Devenu l’un des grands rendez-vous cinématographiques en France, le festival Télérama invite en janvier à (re-)découvrir des films qui ont marqué l’année écoulée. 16 films et 4 avant-premières, projetés dans 370 cinémas d’art et d’essai en France, à 3,50 € la place. L’occasion de revoir son coup de cœur de l’année ou le petit bijou qu’on aurait laissé passer…
Initié en 1998, le Festival Télérama s’est depuis fait la part belle dans le cœur des Français, notamment chez les habitués des salles de cinéma art et essai. Pour sa 22e édition, il proposera une sélection de 16 films et de 4 avant-premières, formant un « best-of » – subjectif – de l’année 2018. 370 cinémas, adhérents de l’Association Française des cinémas d’Art et d’Essai (AFCAE), participent à ce rendez-vous : celui des cinéphiles de tout poil. Partout en France, ces séances sont au prix de 3,50€ et dureront du 16 au 22 janvier 2019.
Les films à l’affiche ont été sélectionnés par la rédaction « Cinéma » du magazine Télérama. « Le festival permet, dans un contexte fortement concurrentiel, de prolonger et d’amplifier la carrière d’œuvres originales et singulières », annonçait l’édition 2017-2018, qui cumula 271 000 entrées. Le festival réaffirme sa capacité à « mettre en valeur la dynamique collective et l’engagement des cinémas art et essai en faveur de films d’auteurs dans toute la France. »
« 271 000 entrées, c’est l’équivalent d’un film indépendant À succès, comme amanda cette année. C’est conséquent » Éric Gouzannet, directeur de l’Arvor
À Rennes deux salles art et essai participent au festival : le TNB et l’Arvor. Ils diffuseront 8 films chacun parmi les 16 sélectionnés.
Éric Gouzannet, directeur de l’Arvor à Rennes, tatillonne « J’aurais aimé voir figurer Woman at war ou bien The Guilty à la liste du festival », mais persiste et signe « C’est un temps fort de l’année qui nous permet de rassembler le public devant des films de qualité. Les gens viennent nombreux et certains découvrent notre cinéma ». Il affirme que son cinéma effectue environ 50% plus d’entrées lors de cette semaine spéciale, qui a le vent en poupe : « Il y a une vraie attente du public qui nous réclame même à l’avance le programme du festival. ».
La liste ? La voici !
Salle de cinéma l’Arvor, rue d’Antrain, RennesLe TNB, rue Saint-Hélier, à Rennes
La liste des films du festival Télérama 2019 [avec nos commentaires]
Cold War,de Pawel Pawlikowski : Grande fresque historico-amoureuse, du Paris des années 1950 à la Pologne communiste, entre une chanteuse et un pianiste. Les tensions de l’Histoire répondent aux tensions du cœur. Esthétiquement léché, sensible et musical. Par le réalisateur de Ida (Oscar du meilleur film étranger 2015).
Leto, de Kirill Serebrennikov : Rock’n roll et Russie communiste ont-ils jamais fait bon ménage ? Leto raconte l’histoire vraie d’un groupe de jeunes russes fans de Lou Reed, Bowie et Iggy Pop. Aspirant à émanciper leurs corps et leurs esprits, ils doivent faufiler leur passion musicale entre les mailles du filet politique. Dynamique et audacieux, ce film propulse au cœur du désir de liberté.
En Liberté !, de Pierre Salvadori : Derrière ses apparences potaches c’est sans doute LA comédie française de l’année. À mi-chemin entre l’absurde et le romantique, cette passion clandestine entre une femme flic et un ex-taulard-innocent n’en finit pas de briser ses propres chaînes et celles de nos mâchoires hilares. Sans limites, complètement déluré… et pourtant hautement sensible !
Plaire, aimer et courir vite, de Christophe Honoré : Jacques, écrivain parisien atteint du SIDA, rencontre Arthur, étudiant en lettres à Rennes. Ils vivent une histoire à la fois belle et pathétique, condamnée à l’éphémère par la maladie. Breton d’origine, Christophe Honoré met à l’honneur dans cette comédie dramatique certains lieux rennais qu’il a lui-même fréquentés durant ses études. Entre fiction et réalité, le film dessine avec sensibilité la trajectoire biographique et artistique de son auteur.
Girl, de Lukas Dhont : Film belge et néerlandais qui a ému Cannes en 2018. Le film saisit avec une puissance tragique la transmutation de son héros dans la double souffrance de l’apprentissage de la danse classique et de l’arrachement à son corps masculin.
https://youtu.be/MJ9VW8OVfUc
Une pluie sans fin, de Dong Yue : Dans l’univers poisseux d’une petite ville industrielle, les meurtres de plusieurs jeunes femmes deviennent l’obsession d’un chef de la sécurité d’une usine. Ce thriller chinois pluvieux ravira les fans d’enquêtes policières tortueuses et sombres, sur fond de fantômes sociétaux.
Burning, de Lee Chang-dong : Au-delà de l’habituel triangle amoureux classique et du combat de deux hommes venus de deux classes sociales différentes (Joon So est un paysan et Ben un dandy qui roule en Carrera) pour Hae-Mi, une ambiance malsaine vole au-dessus des personnages et contamine cette romance pour en faire un thriller. La caméra du réalisateur excelle dans l’art de l’observation. Aux allures inoffensives, les personnages dissimulent chacun une facette de leur personnalité, semblables à des cocottes-minute prêtes à exploser…
Une affaire de famille, de Hirokazu Kore-Eda : La palme d’or de Cannes. Sur le chemin de la maison après une session de vol, Osamu et son fils Shota, trouvent la petite Yuri. Comprenant rapidement que l’enfant est maltraité, la famille décide de la recueillir. Film poétique et bouleversant qui laisse difficilement indifférent et soulève moult questionnements – juridiques comme esthétiques – sur la notion de famille.
Les frères Sisters, de Jacques Audiard : Le western n’est pas un genre facile à réinventer. Cette adaptation du roman du Canadien Patrick deWitt, armé d’un casting hors-norme (Jake Gyllenhaal, Joaquin Phoenix, John C. Reilly,…) réussit pourtant ce pari osé. Les cowboys tueurs à gages, la ruée vers l’or, la terre battue par les chevaux, les saloons,… mais aussi des personnalités sensibles, des aspirations à la paix et à la communion avec la nature. Un film pour ceux et celles qui aiment sortir des carcans peut-être trop étriqués des catégories cinématographiques.
Phantom Thread, de Paul-Thomas Anderson : Un biopic sur Reynolds Woodcock, qui évite avec adresse de tomber dans la mièvrerie ou la distanciation trop froide, clinique. Phantom Thread expose finement les forces créatrices, les enjeux de réalisation personnelle d’un homme talentueux et la fragilité psychologique à l’égard de son environnement affectif. Daniel Day-Lewis est taillé pour ce rôle de couturier pour dame.
Nos Batailles, de Guillaume Senez : Voir notre article sur ce film.
Amanda, de Mikhael Hers : Voir notre article sur ce film.
Parmi les notables absents à qui nous voudrions rendre hommage, il y a Woman at war, de l’islandais Benedikt Erlingsson, comédie dramatique, ode à l’écologie et à la femme ; ainsi qu’à Dogman, l’effrayant drame social de Matteo Garrone dans une Italie vétuste, délaissée à la loi du plus fort. Hommage également à tous les acteurs d’un cinéma vibrant et artistique qui ont fait de 2018 une année riche en émotion dans les salles obscures.
Festival Télérama du 16 au 22 janvier 2019 dans les salles AFCAE. Voir la programmation sur les sites des cinémas participants. Arvor et TNB à Rennes.
Depuis le mois d’octobre, des chemins se forment et se reforment autour de la vallée de la Vilaine. Avec 25 km de sentiers, le but est de relier, la future station de métro de Cleunay à Laillé en longeant la Vilaine. Sept communes seront traversées avec ces aménagements qui mettent en valeur le fleuve.
Que faire de la vallée de la Vilaine et de ses nombreux étangs entre Rennes et Laillé ? C’est le questionnement de Rennes Métropole depuis 2012. « L’objectif est de faire du fleuve un usage touristique. On veut immiscer les promeneurs dans l’écosystème sans le détruire », décrit Jean-Luc Gaudin, vice-président de Rennes Métropole en charge de l’aménagement. Les chantiers ont démarré en octobre 2018 et la totalité des travaux devrait se terminer pour décembre 2019.
De gauche à droite : Daniel Guillotin, Jean-Luc Gaudin, Kim Dao-Variéras et Fernand Etiemble sur l’un des nouveaux chemins « multi-usage »
Coup de jeune aux étangs d’Apigné
Les étangs d’Apigné, lieu incontournable de la baignade rennaise, a besoin d’un coup de neuf dans ses alentours. « Aujourd’hui la vallée de la Vilaine redevient intéressante touristiquement parlant. Quand on observe ses rives de haut, on s’aperçoit qu’elle comporte des points d’eau qui ne sont plus exploités », constate Jean-Luc Gaudin. De là est née une longue balade, divisée en plusieurs tronçons. Au départ de Cleunay, elle rejoint Laillé à travers les forêts et les plans d’eau. « Nous allons mettre en place un chemin multi-usage en bitume pour piétons, vélos, poussettes, trottinettes ou fauteuils roulants, jusqu’aux étangs d’Apigné. Pour cela nous allons utiliser 60 % des sentiers déjà tracés », explique Kim Dao-Variéras, responsable de la mission Vallée de la Vilaine. Pratique pour rejoindre les très populaires étangs depuis le futur métro de Cleunay ou Saint-Jacques.
Ce chemin sera transformé en bitume. Ou plutôt en « biotume » puisque sa fabrication a été « réduite de 40 % », selon Daniel Guillotin (de dos à gauche), conseiller municipal délégué à l’écologie urbaine et à la transition énergétique.
Ce côté campagne dans la ville promet vraiment d’être encore plus dépaysant. « On est à la fois dans la ville centre et un peu à l’extérieur », s’enthousiasme l’adjoint à l’écologie à Saint-Jacques de la Lande, Fernand Etiemble. Les étangs d’Apigné vont eux-mêmes aussi connaître un petit coup de jeune avec le réaménagement de la plage et l’installation de chaises longues, de jets et de terrains de jeux et de création d’espaces sportifs. « Nous allons aussi mettre un parc multiactivité à côté du centre de loisirs », ajoute Kim Dao-Variéras. Les nouveaux réaménagements sont prévus pour juin 2019. Le coût de ces travaux est évalué à 4,2 millions d’euros.
Pour organiser les chemins (et les travaux) deux voies seront aménagées ; celle des rivages et celle des terres. Deux nouvelles signalétiques, une bleue et une jaune, seront installées pour différencier les deux parcours. Ces tracés se rejoindront en trois points, où seront concentrés les activités sportives et les lieux culturels : la Prévalaye, Cicé et le Boël. Mais aussi des relais et des hébergements. « L’objectif est que cela devienne une destination de vacances dans la ville », propose Jean-Luc Gaudin.
Cette poussée de verdure se travaille depuis 2012 à la métropole. En fait, elle répond à une obligation imposée par l’État, la compensation écologique, une loi lancée le 8 août 2016. C’est dans ce but que 1500 arbres supplémentaires vont être plantés sur les 3500 hectares de réaménagement. « Nous allons aussi créer des parcelles agricoles pour être au plus près des acteurs qui animent la vallée de la Vilaine », explique Jean-Luc Gaudin.
Forcément, les voitures ne sont plus les bienvenues aux alentours des étangs d’Apigné. « Nous envisageons de fermer provisoirement la route de “la planche” au sud de l’étang d’Apigné pour expérimenter un lieu sans voiture », explique Daniel Guillotin, conseiller municipal délégué à l’écologie urbaine. « Plusieurs ralentisseurs seront placés, notamment au niveau du bois du Blosne (photo), pour sécuriser la traversée sur une voie dangereuse. On hésite aussi à couper d’autres routes autour de la vallée ».
Cette barrière n’existera plus. Un peu avant, un ralentisseur sera installé pour permettre la traversée entre les jardins familiaux et l’étang d’Apigné.
Autre avantage, les jardins familiaux restent à proximité des sentiers et de nombreux agriculteurs ou animateurs culturels et sportifs seront à disposition pour proposer des balades chantées, des balades en canoë ou des produits made in Vilaine.
C’est pourtant avec ces mêmes acteurs locaux que la métropole va devoir entamer une négociation pour libérer quelques terrains afin de faire place aux nouveaux sentiers. « Oui ce fut difficile et ce n’est pas terminé. Pour l’instant tout se fait dans un bon esprit », décrit Jean-Luc Gaudin. La métropole profite des nombreux espaces publics comme le golf ou des bâtiments appartenant à la région pour se faciliter la tâche.
Mais pour les autres ? « Ce temps de négociation peut être long. On ne se fixe pas de date limite justement à cause de ça. La finalité n’est pas le passage en force et l’expropriation est un dernier recours », ajoute le vice-président de la métropole. En attendant, la balade fraîche risque d’être provisoirement moins plaisante tant les barrières et les plots de chantiers restent pour l’instant nombreux.
Quelques déviations pour piétons (et voitures) sont mises en place le long des sentiers de la Vilaine.
Les premiers chemins multi-usages sont prévus au printemps 2019. Le reste des travaux démarrera en février 2019 et devrait durer jusqu’à décembre, peut-être plus pour l’intégralité du chemin jusqu’à Laillé, en fonction des négociations.
L’intégralité du projet est consultable sur ce site. De nombreuses animations seront proposées tout au long de cette « année de la Vilaine ». Elles sont consultables sur la page Facebook de la vallée de la Vilaine.
Pourquoi n’ont-ils rien dit ? : le bandeau rouge qui barre la couverture du livre de Daniel Schneidermann, Berlin, 1933 : la presse internationale face à Hitler pose la question brutalement et interpelle. Tout au long des 450 pages très documentées de son ouvrage, Daniel Schneidermann va détailler et analyser, citations multiples à l’appui, les écrits, faits et gestes de ces correspondants de la presse occidentale, anglo-saxons et français, le plus souvent en poste à Berlin, témoins de l’ascension et de la violence du nazisme et de l’inexorable et effroyable marée montante de l’antisémitisme pendant les années 30.
Face aux événements, ces journalistes, écrivains et chroniqueurs ont été diversement réactifs, vifs ou lents, combatifs ou indécis, lucides ou aveuglés pour rendre compte à leur rédaction, et informer leurs lecteurs, de la réalité politique de l’Allemagne et des vraies intentions liberticides et assassines d’Adolf Hitler à l’endroit des Juifs de son pays. C’est ce qu’appelle Daniel Schneidermann « le fonctionnement chaotique de la perception et de la transmission ».
Nuit de Cristal Allemagne 1938
Tous les journalistes savaient que les persécutions avaient commencé dès 1933, année de l’arrivée d’Hitler au pouvoir. Tous connaissaient les lois de Nuremberg de 1935. Tous avaient vu le déchaînement de violence du grand pogrom de la Nuit de cristal en 1938, au lendemain de l’assassinat d’un diplomate allemand à Paris. Les grandes démocraties occidentales n’étaient pas, elles non plus, à l’écart d’errements diplomatiques et politiques ni à l’abri d’un antisémitisme sourd et larvé sur leur propre territoire. À preuve, leur indécision sur le sort des malheureux Juifs fuyant en mai 1939 l’Allemagne à bord du paquebot Saint-Louis, rejetés par Cuba et que les États-Unis, bloqués par leurs quotas d’immigrés, n’ont guère eu l’empressement d’accueillir ensuite sur leur sol, relayés par une presse américaine bien pâle sur le sujet.
La presse américaine précisément, fut et fit pire encore en Allemagne par sa frilosité et son aveuglement devant la montée du nazisme. Heureusement, Outre-Rhin, il s’est trouvé quelques rares journalistes américains, clairvoyants et courageux, pour sauver l’honneur de la profession. Et d’abord Edgar Ansel Mowrer, le premier journaliste à avoir été expulsé de l’Allemagne nazie. Il était le correspondant à Berlin du Chicago Daily News. Il avait ressenti et pressenti l’antisémitisme allemand dès 1932, sous la république de Weimar et écrit que l’Allemagne hitlérienne était devenue « un asile de fous ». Mowrer sera expulsé d’Allemagne le 1er septembre 1933 avec le lâche consentement de l’ambassadeur américain Dodd lui-même. « Mowrer ne le lui pardonnera jamais […] et ce consentement est une défaite fondatrice pour les démocraties ».
Lochner et Goebbels
C’est Louis Lochner, de l’agence Associated Press qui lui succédera comme président de l’Association de la presse étrangère à Berlin, un Américain conciliant, voire complaisant, à cent lieues de la combativité de son prédécesseur. Négatif parfait de Mowrer, il était « le besogneux face au lanceur d’alerte ». À la grande satisfaction des nazis.
Les propos de Mowrer tranchaient sur les ternes et timides informations de la presse américaine sur l’ampleur de la tragédie juive. Le New York Times a certes parlé des premières déportations massives de Juifs polonais et autrichiens en 1939, 1940 et 1941, mais en autant de discrètes lignes du journal, reléguées en pages intérieures, comme celles indiquant que « pour la première fois dans l’histoire les Juifs sont tenus de porter des signes d’identification en Allemagne ». Sans le moindre commentaire des journalistes ni la plus petite manifestation d’un émoi quelconque.
Toute information sur le sort des Juifs ne devait faire la une du New York Times qu’à la condition qu’elle fût délivrée par une source non juive. Et plus jamais par la Jewish Telegraphic Agency (JTA), source toujours suspectée de partialité aux États-Unis. L’un des correspondants du New York Times, Guido Enderis, avait même l’écoute et le regard bienveillants des dirigeants de la Gestapo eux-mêmes. Lui et d’autres conversaient avec les plus hauts dignitaires nazis et buvaient des bières avec Goering et Goebbels. Bref tout ce beau monde « papotait avec le diable » ! Quant aux sources d’information, elles étaient celles du ministère des Affaires étrangères ou de la Propagande !
Quant à la presse anglaise, à l’exception du Manchester Guardian interdit en Allemagne à partir d’avril 1933, quelques jours après avoir publié une grande enquête sur les premières exactions nazies, elle avait plutôt les faveurs d’Hitler qui espérait « conserver l’alliance britannique jusqu’au dernier moment, c’est-à-dire le 3 septembre 1939 ». George Ward Price, du Daily Mail, tout comme Sefton Delmer, du Daily Express, faisaient partie « des chouchous du régime ».
En France, Paris Soir utilisait la plume des écrivains, celle de Roger Vailland, romancier peu expert sur la question germanique, il est vrai, et celle des frères Tharaud, plume double à plus d’un titre, car elle était celle, trouble, de l’ambivalence et de l’ambiguïté : les Juifs souffraient, mais ils n’étaient pas les seuls et, après tout, ils avaient pris beaucoup de place en Allemagne dans l’administration et les professions libérales ! À rapprocher de cette phrase du scrupuleux Raymond Aron, dans la revue Europe qu’on lui reprochera bien des années plus tard : « À coup sûr les Juifs ont manqué de prudence. On les remarquait trop. Les 2500 avocats juifs de Berlin heurtaient beaucoup d’Allemands et une réaction était vraisemblable. Peut-être les Juifs avaient-ils ici ou là tiré parti de leurs opinions libérales. Mais on affecte aujourd’hui d’oublier la place qu’ils occupaient, ils la devaient essentiellement à leur mérite et non à l’intrigue ».
Journal la petite Gironde 1941
Le Figaro a été le premier organe de presse de la droite libérale en France, sous la plume de Georges Duhamel, à poser en une, en juin 1938, la question du sort des Juifs en Allemagne : « Que voulez-vous faire des Juifs ? » interpellait Duhamel. Courageuse et inédite apostrophe à l’adresse de l’Allemagne quand on sait que c’est surtout la presse communiste qui était jusque-là la plus combative sur le terrain de la lutte contre Hitler. « Il s’agit pour les dirigeants du Troisième Reich d’isoler les Juifs, de les exproprier, de les affamer, de les contraindre au désespoir et au suicide » écrivait le grand bourgeois Georges Duhamel. La position de l’écrivain était suffisamment singulière et courageuse pour qu’on la remarquât dans une publication tenue par ces patrons de presse (dont ceux de Paris Soir et du Figaro) que Daniel Schneidermann qualifie de « judéo-indifférents ».
La Croix, comme L’Humanité, fut l’un des rares quotidiens nationaux à s’engager dans un combat contre le nazisme. Mais ces journaux l’ont fait à des titres divers et pour des causes différentes. « Catholiques et communistes défendent chacun les siens. Devant l’inimaginable, de nombreux communistes et chrétiens réagissent de la même manière : en tentant d’intégrer les faits à leur grille idéologique », écrit Daniel Schneidermann. Cette « concurrence victimaire » fera le jeu de la terreur nazie conquérante. Quant à la presse généraliste, « elle s’inquiète des Juifs… quand elle y pense ».
Les journaux occidentaux ont longtemps ignoré ou, au mieux, traité lointainement la question des persécutions allemandes contre les Juifs et leur déportation. Ils variaient en effet les sujets au gré des événements, de l’humeur des rédactions à New York, Londres, Washington ou Paris, du besoin des lecteurs de lire autre chose sur d’autres sujets, toujours très vendeurs : la guerre d’Espagne, Mussolini, le Négus ou Léon Blum. Bref, la presse diversifiait les titres et les sujets de une et d’une certaine manière banalisait Hitler et, plus encore, sa chasse aux Juifs. Et ce groupe de correspondants occidentaux soutenus par les patrons de presse, nous dit Daniel Schneidermann, allait « être la matrice du déni occidental de la persécution des Juifs, puis de leur extermination. C’est parce qu’ils auront si peu vu, si peu dit, que toute la planète, découvrant les photos des charniers de 1945, pourra s’exclamer en détournant les yeux : “on ne pouvait pas savoir”. Car c’est peut-être même durant les premières semaines de 1933 que toute la presse occidentale construit cette forteresse d’aveuglement volontaire, dont elle ne s’est ensuite jamais délivrée ».
