde

FILM AMIN DE PHILIPPE FAUCON, FORCES ET FAIBLESSES

Voilà Amin de Philippe Faucon. France 1h31,Quinzaine des réalisateurs. Vu le 7 mai 2018, salle Debussy. Dans ces « notes d’un festivalier », Antoine Glémain propose aux lecteurs d’Unidivers de rendre compte de ses premières impressions sur diverses sélections du festival de Cannes 2018.

film amin

Amin est venu du Sénégal pour travailler sur des chantiers en France en laissant au pays sa femme Aïcha et ses enfants. Il envoie l’essentiel de ce qu’il gagne au Sénégal pour faire vivre sa famille. Mais il fait la rencontre d’une femme, Gabrielle, avec laquelle il noue une liaison.

J’ai entendu pas mal de spectateurs exprimer leur déception à l’issue de cette séance mais, à vrai dire, je ne la partage pas. En quelques plans, Philippe Faucon filme toujours aussi justement des personnes et des lieux (des chantiers, un foyer d’immigrés, un quartier au Sénégal…) généralement absents du cinéma français. Il est vrai que l’on ne ressent pas de passion ni même d’attirance charnelle ou d’empathie dans la relation amoureuse entre Amin et Gabrielle (Emmanuelle Devos) mais cela me paraît constituer une force lucide, et non une faiblesse du film.

amin philippe faucon

Avec MOUSTAPHA MBENGUE EMMANUELLE DEVOS MARÈME N’DIAYE NOUREDDINE BENALLOUCHE MOUSTAPHA NAHAM JALAL QUARRIWA FANTINE HARDUIN SAMUEL CHURIN LOUBNA ABIDAR SORIA ZEROUA

Entretien avec le réalisateur

Il me semble que c’est la première fois que vous évoquez le déracinement de l’immigration en articulant votre récit sur deux géographies distinctes : le pays d’origine et le pays d’accueil. Pourquoi avoir choisi cette fois de traiter ce thème crucial de cette manière ?

Parce que justement, il m’a semblé qu’il n’avait pas été traité de cette façon (ou très peu, très succinctement), alors que précisément ces deux géographies fondent un parcours d’exil ou de migration. Le cinéma a cette capacité de mise en parallèle très forte entre les deux mondes. On passe directement d’une séquence dans le pays d’origine à une séquence dans le pays d’accueil, avec un effet de « cut », de confrontation immédiate de tout ce que contiennent les images : les conditions de vie, les préoccupations des personnages, les enjeux sociaux ou familiaux. Ça ne procéderait pas aussi immédiatement par l’écrit, qui a d’autres moyens d’évocation, mais qui demandent le temps de

développement des phrases.

Depuis près de 30 ans, votre cinéma observe la société française, sa diversité avec une acuité qui vous fait avoir toujours une longueur d’avance sur notre époque. Vous considérez vous comme un cinéaste du sociétal et/ou du politique ?

Oui. Je vis dans une société et une époque données et je ne conçois pas de m’intéresser à une expression comme le cinéma tout en me désintéressant du monde et de l’époque dans laquelle je vis. Mais je m’intéresse avant tout au cinéma pour la force, les mystères, la poétique de ses moyens formels propres.

Même si Amin est le rôle titre, le scénario est choral. Cela permet de mettre un pluriel au mot générique d’immigré et de montrer la multiplicité des destins d’hommes et de femmes concernés par cette problématique. Est-ce la raison du choix d’un film pluriel ?

Oui. Il y a plusieurs situations d’hommes seuls, qui déclinent des vécus différents : Amin a laissé au pays sa femme et ses enfants, qu’il ne revoit qu’après de longues périodes d’absence. Abdelaziz est plus âgé, il a recommencé une vie en France et les enfants qu’il a eus d’une première union au Maroc lui renvoient qu’il n’a qu’à « rester en France avec ses enfants français ». Il y a aussi la frustration et la misère sexuelle de ce jeune homme dont la vie est quasi réduite à sa force de travail. Il y a les femmes et les enfants restés au pays d’origine, les femmes rencontrées en France et les enfants qui y sont nés, comme les deux filles d’Abdelaziz.

Comme souvent dans votre cinéma, le scénario repose sur des choses très factuelles. Les personnages s’écrivant au travers de gestes quotidiens. Pourquoi ce choix d’écriture ?

Parce qu’à l’écran, le visuel, c’est à dire les corps, les gestes, les visages, les regards, expriment tout autant que les paroles prononcées par les personnages. L’introspection psychologique n’est pas le domaine des personnages d’Amin. Ils avancent dans leurs vies, poussés par des nécessités vitales, qui laissent peu d’espace à ça. En France, Amin garde le plus souvent pour lui ses pensées, que son visage et ses regards expriment quelquefois à son insu. Il ne donne libre cours à ses sentiments que lorsqu’il se trouve en confiance : au foyer avec ses amis, lorsqu’il retrouve les siens au Sénégal, et peu à peu avec Gabrielle.

Et pourtant, en vous reposant sur des choses très concrètes, vous et vos co-scénaristes, Yasmina Nini- Faucon et Mustapha Kharmoudi, parvenez à exprimer sans passer par le dialogue la douleur intime et sourde des personnages. Comment avez-vous travaillé le scénario d’Amin ?