Cette forme d’aveuglement était à l’évidence dictée par des considérations militaires et politiques : « La priorité stratégique des Alliés ? D’abord et avant tout gagner la guerre […]. Il sera bien temps plus tard pour l’inventaire ». C’est Simone Veil qui le dit, elle aussi, quelques décennies après la fin de la guerre : « Si l’on avait commencé à divulguer l’information à propos des camps, l’opinion publique aurait exercé une telle pression pour les faire libérer que l’avance des armées sur les autres fronts, déjà difficile, eût risqué d’être retardée ».
Ajoutons-y le spectre du communisme triomphant à l’Est qui taraudait aussi l’esprit des Alliés, Roosevelt en tête, et tous les éléments étaient réunis pour détourner de leurs priorités la lutte antisémite et la libération des Juifs.
Le livre important de Daniel Schneidermann est le récit passionnant de la vie quotidienne de ces journalistes occidentaux, reporters de ce qu’ils ont écrit et rapporteurs de ce qu’ils ont vu ou dédaigné de voir. Et qui pose une question récurrente : sommes nous plus aptes aujourd’hui pour apercevoir, distinguer et écarter le Mal qui peut surgir à nouveau, dans la Mitteleuropa, en Amérique, sur les terres sensibles africaines et moyen-orientales, ou ailleurs encore ? Rien n’est moins sûr.
Berlin, 1933 : la presse internationale face à Hitler, de Daniel Schneidermann, Le Seuil, octobre 2018, 444 pages. 23 €.
La bouteille en verre pourrait bientôt n’être qu’un souvenir ! Un souhait que cherche à exaucer l’entreprise toulousaine Green Gen Technologies grâce à leur innovation : la bouteille en fibre de lin. Une bouteille quasi incassable, légère et très peu polluante. Un grand pas écologique pour remplacer le verre.
Et si la bouteille en verre vivait ses dernières heures ? Après quinze années de recherche, Sévérine Laurent et James de Roany ont créé un récipient voué à remplacer le verre sans altérer le goût des boissons. « J’ai toujours travaillé dans les vins et les spiritueux. Je me suis rendu compte d’un problème majeur : la distribution », explique James de Roany, président de Green Gen Technologies basée à Toulouse.
La bouteille en lin a été créée à Toulouse et sa production commence petit à petit.
Le verre est polluant, que ce soit dans sa fabrication, dans son transport ou dans sa durée de dégradation dans la nature (environ 5000 ans selon l’association de défense, d’éducation et d’information du consommateur). « Lorsque l’on fabrique du verre, on utilise un four à plus de 1700°C que l’on n’éteint jamais. De plus, une bouteille pèse en moyenne 800g. Avec notre bouteille en fibres de lin, on économise douze tonnes dans les conteneurs, donc moins de taux de carbone ». Le contenant est aussi biodégradable et compostable.
Cette alternative pèse environ 190g et est presque incassable selon James de Roany. « Avec ses éléments naturels, c’est non seulement pratiquement incassable, mais si jamais la bouteille se brise, il n’y a pas de risque de se blesser comme avec le verre ou l’acier. De même, si elle se distord, elle retrouve sa forme initiale rapidement ». Un vrai petit miracle. Mais comment est-elle fabriquée ?
« Il s’agit d’une réelle invention puisque nous avons déposé un brevet pour cette bouteille en lin »
Le lin et la résine : le secret de la solidité
« La zéro-glass bottle est à 89% biosourcée, c’est-à-dire composée d’éléments naturels à savoir le lin et la résine », détaille James. Les 11% restants appartiennent au « liner ». Une protection garantie par l’Union européenne pour empêcher à la bouteille de dégager des bactéries nocives avec le mélange entre le lin et le liquide. « Pour nous, c’est la fibre du futur. Si on l’associe à la résine, cela devient très solide ». D’autant que 80% de la production de lin vient de France, talonnée de près par la Chine. « On fait tourner l’économie locale », ajoute-t-il.
Au départ, la bouteille fut créée pour le vin, la spécialité de James De Roany. Depuis l’entreprise ne se limite à aucun liquide.
La start-up a déjà contacté plusieurs groupes travaillant dans les vins et spiritueux, mais aussi dans les boissons non alcoolisées et dans la cosmétique, notamment les parfums. « Nous sommes pas mal sollicités en Afrique par des gens qui vendent de l’eau », explique James. Pour l’instant, la bouteille n’est pas disponible à la vente au grand public. « On souhaite démarrer par les professionnels. Cela va nous permettre de nous organiser avant tout pour les fabricants de liquide ».
« On croise les doigts pour avoir un bilan carbone proche de zéro »
Un appel à l’investissement
Bémol notable, la bouteille en lin coûte très cher à la fabrication. « Nous avons besoin d’une première tranche de 750 000€. Idéalement, il nous faudrait plus de 2 millions d’euros pour avoir une production parfaite et être beaucoup plus automatisé », décrit James. Pour la suite, la start-up cherche des investisseurs pour financer le projet. Le but est aussi, à terme, de remplacer le bouchon de liège ; un des seuls composants polluants de la bouteille. Mais encore faut-il que les marques y mettent le prix.
La Normandie est la première région productrice au monde de lin.
L’entreprise cherche aussi à remplacer le lin, coûteux, par d’autres alternatives. « Je suis en train d’effectuer des recherches sur le chanvre, la France est également très forte dans ce domaine, et en plus c’est une matière beaucoup moins chère. On a enfin quelques projets qui pourraient arriver avec le bambou ». Le combat contre le verre ne fait que commencer.
SAS Green Gen Technologies 2, rue du Commissaire Phillipe – 31000 Toulouse, France 05 31 98 89 92 / contact [at] greengentechnologies.com
Le coût de production d’une bouteille Green Gen Bottle® est aujourd’hui de 5 € la bouteille. Il sera de 3,5 € en 2020 et inférieur ensuite.
Cette technologie permet d’obtenir des contenants :
Sans verre
Biosourcés
Forte résistance et légèreteté
100 % biodégradables et compostables
Respect des normes règlementaires de l’UE et la FDA
Pourquoi le lin ? Le lin est 100 % recyclable et est intéressant en raison de ses hautes performances mécaniques. Il est de plus en plus utilisé pour ses qualités physiques et notamment son faible poids et sa très haute résistance. Environ 10 % de sa production est désormais consacrée à l’automobile, l’aéronautique, l’écoconstruction, l’isolation et aux équipements de sport (ski, chaussures de neige, VTT, surf…).
Rideau ! Trois coups… En scène ! Dans Un Jeu de sept familles (Dacres éditions), Isabelle Kauffmann propose sept tableaux, sept ambiances, sept familles, sept intrigues, sept situations. Comme un jeu pour chaque jour de la semaine, à lire et vivre dans l’ordre comme le désordre…
Parce que les vies, les existences se déroulent ainsi, se comprennent ainsi. Parce que spectateurs ou lecteurs, parce qu’actrices et acteurs, traversent ainsi le chemin qui s’ouvre à eux depuis la naissance jusqu’au moment de la mort, depuis toutes les attentions jusqu’à l’oubli parfois.
Si Isabelle Kauffmann nous propose ce jeu de sept familles, non comme un jeu de massacre, mais un jeu drôle (de rôles), cruel, décalé, parfois cocasse, sérieux sans se prendre au sérieux, c’est avant tout pour nous inviter à y trouver notre place, les uns les autres. Car les situations évoquées dans ces tranches de théâtre et de vie sont souvent les reflets de nos propres existences, de nos propres quotidiens, de nos propres échanges, de nos réflexions. De l’intime à l’universel…
Et quand on n’éclate pas de rire, on rit jaune. Cela grince et cela renvoie souvent à nos parts d’ombre. De l’ombre à la lumière, l’affaire serait tranchée et par bien trop simple, trop binaire (même si Isabelle Kauffmann est scientifique de formation, c’est aux sciences humaines et à l’art qu’elle s’adonne dans ce jonglage harmonieux) ; c’est au gris des âmes (celles décrites ailleurs par Claudel) que l’auteure s’attache, brillantissime dans son acuité. Et c’est heureux ! Bien sûr, une lecture au premier degré pourrait chiffonner ; il n’en est rien, fort heureusement. Car si Isabelle Kauffmann manie l’humour au dixième degré, pour tenter de bien comprendre les sept tableaux, il nous faut indéniablement faire également appel à notre propre capacité à l’humour, celui qu’on défend, qu’on utilise pour sortir de certaines situations, celui que l’on peine à entretenir sinon développer au quotidien. La force face à l’ineptie ne réside-t-elle pas souvent dans la propension à l’autodérision ?
Au terme de la lecture toujours visuelle, d’avoir vécu ces scènes-là, on sort l’âme un peu grandie, et surtout plus humble, un peu plus conscient de nos forces mais surtout de nos faiblesses, et plus encore de nos travers tellement humains ! Et Isabelle Kauffmann d’avoir joué avec nous et non de s’être jouée de nous, jonglant avec des thématiques auxquelles elle attache tant d’importance : le respect, l’amour, la tolérance, la bienveillance, l’acceptation, la justice, le sens de la famille… Une aventure philosophique en scène ! Un moment croustillant de drôlerie.
Un jeu de sept familles de Isabelle Kaufmann – Éditions Dacres – 172 pages. Parution : octobre 2018. Prix : 12,00 €
Isabelle Kauffmann est médecin et écrivain. Elle est l’auteure de trois romans : Ne regardez pas le voleur qui passe (Flammarion, 2006), Prix Marie- Claire du premier roman 2006, Grand Huit (Le Passage, 2011), Les corps fragiles (Le Passage, 2016) Prix Canut 2017, Prix de la Bastide 2017, et d’un recueil de nouvelles : Cabaret Sauvage (Le Passage, 2013).
Et si les intelligences artificielles décidaient tout à coup de notre présent comme de notre avenir… Pour le meilleur, peut-être… Pour le pire, peut-être… En tout cas pour le rire dans L’Intelligence du bonheur, le premier roman du Britannique P. Z. Reizin !
Une comédie originale, émouvante et hilarante. Sunday Mirror.
Il y a les lectures nécessaires, les lectures urgentes, les lectures recommandées, les lectures obligatoires… Et puis il y a les lectures pour le plaisir, que l’on choisit parce qu’on a besoin de souffler, de simplement se détendre et de rire un bon coup – encore que celles-ci n’empêchent nullement la réflexion, une sorte d’état des lieux de la vie, de nos vies. Dans le même temps, elles font simplement du bien parce qu’elles ne manquent ni de profondeur ni de sens.
C’est le cas de ce roman comique de P. Z. REIZIN, L’intelligence dubonheur, publié en France aux éditions Albin Michel. Si la couverture de l’édition française n’est pas des plus accrocheuses, dès lors qu’on plonge dans le monde imaginé par un auteur plus qu’audacieux, le livre nous colle aux mains, tellement le rythme est soutenu, les situations cocasses, drôles, parfois baroques, provoquant le sourire, si ce n’est le rire, presque à chaque page. Les personnages sont hauts en couleur, qu’ils soient humains, Jen, Ing et Tom, faits de chair, d’os et d’eau, ou virtuels, Aiden, Asling et Sinaï, des intelligences artificielles qui ne manquent pas non plus de relief. Souvent, on en vient à se demander qui est réel…
Tour à tour, ils animent cette comédie en confiant préoccupations et problèmes à leurs IA (Intelligence Artificielle), lesquelles mettent tout en œuvre pour améliorer la vie de leur locataire d’un moment. Car s’il est un domaine où nous autres humanoïdes pathétiques errons sans direction, c’est bien celui des relations amoureuses, de l’amitié, de la fidélité… Les situations burlesques s’enchaînent et sont l’occasion d’un entrelacement des personnages, humains et artificiels, pour le meilleur, surtout pour le pire, en tout cas pour le rire.
Et tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si la machine ne se grippait pas un peu (comme dans la vraie vie, vous savez !). Car les IA malintentionnées, avides de pouvoir, jalouses, exclusives, existent aussi sur les autoroutes de l’information, au pays des bits, au royaume du numérique. Il fallait donc un vilain petit canard qui vienne contrer les nobles intentions des deux bons samaritains, Aiden et Asling qui – en apparence – veulent avant tout les bonheurs de Jen, Tom et Ing.
On dévore donc cette farce qui nous renvoie souvent à nos appréhensions justifiées du tout numérique, on s’identifie souvent aux personnages, tant virtuels que réels, on vit à leur rythme cette course effrénée à l’excellence, au zéro défaut, tout en sachant que les erreurs, les fausses routes, les trahisons, participent aussi à l’intelligence du bonheur.
L’intelligence du bonheur – Éditions Albin Michel – 510 pages. Parution : septembre 2018. Prix : 22,90 €.
P.Z. Reizin était journaliste et producteur de télévision, radio et presse avant de se tourner vers l’écriture. Il s’est aventuré dans différentes startups informatiques, sans jamais faire de l’ombre à Google, Twitter ou Facebook. L’intelligence du bonheur est son premier roman.
Ce qui définit Olga dès son plus jeune âge sera sa caractéristique tout au long de sa vie. Par regards successifs, Bernhard Schlink dévoile Olga, l’histoire d’une femme exceptionnelle et d’un amour inébranlable dans une Allemagne qui sacrifie toute une génération pour ses rêves de grandeur.
Elle est facile à garder, elle aime avant tout se tenir debout et regarder autour d’elle.
Olga est née en Silésie dans une famille très modeste. Quand ses parents meurent du typhus, la petite fille est envoyée en Poméranie chez sa grand-mère paternelle, une femme acariâtre qui reporte sa haine de sa belle-fille sur l’enfant.
Très vite, Olga se fait des amis à l’école, et notamment Herbert et Viktoria, les enfants de l’homme le plus riche du village. Contre l’avis de toute sa famille, Herbert et Olga vivent une très belle histoire d’amour. Certes, entrecoupée par les longues absences des expéditions d’Herbert, et contrariée par les intrigues de Viktoria.
Alors qu’Olga devient institutrice au nord de Tilsit, Herbert part en Afrique pour soutenir l’Allemagne dans ses souhaits de grandeur, notamment en 1904 dans la guerre contre les Héréros (ndlr : le massacre des Héréros et des Namas perpétré sous les ordres de Lothar von Trotha dans le Sud-Ouest africain allemand (actuelle Namibie) à partir de 1904 est considéré comme le premier génocide du xxe siècle, c’est un programme d’extermination qui s’inscrit au sein d’un processus de conquête d’un territoire par les troupes coloniales allemandes entre 1884 et 1911). Ce n’était que la première expédition d’un Herbert qui cherche à se perdre dans l’immensité, dans le néant. Après l’Argentine, ce sera le rêve de l’Arctique dont il ne reviendra jamais. Olga lui écrit à Tromsø, en poste restante. Elle n’aura jamais de réponse. Sa vie ne sera qu’attente, mélodieuse grâce à la force de son amour. Elle comble l’absence avec son métier et l’attention qu’elle porte à un jeune enfant, Eik.
Les années défilent avec la succession des deux guerres mondiales, mais aussi celle des pertes et des déceptions, comme l’engagement d’Eik dans les SS. Dans les années 1950, devenue sourde, une belle occasion de ne plus entendre la propagande, Olga gagne sa vie comme couturière. Toujours soucieuse d’aider la jeunesse, elle lie une amitié avec le fils de ses patrons, Ferdinand. Comme à Eik, elle lui raconte les expéditions d’Herbert et le soutient dans ses épreuves d’adolescent.
C’est Ferdinand qui nous confie la vie d’Olga dans la seconde partie. Et surtout son regard sur une Allemagne à laquelle elle reproche ses rêves de grandeur.
Trop de grandeur, voilà ce qui lui avait fait perdre Herbert et Eik, voilà ce dont elle rendait Bismarck responsable, et voilà ce qui lui semblait aussi être la tentation menaçant ma génération.
Bernhard Schlink ne livre jamais une intrigue simplement. Les différentes parties du livre enrichissent notre perception de cette femme, intelligente, peut-être trop, pour cette époque où on ne leur demandait que servitude. La dernière partie regroupe la correspondance adressée à Herbert, surtout les vingt-cinq lettres d’Olga envoyées entre 1913 et 1915, plus quelques unes entre 1936 et 1971. Et c’est à la lecture de ces lettres que nous saisissons le passé dans toute sa vérité.
Olga, de Bernhard Schlink – Gallimard – Collection « Du Monde entier » – 272 pages. Parution : 03-01-2019. Prix : 19€.
Bernhard Schlink, né en 1944 à Bielefeld en Allemagne, est un écrivain allemand. Il est notamment connu pour avoir écrit Le Liseur (1995). Traduit dans 37 langues, c’est le premier livre allemand à arriver en première position sur la liste de best-sellers publiée par le New-York Times. Toute l’œuvre de Schlink est publiée aux Éditions Gallimard.
Le 10 janvier 1929, Tintin et Milou font leur entrée dans Le Petit Vingtième, supplément hebdomadaire pour la jeunesse du très clérical quotidien bruxellois Le XXe siècle.
Bien avant Gide et beaucoup d’autres, le jeune reporter part visiter le Pays des Soviets. À raison de deux planches par semaine, Hergé, de son vrai nom Georges Rémi, nous livre une vision quelque peu caricaturale des Soviétiques, celle « couteau entre les dents » qui est celle de ses employeurs catholiques et conservateurs.
Ce sera la seule intrusion véritablement directe de Hergé dans le monde politique. Sans sexe, sans femme, sans véritable profession et presque sans visage (un rond, une houppe et deux points), le personnage de Tintin est proche de l’abstraction ce qui lui permet de s’adapter à toutes les situations et tous les contextes. Mais Tintin n’est pas le Chat Botté car il évolue dans un monde bien réel où on s’étripe pour l’or noir et le pouvoir, notre monde…
Le village de Saint-Jouin, en Normandie, a récemment ouvert ses portes à une famille syrienne fuyant la guerre. Ariane Doublet, cinéaste, a suivi les différentes étapes de cet accueil dans un documentaire intitulé « Les réfugiés de Saint-Jouin ». Elle sera présente – après la projection gratuite organisée dimanche 13 janvier au Musée de Bretagne (Champs-Libres) – afin d’aborder avec les Rennais cet épineux sujet devenu inévitable.
« En septembre 2015, la commune de Saint-Jouin-Bruneval se porte volontaire pour accueillir une famille de réfugiés syriens. Une partie des habitants s’organise et rénove un appartement de fond en comble. Et puis, plus rien. Commence une période incertaine, une longue attente. Le maire se heurte à la mauvaise volonté de l’État français et le logement proposé reste vide, pendant des mois. L’hostilité sourde et anonyme s’exprime, mais grâce à la ténacité de certains villageois, enfin, la famille Hamoud arrive de Syrie. »
Sélectionné en 2018 par le FIPA (Festival International des Programmes Audiovisuels) dans la catégorie « Documentaire national », Les réfugiés de Saint-Jouin (Quark/ARTE) a l’habileté de faire réfléchir à la question migratoire en exposant un exemple éloquent de solidarité collective. Que peut faire un village de moins de 2000 habitants dans une question qui concerne l’Europe entière, le monde entier ? Alors qu’à l’échelle nationale l’opinion se déchire toujours autant autour de la question de l’accueil des migrants, certains villages et certaines villes françaises ont déjà fait leur choix. Malgré les discordes de ses habitants, le village de Saint-Jouin s’est très tôt porté volontaire pour accueillir une famille syrienne dans le besoin.
« Je sais que c’est une goutte d’eau dans ce monde en guerre, mais pour eux c’est une chose inestimable », François Auber, maire de Saint-Jouin
https://youtu.be/PNeUVaFruLo
Dépassant la question de l’adhésion ou non à l’idée de l’accueil des réfugiés, le documentaire d’Ariane Doublet s’attache plus particulièrement à retracer l’expérience de cet accueil une fois la décision du conseil municipal actée. Actée malgré les « Non aux Syriens ! » tagués sur les édifices ; malgré les réfractaires, du PMU ou d’ailleurs ; surtout malgré l’effort que cela requiert d’ouvrir sa porte à l’inconnu.
La caméra de la cinéaste est présente à toutes les étapes du processus d’accueil : de la prise de décision du conseil municipal jusqu’à la réception de la famille Hamoud à l’aéroport, en passant par l’aménagement, par un collectif de bénévoles, de l’appartement mis à disposition par la commune. Le film s’intéresse autant aux rôles des élus qui portent le projet qu’aux petites mains qui le soutiennent et jusqu’à l’officier de « police rurale », sympathique, mais visiblement réfractaire à ce possible « trouble de l’ordre public ».
Nous y constatons aussi l’improbable délai de plus d’un an qui s’écoule entre la demande d’accueil faite par le village et la première réponse de l’Etat. Une attente qui laisse chacun dans le désarroi, notamment le maire de Saint-Jouin, François Auber qui s’adresse ainsi à la Préfecture : « On est dans un contexte où c’est un mauvais message que l’on envoie. Si vous êtes dans une commune où il y a 35 % de Front National (…), on leur donne raison », jugeant par là que ce n’est pas par le discours, mais par l’action que l’on pourra prouver que l’accueil des réfugiés est possible, si ce n’est souhaitable.
« Si chaque petit village faisait comme nous, le problème serait vite réglé » Un habitant de Saint-Jouin.
Dire que c’est possible
Au travers de l’expérience d’un village, la cinéaste dresse le tableau d’un pays entier. Le vote extrême-droite qui menace, l’apathie de l’État, la peur viscérale de l’inconnu et les valeurs de solidarité présentes à Saint-Jouin le sont partout en France. Cette expérience d’entraide réussie au sein d’un petit village normand encourage à réitérer l’expérience à différentes échelles. Contre les réactions primaires de repli, les « on ne peut pas accueillir toute la misère du monde », ce film représente l’expérience de l’ouverture comme le moyen de se convaincre de la possibilité et de l’utilité de le faire. Face aux chiffres et aux comptes, la preuve par l’humain.
Finalement, ce que l’histoire de ce village exprime, c’est l’illégitimité des craintes primaires lorsqu’elles ne sont pas précédées d’une tentative concrète d’accueil. Elle exprime aussi comment le courage de tendre la main peut transformer la peur de l’inconnu en griserie de l’aventure, celle de découvrir l’Autre dans sa différence et de se redécouvrir soi-même dans sa propre originalité. Tel le policier de Saint-Jouin qui après avoir longtemps exprimé son scepticisme face à l’accueil de la famille Hamoud, admet enfin la réussite du projet : « J’aurais cru que c’était pire que ça… Mais faut pas mourir idiot. Faut changer. »
Extrait du film « Les réfugiés de Saint-Jouin » (2017)
« On n’a pas le choix. Moi je n’avais pas ce rêve, d’être réfugié » Muaoya Hamoud
Plus de 5 millions de Syriens ont dû quitter leur pays : un chiffre difficilement concevable. Face à l’inimaginable de la situation, mettre des visages sur les mots « réfugiés » est une autre manière d’humaniser le débat. Justement, l’une des particularités de ce documentaire est qu’il nous propose à nous aussi (spectateurs) de rencontrer cette famille syrienne. Près de la moitié du film se déroule après l’arrivée au village des 5 membres de la famille Hamoud. « Merci à chaque personne qui a amené une petite chose ici. Merci à ce beau pays qui nous a accueillis. » entonne Mohammad, le père de famille, en arabe, dès son arrivée dans l’appartement. Puis la parole est donnée à chacun d’eux pour faire le récit de leur parcours et exprimer leur sentiment vis-à-vis de leur nouvelle vie qui s’annonce en France. Ils effectuent leurs premiers efforts pour apprendre notre langue et les villageois se pressent pour écouter Muaoya Hamoud (arrivé en France 3 ans avant sa famille) faire en bon français le récit de la guerre syrienne telle qu’il l’a vécue. La mise en commun de la culture, l’échange du savoir, le partage des histoires se met tranquillement en route…
Ariane Doublet (cinéaste), François Auber (maire) et Muaoya Hamoud (réfugié syrien) à Saint-Jouin, en Normandie.
Cette projection est organisée par l’association Les Comptoirs du Doc, au musée de Bretagne. Chaque dimanche à 16h, le musée projette un documentaire et accueille une personnalité en rapport avec le film, souvent son réalisateur. En ce début d’année c’est la thématique de la Ville qui y est notamment développée, avec, en plus des « Réfugiés de Saint-Jouin », « Souvenirs d’un futur radieux » (le 27/01) traitant des bidonvilles en région parisienne, ainsi que « Archi-faux » (le 10/02) et « La ville-monde » (le 17/02). Notons que trois de ces quatre films évoquent à la fois la ville et les flux migratoires, soulignant le fait que ces deux thématiques sont plus que jamais liées.
Rennes Projection ‘Les Réfugiés de Saint Jouin’, 13 janvier 2019 16:00-13 janvier 2019 19:00, Les Champs Libres.
En partenariat avec le Musée de Bretagne. Projection suivie d’une rencontre avec la réalisatrice.
Dans son premier roman traduit en français, La Goûteuse d’Hitler (Albin Michel), l’Italienne Rosella Postorino vous invite à la table du Führer.
1943 : Le IIIe Reich commence enfin à vaciller. Alors que les Alliés avancent, à l’Ouest comme à l’Est, Hitler occupe encore son principal quartier général, la Wolfsschanze, la « Tanière du Loup », avant sa mort à Berlin en janvier 1945.
Bernard Loyal Photographies
Bernard Loyal Photographies
Rosa Sauer est une jeune Berlinoise venue se réfugier chez ses beaux-parents, à Gross-Partsch, près de la fameuse tanière. Son jeune mari, Gregor, est un soldat allemand parti affronter les Soviétiques sur le front de l’Est. À la portée des SS qui entourent le Führer, elle se retrouve enrôlée de force à son service, comme goûteuse.
Avec d’autres compagnes d’infortune, elles risquent leur vie à chaque repas, dans un suspens insupportable que l’auteure entretient inlassablement. Le lecteur tremble à chaque cuillerée de soupe, à chaque bouchée, à chaque part de dessert ingérée. Laquelle mourra la première ? Mourront-elles toutes ensemble ? Les unes trahiront-elles les autres ? Qui sont-elles, ces filles prises au piège ? D’où viennent-elles ? Quels sont leurs attentes, leurs espoirs ? Et si certaines d’entre elles étaient des espionnes au service du Reich, des Français, des Anglais, des Soviétiques ? Toutes ces interrogations sont contenues le long de ce roman fort et angoissant, qui reprend, certes en la romançant, une histoire vraie que nombre ignoraient.
Au-delà de cet aspect historique, le roman est également une histoire d’Amour avec un grand A. L’amour de Rosa pour Gregor, éternel absent, tout autant que l’amour qu’elle va développer pour Ziegler, un soldat SS qui la séduit et l’aime aussi, à sa façon. Et puis l’amour de ces jeunes femmes pour leur pays, pour leur Führer qui, tenant son pays d’une main de fer, parvient malgré tout encore à séduire et fasciner les foules. D’ailleurs, aucune d’entre elles ne l’a jamais vu ce Führer. Et il doit bien se moquer de leur présence, comme du fait qu’elle donnerait leur vie pour la sienne.
Margot Woelk, la goûteuse d’Hitler
Ainsi, l’amour, sous ses multiples facettes, est abordé avec nuance. Tout comme le sentiment de culpabilité, qui anime la jeune Rosa. Elle trahit Gregor en aimant le soldat Ziegler ; elle trahit ses beaux-parents qui l’abritent et tremblent pour elle ; elle trahit Ziegler en défendant les autres goûteuses, sur lesquelles elle veille avec sincérité. Pourtant, ces femmes ne se connaissent pas réellement, elles restent souvent taiseuses sur leur arrivée dans cette maison. Elles deviennent des machines, qui pourraient perdre toute forme d’humanité si certaines ne sentaient pas encore quelques flammes de vie qui les réchauffent et leur permettent des sursauts de solidarité.
Difficile donc de trouver de la lumière dans ce roman qui nous plonge dans une obscurité presque permanente, malmenant les corps comme les âmes. L’horreur totale, Rosa la découvrira. Pourra-t-elle accéder à une forme de résilience ? Il faudra lire avec attention et profondeur ce roman très fort, marquant comme un tatouage indélébile.
La Goûteuse d’Hitler de Rosella Postorino, traduit de l’italien (Italie) par Dominique Vittoz – Éditions Albin Michel – collection « Grandes traductions » – 385 pages. Parution : 2 janvier 2019. Prix : 22,00 €
Rosella Postorino est née à Reggio de Calabre en 1978. Vivant à Rome, elle est éditrice chez Einaudi et journaliste. Ses trois premiers romans, La stanza di sopra, L’estate che perdemmo Dio et Il corpo docile, ont été couronnés par plusieurs prix. Elle écrit également des essais, des pièces de théâtre, et contribue à des anthologies. La Goûteuse d’Hitler est son premier roman traduit en français. Il vient d’être récompensé par le prestigieux Prix Campiello.
Adeline Laurent-Adam – créatrice du site de vente Tapis chic qui comme son nom l’indique distribue des xb chics, aux dessins contemporains et modernes – est l’invitée du Carré VIP (VieillePie), l’émission de radio dédiée aux femmes de plus de 50 ans (mais pas exclusivement !). Codiffusée par RCF Radio Alpha et Unidivers.fr, retrouvez Marie-Christine Biet et ses invitées chaque mois à la radio et sur le web.
Quand Adeline Laurent-Adam rencontre Tapis Chic en 2014, L’entreprise créée à Rennes en 2009 par Grégory Boudailliez, c’est le coup de foudre ! De toutes ses expériences professionnelles passées dans l’univers de la maison, le tapis s’est révélé être pour elle une évidence. À croire que tous les chemins qu’elle empruntait l’avaient forcément dirigée vers ce nouveau challenge ! « C’est un peu comme si on avancait les yeux fermés et qu’un jour on les ouvrait. » Plus qu’un objet, pour Adeline, le tapis c’est une mine d’histoires à raconter. Il faut dire que ces deux là partagent pas mal de choses en commun : le goût pour le voyage, les rencontres et cette envie irrépressible de faire plaisir. La cheffe d’entreprise est par ailleurs très investie dans le mouvement Femmes de Bretagne.
Sa « déclaration» va à Florence Beauvois, attachée de presse indépendante qu’elle a rencontrée via le réseau Femmes de Bretagne.
Elle porte son coup de coeur à Carole Nachbaur, autre femme entreprenante qui a créé Calincalo, site spécialisé dans les produits pour bébé de créateurs ou écologiques. Basée à Saint-Grégoire, l’entreprise offre aussi un service de location de matériel de puériculture en Ille-et-Vilaine
Les choix musicaux d’Adeline
– Bruce Sprinsteen : Dancing in the dark
– Mozart Cosi Fan Tutte Soave sia il vento
– Etienne Daho : Ouverture
adeline@tapis-chic.com 06 22 92 58 61
2 adresses en Bretagne :
Tapis Chic Vannes 9 rue Edgard Touffreau ZC de Luscanen 56880 Ploeren
Tapis Chic Rennes 105 Route de Saint Malo D 637 – Parc d’activité Le Haute Dante 35520 La Chapelle de Fougeretz
THE BEGGAR’S OPERA de John Gay et Johann Christoph Pepush mérite bien 4 représentations à l’opéra de Rennes. Rendez-vous les mercredi 16 janvier à 20h, jeudi 17 janvier à 20h, vendredi 18 janvier à 20h et samedi 19 janvier à 18h. Partenaire media de l’Opéra de Rennes, Unidivers vous offre 3 fois 2 invitations pour la représentation du jeudi 17 janvier à 20h*. (Spectacle réservé à un public averti, à partir de 16 ans).
Comédie musicale avant l’heure, The Beggar’s Opera mêle danse, chant et théâtre dans une œuvre satirique et pimentée, remise au goût du jour par le dramaturge Ian Burton et le metteur en scène Robert Carsen.
Dans les années 1720, John Gay et Johann Christoph Pepusch signent avec The Beggar’s Opera (l’Opéra des gueux) une oeuvre grinçante : nous ne sommes pas dans la caricature des dieux et des héros de l’Antiquité mais dans l’évocation des bas-fonds de Londres, une satire sociale en fait intemporelle, accompagnée de chansons populaires dont les sonorités sont toujours familières à nos oreilles du XXIe siècle.
Le grand metteur en scène d’opéra Robert Carsen a donc bien fait de réadapter cette pièce pour souligner combien les vices d’aujourd’hui sont proches de ceux d’hier. Il a réuni une éblouissante distribution de chanteurs, comédiens et danseurs britanniques, tandis que William Christie, à la tête des Arts Florissants, se lançait dans une passionnante reconstruction de la partition de Pepusch.
* Unidivers offre à ses lecteurs 6 places (chacune de 1ère catégorie au tarif de 42€) pour la séance de jeudi 17 janvier. 4 places sont en baignoire (au parterre) et 2 en loge (au premier balcon). Elles seront envoyées aux 3 premiers lecteurs qui auront répondu en commentaire de cet article à la question suivante : « En quelle année a été achevée la construction de l’Opéra de Rennes ? » Les commentaires seront dévoilés 10 heures après la parution de cet article ; les trois premiers lecteurs à avoir répondu (bon) remporteront les places.
Félicitations à Guiheux Julien, Sachet Willy, Ryback Vincent !
AUTOUR DU BEGGAR’S OPERA :
Présentation du spectacle
Mercredi 16 janvier à 18h30
Gratuit, entrée libre dans la limite des places disponibles
Les prochains rendez-vous de l’Opéra
Ça va mieux en le chantant : Du surgrave au suraigu
Mercredi 30 janvier, 18h et 20h
Exposition : Sur les routes de la soie
En partenariat avec la Fondation Aga Khan Du 4 au 28 février (gratuit)
Grande Messe en ut de Mozart / Chœur de Chambre Mélisme(s)
Mercredi 6 février, 20h
Concert en rotonde : Mélodies du printemps
Avec les musiciens de l’Institut Confucius de Musique du Danemark Samedi 9 février à 15h
(gratuit, dans la limite des places disponibles)
Divas du monde / Aziza Davronova (Ouzbékistan)Dimanche 10 février, 15h
Renseignements et réservation : billetterie de l’Opéra 02 23 62 28 28 du mardi au vendredi de 13h à 19h et le samedi de 13h à 18hwww.opera-rennes.com
Quels sont donc les ingrédients nécessaires pour faire chuter une personne d’influence ? La politique… L’argent… Et le sexe, bien entendu ! Eh bien le cocktail est dans le shaker. On agite, on agite bien, et on sert glacé ! Anatomie d’un scandale, quand l’art du scalpel devient un délice…
L’éducation transmise aboutit généralement à ce que nous devenons, à ce que nous sommes, à ce que nous transmettons ensuite à notre tour. Parfois tout se déroule ainsi, sans que nous ne remettions nécessairement en cause quoi que ce soit. Mais parfois, les choses se grippent et on envoie tout valser. Ça c’est à l’adolescence, quand on traverse cette période transitoire où, troublés par nos hormones, nous voudrions tenter autre chose que les schémas de nos parents, notamment en matière de relations avec nos amis, nos petites ou petits amis, mais aussi nous rêverions de nous opposer à tout ne serait-ce que pour affirmer la force de notre caractère, asseoir notre identité, prouver au monde, aux autres que nous sommes capables de libre-arbitre. Penser par soi, pour soi et non se montrer conforme aux diktats de nos aînés.
Si Anatomie d’un scandale n’existait pas, il aurait fallu l’inventer. C’est d’ailleurs ce que l’esprit éclairé de Sarah Vaughan a imaginé, avec talent, sans longueur, en multipliant les rebondissements. Tous les ingrédients sont réunis dans ce thriller psychologique plutôt sulfureux.
À ne nombreuses reprises on se demande si l’auteure, sourcilleuse du moindre détail, de la moindre faille comme de la lumière de chaque personnage, ne s’est pas dissimulée dans les coulisses du pouvoir. En l’occurrence dans ce roman-là, au Royaume-Uni, mais l’intrigue pourrait aussi bien se dérouler en France, en Allemagne ou dans une autre grande capitale européenne et du monde. Ce qui anime les gens qui détiennent certaines clés du pouvoir sont toujours les mêmes ressorts : l’argent, la politique, la manipulation, le cynisme, le sexe (qui sert de levier comme d’exutoire).
Que cachent donc nos deux compères aussi puissants qu’antipathiques, James et Tom, sous-secrétaire d’État et Premier ministre de la couronne ? Car derrière les accusations de viol à l’encontre de James Whitehouse, on devine qu’il y a bien pire, que ces deux-là (tout comme nous autres lecteurs) dissimulent peut-être quelques cadavres dans des placards poussiéreux. Pourquoi l’avocate à charge, celle qui assure la défense de la plaignante Olivia, la reconnue et respectée voire crainte, Kate Woodcroft s’acharne-t-elle avec autant de rage à démontrer la culpabilité de l’ancien apollon roi des courses d’avirons et des soirées du collège d’Oxford, prince du club des Libertins ? Qu’a-t-elle trouvé à propos de cet homme puissant promis à tous les ors de la Couronne. Et comment Sophie, la femme sage et fidèle de l’accusé va-t-elle s’en sortir, va-t-elle épauler son mari pris dans une spirale infernale, proie des médias, comment va-t-elle protéger ses deux enfants, Emily et Finn de l’opprobre qui s’abat sur leur père tant respecté ? Comment ce couple va-t-il résister à cette tempête d’une cruauté sans nom ?
Non sans talent, loin de là, avec une plume sans cesse aiguisée, Sarah Vaughan sonde les âmes et nous entraîne dans l’analyse des recoins les plus sombres de ses personnages même quand ils semblent trop lisses pour être totalement sincères. Certains nous surprendront par leur sincérité, masqués souvent par les conventions, par des façades travaillées pour se protéger ; d’autres s’avéreront décevants, parce que le mensonge et la traîtrise ne sont pas seul apanage des pleutres. Que ne ferait-on pour se sortir d’affaires quand on pense qu’on n’a plus rien à perdre, quand on se croit intouchable, quand on nous a élevés dans la toute puissance. Aucune empathie pour ces derniers, seule la sociopathie règne au-delà de toute humanité.
Entre les lignes, cependant, l’auteure sait aussi parfois nous rendre sympathiques des personnages sombres ou trop fades, en apparence. Mais sans cesse il ne faut pas oublier les doubles voire triples lectures. Anatomie d’un scandale est le reflet de l’espèce humaine parfaitement imparfaite. Ce roman est le scanner presque idéal de nos âmes, de nos comportements, du fonctionnement de nos puissants. Du roman au réel, il n’y a souvent qu’un mensonge…
Anatomie d’un scandale – Éditions Préludes – 445 pages. Parution : janvier 2019. Prix : 16,90 €. Traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Alice Delarbre.
Le Cabinet du Livre d’artiste, sis à l’Université Rennes 2, présente l’exposition Mains gantées et pieds bottés, représentations d’armées de femmes et de corps collectifs féminins. Du 17 janvier (vernissage 18 h) au 19 mars 2019.
Alexis Granowsky, Les Aventures du Roi Pausole, 1933.
Les femmes en bataillons sont souvent représentées à la façon de caricatures, assignées à n’être que la répétition mécanique ou érotique d’un personnage générique. Pourtant ces alignements de pieds bottés et de mains gantées sont également des motifs émancipateurs. Face aux représentations qui ne laissent pas de place aux identités choisies et moins encore aux héroïnes, nombre d’artistes inventent de nouveaux modèles de corps collectifs et d’armées de femmes.
Édouard de Beaumont, Les Vésuviennes, Soldates pour Rire, 1848. Bibliothèque Marguerite Durand, Paris.
Avec : Atelier McClane, Nina Childress, Coco Fusco, Agnès Geoffray, Grandville, Guerrilla Girls, Marie-Ange Guilleminot, Sharon Kivland, Barbara Kruger, Suzanne Lacy, Lennep, Violaine Lochu, Alex Martinis Roe, Meg Mateo Ilasco, Mashid Mohadjerin, Lisa Robertson & Matthew Stadler, Robida, Rosambeau, Xavier Sager, See Red Women’s Workshop, Taroop & Glabel, Miwa Yanagi, Rote Zora, etc., et les fonds iconographiques de la bibliothèque Marguerite Durand. Commissariat : Lise Lerichomme.
« Une prison de femmes », revue du Lido, décembre 1955.
VERNISSAGE DE L’EXPOSITION « Mains gantées et pieds bottés » mardi 19 mars 2019, en présence d’Agnès Geoffray et Lise Lerichomme, suivi d’une CONFÉRENCE de Lise Lerichomme, de 17 h 30 à 19 h 30, dans le cadre des « Mardis de l’égalité », Amphi du Pôle numérique – Bât.T.
Image extraite du film d’Alexis Granowsky, Les Aventures du Roi Pausole, 1933.
CABINET DU LIVRE D’ARTISTE. Université Rennes 2 | Campus Villejean | Bât. Érève, M°Villejean Université. Place du Recteur Henri Le Moal, CS 24307, 35043 Rennes cedex, 0299141586 | 0660487696. Le CLA est ouvert du lundi au jeudi de 11 h à 17 h hors vacances universitaires et également sur rendez-vous.
Le Collectif 13 est de retour en 2019. Il fut formé il y a 6 ans à l’initiative de Gérôme Briard du groupe Le Pied De La Pompe et Guizmo de Tryo. On y retrouve aussi Gari Mèu du Massilia Sound System, les Rennais Max Raguin du P’tit Son et Alee. Après un premier album sorti en 2015, la bande revient avec Chant libre, attendu pour le 18 janvier prochain.
La relation qui unit les membres du Collectif 13 n’est pas récente. La plupart d’entre eux avaient d’ailleurs pris l’habitude, à certaines occasions, de se partager la scène ou l’enregistrement d’un titre. Ce fut notamment le cas de Guizmo, membre de Tryo, et de Gérôme Briard, chanteur du groupe Le Pied de la pompe. Ces derniers, après avoir fondé en 2012 le collectif On y pense avec le rappeur rennais Alee et Zitoune de La Rue Kétanou, ont écrit ensemble une chanson intitulée Vivants.Tout d’abord intégrée à une compilation associative, elle stimula leur envie de réunir les collègues les plus proches au sein d’un groupe avec création d’un album commun. C’est dans ce contexte qu’ils ont enregistré leur premier opus sorti en 2015 et suivi d’une tournée achevée à la fin de cette même année. Forts de cette expérience, ils ont décidé de poursuivre l’aventure avec leur nouvel album, Chant libre.
Photo : Tidash
Sur le plan musical, les chansons de cet album transmettent la même énergie que celles du premier. Dans le premier opus, nombre d’instrumentaux comportaient les interventions de DJ Ordoeuvre, vice champion du monde DMC. On retrouve de nouveau sa patte à travers des rythmiques synthétiques ainsi que l’utilisation du scratching du hip-hop sur des titres comme Réseau et Trumperie. Mais on constate assez vite que les instrumentations présentes sur Chant libre sont plus diverses et font fusionner des esthétiques parfois différentes. Le premier titre de l’album, Collègues, illustre bien cette démarche, se faisant ainsi l’écho d’une cohésion qui n’a que faire des étiquettes. Les parties de guitares saturées et la rythmique marquée, alliées aux interventions de Max Raguin à l’accordéon, rappelleront certainement à certains le style développé par Red Cardell.