En en parlant entre nous. En rencontrant des hommes en foyers en France, puis des femmes restées seules dans les pays d’origine. La solitude, le déracinement, le mal être de ces hommes vivant entre eux, mais aussi leurs connivences, leurs rires qui aident à tenir, ce sont des choses que Yasmina Nini-Faucon ou Mustapha Kharmoudi ont connues dans leurs familles ou leurs entourages proches. Et moi aussi, par une partie de mon histoire familiale. Cette « douleur intime et sourde » dont vous parlez, il était primordial pour nous de trouver à la restituer sans la dénaturer, en évitant les facilités, les poncifs ou les effets.

Le rôle des femmes est primordial dans le film. En particulier celui de la femme d’Amin… Femme isolée, soumise à la belle-famille mais se rebellant, surveillant les travaux donc chef de famille. Une image forte et nuancée de la femme africaine obstinée et indépendante…On est loin des clichés.

Dans le village où nous avons tourné, nous avons souvent été frappés par la force que ces femmes peuvent montrer, dans des situations de vie très difficiles. Marème N’Diaye (qui joue la femme d’Amin) vit en France, mais elle est originaire d’un village de la région. Dans les essais préparatoires que nous avons faits, elle avait une gestuelle innée dans les scènes de colère, que je trouvais très belle et pour laquelle j’ai vraiment voulu trouver l’axe et les cadres qui permettraient de la filmer au mieux !

Votre mise en scène semble interrompre les scènes. Comme si vous coupiez toujours avant la fin de la scène. Pour lui laisser de l’ellipse. Une manière de faire vivre les protagonistes au-delà de la narration. De laisser de la place au non-dit. Au hors champ…

Je crois qu’il s’agit, de ne pas enfermer le personnage dans quelque chose de trop arrêté ou de trop dit. De lui laisser une existence qui échappe aux définitions trop courtes ou trop simples. Comme dans la réalité de la vie, le personnage exprime ou donne à voir une facette de lui-même, consciemment ou à son insu. Mais ce qui est aperçu de lui n’est pas quelque chose qui suffira à le définir complètement. Je ne crois pas interrompre la séquence avant sa « fin », mais je travaille, au stade du scénario ou à celui du montage, à sa concision. J’essaie d’éviter que ne s’insinue dans l’écriture ce qui est inutile ou redondant, ou ce qui finalement restreint ou appauvrit le personnage, à force de trop vouloir dire.

La tonalité faussement sereine et lisse du film est au diapason du personnage d’Amin. Une superbe puissance de corps pour un homme taiseux qui semble toujours chercher à s’effacer et ne se redresse que chez lui en Afrique. La mise en scène ne surdramatise jamais. Quels en étaient justement les enjeux pour ce film ?

En France, Amin se tait souvent, mais pas parce qu’il cherche à s’effacer. Il n’a pas la même maîtrise de la langue. Il ne possède pas toujours tous les codes des milieux dans lesquels il évolue. Et il porte en lui une histoire (l’exil, la séparation prolongée d’avec  ses proches, dont il pourvoit aux besoins) qu’il ne partage que dans l’intime. C’est un personnage secret, décalé, dont la mise en scène cherche à évoquer la trajectoire, là encore sans la galvauder et en évitant les facilités et les stéréotypes.

Comment avez-vous rencontré Moustapha Mbengue et comment avez-vous travaillé sur son personnage et sur ses deux visages, le renfermé en France, le solaire et complice en Afrique ?

J’ai rencontré Moustapha par l’intermédiaire de Leïla Fournier, avec qui j’avais travaillé précédemment, avec beaucoup de connivences, sur le casting deFiertés *. Elle-même ne le connaissait pas, mais avait entendu parlé de lui par un de ses contacts en Italie, où vit Moustapha. Moustapha a une maîtrise partielle du français et il a sans doute, sur bien des points, un parcours personnel proche de celui d’Amin. En tous cas, une connaissance particulière et profonde de tout ce dont est fait ce parcours : solitude, à la marge d’un pays que l’on a rejoint par nécessité de survie ; éloignement des siens dont on garde la charge, etc. Dans le film d’ailleurs, différents visages alternent chez lui, suivant les pensées ou les sentiments qui l’habitent : replié ou insondable parfois, ouvert et rayonnant à d’autres moments.

Vous qui travaillez assez peu avec des acteurs confirmés, avez choisi cette fois de collaborer avec Emmanuelle Devos. Pour quelles raisons et qu’a-t-elle apporté dans sa personnalité et son jeu au film ?

J’ai trouvé Emmanuelle très étonnante dans le film de Jérôme Bonnell Le Temps de l’Aventure. Elle y joue une comédienne et il y a en particulier une séquence où elle fait deux prises, l’une après l’autre, lors d’un essai de casting. C’est une séquence sans montage, où elle répond successivement à deux demandes différentes, en portant à chaque fois avec un jeu superbe une séquence pas simple à maîtriser. Pour Amin, peut-être que j’ai été intéressé par le fait qu’elle se trouverait en terrain inconnu, à l’opposé de ce qu’elle avait fait jusque-là. Ça a été le cas, mais j’ai été étonné par à quel point elle ne s’est jamais démontée. Elle reste toujours très pro. Elle peut être pleine d’appréhensions, mais ne les apporte pas dans le travail sur le plateau.