Les mêmes guitares saturées sont d’ailleurs présentes sur Last Black Friday : associées à une rythmique marquée, une cymbale omniprésente et une vocalité empruntée au rap, elle évoque, dans une certaine mesure, les styles hybrides de Rage Against The Machine et des Prophets of Rage. On est agréablement surpris, dans la chanson Tu vas t’y faire d’entendre un rythme de « shuffle twist » et un jeu de guitare très rockabilly. Les accents reggae et ska sont également bien présents et colorent des titres comme Tout petit déjà. De même, certains titres sont clairement orientés vers ce registre, principalement Rien à foutre ainsi que Collectif et tondus. Dans cette chanson dynamique et irrésistiblement dansante, le jeu délicat et au timbre presque jazzy de Daniélito rappelle tantôt celui d’Al Anderson dans le premier album solo de Bob Marley « Natty Dread », tantôt le jeu en notes piquées, récurrent dans l’afro pop contemporaine.
Photo : Tidash
Fidèles à eux-mêmes et dans la lignée du précédent album, les membres du Collectif 13 démontrent qu’ils n’ont pas changé de cap : qu’il pleuve ou qu’il vente, ils sont toujours prompts à défendre leurs valeurs de fraternité et de solidarité. Certes, la contestation occupe dans Chant libre une place non négligeable, comme par exemple dans Trumperie dont le destinataire n’est autre que le locataire de la Maison Blanche. De même, ils dénoncent dans leur chanson Invisible l’individualisme et l’indifférence que subissent les laissés pour compte de la société actuelle. Dans Last Black Friday, ils étrillent également les dérives de la société de consommation et celles d’Internet dans Réseau. Mais par ailleurs, ils ne manquent jamais d’exprimer une grande camaraderie, ainsi qu’un sens du lâcher-prise, parfois avec beaucoup de dérision. C’est notamment ce qu’on perçoit dans Collègues, une ode à la fraternité, ou encore dans Il arrive, véritable invitation au farniente. De même, le titre Rien à foutre sonne comme un véritable pied de nez aux conventions vestimentaires.
La sortie de cet album est donc l’occasion pour nous de goûter aux bonnes vibrations distillées par le Collectif 13, mission qu’ils devraient logiquement honorer lors de leur prochaine tournée. Celle-ci passera notamment le 20 avril 2019 à Lanester, dans le cadre du festival Insolent. Pour l’heure et en attendant des jours meilleurs, le Chant libre qui s’annonce devrait permettre de commencer l’année sur les chapeaux de roues…
L’ album Chant libre du Collectif 13 sortira le 18 janvier sur le label Columbia France.
Le groupe donnera un showcase en acoustique jeudi prochain au Station Pub de Rennes à 19h30: Lien de l’évènement
Leur tournée fera escale le 20 avril 2019 à Lanester, pendant la Nuit du reggae organisée par le festival Insolent.
La plume poétique, à la fois grave et légère, de Michel Jullien fait merveille une fois encore dans Denise auVentoux (éditions Verdier), le récit d’une rencontre aussi brève qu’essentielle entre une chienne et son nouveau maître. Un texte magnifique d’humanité, d’amour et de tendresse sur le lien entre l’homme et l’animal.
« Denise », solide et imposant bouvier bernois, formé à être chien-guide d’aveugle, est déclarée inapte au service, « cancre recalé pour sa couardise urbaine ». Valentine, jeune femme dépressive et recluse, en fait son animal de compagnie, sur ordre d’un thérapeute qui la contraint ainsi à sortir de chez elle et à « se frotter au monde ». Valentine jette son dévolu sur « ce doux molosse » dont le demi-quintal encombre vite l’espace de sa minuscule chambre. Valentine baptise l’animal « Athéna ». Mais c’est Paul, un ami de la sœur de Valentine, qui s’en occupera, le temps que Valentine parte en voyage au bras d’un séducteur et étrange homme d’affaires.
Athéna devient alors Denise, plus au goût de Paul :
Je lui trouvai un air à s’appeler Denise. Un indéniable féminin dans ses façons, un certain populisme de gueule avec ses permanentes aux oreilles et ses mèches frisottées, l’humilité de son port, l’inné naturel se dégageant de son regard en chandelle, sa brave mine sociable, la candeur de ses placements rapportés à son bel acabit augmenté des filasses subsidiaires dépassant du poil, elle avait tout pour ce nom.
Denise s’entiche vite de son nouveau maître, qui la sort quotidiennement, matin, midi et soir, égayant un peu sa morne journée d’employé de banque, dans le périmètre étriqué de son pâté de maisons. Rituel ralenti par des rencontres avec d’envahissants et fâcheux promeneurs de quadrupèdes qui vous contraignent à « devoir palabrer des chiens ». Comme avec d’inattendus et émouvants passants inconsolables de leur animal disparu. « Cela se passe sur un trottoir, on n’a rien vu venir, il n’y a pas eu d’apostrophe : un homme, une femme soudain, de vieilles gens, ils se sont approchés, s’immiscent, autorisés à revivre pour un tout petit instant la banalité d’une promenade de chien qui n’est pas le leur. Dans le vôtre ils voient le leur, pour un instant. Eux aussi parlent d’emblée à l’animal, dégagés de tout, sans aucune convention. Ils ont volontiers des mots d’enfant, l’épanchement des babillages, puis vient le passé, un passé indémêlable dans quoi on entend des bribes de vie abolie ».
Après une année de vie commune et à la veille de restituer Denise à sa maîtresse revenue de son périple amoureux, Paul, fervent adepte de la montagne, décide d’emmener la chienne pour quelques jours bien au-delà de leurs habituelles promenades sans air ni espace et de gravir, tel Pétrarque, les « pelades sommitales et terres chauves » du Mont Ventoux. La montagne de Provence est aride autant que raide, pouvant blesser le corps des hommes et des bêtes de ses silex aigus qui jonchent le sol, tombés de ses redoutables à-pic et dangereux dévers. Denise arrive au sommet, devançant son maître éreinté par l’effort, puis le sème au retour, à la poursuite sans retenue de chamois aperçus dans la descente vertigineuse. Jusqu’à l’accident fatal.
Ce livre admirable est porté par un verbe étincelant de précision et de justesse, de poésie et de tendresse, qu’il parle de ces hommes et femmes rencontrés dans les périples de Paul – la figure d’Eliette, orpheline de son chien, est bouleversante – ou de cet animal magnifiquement dépeint dans ses regards, ses attentes, ses attitudes et ses allures, « la langue souriante, le croupion au roulis de sa cadence, ses cuissots qui ressemblaient tellement aux contours de l’Afrique ». Michel Jullien nous emmène, en cent trente pages, dans le récit d’un rapport exceptionnel entre l’homme et l’animal, plus encore, d’une communion inoubliable entre deux êtres que fige la fin tragique de ce voyage à deux.
Denise au Ventoux de Michel Jullien, Collection jaune, éditions Verdier. 144 p. 16,00 €. Parution : janvier 2017.
Le 9 janvier 2019, Mosai et Vincent déboulent au Centre Culturel de Liffré pour un concert pop-électro-dansant destiné… aux enfants de 0 à 3 ans ! Leur spectacle intitulé « Je me réveille » a obtenu le prix Adami Talent jeune public en 2017 et affirme que la musique live de qualité n’est pas l’apanage des ados ou des adultes. A la découverte des sens naissants.
Dans un décor doux et lumineux, les enfants et leurs parents prennent place sur des tapis en cercle. En leur centre trône un arbre lumineux d’où pendent quelques instruments de musique : une guitare, un ukulélé, un tambourin mais aussi un synthétiseur et une raquette de tennis de table. Mosai, compositeur du groupe, entonne le premier couplet « Ma bouche neige des flocons, je gèle en toute saison. » tandis que Vincent ajuste la lumière et joint rythme et harmonie à la parole de son partenaire.
Mosai et Vincent
« Cela fait 23 ans que l’on joue de la pop avec Vincent. On a toujours eu une bonne interaction avec le public, un sens du contact. Et un jour le Festival Marmaille nous a proposé de jouer pour un public plus jeune. » nous raconte Cédric Guyomard alias Mosai. Et cela fait maintenant 15 ans qu’ils durent, épaulés par l’Armada Production, avec qui ils remplissent leur quatrième « contrat ». D’un public adulte ils sont passés aux ados, puis aux enfants et enfin aux jeunes enfants de 0 à 3 ans avec Je me réveille, leur nouveau concert (et album).
Sans toucher à leur style de toujours ni verser dans un simplisme naïvement enfantin lorsqu’il s’agit de composer, le duo propose au contraire une musique recherchée et adaptée à son public. « Tout ce qui existe comme concerts – globalement – pour les enfants de cet âge là ce sont des siestes musicales, des chansons pour s’endormir. Nous, on se propose de les réveiller. » Une particularité qui fait leur succès indéniable : près de 400 représentations depuis 2016, dont certaines à l’étranger (au Québec et au Danemark). Ils ont même dû refuser des salles pour se concentrer sur leurs propres bambins !
« J’ai les pieds, j’ai les jambes, j’ai les genoux, j’ai la peau, j’ai le corps qui danse. » Mosai et vincent
Je me réveille est un album-concert dédié au corps et à la sensation. Les paroles s’en ressentent ; d’une simplicité toute évocatrice, elles envoûtent par la texture des mots davantage que par leur sens « Je me pull, je me lève. Je me plume, je me soleil. Je me mets au chaud. » tandis que la musique pop et dansante s’empare des petits cœurs hautement sensibles des nourrissons, dont certains bougent naturellement la tête ou dansent généreusement au rythme de la musique. Tout comme leurs parents qui sauront apprécier les mélodies entraînantes du duo, son sens de l’interaction avec le public et les transitions dynamiques qui leurs sont spécialement dédiées. « Je suis moi-même papa et je dois dire que les concerts pour enfants peuvent être d’un profond ennui pour les parents… on essaye de ne pas reproduire cela. » indique Mosai.
« À la naissance, le corps se déplie. Le corps se lève. Il tombe. Il se redresse. Il marche. Il se cogne. Il court. Enfin, le corps chante et danse. »
Le passage des adultes aux nourrissons a tout de même nécessité quelques adaptations pour les deux Bretons. Afin d’appréhender au mieux ce nouveau public, ils sont allés faire des « crèche-test » (tout est dans l’appellation). Face à ce public témoin, ils ont essayé les instruments acoustiques, puis électriques, et enfin la musique électronique. « On s’est rendus compte que les enfants réagissaient bien, même à l’électro. Ils ont surtout besoin d’un rythme et de ruptures régulières dans le morceau. » Vincent, le musicien électronique du duo, a donc pu s’en donner à cœur joie sur ses synthés et ses pads. « On n’est pas du tout frustrés artistiquement par cette nouvelle approche. On arrive vraiment à exprimer ce que l’on veut, à se faire plaisir, et à leur faire plaisir surtout. »
« On a laissé tomber les improvisations en fins de morceaux, pour qu’ils soient plus courts. Parce qu’après 1 minute 30 on perd l’attention des enfants. » Pour les mêmes raisons, leurs concerts ne durent que 30 minutes. Une demi-heure intense pour s’éveiller à la musique mais aussi plus largement aux cinq sens et au corps tout entier.
« L’idée de ce concert vient de l’envie de raconter en chansons et en mouvements, la naissance de soi, de son corps et de son individualité. La découverte et l’étonnement que cela provoque, mais aussi la rencontre avec l’autre, la musique et les instruments. Partir des bruits du corps (bouche, voix, percussions corporelles) pour arriver à une pop électro dansante (guitare électrique, claviers, samples). Et chanter des poésies sonores sur des mélodies pop. » Mosai et Vincent
Concert « Je me réveille » au Centre Culturel de Liffré le mercredi 09 janvier 2019 à 9h30 puis 11h Cliquez ici pour Réserver des places en ligne
ou par téléphone au 02 99 68 58 58
Général : 9€
Réduit : 7€
Autre : 5 € enfants ass. mat. / Gratuit ass. mat
Vous appréciez la littérature qui dérange, celle qui peut se montrer irrévérencieuse, provocante jusqu’à l’outrance, déclenchant autant les fous rires que les grimaces ? Eh bien vous ne serez pas déçus en vous plongeant avec envie dans le dernier roman de Quentin Mouron, Vesoul, le 7 janvier 2015.
T’as voulu voir Vesoul et on a vu Vesoul… Jacques Brel.
Attention, ce jeune auteur talentueux n’en est pas à sa première publication, loin de là. Avec sa plume aiguisée, son humour qui se situe au dixième voire onzième ou douzième degré, il sait se faire le miroir de nos travers, de notre société qui souvent brille trop par son cynisme. Et c’est dans ce creuset parfois nauséabond que Quentin Mouron trace son sillon.
Dans Vesoul, le 7 janvier 2015, l’auteur met en scène deux personnages, le narrateur et son comparse, un jeune cadre qui le prend en stop. Au gré de leur périple, ils se retrouvent dans la petite ville de Vesoul, bourgade apparemment paisible de la Franche-Comté. Pourtant, il va s’y dérouler bien des choses. Selon le procédé du roman picaresque utilisé par l’auteur, le lecteur assiste, en témoin attentif et captivé, aux aventures et mésaventures de ces deux gaillards qui vont vivre des heures et des rencontres totalement folles. Ainsi les deux compères vont fréquenter tour à tour : un salon du livre bien singulier, un festival des sexualités, un congrès entrepreneurial…
Dans ce Bouvard et Pécuchet version XXIe siècle et aux échos rabelaisiens, l’auteur aborde la montée des populismes en Europe et dans le monde, l’explosion de la violence sociale (dont l’actualité récente témoigne encore), la détresse des populations marginalisées, la montée exponentielle des fanatismes religieux comme réponse à l’absurdité d’un monde occidental ultralibéral…
Et puis une rupture importante marque le récit : 7 janvier 2015. La France est victime des attentats de Charlie. Tout bascule… Dans l’horreur, mais aussi dans une sorte de communion où chacun se retrouve confronté à la peur, à l’angoisse, à la fragilité, à cette nécessité de s’unir contre toute forme de barbarie. Et si Quentin Mouron dénonce, non sans talent, les dysfonctionnements profonds de nos sociétés, il croit encore à l’humanité qui devrait toujours primer.
On rit, on rit fort, pour ne pas se désoler, pour ne pas finir écrasés par ces fêtes larmoyantes que sont nos vies.
Vesoul, le 7 janvier 2015 de Quentin MOURON – Éditions Olivier Morattel – 115 pages. Parution : janvier 2019. Prix : 16,50 €.
» Vesoul, le 7 janvier 2015 est le livre de l’insignifiance, des discours creux, des vies pour rien et des morts gratuites. Avec ce sixième roman, Quentin Mouron, écrivain canado-suisse de 29 ans, se place dans les pas du Gombrowicz de La Pornographie ou du Marcel Aymé de La jument verte, et signe une farce hilarante à l’arrière-goût de tragédie «
Quentin Mouron est un écrivain canado-suisse de langue française né à Lausanne le 29 juillet 1989 (29 ans). Il est le fils de Didier Mouron. Il travaille également comme chroniqueur dans divers quotidiens suisses. Depuis mars 2015, il tient une chronique au sein de l’émission Qu’est-ce qu’elle a ma girl ? sur BeCuriousTV intitulé Au pied de la lettre.
1984, Le Meilleur des mondes, Fahrenheit 451, glaçantes dystopies, ou « utopies détraquées » selon Paul Vacca, annonçaient à leur manière la mort du livre. Science-fiction ? Est-ce si sûr ? La disparition du livre est-elle programmée, du moins celui qui est fait de l’antique papier, au moment où le numérique ne cesse d’étendre sa toile ? Les envahissants écrans sont-ils en passe de tuer le livre traditionnel ? C’est la crainte de Paul Vacca qu’il développe dans un court et vivifiant essai : Délivrez-vous ! Les promesses du livre à l’ère du numérique.
Comme une défense et illustration de son propos, Paul Vacca décline quelques vérités qu’il veut croire solides et intangibles. Le livre fait de papier est ce petit objet souple, maniable, qu’on peut mettre dans sa poche, qu’on peut prêter, donner, échanger, qu’on peut emmener à la plage sans qu’il craigne sable ou soleil, qui n’a pas besoin d’énergie pour être lu, sauf celle qui alimente la lampe de votre chevet ou de votre bureau.
Le livre est cet objet auquel vous vous attachez, qui fait partie de votre vie d’amoureux de la littérature et de tout ce qui est écrit et imprimé, et qui vient étoffer tout au long de la vie les étagères de votre bibliothèque personnelle.
Le livre est ce petit volume que vous lisez dans la plus parfaite intimité et solitude, indépendante de ces intrusifs fournisseurs de textes en ligne qui vous surveillent via les fameux ebooks supportés par des tablettes ou « liseuses » gavées de liens internet qui vous incitent à zapper pour vous expliquer la peinture de Vermeer au moment précis, et bien inopportun, où Proust vous enchante avec ce petit pan de mur jaune qui fascine le malheureux Bergotte.
Un livre en papier, c’est aussi celui que vous allez choisir dans une bibliothèque publique (à présent médiathèque, bientôt « numérithèque », qui sait…) ou dans la librairie de votre quartier, appréciant l’échange avisé et enrichissant avec un libraire ou un bibliothécaire « en chair, en os et en passion ». Avec eux et grâce à eux, vous n’êtes plus la simple cible de l’intelligence très artificielle des algorithmes marchands « amazoniens » qui vous capturent, vous « tracent » et veulent diriger vos lectures et le reste, en colonisant vos ordinateurs et smartphones, toujours prêts à faire de vous une machine à consommer pêle-mêle le dernier prix Goncourt, l’aspirateur sans fil « up-to-date » et l’indispensable lave-linge à double rotation et saut périlleux arrière !
Les livres, les vrais, ces petits et précieux codex typographiques vieux de quelques siècles, mille-feuilles de pages qui sentent bon le papier et l’encre d’imprimerie, nomades sans fil et sans piles, resteront, selon Paul Vacca, le libre et idéal vecteur de notre imaginaire et de la pensée, à cent lieues de l’agitation numérique tous azimuts et grandissantes des sms, texto, tweets, posts et selfies, « avatars d’une connexion urbi et orbi ».
Paul Vacca nous réserve un dernier chapitre plein d’humeur et d’humour où l’on voit un certain Mark Gutenberg en « 2046 » – « utopie réparée » de « 1984 » – mettant dans les mains de geeks et d’admirateurs ébahis sa dernière invention révolutionnaire, « un objet sans batterie, sans connexion, d’une autonomie illimitée : des feuilles de papier fixées à un dos, et un texte comme ceux qui défilent dans vos lunettes de réalité virtuelle ou ceux que débitent vos robots. Nous avons décidé de l’appeler BOOK pour Big Opportunities Of Knowledge, car il va vous offrir des occasions illimitées de mieux connaître le monde, les autres et vous-même ».
Ainsi soit-il pour les siècles des siècles !
Délivrez-vous ! Les promesses du livre à l’ère numérique par Paul Vacca, Éditions de l’Observatoire. 112 pages. Genre : Essais et documents. Date de parution: 12/09/2018.
C’est un jury de six gastronomes rennais qui avait pour (lourde) mission de trancher entre 16 galettes des Rois artisanales préparées par des pâtissiers de Rennes. Après s’être enfilé en 3 heures 16 parts, le jury complètement beurré a désigné le roi de la galette : Pâtisserie Coupel (rue Saint-Hélier), suivi de près par le Fournil Vasselot(rue… Vasselot).
Le Fournil Vasselot, 13 rue Vasselot Rennes
La galette des rois de chez Coupel a remporté l’adhésion du jury en raison de sa texture et de sa saveur particulièrement suaves. Mais la galette du Fournil Vasselot lui colle à la frangipane en raison de son excellent rapport qualité-prix (quasi ex-aequo).
Coupel, 15 rue Saint-Hélier, Rennes
Recette de la galette :
Temps de préparation : 15 minutes
Temps de cuisson : 40 minutes
Ingrédients (pour 6 personnes) :
– 2 pâtes feuilletées
– 100 g de poudre d’amandes
– 75 g de sucre
– 1 oeuf
– 50 g de beurre mou
– quelques gouttes d’extrait d’amande amère
– 1 jaune d’oeuf pour dorer
– 1 fève !
Préparation de la recette :
Disposer une pâte dans un moule à tarte, la piquer avec 1 fourchette.
Mélanger dans un saladier tous les ingrédients (poudre d’amande, sucre, oeuf, beurre mou, extrait d’amande amère).
Etaler le contenu du saladier sur la pâte, y mettre la fève (sur un bord, pour minimiser les chances de tomber dessus en coupant la galette!).
Refermer la galette avec la 2ème pâte, et bien coller les bords.
Dessiner au couteau dessus et dorer au jaune d’oeuf (dilué dans un peu d’eau). Percer le dessus de petits trous pour laisser l’air s’échapper, sinon elle risque de gonfler et de se dessécher.
Enfourner à 210°C (th 7) pendant 30 min environ (surveiller la cuisson dès 25 min, mais ne pas hésiter à laisser jusqu’à 40 min si nécessaire).
Histoire :
Lors des Saturnales (fêtes romaines sur la fin du mois de décembre et au commencement de janvier), les Romains désignaient un esclave comme « roi d’un jour ». Au sein de chaque grande familia, les Romains utilisaient la fève d’un gâteau comme « bulletin de vote » pour élire le « Saturnalicius princeps » (Prince des Saturnales ou du désordre). Cela permettait de resserrer les affections domestiques et donnait au « roi d’un jour » le pouvoir d’exaucer tous ses désirs pendant la journée (comme donner des ordres à son maître) avant d’être… mis à mort ou, le plus souvent, de retourner à sa vie servile à l’issue de celle-ci. Pour assurer une distribution aléatoire des parts de galette, il était de coutume que le plus jeune se place sous la table. Cette coutume païenne fut longtemps combattue par l’Église avant de le remplacer par l’enfant Jésus longtemps cherché par les Rois mages. À la fin du XVIIIsiècle, apparurent les fèves en porcelaine. Sous la Révolution, on remplaça l’enfant Jésus par un bonnet phrygien. Actuellement, si on trouve toujours de vraies fèves, il existe une multitude de fèves fantaisie que collectionnent les adeptes de la fabophilie. Dans les pays chrétiens, on « tire les rois » à l’Épiphanie : une fève est cachée dans la galette et la personne qui obtient cette fève devient le roi (ou la reine) de la journée et a le droit de porter une couronne de fantaisie puis choisit sa reine (ou son roi).
C’est l’événement de l’année à Pontivy. Les deux clubs de la ville nord-morbihannaise sont parvenus à se hisser en 32e de finale de la Coupe de France de football. L’un jouera contre Guingamp, l’autre contre le prestigieux Paris Saint-Germain (PSG). De nombreux médias nationaux se sont emparés du sujet. Forcément, la ville est la seule avec Strasbourg à recevoir deux de ses fameux clubs à ce stade de la compétition.
Au centre-ville, c’est l’effervescence. Les vitrines de Pontivy ont délaissé le long manteau rouge de Noël pour se vêtir des maillots verts et jaunes ; respectivement celui du GSI de Pontivy et du Stade Pontivyen. Le premier recevra le PSG dimanche soir à Lorient à 20 h 45. Le deuxième ira à Guingamp affronter le voisin breton samedi à 15 h. « Nous avons eu rapidement le soutien de l’En Avant, avec qui nous sommes très proche », explique Hervé Hamonic, trésorier du Stade Pontivyen. Même rapprochement avec Lorient pour les verts qui effectuera le voyage au Stade du Moustoir à Lorient pour accueillir le PSG. C’est ça la magie de la Coupe de France, où des clubs amateurs rencontrent les clubs professionnels.
Devant la mairie, le soutien est affiché en faveur des deux équipes.
Les locaux des deux camps étaient donc bondés pour la vente des places peu avant Noël. À trois jours des matchs, acquérir les sésames s’avérait difficile, mais encore possible. Pour cela, la mairie a laissé à disposition une ancienne pharmacie et un ancien kiosque. Un supporter pontivyen a obtenu deux billets juste avant la rupture des stocks jeudi soir.
Une rencontre Pontivy-PSG, c’est normal de ne pas la rater, ça fait quatre ans que je vis ici. Ça va être corsé, mais j’y crois à un but pour sauver l’honneur.
Forcément, le GSI (Garde Saint-Ivy Pontivy, le club de football local) a plus de succès que son voisin. Mais ce n’est pas un souci pour le trésorier du Stade Pontivyen, Hervé Hamonic : « Je préfère Guingamp. On a les mêmes valeurs. On est en National 3 (division), mais on a un budget plus limité. »
L’ancienne pharmacie, redécorée pour l’occasion, était bondée toute la journée du jeudi pour vendre les derniers billets.
Hervé Hamonic, Trésorier du stade pontivyen : « Les deux clubs sont en 32e de finale et les deux clubs ont eu un très bon tirage. On est comme dans un rêve ».
Une publicité bienvenue
Cet écart de classe passionne les foules et les médias qui sont venus en nombre à Pontivy. Bein Sport, France TV, L’Équipe, l’AFP, Canal+… Christine Le Strat, la maire de Pontivy, a un planning de demandes d’interviews bien rempli. « Demain, je serai avec RTL tôt le matin ! Mais c’est bien, ça fait parler de nous. J’en suis très fière ! » Ce coup de projecteur, bien qu’éphémère, permet à la ville de se faire connaître. LE moment pour la maire de vanter les mérites de Pontivy à l’échelle nationale. « Nous avons reçu un label ville sportive. Nous relançons également notre promesse de construire un terrain synthétique demandé depuis plusieurs années », insiste-t-elle.
C’est aussi l’occasion pour le GSI et le Stade de se réconcilier. « Les anciens sont toujours très attachés à cette rivalité. Mais aujourd’hui on peut enfin parler sérieusement d’une fusion entre ces deux clubs », se réjouit la maire. En effet, quelques jours avant les matchs, les deux présidents ont confirmé le souhait de se réunir dans les années à venir.
Un soutien sans faille était affiché partout dans la ville.
Beaucoup de médias devant le kiosque où se vendent les billets du Stade Pontivyen contre Guingamp.
Christine Le Strat (Maire de Pontivy) « C’est dans la continuité des fêtes. Avec ce qui s’est passé avant et les inquiétudes des gilets jaunes, ça permet aussi d’oublier cela un temps ».
Chez les commerçants, Noël joue les prolongations
Ce match est aussi une aubaine pour les commerçants. Dans une ville parmi tant d’autres où les habitants fuient le centre-ville pour faire leurs emplettes sur internet ou dans les grandes enseignes, l’occasion est rêvée pour décorer les boutiques et lancer une opération « Coupe de France ». L’UCIAP (l’union des commerçants industriels et artisans de Pontivy) propose à la vente plusieurs t-shirts à l’effigie des deux équipes. Les bénéfices reviendront aux Restos du Cœur et au Téléthon. C’est aussi un moyen d’attirer les habitants vers le centre.
L’UCIAP met en vente ce t-shirt au profit des Restos du Cœur et du Téléthon pour poursuivre la dynamique des fêtes de fin d’année.
Devant la boutique Concept Store Sanje, une écharpe du GSI entoure le cou de la girafe du magasin. On y aperçoit un ballon dédicacé par les joueurs de l’AJ Auxerre dans la vitrine, ainsi que quelques maillots. « On a aussi ressorti un vieux calendrier de 2003 “les Dieux du stade du GSI” », plaisante Sandrine, la gérante du commerce, en l’accrochant finalement à sa vitrine. Avec Noël, les boutiques du centre ont « plutôt bien fonctionné. Mais l’objectif est que ça dure : “On essaye de faire de plus en plus d’animations pour faire venir du monde. Là, c’est l’occasion pour dire que chez nous il se passe des choses et en même temps d’encourager le club”, explique Sandrine. Cette Coupe de France permet aussi aux commerçants de le rappeler.
Le ballon et le calendrier des Dieux du stade du GSI. Autant de moyens utilisés pour taper dans l’œil de potentiels clients et supporters.
Quelques commerces ont même fait appel à des peintres pour décorer leur boutique, comme ici ce barbier.
Une médiatisation soudaine bien canalisée
Si la mairie et les boutiques se sont empressées de bien organiser l’événement et de soigner leur communication, les deux clubs en ont fait de même. Surtout au GSI où l’affrontement contre le PSG attire les caméras. “Nous avons monté un pôle communication éphémère pour l’occasion”, explique le président des verts de Pontivy, Jérôme Prévost. “J’ai aussi demandé à l’entraîneur de protéger les joueurs”. En effet, la plupart n’ont jamais affronté un club professionnel et sont habitués aux micros de la presse régionale. Mais ce match pourrait être un coup de boost pour quelques carrières.
Ce ne sont pas les nombreux médias présents qui perturberont l’entraînement du GSI Pontivy.
“Nous avons des joueurs très jeunes. C’est pour cela que nous sommes en partenariat avec le FC Lorient. C’est aussi pour la détection. Un match comme ça pourrait aider certains à gravir des échelons”. Le coach Yannick Blanchard l’a bien compris, mais souhaite à tout prix calmer le jeu. “Cette médiatisation soudaine est utile pour le club, mais j’ai voulu canaliser mes joueurs. Il ne faut pas oublier que lundi, il n’y aura plus rien.” Sauf si Pontivy élimine le PSG et/ou Guingamp ? En tous cas les supporters et tifos sont attendus en nombre dans les stades respectifs.
Pour certains, parler à la presse nationale était une première. Mais le coach et le président veillent à leurs joueurs.
Stade Pontivyen – En Avant Guingamp : samedi 15 h, stade de Roudourou à Guingamp (Vente sur place)
GSI Pontivy – PSG : dimanche 20 h 45, stade du Moustoir à Lorient. Match retransmis sur Eurosport 2.
Que cachent les apparences de l’hôtel Pasteur de Rennes ? Les Tombées de la nuit proposent un rendez-vous énigmatique aux Rennais du dimanche 6 janvier au10 février 2019. Venez découvrir des Palpitations nocturnes au rythme lumineux de coeurs, de lettres et de mots qui font écho à une année 2019 placée sous le signe de l’amour ! Une installation lumineuse imaginée par Les Œils, collectif rennais qui n’en est pas à son premier coup d’essai.
L’Hotel Pasteur a beau être en travaux, il reste animé. Ce sont les Tombées de la nuit qui, dans leur incessant effort de réinvention des espaces partagés, proposent de s’approprier ce lieu alternatif de la capitale bretonne du 6 janvier au 10 février 2019. « Pour faire suite à une proposition de la société SNPR (entreprise de BTP) qui est en charge du chantier de l’Hôtel Pasteur, nous avons contacté les Œils pour leur proposer d’exploiter ce lieu… » explique Claude Guinard, directeur des Tombées de la nuit.
Claude Guinard, directeur des Tombées de la Nuit
Créés en 2007 à Rennes, Les Œils œuvre à la croisée du spectacle vivant et des arts visuels. Sous ce nom à faute d’orthographe se cache un collectif pluridisciplinaire rassemblant des artistes, créateurs, constructeurs et techniciens. En partenariat avec Les Tombées de la nuit, ils ont notamment mené le projet des « Mouettes« , en 2017, et constellé la ville de ses grandes mouettes mécanisées, insufflant au paysage urbain une poésie et un onirisme caractéristiques du collectif. En réponse à la nouvelle demande des Tombées de la nuit, le collectif des Œils a imaginé une installation lumineuse sur les échafaudages du chantier de l’Hôtel Pasteur : « Palpitations nocturnes ». Dimanche, un millier de Rennais était au rendez-vous de 17h29 afin de découvrir ces mouvements du cœur dans la nuit rennaise…
« Les Mouettes » des Œils ont dominé le ciel rennais fin 2017
« Ca colle tout à fait à notre envie de toujours, celle de faire vibrer la ville avec des créations artistiques qui la redessine » confirme Claude Guignard. Bref, il faut voir avec le coeur l’invisible…
L’Hotel Pasteur
L’Hôtel Pasteur, imposant bâtiment de 8000 m2 à Rennes, qui donne sur le quai Dujardin, accueillait il y a encore quelques mois un centre de soins dentaires en son rez-de-chaussée. En septembre 2019, c’est l’école maternelle du Faux-Pont qui y emménagera. Quant à l’étage, même après les travaux, il restera une zone « non identifiée ».
l’Hotel Pasteur, anciennement Faculté des Sciences (1888-1997)
C’est le fameux « hôtel à projets » défendu depuis 2013 par l’architecte Patrick Bouchain et soutenu par la Ville de Rennes. Un lieu, « un tiers lieu », dont les fonctionnalités ne sont pas figées. Tout reste à imaginer. Des expositions, des concerts, des cours de français pour personnes étrangères, des lectures… Et, aujourd’hui, un chantier où se croisent entreprises et associations, professionnels et jeunes en insertion sous la houlette de l’architecte Sophie Ricard qui résume le projet ainsi : « On est dans une ancienne faculté des sciences qui a plus d’un siècle ; un objet architectural qui avait été construit pour accueillir une université scientifique et qui a prouvé sa mutation à moindre coût. »
Pour Claude Guinard, l’objectif de ces Palpitations nocturnes est donc de contribuer à la vie de ce lieu pendant les travaux de réhabilitation. Qu’il reste ouvert à son public le plus souvent possible afin de ne pas perdre ni de son dynamisme ni la fraîcheur de ses idées.
Palpitations nocturnes. Rendez-vous sur le Pont Pasteur le 6 janvier 2019 dès la Tombée de la Nuit et chaque soir jusqu’au 10 février.
Trois BD qui incitent à philosopher, ce n’est pas de trop quand il s’agit de donner des conseils pour diriger votre vie selon vos envies profondes. Leçons simples de philosophie magnifiquement illustrées.
Clémentine est une jeune femme transparente. Elle laisse passer son tour à la boulangerie. Elle rate « l’heure de la salutation au soleil ». Elle « est nulle ». Du moins c’est ainsi qu’elle se voit. Aussi s’est elle engagée à méditer dans un groupe, car un groupe cela facilite la méditation. Surtout si c’est Jean Eudes qui est le gour…, qui l’anime. Vraiment nulle, Clémentine rate le bus et se retrouve avec Antoine (c’est mieux que Jean Eudes non ?). Et en trois albums, le jeune épicier provisoire va faire prendre à une nouvelle Clémentine des chemins de traverse pour l’inciter à quitter sa vie quotidienne, à réaliser ses aspirations les plus profondes comme celle d’ouvrir une librairie-café, à ouvrir les voix du possible en suivant non pas le chemin de Saint Jacques de Compostelle mais celui des « CM », les « chemins des moutons ».
Éloge de la méditation individuelle, les scénarios de Beka prônent à Clémentine un « sois toi-même, toujours simplement ». Impossible de ne pas faire le lien avec le succès immense de tous les ouvrages actuels, qui promettent à tous, moyennant quelques « recettes », le bonheur individuel. Quand Frédéric Lenoir fait appel à Epicure, Tchouang-tseu ou Spinoza, Beka nous livre des préceptes, des leçons ou des contes zen, qui illustrent ses propos et gardent à la BD un caractère ludique et une lecture aisée et didactique.
Ces histoires sont belles et parlantes lorsqu’elles illustrent le talent d’un peintre privé de ses mains et qui réussit à exercer son art en confiant ses pinceaux au vent qui les agite sur la toile. Ou lorsqu’elles démontrent l’esprit de résistance à l’interdiction de la musique quand des hommes ingénieux dotent leurs cerfs-volants de sifflets. Pour égayer ces panneaux indicateurs d’interdiction de stationner devant lesquels il convient de faire une révérence, car ils nous invitent à ne jamais s’arrêter, il fallait des images légères, poétiques, des images symboles de bien être.
Marko remplit ce cahier des charges en nous transportant de châteaux forts en maisons japonaises, d’aurores boréales en sommets pyrénéens. Images sublimes qui confortent le message de joie et de réalisation de soi même offert par un texte parfois touffu. Clémentine sur la couverture de Le jour où le bus est reparti sans elle… a la bouche serrée, le corps en retrait. Le jour où elle a pris son envol, Clémentine lève les yeux vers le ciel regardant l’avenir avec optimisme. Dans le dernier volet, Le jour où elle n’a pas fait Compostelle, Clémentine ferme les yeux, sereine devant la beauté du monde. La boucle est bouclée.
Des sillons dans le sable des temples japonais tournent souvent indéfiniment comme un serpentin autour des pierres. Dans les histoires de ces BD, les vagues courbes tracées par les hommes contournent les rochers et poursuivent leur chemin comme si ces pierres n’avaient aucune importance. Une manière de signifier qu’il vaut mieux poursuivre sa route au lieu de tourner autour des problèmes et des obstacles. Une morale facile et désuète ou un précepte précieux ? À chacun de juger selon sa sensibilité et …. sa morale. Mais un peu d’optimisme cela est toujours bon à lire par les temps qui courent.
Tome 1 : Le jour où le bus est reparti sans elle.
Tome 2 : Le jour où elle a pris son envol.
Tome 3 : Le jour où elle n’a pas fait Compostelle.
Scenario de Beka. Dessins de Marko. Couleurs de Cosson.
Ces trois ouvrages sont édités chez Bamboo Édition.
Jusqu’au samedi 3 février 2019, le musée des Beaux-Arts de Rennes vous fait découvrir l’exposition Mon nom est personne – Alexandre Périgot. Près de soixante œuvres anonymes sortent des réserves, certaines pour la première fois. Présentation.
Dans l’obscurité des réserves de chaque musée, dans la richesse de chaque collection française et étrangère, une part de mystère demeure. Signatures illisibles, absence de noms pour différentes raisons… Tapies dans l’ombre, les œuvres dites anonymes attendent d’être dévoilées au grand jour. Ces oubliées de l’histoire de l’art sont l’essence du projet de l’artiste français Alexandre Périgot, initié en 2017 lors de la septième édition du Voyage à Nantes.
Alors que la ville procédait à une refonte totale du musée des Beaux-Arts, (renommé Musée d’Arts de Nantes à sa réouverture en été 2017), les oeuvres anonymes ont été sorties des réserves. En perpétuelle évolution, l’exposition Mon nom est personne a été reprise en 2018 dans une version amplifiée – avec la participation du Cnap, du Mucem, du Musée des Beaux-Arts de Rennes et du Musée Rodin – au CNEAI de Pantin.
Les oubliés du musée des Beaux-Arts de Rennes
Reconnaîtrions-nous un tableau du célébrissime Eugène Delacroix si aucun cartel ne l’indique ? Et une peinture à l’huile de Georges de La Tour ? Où se situent les œuvres d’artistes inconnus dans ce méli-mélo de noms célèbres ? En définitive, qu’apporte la présentation d’une œuvre anonyme au public ?
Après le Mucem de Marseille et l’exposition de 137 œuvres tirées de sa collection d’anonymes en mars 2018, c’est au tour de la capitale bretonne d’offrir sa collaboration au projet d‘Alexandre Périgot. Le Musée des Beaux-Arts de Rennes extrait une soixantaine de tableaux sur ses 133 œuvres anonymes et les présente dans l’espace lumineux de la coursive, dédiée d’ordinaire aux artistes contemporains. Un emplacement qui appuie le discours de l’artiste.
« Je m’APPELLE Personne, et Personne est le nom que mes parents et tous mes autres compagnons me donnent » 366-367, L’Odyssée, Homère.
Titre du célèbre western de Tonino Valerii des années 70 ou personnage de ruse employé par Ulysse dans L’Odyssée d’Homère, le nom de Personne est très présent dans la mythologie et le cinéma. Il est utilisé ici par Alexandre Périgot afin de déconstruire l’idée de star. Dans un domaine où la notoriété de l’artiste prévaut parfois sur la technique et le talent, l’artiste français tente d’objectiver le regard du public. Sans nom associé ou contexte historique, les œuvres sont mises à nu de la plus simple des manières. La signature n’est plus une marque ou un gage de qualité, seule compte la peinture.
Sans distinction ou hiérarchie due à une renommée pré-établie par l’Histoire de l’Art, Mon nom est personne se résume en un accrochage frontal sans cartel. Le spectateur se retrouve face à une accumulation organisée d’œuvres sans auteur et avance incognito dans une histoire de l’art écrite par des anonymes.
Cadres noirs ou dorés, peinture à l’huile ou acrylique, portraits ou scènes bibliques… qu’il s’agisse de petits ou grands formats, ces œuvres du XVIIe au XXe siècle ont traversé le temps sans (presque) aucune considération et sont aujourd’hui révélées au grand jour. Chaque tableau raconte son histoire sans autre information textuelle qui peut altérer le jugement du visiteur.
Comme une ritournelle entêtante qui s’immisce dans la tête de l’observateur, un film sonore accompagne l’exposition – une interprétation de plusieurs partitions anonymes par Marie-Pierre Brébant au clavecin et Xavier Boussiron à la guitare électrique. Une confrontation son/image qui fait sens quand on entend ces airs familiers dont on avait oublié (ou dont on ne savait pas) qu’ils sont issus du patrimoine musical d’auteurs anonymes.
Sans parler de l’aspect mercantile de l’art, Mon nom est personne questionne autant les spectateurs que le personnel du musée et la classification des conservateurs.
Visitant d’autres musées en France et à l’étranger, un musée hypothétique de l’anonyme pourrait voir le jour in fine… affaire à suivre.
Tarifs gratuits :
– jeunes de moins de 18 ans, groupes scolaires, Amis du musée, étudiants en art, bénéficiaires de minima sociaux et carte sortir, auteurs de dons en faveur du musée, détenteurs d’une carte presse, membres de la Maison des artistes, détenteurs de la carte culture.
La « massaia » est un mot italien désignant la ménagère ou femme au foyer. D’un usage devenu obsolète, le vocable fut sciemment remis au goût du jour par le régime nationaliste et totalitaire de Mussolini attaché à la tradition familiale. Et Paola Masino, la rebelle et féministe, en fit le titre de son roman.
La Massaia, naissance et mort de la fée au foyer est paru en feuilleton dans la revue Il Tempo en 1941 et 1942, et les Éditions de la Martinière nous en offre une très belle traduction sous la plume de Marilène Raiola.
Ce texte revient de loin : la censure mussolinienne en effet en expurgea tout ce qui pouvait renvoyer négativement à l’image de l’Italie fasciste, à la Bible aussi dont les citations, sacrilèges ici aux yeux du pouvoir, ponctuaient les 350 pages du texte, enfin à la condition féminine et familiale corsetée du régime du Duce. Et ce n’est pas tout : un bombardement américain sur Rome en 1943 détruisit l’imprimerie qui avait la charge de fabriquer et diffuser le livre dans les librairies ! Paola Masino, découragée mais pas désespérée, se remit alors à l’ouvrage et le livre parut enfin en 1945 en Italie dans sa version finale.
La Massaia du roman désigne une toute jeune fille, libre et rétive, élevée à l’écart de toute forme de vie sociale et familiale et qui vit sa prime jeunesse…dans une malle, au désespoir de sa mère.
Durant son enfance, notre future fée du logis somnolait, poussiéreuse. Sa mère qui avait oublié de l’éduquer, lui en tenait rigueur à présent.
La fillette finira par se plier à la volonté maternelle et s’aventurera, sans enthousiasme, à vivre la vie maritale traditionnelle à laquelle sont vouées immanquablement les jeunes filles de l’Italie mussolinienne. Son époux sera un riche et vieil oncle, de trente ans son aîné, pas mauvais homme au demeurant et sincèrement épris de sa nièce.
La jeune mariée vivra désormais dans une immense et opulente maison de maître, entourée d’une armée de domestiques qu’elle devra commander et surveiller pour devenir ainsi une parfaite maîtresse de maison, une fée du foyer, une « massaia » :
Direction de sa maison, organisation de galas de bienfaisance, croisade en faveur de l’éradication des punaises dans les prisons des environs, assistance aux parturientes, condamnation de la frivolité féminine et crises de cafard quand son nouveau chapeau n’est pas prêt à temps pour l’ouverture de la saison théâtrale.