Philippe Faucon filmographie
1989 L’AMOUR Festival de Cannes, Prix Perspective du Cinéma Français
1992 SABINE Téléfilm Arte
1994 MURIEL FAIT LE DÉSESPOIR DE SES PARENTS MURIEL’S PARENTS ARE DESPERATE Téléfilm Arte 1996 MES DIX-SEPT ANS Téléfilm France 2
TOUT N’EST PAS EN NOIR Court-métrage dans le film collectif L’AMOUR EST À RÉINVENTER 1998 LES ÉTRANGERS Téléfilm Arte
2000 SAMIA Festival de Venise, Cinéma du Présent
2002 GRÉGOIRE PEUT MIEUX FAIRE Téléfilm Arte
2005 LA TRAHISON THE BETRAYAL Festival de Toronto
2008 DANS LA VIE TWO LADIES
D’AMOUR ET DE RÉVOLTES Série 4 x 43 min pour Arte
2009 MAKING OFF Court-métrage
2012 LA DÉSINTÉGRATION THE DISINTEGRATION Festival de Venise, Sélection officielle, Hors compétition
2015 FATIMA Festival de Cannes, Quinzaine des réalisateurs
3 César : Meilleur film, meilleure adaptation, meilleur espoir féminin pour Zita Hanrot Prix Louis Delluc du meilleur film
Prix du syndicat français de la Critique du meilleur film
2016 VIVRE Court-métrage
2018 FIERTES Série 3 x 52 min pour Arte
AMIN Festival de Cannes, Quinzaine des réalisateurs

CHRIS THE SWISS D’ANJA KOFMEL, ENQUETE YOUGOSLAVE

Voilà Chris the Swiss d’Anja Kofmel. Suisse-Croatie 1h30, Semaine de la critique, séance spéciale. Vu le 7 mai 2018, salle Debussy. Dans ces « notes d’un festivalier », Antoine Glémain propose aux lecteurs d’Unidivers de rendre compte de ses premières impressions sur diverses sélections du festival de Cannes 2018.

chris the swiss

En janvier 1992, en pleine guerre dans l’ex-Yougoslavie, Chris, un journaliste suisse, est retrouvé assassiné dans des conditions mystérieuses. Sa cousine Anja mène l’enquête pour découvrir ce qui s’est passé.

Ce premier long métrage d’Anja Kofmel est un documentaire de création ambitieux qui mêle de manière très élaborée prises de vue actuelles, images d’archives et techniques d’animation. Au-delà de l’enquête sur le cas particulier de Chris, qui apporte son lot de révélations, le film se livre à une réflexion acérée sur le journalisme de guerre et, d’une manière encore plus générale, sur la permanence du désir de guerre au cœur de nos civilisations.

chris the swiss

Credits
Année: 2018
Pays: CH, HR, DE, FIN
Durée du film: 90 Min.
Réalisation: Anja Kofmel
Scénariste: Anja Kofmel
Production: Samir, Sinisa Juricic – Nukleus Film Kroatien, Heino Deckert – Ma.ja.de Film, Deutschland, Iikka Vehkalahti – IV Films Ltd / p.s.72 productions, Finnland
Production executive: Sereina Gabathuler
Image: Simon Guy Fässler
Montage: Stefan Kälin
Musique: Marcel Vaid
Assistant de production: Sophia Rubischung
Casting: Voice Chris: Joël Basman, Voice German Narrator: Susanne-Maria Wrage, Voice English Narrator: Megan Gay
Prix Golden Zagreb Award, Animafest Zagreb, 2013

Festival de Cannes, 2018
Festival International du Film d’Animation d’Annecy, 2018

chris the swiss

FILM NOS BATAILLES, STYLE DIRECT DE GUILLAUME SENEZ

Voilà Nos batailles de Guillaume Senez. Belgique/France, 1 h 38. Semaine de la critique, séance spéciale. Vu le 7 mai, salle Debussy. Dans ces « notes d’un festivalier », Antoine Glémain propose aux lecteurs d’Unidivers de rendre compte de ses premières impressions sur diverses sélections du festival de Cannes 2018.

Olivier (interprété par un sobre Romain Duris) se démène contre les injustices dans son entreprise. Lorsque sa femme, Laura, le quitte brusquement, il doit batailler pour trouver un nouvel équilibre dans sa vie familiale et professionnelle.

Comme dans son précédent film, Keeper (2015), le réalisateur franco-belge Guillaume Senez se distingue par son style direct et un peu sec, sa justesse dans les détails psycho-sociologiques et son attachement à tous ses personnages (dont celui de la sœur d’Olivier, jouée par la savoureuse Laetitia Dosch).

film nos batailles

 

LISTE ARTISTIQUE

Olivier Claire Betty Laura Elliot Rose Joëlle Agathe Paul Romain Duris Laure Calamy Laetitia Dosch Lucie Debay Basile Grunberger Lena Girard Voss Dominique Valadié Sarah Le Picard Cédric Vieira


film nos batailles

ENTRETIEN AVEC GUILLAUME SENEZ

Comment s’est élaboré le projet de Nos batailles ?

Quand je préparais mon premier long-métrage Keeper, je me suis séparé de la mère de mes enfants. J’ai appris, comme Olivier (Romain Duris) dans le film, à vivre seul avec eux, à les regarder, à les entendre et à les comprendre. Ce fût une période fondatrice pour moi, en tant qu’homme mais aussi en tant que cinéaste.

Je me suis demandé comment les choses se seraient passées si j’avais été complètement seul, veuf, ou abandonné. La réponse est simple : je n’aurais pas réussi à trouver une stabilité entre ma vie professionnelle et familiale.
Je connais pas mal de couples dont les fins de mois sont difficiles, chacun travaille mais leur situation reste précaire, fragile, à l’image d’un château de cartes : si on retire un élément, tout s’effondre. Il fallait que j’écrive là-dessus, sur cette harmonie si difficile à préserver, d’un point de vue à la fois financier mais surtout émotionnel.

Nos batailles raconte la disparition d’une mère et les efforts d’un père pour empêcher la dislocation de son foyer. Un père qui devra batailler pour trouver un équilibre entre ses engagements professionnel et familial.

Le film, dans sa texture même, entretisse deux récits : la disparition de l’épouse Laura et le combat social d’Olivier. Dans les deux cas, il y a comme un retournement : d’une part un homme plaqué avec deux enfants, rarement vu au cinéma, et de l’autre la disparition progressive de l’humain face au capitalisme 2.0.

Je ne suis pas dans un cinéma théorique, j’essaie de rester à hauteur d’homme, d’être dans le sensitif. Nos batailles porte un regard sur le monde du travail d’aujourd’hui et plus spécifiquement ses répercussions sur la famille. C’est cet angle qui me semble le plus humain et le plus empathique.

J’avais envie de montrer un personnage abandonné par tout le monde et qui n’arrive pas à aider les gens qu’il aime. Il a un regard très bienveillant en tant que chef d’équipe mais dès que ça touche à l’intime, cela devient compliqué pour lui. Je me reconnais en lui à bien des égards : j’arrive beaucoup mieux à expliquer un problème de maths à n’importe quel autre enfant qu’à mon fils, avec lequel je m’énerve tout de suite. Et l’idée d’avoir toujours beaucoup de mal à aider les gens que l’on aime, me touche.

Romain Duris a été un choix précoce ?

Oui, très vite, c’était lui. Avant même de me lancer dans la continuité dialoguée, je lui ai proposé. J’ai eu la chance qu’il ait adoré Keeper, il a donné son accord à la lecture du traitement sans que le scénario soit écrit. Il m’a fait confiance.
On a beaucoup discuté de la méthodologie, du fait que je ne donne pas les dialogues. Cela représente un risque pour les comédiens, c’est comme sauter sans parachute, et je comprends très bien leurs appréhensions. Romain n’avait jamais travaillé comme ça auparavant. Ce défi l’excitait beaucoup. Avant le tournage, on a beaucoup discuté du personnage. Au moment du tournage, tous les dialogues sont minutieusement écrits, mais je ne les donne pas aux comédiens. On va les chercher ensemble. C’est cela qui donne au film cette texture particulière, les moments où les personnages cherchent un peu leurs mots, où les dialogues peuvent se chevaucher, tous ces petits accidents, ces choses de la vie de tous les jours qu’on a tendance à perdre au cinéma.

Une telle méthode finit par donner une immense liberté aux comédiens même si elle entraîne aussi certaines contraintes pour les techniciens. Mais je connais mon équipe depuis longtemps, ce sont de véritables partenaires. Tout le monde joue le jeu, on cherche ensemble, et c’est ça qui m’intéresse sur un plateau : travailler, et que chacun donne de sa personne pour arriver au meilleur film possible. Romain a parfaitement joué le jeu, il s’est totalement investi avec beaucoup de générosité. Il a aimé, je crois, cette façon de travailler, ça se sent et ça se voit à l’écran. Pareil avec Laetitia Dosch (qui était déjà dans Keeper), Laure Calamy et Lucie Debay, ce sont des comédiennes très généreuses, elles sont dans l’écoute de leurs partenaires de jeu, et ça c’est précieux.

L’homme plaqué est une figure plutôt rare dans le cinéma contemporain.

C’est d’abord la liberté de la femme d’abandonner ses enfants que je voulais montrer. Elle n’est ni morte, ni en prison. Elle est partie et c’est tout, on n’en saura guère plus. Je ne voulais ni expliquer, ni condamner : on comprend que cette femme ne trouvait plus sa place dans cette maison ou dans sa vie. Elle continue à exister dans l’absence, dans le souvenir des autres.

Nos batailles est un film sur la paternité : ce sont Elliot et Rose qui vont faire grandir Olivier et en faire un père, l’amener à se poser, à réfléchir à sa vie intime, à ses relations avec le monde et les autres.

Le film évite de tenir des discours mais montre beaucoup de choses.