Autant de moments où elle sacrifie, jusqu’à l’outrance et le dégoût, à ces obligations et devoirs imprescriptibles de la société patriarcale italienne, des moments où « elle néglige de veiller sur son esprit ». La malheureuse a compris « qu’une maison, qu’elle soit grande ou petite, était une meule à laquelle on attache les femmes le jour de leur mariage. Certains se plaisent à la faire tourner ; d’autres subissent cette corvée comme un devoir, d’autres y trouvent des jouissances secrètes, mais toutes, depuis la création du monde, l’actionnent comme si c’était une chose naturelle. Pourquoi était-elle la seule à considérer ce supplice comme injuste ? ».
Dans cette pantomime sociale à laquelle elle se soumet, la « massaia » n’aura de cesse de retrouver sa vraie nature, indépendante et provocante, que ce soit dans ces bals et réceptions dont elle est, dans sa nouvelle demeure, l’organisatrice, l’actrice ou la spectatrice, ou dans les rapports singuliers et saugrenus avec la domesticité dont elle a la charge. La liberté sans limites, la fantaisie stylistique et surréaliste, l’imagination et les sublimes délires et hallucinations de la romancière Paola Masino font alors exploser, d’une prose névralgique, la représentation de la famille « dans une polyphonie narrative, un mélange détonnant d’onirisme, de comique et de grotesque, des images et paysages fantastiques ou métaphysiques, des dialogues théâtralisés, des images fantastiques ou métaphysiques peuplés de présences inquiétantes » nous dit la préfacière du livre, Marinella Mascia Galateria.
Le message de la « massaia », s’il en est un seul, est une leçon à l’adresse de ses pauvres consœurs prises dans le moule d’une vie formatée, contraintes par ces hommes « qui cantonnent les jeunes filles au foyer, dont les boutons de chemise, censés fermer leurs vêtements, finissent surtout par fermer à leurs épouses la faculté de penser […]. Ne vous identifiez pas aux hommes, soyez conscientes de vous-mêmes, n’ayez pas peur de la solitude ; n’ayons pour seul but que de partir en sens inverse et tourner le dos à Adam qui, premier à nous fournir un toit et un grabat, fut aussi le premier à nous demander d’en prendre soin ».
N’en pouvant plus de cette vie sociale qu’elle n’aura cessé de singer et détester, et de cette vie familiale réduite aux seules obligations et obsessions ménagères, la « massaia » n’aspirera alors plus qu’à disparaître,
ployer sous le poids de la vie et toucher à l’échéance suprême.
Humour grinçant et amère ironie finale de ce livre révolté, porteur d’un féminisme roboratif : après son inhumation, la « massaia », ou son fantôme, sortant nuitamment de son mausolée et reprise sourdement par l’obsession du travail domestique, s’appliquera à en astiquer pierres et ornements ! « Il y a toujours tant de choses à faire…Dieu merci je n’ai que mon mari ici, je n’ose imaginer si j’avais eu des enfants ! ».
LA MASSAIA, Naissance et mort de la fée du foyer. Paola Masino, Marilène Raiola – Editions de la Martinière – 352 pages- Parution 30 aout 2018 – 20.90 €.
Paola Masino, Marilène Raiola
À l’instar de son héroïne, Paola Masino (1908-1989) fut une femme moderne et émancipée, très critique à l’égard des valeurs réactionnaires du fascisme. Intellectuelle d’avant-garde, figure des cercles artistiques et littéraires du XXe siècle, elle fit scandale dans son pays par sa liaison avec l’écrivain Massimo Bontempelli, séparé de son épouse et de trente ans son aîné. Francophile, elle fut aussi la traductrice en Italie de Barbey d’Aurevilly, Balzac ou Stendhal.
Le ciel sous nos pas : c’est l’histoire d’une jeune femme d’aujourd’hui qui rêve de totale émancipation, qui souhaite vivre en totale adéquation avec son époque peu importe l’endroit où elle se trouve.
En l’occurrence la jeune femme vit dans une ville du Maroc avec sa « mère officielle » et sa sœur Tifa. Elle aspire à faire des études pour trouver sa place en temps que femme active et libre de tout, affranchie des diktats politiques, sociaux, moraux et religieux. Et elle semble y parvenir jusqu’à la mort de sa mère. (on est même sérieusement surpris de constater comment la jeune fille semble vivre son adolescence, sa vie de jeune femme comme une occidentale lambda au-delà même des connaissances culturelles que le lecteur peut posséder de la société marocaine).
Arrivée à Paris pour s’inscrire dans une faculté d’économie afin d’entamer un cursus en études de marketing et communication, elle va devoir apprendre à vivre en banlieue auprès de sa sœur Tifa et de son époux fondamentaliste, le dénommé Barberousse (ça ne s’invente pas !). Elle va également devoir côtoyer les petites frappes qui traînent en bas de l’appartement situé au cœur même de barres d’immeubles, se frotter aux femmes voilées et bâchées, épouser la condition des immigrés pestiférés et condamnés à des vies chaotiques. Elle ira de désillusions en désillusions. Non la France n’est en rien un Eldorado où l’on échappe à sa condition d’origine.
Un premier roman de Leïla Bahsaïn qui nous permet non seulement d’entrevoir depuis la France les conditions d’existence de pays qui basculent dans une occidentalisation de leur économie, de leur culture, de pays qui versent sauvagement dans un ultra-libéralisme qui transforme les comportements quotidiens des uns comme des autres sans venir satisfaire les attentes, sans changer profondément la société, à savoir sans faire du lien mais en développant l’individualisme et en renforçant dans le même temps les fondamentalismes en tout genre. Et c’est inquiétant. Mais c’est aussi le rôle de la littérature que de nous alerter sur les dangers de nos choix économiques et politiques. En filigrane aussi la pertinence quant à la place de la femme dans toute société (ici sont mises en abîmes celles marocaine et française), leur difficulté à exister en tant que telle, leur difficulté à être respectées, à s’émanciper, à étudier. Il est encore loin le temps éclairé où LA FEMME, ici comme ailleurs, aidera la société à évoluer, par l’éducation des jeunes, par la grandeur qu’elle donne aux couleurs de toute démocratie digne de ce nom.
Une jeune plume éclairée à découvrir en ce début d’année.
Le ciel sous nos pas – Éditions Albin Michel – 240 pages. Parution : janvier 2019. Prix : 17,00 €.
Leila Bahsaïn est née en 1981, Franco-marocaine, elle vit en France depuis dix ans. Après avoir travaillé dans la communication, elle s’occupe désormais de Zitoun, une association qu’elle a fondée au Maroc, qui se consacre à l’alphabétisation des femmes. Sélectionnée par Hubert Haddad, elle a publié deux nouvelles dans la revue Apulée, puis des nouvelles dans le Magazine littéraire du Maroc. Elle a reçu le prix de la nouvelle de Tanger, décerné par l’institut français de Tanger et la bibliothèque nationale du Royaume.
Quelle agréable manière d’échapper aux inévitables libations de fin d’année que de répondre en ce 31 décembre 2018 à l’invitation de l’opéra de Rennes. Cette belle maison donnait, pour la seconde fois, Le comte Ory de Gioacchino Rossini. Une bien belle soirée de la Saint-Sylvestre.
En adéquation avec l’esprit boulevardier de l’époque, cette pénultième œuvre du génie italien s’inscrit dans un esprit vaudevillesque. La gaudriole se taille une place de choix et au cours de laquelle, quiproquos, retournements de situation et autres paillardises créent une ambiance comique qui rappelle sans confusion possible les plus divertissantes pages d’Offenbach. Le livret, en Français, est l’œuvre d’un auteur des plus prolixes, Eugène Scribe, assisté pour l’occasion de Delestre-Poirson.
Même s’il s’inspire généreusement de son précédent Opéra Le voyage à Reims, Rossini apparait au firmament de son art. L’écriture y est dominée, les mélodies sont marquées indubitablement d’un sceau personnel et bien qu’il y manque un ou deux morceaux de bravoure le rendant aussi identifiable que Norma avec son « Casta Diva », ou Carmen avec la « Habanera », cette œuvre éclate de maturité. Elle échouera pourtant à atteindre une notoriété que sa qualité lui fait pourtant mériter.
L’intrigue en est simple. Le comte Ory, séducteur impénitent, sorte de Don Giovanni, avec le panache en moins, tente de séduire la comtesse Adèle, qui se morfond, avec ses compagnes, de l’absence de leurs maris respectifs partis en croisade. Il se grime en ermite et tente une approche rusée quand il se rend compte qu’il a comme concurrent le charmant Isolier, qui n’est autre que son propre page. Apparaît alors un nouvel intervenant en la personne du gouverneur, ancien précepteur d’Ory, dûment mandaté par le père de celui-ci pour le retrouver et le ramener au sein des troupes qu’il a désertées. Entendant parler du fameux ermite il ne lui faut guère de temps pour démasquer la supercherie et il dévoile sans ménagement l’imposture d’Ory.
Dans le second acte, le comte et une belle brochette de ribauds du même acabit, profitent d’un orage pour se faire accueillir, vêtus en bonnes-sœurs, dans le château qui abrite la comtesse. Il s’y présente comme « sœur Colette ». Lui et ses complices mettent quasiment à sac la demeure et en danger les vertus, avant que l’arrivée inopinée des croisés les mette en fuite. Isolier, bon prince, organise une sortie honorable par une porte dérobée.
Le metteur en scène Pierre Emmanuel Rousseau a choisi de transposer le déroulement du spectacle dans les années 50. De ce point de vue, il y réussit même un peu trop, car le décor de l’hôtel, fidèle à ce qu’on pouvait espérer à cette époque, est un peu triste, pour ne pas dire morne. Remarque qui ne vaut pas pour les costumes, splendides et pleins de gaieté. Le travail de mise en scène est très vivant et va crescendo au cours du déroulement. Pierre Emmanuel Rousseau s’en donne à cœur joie au cours du deuxième acte donnant au comique une dimension égrillarde et follement drôle. Le chœur des chevaliers devenant d’humbles nones lorsque la situation l’exige et célébrant férocement le vin quelques instants plus tard est à se tordre de rire.
Toujours fiable lors des grands rendez-vous, le chœur de l’opéra de Rennes offre une prestation vocale aussi digne d’éloges que sa participation scénique. Colonne vertébrale de cette production, la troupe de Gildas Pungier offre aux différents interprètes une assise solide, au sein de laquelle ils vont pouvoir s’exprimer…
Mathias Vidal, dans le rôle du conte Ory confirme tout le bien que nous avions pensé de lui lors de sa venue à Rennes dans « Le nain » de Zemlinski. Ses aptitudes vocales comme ses qualités dramatiques donnent à cette production un niveau de qualité élevé. C’est avec un talent équivalent que Perrine Madoeuf dans le rôle de La comtesse Adèle lui donne la répartie. Ses aigus montent sans faille à des hauteurs stratosphériques et elle démontre à chaque instant la maîtrise de son art. Joli travail également de Rachel Kelly, en page convaincant, ou de Philippe Estèphe dans le rôle de Raimbaud. Notre coup de chapeau ira à Jean-Vincent Blot. Le Rennais que nous avions jusqu’alors un peu trop connu dans des rôles aussi sympathiques qu’anecdotiques démontre un progrès et une maturité des plus réjouissantes. Il est présent, théâtral, soutenu par une voix bien posée et puissante. Une véritable métamorphose qui augure du meilleur pour l’avenir.
L’Orchestre symphonique de Bretagne fort de 47 membres a fait, faut-il s’en étonner, preuve d’une belle présence. Dirigé pour cette soirée par l’Estonien Erki Pehk, la formation rennaise semble avoir beaucoup apprécié la direction précise et nerveuse du chef invité. En tout cas, vu du public, tout semblait « rouler » à la perfection.
Renouvelant avec ce qui devient maintenant une tradition, l’opéra de Rennes a proposé à son public un authentique divertissement pour cette soirée de Nouvel An. C’est un véritable succès et pour ceux qui auraient la curiosité de s’en rendre compte par eux-mêmes, il est possible d’assister aux représentations du jeudi 3, 20h et du samedi 5, 18h. Pas impossible que nous y soyons derechef !
Vous n’avez pas trouvé assez de livres sous le sapin ? Pas d’inquiétude ! Voici la petite rentrée littéraire de janvier. Loin de la course aux prix, elle comporte souvent de belles pépites.
En ce qui concerne la littérature française, commençons par quelques valeurs sûres avec des auteurs qui ont déjà plusieurs succès derrière eux.
Gilles Leroy, lauréat du Prix Goncourt en 2007, poursuit ses récits américains avec Le diable emporte le fils rebelle (Mercure de France, 10 janvier 2019). La famille Kennedy vit dans un bungalow dans une petite ville du Wisconsin. Si le père a baissé les bras, Lorraine, la mère très pieuse entend bien sauver sa famille. Elle raconte comment elle a affronté l’adolescence rebelle de son fils aîné. Sorti de la prison pour mineurs, Adam continue à faire parler de lui dans le village en affichant son orientation sexuelle.
Valérie Zenatti a traduit la plupart des livres de Aharon Appelfeld. Elle était devenue son amie. Lors de sa disparition en janvier 2018, elle refuse d’oublier sa voix. Dans Le faisceau des vivants (Éditions de l’Olivier, 3 janvier 2019) nous entraîne en Ukraine dans le village natal de Aharon Appelfeld. Dans un court récit, l’auteure nous parle de leurs discussions, de leurs points communs sur l’enfance et l’écriture.
Nous aurons été vivants (Stock, 2 janvier 2019) est le nouvel hymne à la vie de Laurence Tardieu. Un matin d’avril 2017, Hannah Bauer croit apercevoir de l’autre côté du boulevard, Lorette, partie sept ans plus tôt sans aucune explication. Cette vision fait rejaillir tout ce qu’elle voulait oublier, une histoire familiale dans les soubresauts de l’Europe.
L’artiste Leonor de Recondo propose un roman autobiographique, hommage à la famille et à la force créatrice et de l’amour. Manifesto (Sabine Wespieser , 10 janvier 2019) est une double narration, celle de Leonor et de Félix réunis pour une nuit entre la vie et la mort. Leonor est au chevet de son père, peintre et sculpteur, proche de la mort. Son esprit s’échappe dans les souvenirs de jeunesse, en Espagne, avant la guerre civile, dans l’ombre de son ami, Ernest Hemingway.
Largement salué par la critique au niveau international, D’os et de lumière (Grasset, 9 janvier 2019) de Mike McCormack est le roman étranger le plus attendu en France. Nous sommes en Irlande avec Marcus Conway. L’espace d’un instant, ce père de famille se remémore sa vie depuis l’enfance. C’est le récit rationnel, émerveillé et émouvant d’un homme entre l’intime et l’universel.
Autre récit intime confronté aux aléas des rêves d’une nation. Nous sommes cette fois en Allemagne à la fin du XIXe siècle. Olga (Gallimard, 3 janvier 2019) est une jeune orpheline qui vit chez sa grand-mère dans un village arriéré. Elle s’éprend d’Herbert, fils de riche industriel. Une idylle contrariée par la famille du jeune homme. Bernhard Schlink dévoile cette romance douce-amère par l’intermédiaire d’un homme vieillissant qu’Olga considéré comme son fils. Le destin d’une femme magnifiée par la construction subtile d’un auteur qui aime surprendre ainsi son lecteur.
Mario Conde, le personnage récurrent de Leonardo Padura va fêter ses soixante ans. L’appel téléphonique d’un ancien camarade de lycée va le sortir de sa dépression. Le détective, spécialisé dans la recherche d’oeuvres d’art, nous entraîne une nouvelle fois dans l’Histoire et le quotidien des banlieues de La Havane. Dans La transparence du temps (Métailié, 10 janvier 2019) Conde, avec sa mélancolie et son humour noir légendaires, nous entraîne à la recherche d’une mystérieuse statue de la Vierge noire.
De cette enquête, il est facile d’enchaîner avec les romans noirs. En janvier, je vous propose deux titres.
Par-delà la pluie (Actes Sud, janvier 2019) est un road-movie de l’Espagne à la Suède de deux pensionnaires d’une maison de retraite. Miguel veut sauver sa fille des griffes d’un pervers narcis-sique et retrouver un troublant amour de jeunesse. Helena aimerait revoir son fils, installé à Malmö. Elle a connu, elle aussi, une passion dévorante et une enfance douloureuse. Victor del Arbol confronte deux personnages aux caractères bien différents qui vont pourtant se guérir mutuellement.
Avec sa prose lyrique et son talent de conteur romanesque, Michael Farris Smith excelle à parler de ces personnages paumés d’une Amérique désespérée. Dans Le pays des oubliés (Sonatine, 17 janvier 2019), Jack, un orphelin recueilli par une lesbienne mise au ban de la société, devenu un adulte cassé par la rudesse de la vie, se bat aujourd’hui pour défendre son héritage face aux mafieux du delta du Mississippi. Un roman noir que l’humanité du personnage et l’écriture de l’auteur parviennent à illuminer.
Dans les sorties Poche, enchaînons avec un roman qui met aussi en scène des personnages fracassés et des drames intimes. Dans Les angles morts (Livre de Poche, 2 janvier 2019) de Elizabeth Brundage se passe dans une ferme isolée au nord de l’État de New York. La maison semble vouée au malheur. George Cale, installé depuis peu avec sa femme et sa fille, dans cette maison où les Hale, un couple de paysans ruinés s’était suicidé laissant leurs trois fils à la rue, retrouve sa femme assassinée dans la chambre. L’enquête explore le passé du couple et l’avenir brisé des trois fils Hale.
Terminons avec Bakhita (Livre de Poche, janvier 2019), Prix du Roman Fnac 2017, le roman bouleversant d’une femme exceptionnelle qui fut tour à tour captive, domestique, religieuse et sainte. Avec une rare puissance d’évocation, Véronique Olmi en restitue le destin, les combats incroyables, la force et la grandeur d’âme dont la source cachée puise au souvenir de sa petite enfance.
Comme chaque année (7 ans déjà !), la rédaction d’Unidivers souffle durant les fêtes de Noël et du Nouvel An… Du 21 décembre au 2 janvier 2019. De quoi reprendre des forces afin de mieux vous retrouver à l’orée de la nouvelle année !
Pour 2019, nous vous souhaitons à tous ce que vous vous souhaitez à vous-mêmes : le meilleur. Pour les questions de préservation d’un environnement sain, d’un climat harmonieux, que dire d’autre que les années nous sont comptées avant les hautes eaux… Concernant les problèmes d’augmentation du SMIG, de santé, de pression fiscale, de non-cumul des mandats par les élus, d’écrémage et de moralisation de la vie politique, le chemin est encore long…
Pour continuer à promouvoir la culture en Bretagne et contribuer à faire de Rennes une grande capitale artistique et culturelle européenne à l’horizon 2020, vous pourrez toujours compter sur Unidivers, votre web culturel breton. Grâce à une indépendance éditoriale et une liberté de ton qui tranchent dans le paysage médiatique, notre rédaction va continuer à vous offrir des travaux où la qualité, l’objectivité et la curiosité sont au service de la culture, des arts, de la beauté, de l’intelligence, de la bienveillance et de la joie de vivre.
D’ici là, en cette période de Noël, plus de 2 milliards de chrétiens célèbrent la Nativité de Jésus-Christ (qu’ils considèrent comme le Fils de Dieu venu sur terre pour permettre de restaurer la ressemblance perdue avec l’image du Père créateur). Mais ce sont aussi des milliards de non-chrétiens qui se réjouissent soit de la naissance du Christ (que les juifs et les musulmans considèrent comme un prophète) soit d’une fête qui plonge ses racines dans les temps ancestraux (la célébration du solstice symbolise le renouvellement de la victoire de la lumière sur les ténèbres) ou les temps nouveaux (le père Noël, personnage mis en valeur par Coca Cola il y a un siècle, s’est répandu depuis sur tous les continents).
Le Père Noël moderne est en fait le résultat de métamorphoses que nous pourrions suivre à travers les méandres des âges, depuis ce sorcier des origines, de Saturne, Janus et Pan en Merlin et Puck, Mercure et Gargan (le Gargantua de Rabelais), mais aussi Odin-Wotan, Belenos, les Seigneurs du Désordre médiéval, Cernunnos, Herne, Peter Pan et Robin des bois, le Chevalier vert de la geste arthurienne, le Grand Veneur, maître de la Chasse sauvage (la procession des morts, bien connue dans les contrées bretonnes entre Samhain/Toussaint et solstice d’hiver), autrement dit le Erl-König, le roi de Hel (le monde des morts) qui deviendra Harlequin, meneur du Carnaval de la Saison, en passant encore par Knecht Ruprecht, le vieux père Gel, Saint-Nicolas, bien sûr, en expliquant comment ce dernier prend cette fonction avant de devenir Santa Claus sous la plume de Washington Irving et Clement Moore (avant d’être illustré admirablement par des Thomas Nast ou Haddon Sundblom – l’illustrateur de la fameuse boisson gazeuse qui lui a donné un cachet particulier et une notoriété dans sa robe rouge sans pour autant l’avoir créé). Au gré de l’aventure, on croiserait même des mères Noël avec la tante Erie, Chauchevieille, Perchta, Holle, la fameuse Befana italienne, Abundia ou Abonde (chez Jean de Meung, où l’on devine le souvenir de la corne d’abondance) et tant d’autres. Un raccourci – ou une remontée temporelle – ici assurément étourdissant qui mériterait maints développements pour faire revivre ces personnages et passeurs des heures sombres solsticiales.
À tous et aux autres, toute la rédaction d’Unidivers vous souhaite un merveilleux temps de réjouissances !