Je souhaitais montrer la complexité et la modernité du monde du travail sans être dans la démonstration. Je n’aime pas quand on dit au spectateur ce qui est bien ou mal. J’aime montrer les choses comme elles sont, comme elles existent.
J’ai le sentiment que les vrais combats à venir, les vraies batailles auxquelles renvoie le titre, elles sont dans l’intime, dans la vie personnelle. Elles sont ancrées en nous. Et ça, on ne peut pas le démontrer, mais on peut essayer de le faire ressentir.

Les enfants de Nos batailles sont excellents acteurs.

Parmi plus d’une centaine d’enfants ces deux-là ont très vite émergé. Lena nous a semblé tout de suite incroyable, avec beaucoup de créativité. Quant à Basile, qui n’avait jamais rien tourné, il était confondant de naturel. On s’est vus énormément, pas forcément pour travailler, mais pour aller au parc, manger une glace, avec Lucie Debay (qui joue Laura, la mère) pour qu’ils se familiarisent.

Et comme pour mon premier long-métrage, Keeper, le dispositif est léger, une caméra à l’épaule qui suit l’action sans jamais la précéder, ce qui laisse un maximum de liberté de jeu aux comédiens. Les dialogues ne sont pas donnés aux comédiens. Nous travaillons séquence par séquence. D’abord en improvisation, puis, petit à petit, en les accompagnant au plus près, nous arrivons ensemble aux dialogues. Et ça met tous les acteurs sur le même pied d’égalité. Avec les enfants cela fonctionne particulièrement bien.

Il n’y a pas de musique qui accompagne le film, sauf une scène où les personnages dansent sur le Paradis blanc de Michel Berger…

Je cherchais une chanson qui évoque quelque chose à la fois nostalgique et populaire, qui amène une émotion que tout le monde peut partager. Je trouvais que cette chanson en avait le potentiel. Nos batailles est un film où les gens ont du mal à se dire les choses, n’arrivent pas à se parler. Et je voulais qu’il y ait un moment dans l’histoire où il n’y aurait rien à dire, parce que parfois, c’est tout simplement danser avec quelqu’un qui nous fait du bien. La musique nous emmène ailleurs et ça nous apaise. Cette scène est importante dans le film parce que c’est le moment où on peut se passer de mots.

Je ne voulais pas d’autre musique ni d’accompagnement. J’adore la musique de film mais je n’en ai pas envie pour les miens. Je suis mal à l’aise avec l’idée d’ajouter de la musique sur une scène, comme si elle ne se suffisait pas à elle-même. Il faut donc que la musique soit diégétique, justifiée dans la scène par le scénario : parce que les personnages écoutent un morceau, ou l’entendent.

Propos recueillis par Olivier Séguret.

À PROPOS DE GUILLAUME SENEZ

Guillaume Senez est franco-belge, né à Bruxelles en 1978 où il réside actuellement. Il est l’auteur de plusieurs courts-métrages sélectionnés dans de nombreux festivals : La Quadrature du Cercle (2005), Dans nos veines (2009) et U.H.T. (2012). En 2016 sort son premier long-métrage,Keeper qui est sélectionné dans plus de 70 festivals (dont Toronto, Locarno, Angers – Grand Prix du Jury, etc.) et reçoit plus d’une vingtaine de prix. Nos batailles, sélectionné à la Semaine de la Critique (Cannes 2018), est son deuxième long-métrage.

FILM WELDI MON CHER ENFANT DE MOHAMED BEN ATTIA, FIGURES ARABO-MUSULMANES

Voilà Mon cher enfant de Mohamed Ben Attia. Tunisie, 1 h 44. Le nouveau film du réalisateur du film à succès Hedi (2016) est projeté en avant-première mondiale à la Quinzaine des Réalisateurs de Cannes le 6 mai 2018, salle Debussy. Dans ces « notes d’un festivalier », Antoine Glémain propose aux lecteurs d’Unidivers de rendre compte de ses premières impressions sur diverses sélections du festival de Cannes 2018.

Riadh s’apprête à prendre sa retraite de cariste au port de Tunis. Avec Nazli, il forme un couple uni autour de Sami, leur fils unique qui s’apprête à passer le bac. Les migraines répétées de Sami inquiètent ses parents. Au moment où Riadh pense que son fils va mieux, celui-ci disparaît brusquement.

film mon cher enfant

Mohamed Ben Attia s’est fait connaître en 2016 par un premier film, Hedi, qui avait le mérite de déjouer beaucoup de clichés sur le monde arabo-musulman en proposant des personnages, masculins et féminins, tout à fait non conformistes. Mon cher enfant témoigne des mêmes qualités, notamment dans son traitement des figures secondaires, mais à un degré sans doute un peu moindre. Le personnage du fils, Sami, reste d’une opacité déconcertante.

titre international : Dear Son
titre original : Weldi
pays : Tunisie, Belgique, France
vente à l’ étranger : Luxbox
année : 2018
genre : fiction
réalisation : Mohamed Ben Attia
scénario : Mohamed Ben Attia
acteurs : Mouna Mejri, Imen Cherif, Mohamed Dhrif, Zakaria Ben Ayyed
directeur de la photo : Frédéric Noirhomme
montage : Nadia Ben Rachid
costumes : Olfa Attouchi
producteur : Dora Bouchoucha Fourati
coproducteur : Nadim Cheikhrouha, Jean-Pierre Dardenne, Luc Dardenne, Olivier Père
producteur associé : Philippe Logie
producteur exécutif : Lina Chaabane Menzli, Cigdem Mater, Delphine Tomson
production : Les Films du Fleuve, Tanit Films, Nomadis Images (TN)
distributeurs : Bac Films

Riadh is about to retire from his job as a forklift operator at the port of Tunis. The life he shares with his wife Nazli revolves around their only son, Sami, who is preparing for his high-school exams. The boy’s repeated migraine attacks are a cause of much worry to his parents. But when he finally seems to be getting better, Sami suddenly disappears…

This is what Mohamed Ben Attia portrays in his second feature, Dear Son, set to world-premiere in the 50th Directors’ Fortnight during the 71st Cannes Film Festival. The Tunisian filmmaker is back after his successful first feature, Hedi [+], which took home the awards for Best First Feature and Best Actor in the Competition of the 2016 Berlinale Film Festival. Dear Son was produced by Tunisia’s Nomadis Images, Belgium’s Les Films du Fleuve and France’s Tanit Films, and is being sold internationally by Luxbox.

FILM GIRL DE LUKAS DHONT, TRANSMUTATION DE VICTOR POLSTER

Dans ces « notes d’un festivalier », Antoine Glémain propose aux lecteurs d’Unidivers de rendre compte de ses premières impressions sur diverses sélections du festival de Cannes 2018. Voilà Girl de Lukas Dhont, Belgique/Pays-Bas, 1 h 45. Sélection officielle, Un certain regard. En lice pour la Caméra d’or. Vu le 6 mai 2018, salle Debussy.

film girl lukas dhont

 

Lara rêve de devenir danseuse étoile mais elle est encombrée par son corps car elle est née garçon.

Girl est le premier long métrage d’un jeune cinéaste flamand, déjà remarqué à la Ciné Fondation à Cannes et aux Ateliers Premiers Plans à Angers. Le film saisit avec une puissance tragique la transmutation de son héros – incarné par l’étonnant Victor Polster – dans la double souffrance de l’apprentissage de la danse classique et de l’arrachement à son corps masculin. Comme dans un autre film récent autour de personnages transgenres, le documentaire Coby de Christian Sonerengger, la figure du père m’est apparue comme hautement problématique.

https://youtu.be/apA__J_SRNQ

original title: Girl
country: Belgium, Netherlands
sales agent: The Match Factory
year: 2018
genre: fiction
directed by: Lukas Dhont
film run: 100′
screenplay: Lukas Dhont, Angelo Tijssens
cast: Victor Polster, Arieh Worthalter
cinematography by: Frank van den Eeden
film editing: Alain Dessauvage
costumes designer: Catherine Van Bree
music: Valentin Hadjadj
producer: Dirk Impens
co-producer: Arnold Heslenfeld, Jean-Yves Roubin, Laurette Schillings, Frans Van Gestel, Cassandre Warnauts
production: Menuet, Frakas Productions, Topkapi Films

film girl

film girl

H+ MUSIQUE TRANSHUMANISTE, J.B. DUNCKEL OU ECCE HOMO

Le sympathique et talentueux compositeur de musique électronique Jean Benoît Dunckel, pionnier de la French Touch au sein du duo Air, formation qui n’officie plus depuis 2014, revient dans les bacs cette fois-ci en solo avec un disque intitulé H+. Un titre assez cryptique, mais qui renvoie plus simplement à la principale thématique de cet opus à savoir le Transhumanisme ou l’homme augmenté (D’où le H+)…

J.B. Dunckel n’en est pas à sa première réalisation solo en dehors de Air, en effet déjà en 2006 il avait sorti un  disque personnel intitulé Darkel. Puis après diverses collaborations et des compositions de musiques de films, la dernière réalisation du musicien remonte à 2016 en compagnie de L’Islandais Bardi Jõhannsson pour un album d’électro pop intitulé Starwalker.

h+ dunckel

H+ est un disque qui se situe dans la continuité de la musique de Air, mais avec quelques nouveaux éléments concernant les mélodies et les ambiances ressortant des textes. En effet l’auditeur découvrira d’intéressantes compositions Electronica, mais plus solaires que la plupart  des titres réalisés en collaboration avec le guitariste bassiste Nicolas Godin à l’époque du célèbre duo. Les Synthés, instruments de prédilection de J.B., sont évidemment très présents, les accords sont recherchés et surprendront même les mélomanes les plus blasés. Les mélodies vocales sont agréables, mais minimalistes, Le compositeur est avant tout claviériste. Les textes écrits en anglais sont facilement compréhensibles grâce à un accent très éloigné de celui d’un Texan ou d’un Redneck du fin fond du Wyoming.  Contrairement à beaucoup de chanteurs français qui choisissent la langue de Shakespeare et s’acharnent pour acquérir un accent yankee de façon parfois grotesque et mimétique, J.B. s’exprime ici en anglais sans rechercher des effets qui sembleraient dénaturés. Le timbre du compositeur est aussi intéressant et singulier, une voix douce légèrement voilée que certains qualifient d’androgyne, peut-être…  Un peu comme La voix de Peter von Poehlmais moins haut perchée et plus orientée dans un genre parler-chanter.