Gëzuar Krishtlindja ! Frohe Weihnachten ! fröhliche Weihnachten ! gleckika Wïanachta ! merry Christmas / happy Christmas ! ميلاد مجيد (miilaad majiid) ! Shnorhavor Surb tsnund ! Noel bayraminiz mubarak ! vrolik Kersfees ! Eguberri on ! subho baradin ! З Божым нараджэннем (Z Bozym naradzenniem) ! Christmas nay hma mue pyaw pa ! sretan Božić ! Nedeleg laouen ! весела коледа (vesela koleda) ! bon Nadal ! ulihelisdi danisdayohihvi ! 圣诞快乐 (shèng dàn kuài lè) ! Nadelek lowen ! bon Natale ! jwayé Nwèl ! jwaye Nowel ! bon Nwel ! zwayé Noèl ! sretan Božić ! glædelig jul ! feliz Navidad ! gojan Kristnaskon ! häid jõule ! gleðilig jól ! hyvää joulua ! joyeux Noël ! frohe Weihnachte ! noflike Krystdagen ! bon nadâl ! Nollaig chridheil ! Nollaig shona ! bo Nadal ! boune Neoua ! Nadolig llawen ! Gilotsavt Shobas ! kala christougenna / kala xristougenna ! mele Kalikimaka ! חג מולד שמח (hag molad saméa’h) ! Krismas ki subhkamna ! boldog karácsonyt ! annuri Ekeresimesi ! naragsak a paskua ! selamat Natal ! gleðileg jól ! buon Natale / gioioso Natale ! sugeng Natal ! merii kurisumasu ! assegass amegass ! Noheli nziza ! Noheli nziza ! Noela we pîroz be ! bon nadal ! souksan van Christmas ! felix dies Nativitatis ! priecīgus Ziemassvētkus ! bón dênâ / bón natâle ! Noël esengo ! su Kalėdomis / linksmų Kalėdų ! schéi Chrëschtdeeg ! среќен Божиќ (srećen Božić) ! selamat hari natal ! Christmas ashamshagal ! tratry ny Krismasy / arahabaina tratry ny Krismasy / arahaba tratry ny Krismasy ! il-milied it-tajjeb / milied hieni ! Nollick ghennal ! meri Kirihimete ! bon Natale ! vrolijk Kerstfeest ! bouòni Calèna ! god jul ! bon Nadal ! bon pasku ! کریسمس مبارک (Christmas mobaarak) ! wesołych świąt bożego Narodzenia ! feliz Natal ! bòn nové ! baxtalo Krečuno ! un Crăciun fericit ! Noheiri nungi / webale Noheiri ! C Pождеством Xристовом (S rozhdestvom Kristovom) ! ia manuia le Kerisimasi ! bona pasca’e Nadale (logudorois) / bona paschixedda (campidanois) ! Срећан Божић (srecan bozic) ! krisimas yakanaka ! Chrismas joon wadhayoon ! suba nattalak wewa ! vesele vianoce ! vesel božič / vesele božične praznike ! dobro dedek ! switi Krisneti ! god jul ! heri la Krismasi ! maligayang pasko ! ‘ia ‘oa’oa e teie Noera ! Nathaar thina vaalthukal ! veselé Vánoce ! สุขสันต์วันคริสต์มาส (souksaan wan Christmas) ! Noeliniz kutlu olsun ! Shuldyr Ymuśton ! Z Rizdvom Hrystovym ! Mừng Chúa Giáng Sinh ! djoyeus Noyé ! אַ גוטע ניטל (a gute nitl) ! UKhisimusi omuhle !
L’exposition Umbra Urbe, la ville en mouvement de Vincent Broquaire est à découvrir du 18 décembre 2018 au 21 avril 2019 aux Champs libres de Rennes. Les Rennais, grands ou petits, sont invités à vivre une expérience immersive en trois temps. Bienvenue dans l’envers du décor.
Umbra Urbe est le titre de la nouvelle exposition artistique gratuite qui prend place aux Champs Libres de Rennes. L’artiste Vincent Broquaire s’empare de la salle Anita Conti afin de la transformer en caverne urbaine. En son sein, une musique poético-mécanique immerge les visiteurs dans la vision d’une ville qui se construit et se déconstruit sans fin. Umbra Urbe met en scène une ville en volume, immobile et silencieuse, que vient mettre en mouvement et réciter une voix-main invisible comme un lexique formel à la faveur de la nuit. Une ville moderne esquissée, progéniture troublante de la mécanisation industrielle des environnements collectifs, du quotidien technicisé et des individus égarés dans les mégalopoles. Peut-être poétique, mais avant tout hypnotique. À l’image d’un miroir aux alouettes.
« Imaginez une gigantesque salle de cinéma. En avant l’écran, qui monte jusqu’au plafond, mais c’est si haut que tout ça se perd dans l’ombre, barre toute vision d’autre chose que de lui-même. La salle est comble. Les spectateurs sont, depuis qu’ils existent, emprisonnés sur leur siège, les yeux fixés sur l’écran, la tête tenue par des écouteurs rigides qui leur couvrent les oreilles. Derrière ces dizaines de milliers de gens cloués à leur fauteuil, il y a, à hauteur des têtes, une vaste passerelle de bois, parallèle à l’écran sur toute sa longueur. Derrière encore, d’énormes projecteurs inondent l’écran d’une lumière blanche quasi insupportable. […] Sur la passerelle circulent toutes sortes d’automates, de poupées, de silhouettes en carton, de marionnettes, tenus et animés par d’invisibles montreurs ou dirigés par télécommande. […] Sur l’écran on voit les ombres que les projecteurs découpent dans ce carnaval incertain. Et, dans les écouteurs, la foule immobile entend bruits et paroles. […] Ils n’ont donc aucune autre perception du visible que la médiation des ombres, et nulle autre de ce qui est dit que celle des ondes. Si même on suppose qu’ils inventent des moyens de discuter entre eux, ils attribuent nécessairement le même nom à l’ombre qu’ils voient qu’à l’objet, qu’ils ne voient pas, dont cette ombre est l’ombre. » (Alain Badiou sur La République de Platon, chap. 11)
À la suite de l’exposition, une salle est dédiée a la participation du public, grands et petits. Deux ateliers invitent à construite des éléments urbains ou bien sur des feuilles de papier transparent ou bien dans un théâtre chinois en forme de skyline. Les visiteurs sont invités à jouer non seulement avec la ville, mais (et surtout) avec la perception qu’ils en ont. L’envers du décor. De leur propre décor.
Enfin, une web-série réalisée par Vincent Borquaire est diffusée durant les quatre mois de l’exposition à raison d’un épisode par mois. À tout seigneur, tout honneur, le premier est consacré aux… Champs Libres conçus par l’architecte Christian de Portzamparc.
– Et de plus, si on le contraignait aussi à tourner les yeux vers la lumière elle-même, n’aurait-il pas mal aux yeux, et ne la fuirait-il pas pour se retourner vers les choses qu’il est capable de distinguer, en considérant ces dernières comme réellement plus nettes que celles qu’on lui montre ?
– Et si on l’arrachait de là par la force, dis-je, en le faisant monter par la pente rocailleuse et raide, et si on ne le lâchait pas avant de l’avoir tiré dehors jusqu’à la lumière du soleil, n’en souffrirait-il pas, et ne s’indignerait-il pas d’être traîné de la sorte ? et lorsqu’il arriverait à la lumière, les yeux inondés de l’éclat du jour, serait-il capable de voir ne fût-ce qu’une seule des choses qu’à présent on lui dirait être vraies ? (Platon, Allégorie de la Caverne, livre 7 de la République)
Corinne Poulain souhaite renforcer la synergie des établissements autour d’une programmation de la salle Anita Conti en faveur des arts numériques et poétiques
Informations pratiques :
Date : Du 18 décembre 2018 au 21 avril 2019
Horaires d’ouvertures (hors vacances scolaires) :
Mardi au vendredi de 12h à 19h
Samedi au dimanche de 14h à 19h
Horaires vacances :
Mardi au vendredi de 10h à 19h
Samedi au dimanche de 14h à 19h
Tarifs : Entrée gratuite dans la limite des places disponibles
Lieu : Salle Anita Conti
Vincent broquaire est né en 1986 à Strasbourg où il vit.
2017
Micro-mondes : solo show, musée Angladon with EDIS foundation – Avignon FR
2016
Museoforms : webserie project, 10 episodes, Centre Pompidou, Paris FR Cave Studies : solo show at Fondation Bullukian, Lyon FR
2015
CEAAC : 3 months residency – Berlin DE
INLINE : Production residency, mural drawing in the Ekimetrics office – Paris FR Screen to Screen 5 : Performance, Le Shadok – Strasbourg FR
FOCUS – solo show : Drawing Now, contemporary drawing fair – Paris FR
2014
Cosmogology : solo show, xpogallery – Paris FR
Please wait a moment : Solo show, Le point commun – Annecy FR
2013
Sequences : solo show, book launch, xpogallery – Paris FR The Solo project : Solo show, OFF Art Basel – Basel FR
2012
– Maintenant : Residency, solo show, Maintenant festival – Rennes FR
2011
Screen to screen 3, 4 : Performance, Museum of fine arts – Nantes FR Screen to screen 2 : Performance, Bouillants Festival – Rennes FR
2010
Notre pain quotidien : Solo show, book launch, Delko galerie, Rennes FR
TOO GOOD TO GO est une application dont l’objectif est de réduire le gaspillagealimentaire. Pour cela, elle propose d’aider les commerçants à écouler leurs invendus en les mettant en vente sur la plateforme de l’application à prix bas. Elle connaît un succès croissant et est présente dans 9 pays. En Bretagne plus de 27 000 repas sauvés à Rennes, 20 000 à Brest ainsi qu’une forte activité à Vannes, à Saint-Malo, etc. Une application engagée, aux avantages économiques et écologiques multiples qu’Unidivers.fr a testée pour vous.
Petit historique : imaginée par Lucie Basch,l’application Too good to go (TGTG) voit le jour au Danemark en janvier 2016 où elle connaît un succès immédiat. Surfant sur cette vague, elle franchit les frontières et se retrouvent la même année en Norvège, en Allemagne, en Angleterre et en France. Faisant appel au financement participatif sur la plateforme KissKissBankBank, Lucie Basch reçoit 12 000 € de dons qui lui permettent de se lancer dans l’Hexagone à Lille, Paris et Bordeaux, avant de finalement conquérir des centaines d’autres villes françaises.
Entre image de marque, intérêt économique et/ou réelle volonté écologique, il est parfois difficile de connaître les réelles motivations d’un commerçant, mais une chose est certaine : l’engouement pour l’appli to good to go est impressionnant (1600% de croissance annuelle du chiffre d’affaires), elle a déjà permis le sauvetage de plus de3 millions de repas, soit l’équivalent de 6644 tonnes de CO² économisés (*équivalences FAO et ADEME). L’entreprise, dans son manifeste, dit chercher
à sensibiliser et à éduquer chacun, tout en lui donnant des clés d’action simples pour changer ses réflexes de consommation.
Comment ça marche ?
1- L’utilisateur possédant un smartphone télécharge l’applicationToo good to go (AppStore ou Google Play). 2- Il se géolocalise ensuite afin de découvrir les commerçants proches de chez lui. Il obtient alors la liste des invendus disponibles dans sa ville, ainsi que le prix et les horaires de récupération des commandes. 3- Il passe sa commande en quelques clics. 4- Il se rend chez le commerçant à l’heure prévue pour récupérer le panier qu’il a prépayé via l’application.
Sur l’application se trouvent tout type de commerçants alimentaires. Des boulangeries, de petits café-restaurants mais aussi des chaînes de restauration, des hôtels et des supermarchés (surprise : nous avons même trouvé des fleuristes, un peu par hasard à vrai dire, puisque la barre de recherches ne semble pas fonctionner d’après des mots-clés).
L’utilisateur commande un « panier surprise » composé d’invendus, qu’il passera récupérer à l’horaire indiqué dans l’appli. La constitution du « panier surprise » dépend de la quantité d’invendus du commerce et ne peut pas toujours être connue à l’avance, ce qui peut entraîner aussi bien des déceptions que de bonnes surprises. Mais pour un prix généralement compris entre 3€ et 5€, soit environ 1/3 ou 1/4 du prix d’origine du produit – dont 25% de commission prise par l’application – l’amertume pourrait vite être oubliée.
Petit bémol, les personnes ne possédant pas de smartphone ou de carte bleue – comme les grands précaires – n’ont pas accès à ce service pourtant avantageux financièrement (à noter qu’il faut également une connexion 4G ou wifi pour faire valider sa collecte par le commerçant). Néanmoins l’application donne l’opportunité à ses utilisateurs de faire des dons de 2€ pour offrir des repas aux personnes dans le besoin.
Nous récoltons ces dons, grâce auxquels nous organisons régulièrement une collecte chez des commerçants partenaires pour redistribuer ces invendus à des sans-abris, déclare Lucie Basch, la fondatrice de l’application.
L’application a davantage de partenaires commerciaux en ville, ce qui semble logique étant donné la densité de commerçants qui s’y trouvent, mais qui décevra sûrement les ruraux en quête de petites économies ou d’action anti-gaspillage.
Premier essai (mais pas le dernier !) : le petit-déjeuner de l’hôtel Mercure de Rennes Centre
Afin de nous rendre compte du fonctionnement de l’appli Too good to go, nous avons effectué une recherche géolocalisée sur Rennes, puis passé une commande auprès de l’Hôtel Mercure. L’établissement proposait un panier surprise composé d’un assortiment de viennoiseries du jour au prix de 2,99 €.
La récolte était possible entre 10h45 et 12h30. Nous nous y rendons aux alentours de 11h.
Reçu à l’accueil de l’hôtel, nous patientons une dizaine de minutes le temps que soit confectionné notre panier par une employé de l’établissement. Sur un plateau la commande arrive : elle est constituée de 4 viennoiseries (pains au chocolat et croissants), 2 parts de quiche, 1 part de far breton, 1 part de gâteau brioché et 1 fruit. Les produits sont frais du matin et délicieux selon les journalistes gourmands de la rédaction qui n’ont pas hésité à participer au test.
L’ensemble ayant été prépayé via l’application, nous pouvons repartir avec les aliments dans notre propre sac – en effet dans un but écologique l’hôtel ne fournit pas de sacs plastique ; elle le précise dans son annonce. À réception de notre plateau gourmand, la réceptionniste de l’hôtel Mercure valide la collecte sur l’application.
Caroline Morice, secrétaire de rédaction d’Unidivers, récupère un « panier surprise » à l’hôtel Mercure
Puis nous avons été reçus par la directrice de l’hôtel Mercure, Marjorie Ferrua qui a expliqué son expérience de chef d’un établissement utilisant Too good to go. Elle précise :
J’ai inscrit en ligne l’établissement (…) et ai été mise en relation avec un employé de TGTG » avec qui elle dit avoir pu discuter de la meilleure manière de mettre en place le dispositif et « fixer les prix adéquats, en rapport avec ceux des autres commerçants proposant des paniers similaires ». Elle dit avoir accompli cette démarche « en accord avec la politique environnementale du groupe AccorHotels.
Généreux petit-déjeuner de l’hôtel Mercure Centre Parlement pour 2,99 €
Chaque jour à minuit, 2 paniers surprise sont automatiquement mis en vente par l’hôtel sur l’application, à venir chercher dès 10h45. Bien que la quantité d’invendus ne puissent être mesurée qu’une fois que les clients de l’établissement aient fini leur petit déjeuner, la directrice nous affirme qu’il reste toujours de quoi faire 2 paniers bien garnis, avec un minimum de 5 pièces de viennoiserie par panier (ce que notre expérience confirme).
Addiction au petit-déjeuner pantagruélique de l’hôtel Mercure à Rennes …
L’application marche bien, c’est très facile d’utilisation et il y a beaucoup de monde pour sauver les repas, déclare-t-elle, près d’un an après son inscription.
Des paniers surprise aléatoires
Il nous semble important de souligner le caractère aléatoire du contenu des paniers surprise. En effet si comme on l’a vu, le panier de l’hôtel Mercure était particulièrement copieux, celui de l’hôtel Ibis ne l’était pas autant (il était aussi un peu moins cher, soit 2,50 €). Les paniers varient également dans le même établissement selon les jours, parfois il y a de la charcuterie avec le petit-déjeuner.
Le petit-déjeuner de l’hôtel Ibis pour 2,50 €
Les paniers des supermarchés sont encore plus aléatoires puisque le nombre d’articles en vente est conséquent : on peut donc y trouver absolument n’importe quoi et donc logiquement n’y trouver absolument rien que l’on aime. On peut bien sûr offrir son panier à quelqu’un qui appréciera davantage…
Panier à 3 € à la boulangerie Janvier à Rennes.
La boulangerie Janvier rue de Nemours à Rennes :
En allant à la boulangerie Janvier rue de Nemours, notre téléphone avec l’appli est tombé sur la chaussée (et a été ramené à la maréchaussée par un citoyen bienveillant !!!). Il était donc impossible de montrer et de faire valider notre panier et le commerçant ne recevant pas le nom de l’acheteur du panier… En attendant donc la fermeture et après avoir donné un horaire approximatif d’achat du panier, nous recevons finalement notre copieux panier pour 3 € (voir photo). La boulangerie Janvier a fait partie des premiers commerces rennais à adhérer au principe de Too good to go et propose 3 paniers par jour. La boulangère, satisfaite de ce principe, se désole tout de même lorsque certains paniers vendus ne sont pas collectés …
Sélectionner un commerce grâce aux filtres
Il est possible de sélectionner les commerces en fonction de certains critères :
Cela dit au vu du nombre du peu de paniers actuellement disponibles à Rennes, si vous cherchez un panier intitulé « régime spécial », vous aurez sans doute peu de chance d’obtenir une réponse. On aimerait voir plus de commerces partenaires, mais également une barre de recherches plus efficace dans l’appli. Pour le moment, les commerces sont géolocalisés et on voit la carte avec des points verts qui nous indiquent où se trouvent les commerces ayant des paniers disponibles.
En cliquant sur un point vert, on peut voir la fiche du commerce en question et ce qu’il propose.
N’ayant donc pas vraiment compris comment fonctionnait la barre de recherches, nous avons agrandit la carte pour voir comment se présentait les choses dans une grande ville comme Paris. Les commerces sont si nombreux qu’un chiffre en indique le nombre, puis on peut choisir son arrondissement et trouver ainsi un commerce qui nous convient : au vu du nombre de partenaires, le filtre pour semble ici plus pertinent si l’on cherche des produits vegan par exemple.
Le gaspillage alimentaire
Le gaspillage alimentaire est l’un des grands fléaux de notre société, elle qui paradoxalement se vante souvent de son efficacité à produire. Près d’un tiers de la production alimentaire mondiale se perd entre le champ de l’agriculteur et l’assiette du consommateur. « Et ce ne sont pas juste les aliments qui sont gaspillés, mais toutes les ressources qui ont permis leur production : de l’eau aux terres cultivables, en passant par le travail. Ce qui rend le gaspillage alimentaire responsable de 8% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde », mentionne l’entreprise sur son site internet.
À toutes les étapes de la chaîne, il y a des pertes évitables. Le gaspillage alimentaire des distributeurs (commerçants, restauration,…), auquel s’attaque Too good to go, représentait 14% du gaspillage global français en 2016. C’est aussi à ce maillon de la chaîne qu’a voulu frapper la récente loi n° 2016-138 du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire, qui oblige les grandes surfaces à faire don de leurs invendus à des associations. Les résultats de cette loi commencent à se faire sentir avec une augmentation de 22% de ce type de dons en 2 ans.
La lutte contre le gaspillage en France peut donc sembler en bonne voie, pourtant d’autres maillons semblent encore sous-responsabilisés par la loi et mériteraient, étant donné l’urgence environnementale, d’être soumis à des normes plus strictes concernant le gaspillage. Quelques exemples de pertes évitables survenant entre le champ et l’assiette :
Lors de la production, les produits non-calibrés (ne respectant pas le « format standard ») sont jetés.
Lors du transport, de nombreux produits s’abîment.
En entrepôt, la chaîne du froid est parfois brisée. L’intégralité des produits est alors mise à la poubelle.
En usine, on compte des pertes lors de la préparation des plats cuisinés.
En supermarché, certains produits sont rejetés pour des causes esthétiques ou dans la « course à la fraîcheur ».
À la maison, le surplus d’achat, les portions trop grosses ou les oublis dans le réfrigérateur complètent la chaîne du gaspillage.
Un fléau dispendieux, car il impacte le prix des aliments. En effet le coût du gaspillage est souvent reporté sur le prix de vente. C’est donc généralement le consommateur qui paie le prix de la mauvaise gestion des produits. Au niveau national, le coût du gaspillage serait de 16 milliards d’euros par an.
À cela s’ajoute l’impact écologique du gaspillage alimentaire : 15,5 millions de tonnes d’équivalent CO2 par an en France (l’alimentation représente 36% des émissions nationales de gaz à effet de serre).
Comme le souligne la Fédération France Nature Environnement : « Lutter contre ce scandale, c’est donc aussi favoriser le développement de systèmes d’alimentation plus durables pour tous ». Too Good to go semble faire partie de ces solutions durables, utile au portefeuille comme à l’environnement, symbole d’une écologie populaire.
Après 2 ans et demie d’activité, la filiale française compte déjà 40 employés. Présente aujourd’hui dans 9 pays du vieux continent, elle s’annonce elle-même – fort discrètement – comme « le plus grand mouvement anti-gaspi d’Europe ».
Le film Monsieur de Rohena Gera. Découvert lors de la Semaine de la Critique à Cannes, le film fera sa sortie en salle le 26 décembre 2018. Il fait la lumière sur les inégalités de la société indienne au travers d’une histoire d’amour impossible. L’œuvre de Rohena Gera est un film d’intérêt, enrichissant et accessible. À l’occasion d’une avant-première organisée par le Cinéma Arvor à Rennes le 11 décembre, nous avons rencontré la cinéaste indienne.