Les textes se démarquent assez de l’univers de Air, ils sont ici moins mélancoliques, on est loin des titres du disque Pocket Symphony comme Mer du Japon ou de Somewhere between waking and sleeping. J. B. semble avoir tourné une page pour s’orienter vers une vision plus optimiste dans une époque qui, il faut bien l’admettre, est assez trouble. Comme on l’évoquait dans l’introduction, la thématique principale du disque est le transhumanisme, qui donne son nom au morceau accrocheur Transhumanity. J.B. y chante les vers suivant : Here comes the new men, their life has no end…. They’re getting smarter by studying longer… I wanna stay by your side, we will never die.

Effectivement, notre époque est confuse et paradoxale : d’un côté le péril climatique, la gestion des crises migratoires, la paupérisation, la pollution à différents niveaux puis d’un autre côté les formidables avancées de la science : la médecine, la robotique, la mécanique quantique, offrant peut-être un jour à l’homme des réponses aux questions qu’il se pose depuis la nuit des temps, et comme l’affirment certains chercheurs, une espérance de vie énormément prolongée voire une victoire sur la mortalité… D’autres morceaux développent un certain sentimentalisme que l’on pouvait déjà remarquer sur l’album Skywalker. Les sentiments et l’amour altruiste abordés en parallèle à une musique qui est loin d’être guimauve est un pari assez osé ; certains apprécient, d’autres sont loin d’y adhérer pour le prétexte que c’est une démarche commerciale et d’un point de vue rationnel, une illusion. Peut-être… encore une fois, chacun a son expérience de l’affectif et de son expressivité.

Quoi qu’il en soit, les 14 morceaux proposés sur ce disque sont rafraichissants, on a affaire à une musique électronique agréable, intelligemment optimiste, loin de la mélancolie développée par Moby dont on a également fait la chronique pour son très bon disque, mais orienté dans un tout autre esprit.

h+ dunckel

Tracklist : Hold on- Love machine- The garden- Transhumanity- Qwartz- Slow down- The wind up- Space age- In between- The two moons- Show your love- Ballad non sense- Carpet bombing- Kill for you.

MUSIQUE. L’ORGANISME TEXTURE SUR LA SCÈNE DE ROCK’N SOLEX

Créé en février 2014, l’Organisme Texture organise des événements artistiques et musicaux qui mêlent arts visuels, house, techno et musique électronique. Samedi 12 mai 2018, les cinq DJ’s d’Organisme Texture mixeront sur la petite scène du festival Rock’n Solex. Rencontre avec ce collectif nostalgique des premières raves des années 1990.

TEXTURE

L’Organisme Texture commence à être connu dans le grand Ouest, quelle était votre ambition en créant cette association ?

Texture : Le projet de base n’était pas de proposer des événements, mais de lancer un collectif avec des potes en tant que DJ House. Il y a quatre ans, la House n’était pas assez implantée à Rennes, c’était plus une ville techno. L’identité de Texture s’est développée dès la première soirée que nous avons organisée en avril 2014 au parking des deux rives à Rennes. Avec cet événement plus techno que House, nous avons commencé à établir plusieurs partenaires, et certains ont intégré l’association juste après. L’association a ensuite évolué assez naturellement, et de nouvelles personnes sont entrées dans l’association. Aujourd’hui, notre but est de faire connaître des artistes au public rennais et de prouver que Texture n’a pas qu’une image clubbing. Le nom Texture correspond aussi bien à la musique qu’au côté artistique. La musique expérimentale, moins clubbing, fait partie de la musique électronique mais sous une autre texture, et ce que nous voulons transmettre aux gens.

https://www.youtube.com/watch?v=CgWpEegvppY

Combien d’événements organisez-vous par an ?

Texture : C’est assez variable. Aujourd’hui, nous proposons des événements incontournables comme la TXTR qui existe depuis deux ans, et se déroule à peu près à la même date chaque année, autour du 20 juillet. Sinon, nous avons surtout organisé des événements privés dans des lieux assez insolites. Aujourd’hui, nous avons un peu perdu cette ambition, car nous sommes confrontés à la difficulté de trouver d’autres lieux insolites. Nous proposons désormais des lieux plus connus du grand public, dans lesquels nous essayons d’apporter l’identité Texture. Mais il n’y a pas forcément un nombre d’événements par an, il nous est arrivé de passer de deux à six événements d’une année à l’autre.

TEXTURE
TXTR La Prévalaye juillet 2017

Proposer des événements dans des lieux insolites, c’est votre marque de fabrique…

Texture : Notre premier événement était dans un parking sous-terrain en centre-ville de Rennes. Sinon nous avons organisé des événements dans un champ avec des menhirs, dans des châteaux, dans des hangars aussi, donc des lieux assez variés finalement. Le but n’était pas seulement de proposer des soirées en club, mais d’essayer de retrouver ce côté rave des années 1990 qui s’était un peu perdu dans le bassin Rennais.

Qui retrouvons-nous au sein de l’Organisme Texture ?

Texture : Aujourd’hui, nous sommes neuf dans l’association dont cinq DJ’s, qui ont chacun leur poste au sein de l’association. Hadrien en est le président. Yann est chargé de l’administratif et du booking. Aurélien est le régisseur de l’association, il s’occupe aussi bien de la technique que de la scénographie. Bastien est le responsable communication. Erwan est le trésorier. Alexandre est responsable du planning des bénévoles. Théo est le responsable technique. Martin est notre graphiste. Puis Hugo vient d’arriver en renfort sur la partie communication. Après il y a des personnes qui font partie de la Texture Family mais qui sont basées à Paris, Lille et Pau.

TEXTURE
TXTR La Prévalaye juillet 2017

Comment choisissez-vous les artistes invités lors de vos événements ?

Texture : Le choix s’opère soit en fonction du réseau, soit parce que ce sont des artistes que nous apprécions et que nous aimerions inviter. Ça marche un peu au coup de cœur, nous n’allons pas non plus booker des artistes juste pour un nom. Les artistes que nous invitons font surtout partie de la scène House et techno. Notre but principal est d’amener des artistes qui ne sont jamais passés à Rennes, et si c’est le cas, de leur proposer un autre projet sous un autre pseudo ou bien les mettre en live s’ils n’ont fait que du DJ set. Nous essayons de se diversifier un peu plus. Dernièrement, nous avons fait la Nuit des 4J aux Ateliers du Vent en partenariat avec la ville de Rennes, qui réunissait plus des lives de musiques expérimentales et électroniques que de la House. Nous avons toujours le côté musique électronique mais plus varié et moins club.

TEXTURE
Yann Polewka

Yann Polewka, H.Mess, CLEFT, EVENN et Weever sont les cinq DJ’s de l’association, quels sont leurs univers ? Qu’est-ce que Texture leur apporte en plus de leurs projets solos ?

Texture : CLEFT, H.Mess et Weever ont un univers techno, Yann Polewka est DJ et producteur House, puis EVENN mélange la House et le hip-hop. Ça nous apporte en tant que DJ une assez belle visibilité. Avec Texture, nous avons réussi à bien nous développer en quatre ans, et aujourd’hui nous commençons à être assez connu sur le grand Ouest. Texture nous permet aussi de mixer sur certains festivals comme Rock’n Solex et Astropolis, dans lesquels nous sommes représentés depuis deux ou trois ans. Si nous n’avions pas monté cette association, nous en serions certainement pas là en tant que DJ.

Le samedi 12 mai prochain, vous serez tous les cinq sur la petite scène de Rock’n Solex, comment va se dérouler la soirée ?

Texture : Nous allons être sur la deuxième scène comme l’an passé. De 18h à 3h du matin, les cinq DJ’s de l’association vont mixer. Nous invitons aussi Sweely en tête d’affiche, le petit protégé de CONCRETE qui commence à bien se faire connaître. Weever, CLEFT et H.Mess mixeront en solo, tandis que EVENN et Yann Polewka joueront en back-to-back à deux reprises, avec deux sets totalement différents.

ROCK N SOLEX

Texture est un habitué du festival Rock’n Solex maintenant…

Texture : Lors de l’édition 2016, nous avions fait l’espace VIP les trois soirs. Mais cela ne nous avez pas permis de nous exprimer comme nous le souhaitions. L’an dernier, nous leur avions demandé s’il était possible d’avoir la deuxième scène et ils ont accepté. Nous avions joué lors de la dernière soirée du festival comme cette année. Nous avions invité Deniro, qui mixe assez souvent au Dekmantel Festival, il est aussi sur le label Trip de Nina Kraviz ; puis DJ Psychiatre, un DJ house lo-fi qui commence à se faire connaître depuis quelques temps, qui est aussi un ami à nous de Rennes. C’était un souhait de nous exprimer un peu plus librement, aussi bien musicalement qu’artistiquement, même si nous ne poussons pas vraiment la chose comme sur nos propres événements. C’est donc la troisième année où nous nous représentons à Rock’n Solex, et nous ne savons pas encore si nous y serons l’année prochaine.

TEXTURE

La seconde édition de la TXTR à la Prévalaye c’est bientôt aussi…

Texture : Ça arrive à grands pas. L’année dernière, nous avions fait complet, l’événement avait rassemblé 3000 personnes. La deuxième édition a lieu le 21 juillet prochain, avec toujours 3000 personnes attendues à la Prévalaye, mais avec un concept différent. Cette année, il y aura 3 scènes, et nous allons beaucoup plus mettre l’accent sur la scénographie et le côté artistique. Le line-up a déjà été dévoilé, nous avons invité Antigone, Kobosil, Ben Sims aka Ron BacardiMike Dunn, Etapp Kyle et Byron the Aquarius.

Vous pourrez retrouver le Texture Crew au 1988 Live Club le 25 mai 2018 en présence des cinq DJ’s, puis à la Prévalaye le 21 juillet 2018 pour la TXTR II.

ORGANISME TEXTURE