Ratna est domestique chez Ashwin, le fils d’une riche famille de Bombay. En apparence la vie du jeune homme semble parfaite, pourtant il est perdu. Ratna sent qu’il a renoncé à ses rêves. Elle, elle n’a rien, mais ses espoirs et sa détermination la guident obstinément. Deux mondes que tout oppose vont cohabiter, se découvrir, s’effleurer…
The Indian dream ?
Bombay, 2018. Si elle ne ferait pas forcément rêver un Occidental, la ville indienne de 18 millions d’habitants attire ses compatriotes comme New-York attirait les artistes des 60’s. Transformée par l’ère moderne, aujourd’hui à l’image de sa sœur américaine, Bombay constitue un rêve pour nombre de jeunes Indien(ne)s ruraux qui pensent y trouver si ce n’est la prospérité, du moins la liberté. Le film représente la ville-monde dans sa majesté, son grouillement ainsi que son lot de désillusions. La réalisation très simple met en valeur l’agitation des rues, les objets du quotidien, les couleurs vives des vêtements, la culture, l’ambiance de la ville mais aussi la distance que cette société impose entre ses membres.
« Chacun a droit de poursuivre son rêve ».
Pour son public français le film aura cet intérêt de faire connaître ou de rappeler la situation de la société indienne. Les classes y sont particulièrement hiérarchisées. Héritage de la société de castes qui n’a pas disparu avec le virage capitaliste du pays. La naissance au sein d’un groupe social prédétermine beaucoup les opportunités d’un individu indien et lui confère une dignité supérieure ou inférieure, bien plus que dans beaucoup d’autres pays. Cette inégalité est incarnée à l’écran par la famille de Ratna (Tillotama Shome) et d’Ashwin (Vivek Gomber).
D’un rang social supérieur, Ashwin est obligé de reprendre l’entreprise de son père malgré sa passion pour l’écriture. D’une origine bien plus modeste et rurale, Ratna, veuve depuis ses 19 ans, est condamnée par sa famille à vivre loin des hommes jusqu’à la fin de sa vie. Elle devient donc servante à Bombay dans l’espoir de mettre de l’argent de côté pour les études de sa petite sœur. Une chose que montre le film, c’est que les servantes, qui se situent tout en bas de l’échelle sociale, sont à peine mieux considérées que des objets par la classe la plus aisée qui les emploie. Lors des premières scènes du film, Ratna passe comme une ombre derrière Ashwin et ses proches, invisible bien qu’essentielle au confort de ce microcosme.
Un appartement, deux mondes
Rohena Gera souhaite montrer – sans jugement – tout ce qui sépare les « classes hautes » des « classes basses » indiennes. Pour cela elle enferme cette société entre les quatre murs du luxueux appartement d’Ashwin où sa servante, Ratna, possède une petite chambre. Leur mode de vie y est opposé : il porte des smokings, parle anglais, travaille sur son Macbook et regarde des films américains. Elle porte un sari traditionnel, mène une vie religieuse (par obligation, dit-elle) et regarde des comédies populaires sur une vieille TV. Par des travelling astucieux qui traversent les murs de l’appartement, la cinéaste étudie cette distante proximité et dresse comme un tableau de l’Inde moderne, entre Occident et Orient, entre tradition et mondialisation.
Lors d’une scène, Ratna entre dans la chambre d’Ashwin pour lui servir son dîner ; ce dernier met son film en pause au moment où deux personnages s’embrassent. Éhontée, Ratna s’en va sans un mot. C’est que dans une Inde où s’embrasser en public est puni par la loi, une telle image ne serait sans doute pas visible sur les chaînes de TV que Ratna regarde. Cette scène reflète le monde qui sépare Ashwin de Ratna.
Servante
Une curiosité de la société indienne : par la proximité physique une servante indienne sait tout de la vie de son employeur, sans avoir le droit de s’y immiscer. Ainsi Ratna assiste à toutes les discussions d’Ashwin et de ses proches (notamment au sujet de son mariage manqué) et devient la personne comprenant le mieux les sentiments d’Ashwin, sans pourtant pouvoir en parler avec lui.
Cette intimité, réelle, compose avec une grande distance, résume la cinéaste.
Pour que cette distance soit ressentie durant le film, elle a placé dans beaucoup de plans des objets venant séparer l’employeur de l’employée. On ressent également dans le jeu des acteurs tous les interdits sociaux, les barrières qui se situent entre eux et les empêchent de dialoguer de manière ordinaire. Ashwin ne peut se permettre de s’ouvrir à sa servante et cette dernière n’ose pas livrer sa parole à celui qu’elle comprend pourtant. Deux mondes se font face qu’un mur sépare… et que la cinéaste cherche justement à briser.
Un amour impossible
C’est couru d’avance et on l’attend dès le premier quart d’heure : l’histoire d’amour entre Ashwin et Ratna. Inévitable. Elle est à la fois l’évidence qui donne au film tout son liant et la naïveté qui l’empêche de se transcender.
L’histoire d’amour s’impose au film. Comme des Roméo et Juliette modernes, c’est évidemment par l’affection et la profondeur de l’amour que des personnages que tout sépare voudront briser leurs chaînes, afin de s’épanouir dans l’union et la résolution de leurs désirs respectifs. Pour cela, le film avance pas à pas. Il y a d’abord un service rendu, une parole qui se libère, puis un geste qui se dessine. La lenteur est la bienvenue, car il est évident que la délivrance des interdits sociaux ne peut se faire du jour au lendemain. Les personnages semblent d’ailleurs ne prendre conscience de leur attirance mutuelle que très tardivement. Cette histoire porte en elle la question des interdits indiens et de l’étendue de leurs pouvoirs, ainsi que celle de l’opacité insensible des classes qui ne s’ouvrent pas aux sentiments humains.
Toutefois cet amour prend une place croissante dans le film et la redondance très schématique du désir confronté à l’interdit devient pesante, d’autant qu’il n’y a presque aucun doute sur l’issue amoureuse de leur relation. Le film se perd un peu dans cette histoire et oublie de développer ses intrigues secondaires qui auraient pourtant pu être creusées : le petite sœur qui souhaite venir à Bombay, l’amie de Ratna qui est également servante, les cours de couture, etc… Au final nous avons apprécié que cette histoire d’amour conserve son charme et son onirisme quand elle aurait pu basculer vers de complexes méandres et des débordements malvenus. Mais elle est également un frein qui empêche l’accès à une vision plus large, plus grande, moins hypothétique.
Un peu de la même manière, le chatoiement des couleurs, les panoramas grandioses, les divers happy-end apportent l’équilibre dont le film a besoin pour ne pas souffrir de trop de lourdeur. D’un autre côté pourtant, ces belles images lui confèrent un aspect « carte postale » qui peut lui être reproché et qui révèle sans doute une vision biaisée, esthétisée que la cinéaste porte sur son pays, dans lequel elle ne vit plus et qu’elle semble regarder avec nostalgie au travers de son film. Même la condition de Ratna est éminemment plus respectable que celle de la plupart des servantes et « boys » indiens, qui en réalité disposent rarement d’une chambre et ne peuvent utiliser les commodités de leurs employeurs. Un parti pris qui divisera peut-être le public mais qui pourrait permettre la diffusion du film dans son pays d’origine comme le souhaite Rohena Gera, que nous avons rencontré pour en parler…
Entretien avec Rohena Gera
Rohena Gera, réalisatrice de « Monsieur »
Dans sa carrière, Rohena Gera est passée de scénariste à productrice, de productrice à réalisatrice. Pour son film Monsieur, elle cumule les trois casquettes.
Unidivers : Selon vous, une histoire comme celle de Ratna et Ashwin peut-elle s’épanouir en Inde aujourd’hui ?
Rohena Gera : Peut être que cela existe, mais on ne le saura jamais. Pour l’instant c’est quelque chose qui ne peut pas être assumé. C’est forcément secret. J’espère que c’est possible. Toute la question c’est de savoir quand les gens l’accepteront.
Unidivers : De quoi vous êtes vous inspirée pour écrire cette histoire ?
Rohena Gera : J’ai grandi en Inde. Chez ma mère on avait des gens qui travaillaient à la maison, notamment une nounou qui m’était très proche. Déjà très jeune, je n’étais pas à l’aise avec cette façon de vivre en Inde, cette ségrégation au sein même de la maison. Vivre si proche de quelqu’un, mais qu’il y ait toujours un mur entre nous. Ça fait des années que je réfléchis à la façon de m’exprimer sur ce sujet que je porte toujours en moi.
J’ai pensé que le mieux serait une histoire d’amour, qu’avec cela on pourrait en parler vraiment bien. Quand on est amoureux on se donne la peine, c’est presque automatique de vouloir comprendre l’autre. Alors je me suis dit que c’était vraiment la manière d’aborder ce sujet.
Unidivers : Vous abordez des sujets lourds via un film relativement lumineux, coloré, est-ce que ces thématiques ne demandaient pas davantage de réalisme ? Votre film l’est-il, à sa manière ?
Rohena Gera : Il y a une violence suggérée dans le film. Je fais le choix de suggérer plutôt que de montrer, sinon la violence prend tout de suite toute la place.
Le personnage de Ratna n’est pas une victime. Je ne voulais pas qu’elle soit définie par un acte violent qu’elle aurait subi. Je voulais vraiment qu’on comprenne que c’est une société qui peut-être dure, violente, mais où les femmes – surtout les femmes – trouvent les moyens de transcender la réalité, de rire, de vivre. En fait, elles ne peuvent pas manifester et attendre que le monde change, elles n’ont pas cet espoir dans l’instant même, surtout les femmes qui viennent du milieu de Ratna. Ce sont les deux choses que je voulais que l’on voit : que c’est une société qui est très dure pour les femmes, mais qu’à la fois les femmes sont très fortes, très dynamiques et trouvent les moyens d’être plus que simplement des victimes.
Unidivers : Pour vous, Ratna incarne la femme indienne moderne ?
Rohena Gera : Quelque part oui…
Unidivers : Vous délivrez une image de la ville de Bombay proche de celle d’un « rêve indien », lieu où se projettent les espoirs de toute une population… était-ce votre intention ?
Rohena Gera : Bombay est un vrai melting-pot. Les gens y viennent avec leurs rêves, leurs besoins. C’est une ville qui est très dynamique, très dure aussi. On parle souvent de « l’esprit de Bombay », parce qu’il peut y avoir un attentat, mais que le lendemain tout le monde sera quand même dans le train pour aller au travail, parce que les gens ont besoin de travailler, ils n’ont pas le choix. C’est une ville qui ne s’arrête jamais. Je vois des gens qui ne peuvent pas lâcher, vraiment. Ca m’inspire beaucoup.
La ville est très importante dans le film car c’est un lieu de rêves pour les Indiens, c’est là où il y a Bollywood, c’est là où il y a la Bourse, etc… c’est très dynamique, dense… émotionnellement c’est très fort. Le meilleur compliment qu’on puisse y faire à un lieu, un restaurant par exemple, c’est « On oublie qu’on est à Bombay », car ordinairement on ne l’oublie jamais.
Et pour moi c’est vraiment un personnage à part entière dans le film, dans le sens où Bombay a une relation particulière avec chaque personnage. Pour Ratna c’est un lieu où elle peut tenter de refaire sa vie tout en étant veuve ; elle s’y revitalise. Alors que pour Ashwin au contraire, c’est une ville étouffante. Bombay, c’est tout ça à la fois.
Unidivers : Est-ce qu’un film comme « Monsieur » pourrait sortir en Inde ? Une sortie est-elle prévue ?
Rohena Gera : Oui. Je n’ai pas encore les dates ni rien mais je vais faire en sorte qu’il sorte en Inde. J’ai fait ce film pour l’Inde. Pour moi c’est très important que l’on y parle de ce sujet. Il y a eu des Indiens dans le public à certaines avant-premières, surtout des jeunes, qui se sont dits très touchés par le film. Le film peut amener un débat, c’est ce que j’espère. Il devrait sortir en Inde mais ça risque d’être compliqué, car il sera sûrement rejeté par beaucoup de gens, notamment par ceux qui ont peur que les choses changent.
Unidivers : Y a-t-il eu d’autres films sur le même sujet sortis en Inde récemment ?
Rohena Gera : Non je ne crois pas qu’il y ait eu d’autres films qui parlent de ce type de relations amoureuses au sein de « la réalité ». Je pense que d’autres films ont déjà fait ça dans des univers fantasmés, sur le mode de l’exploitation de la femme, ce qui n’a rien à voir avec mon film. Mon film – c’est la grande différence – est basé dans la réalité, ou du moins dans un monde très proche du réel ; les gens vont tout de suite comprendre que ce que l’on montre est vrai pour eux. Parce que si l’on est dans un monde imaginaire ça va, on peut tout imaginer le temps d’un film et rentrer chez soi tranquillement. Tandis que dans mon film, on est trop proche de la réalité. On est à Bombay, de nos jours, et je pense que ça fait qu’on ne peut pas être totalement aveugle à ce qui est montré.
Rohena Gera : Non, pas de castes mais d’un système de classes. Par le passé le système de castes a fait que beaucoup de gens ont accepté, intériorisé le fait que tous les humains n’étaient pas égaux et c’est ça le problème. Certes cette idée est toujours présente, mais maintenant c’est différent. Le film ne parle pas de castes, mais dans le fond on peut y voir une ombre de cette façon de penser, qui se reflète dans les classes sociales d’aujourd’hui.
J’ai voulu parler des domestiques, car c’est vraiment une classe particulière qui est traitée comme si, en effet, elle était une caste qu’on ne peut pas toucher. Comme s’il y avait une barrière.
Unidivers : Le fait que Ratna devienne fashion designer à la fin, c’est une évolution qui va lui permettre de sortir de cette prison de classe ?
Rohena Gera : Oui, on pourrait imaginer qu’elle réussisse dans le design et que dans 5 ans elle change tout, qu’elle se transforme elle-même, oublie son passé, d’où est-ce qu’elle vient. Ca se fait beaucoup en Inde. Les gens changent de vie.
Je ne connais pas d’exemples de femmes qui étaient servantes et sont devenues fashion designer, mais ça peut se faire, je pense… j’aimerais croire à ce type de changement. Mais pour moi l’important c’est surtout de respecter une personne qui travaille, peu importe ce qu’elle fait. Ce n’est pas uniquement lorsqu’elle aura « réussi » dans la vie que l’on va s’intéresser à elle, la rendre légitime. Même lorsqu’elle amène un plateau avec un verre d’eau, pourquoi est-ce qu’on la définit par son rôle et pas comme un être humain ? Pourquoi a-t-on ces préjugés comme quoi « elle ne doit pas être très intéressante ni très intelligente » à cause de ce qu’elle fait comme métier ?
Unidivers : Y’a-t-il un lien étroit entre le personnage de Ratna et vous ?
Rohena Gera : Non, il y a plutôt un rapport avec le personnage d’Ashwin. Comme je l’ai dit, il y avait des gens qui travaillait pour nous à la maison quand j’étais jeune. Nous n’étions pas aussi aussi riche qu’Ashwin, mais je viens d’une classe plus aisée que Ratna. Il n’y a pas besoin d’être très aisés en Inde pour avoir quelqu’un qui travaille à la maison. Aussi j’ai été aux USA quand j’étais étudiante, donc j’ai un peu ce regard extérieur et intérieur à la fois, sur mon pays. Un peu comme Ashwin. Je suis plus près de lui que d’elle.
Affiche de « Sir », titre original de « Monsieur »
« MONSIEUR » de Rohena Gera
Sortie en France le 26 décembre 2018
FESTIVAL DE CANNES 2018 Semaine de la Critique – Compétition Prix de la Fondation Gan à la Distribution
FESTIVAL DU FILM ROMANTIQUE DE CABOURG Prix du Public
FESTIVAL DE SAINT-JEAN-DE-LUZ Prix du Jury Prix du Public
Soleil Noir est le premier roman de Christophe Sémont. Le style est sobre, fluide, percutant ; phrases courtes, phrases plus longues entrecoupées de virgules confèrent un rythme soutenu au récit, sans temps morts ni fioritures. Christophe Sémont va à l’essentiel. Les chapitres courts de Soleil noir se terminent souvent par une question, ne laissant au lecteur d’autre solution que de feuilleter les pages avec frénésie…
Néanmoins, la structure est complexe, l’intrigue de Soleil noir s’articule autour de deux pôles géographiques, l’Argentine et la Bolivie, et de trois histoires sans aucun lien apparent. Mais l’auteur maîtrise l’art du suspense…
Les thèmes abordés sont la violence gratuite, souvent utilisée comme moyen d’expression par des êtres sans scrupules : le trafic de drogue, la misère, la corruption, mais également le spectre des nazis réfugiés en Amérique du sud, « de la lutte contre les communistes avec la bénédiction des Américains », embrouillant une situation politique, économique et sociale déjà explosive.
L’intrigue de Soleil noir se noue à la suite de l’attaque de la banque où travaille l’épouse du sergent Esteban Pantoja. Elle se termine dans un bain de sang, la mort de la jeune femme et la fuite des trois braqueurs en Bolivie. Le jeune sergent de police est suspendu en attendant que sa hiérarchie statue sur son sort, le dossier d’enquête ayant été envoyé à la police bolivienne. Mais Esteban ne peut se résoudre à attendre sans rien tenter pour retrouver ceux qui ont à jamais détruit sa vie. Estimant que la police est trop lente ou trop laxiste, son désir de vengeance, sa haine le poussent à se lancer à la poursuite des malfrats. Commence alors une course-poursuite qui l’entraînera jusque dans la jungle bolivienne.
Dans le même temps, la découverte, à Rurrenabaque, en pleine forêt amazonienne, par un groupe d’adolescents d’un conteneur en métal plein de cadavres en décomposition, les visions et maux de tête dont est victime la jeune serveuse Adèle; ces événements en apparence isolés, sans aucun lien les uns avec les autres, font-ils partie d’un puzzle géant dont personne ne mesure encore les implications ? Est-ce le hasard qui conduit les pas d’Esteban, grâce aux premiers indices collectés, justement à Rurrenabaque ?
Christophe Sémont
Les lieux dans lesquels se déroulent les divers épisodes de Soleil noir sont tous situés en Amérique du sud, plus précisément en Bolivie et en Argentine. Un pays que connaît bien l’auteur pour en avoir parcouru les routes et chemins. Leurs descriptions offrent des décors bien intégrés dans le déroulement des événements.
Le commissariat où travaille le jeune sergent reflète bien les priorités d’un gouvernement à deux vitesses : le manque de moyens financiers mis à la disposition de la police pour lutter efficacement contre le crime organisé, avec sa « façade décrépite, bureaux vétustes, véritables fournaise les jours de canicule, cellules aux murs blanchis à la chaux »…le local des archives n’est qu’une petite pièce sombre encombrée d’étagères croulant sous les dossiers, la numérisation n’étant qu’à l’état de projet.
On y côtoie la misère affligeante d’une capitale, La Paz, en proie à la misère et à l’abandon, situation que l’auteur montre dans toute sa réalité sans en tirer aucun conclusion ni jugement; c’est ainsi « le long des trottoirs, des gamins s’installaient progressivement pour vendre des bonbons ou des cacahuètes grillées. Ils colonisaient le moindre espace disponible, obligeant les passants à zigzaguer entre eux pour se frayer un chemin ». (Page 37).
A côté, on découvre des paysages au dépaysement complet, en parfaite harmonie avec l’état d’esprit qui anime Esteban: « C’était une région sauvage, entourée de crêtes montagneuses et de volcans, où le sol aride des hauts plateaux étranglait la végétation, quelques arbres rachitiques et des touffes de paja brava balayés par des vents tout à tout brûlants ou glacés. » (Page 114).
L’incursion d’Esteban dans la jungle illustre le talent de Christophe Sémont pour restituer un lieu dans toute sa substance, avec les mots justes pour agencer un décor qui n’est pas que de carton-pâte : « Véritable enchevêtrement de lianes et d’arbres séculaires, de mousses et de fougères plus hautes que lui…Ils progressaient à travers ce labyrinthe depuis trois jours. Trois jours à être réveillé en sursaut par les cris des singes hurleurs, à brûler les sangsues accrochées à leur peau, à supporter l’odeur infâme des hordes de sangliers sauvages. Ils évoluaient lentement. Ici force et rapidité ne signifiaient pas grand chose. La jungle imposait son rythme et mieux valait le respecter si l’on voulait en sortir un jour. » (Page 209).
En conclusion, on soulignera les quelques difficultés dans Soleil noir à jongler avec les dates figurant en tête de chaque chapitre qui ne sont pas toujours chronologiques, créant parfois la confusion et obligeant à revenir en arrière pour comprendre. Par contre, de nombreux dialogues, de l’humour, de l’action, mais aussi des moments d’émotion et de tristesse, l’absence de détails superflus, constituent les ingrédients principaux de ce polar au rythme soutenu. Les discrètes allusions aux coutumes locales ajoutent une petite touche d’exotisme très agréable, avec le marché aux sorcières, les « achachilas », ces esprits des ancêtres qui hantent les montagnes autour de La Paz, s’incarnant dans les chiens disséminés le long de la route… Car polar peut aussi rimer avec évasion et culture, faire réfléchir sur des sujets d’actualité et de politique, sans pour autant s’ennuyer, bien au contraire.
« Alors qu’il se redressait, il sentit ses jambes se dérober sous lui. Il eut juste le temps de s’agripper à l’armoire. Il s’appuya contre le meuble massif et respira profondément. Le médecin l’avait averti, il était encore en convalescence et serait sujet à des crises de vertige pendant quelques jours. » (Pages 68-69).
« Entre-temps, elle avait compris que le mal pouvait adopter de multiples apparences, se terrer n’importe où, et rejaillir au moment où l’on s’y attendait le moins. » (Page 119).
« Pour cela, il faudrait de l’argent…Quand il y en a, il va d’abord dans la poche des politiciens. Le pays est corrompu, malade de son propre système. Les ressources ne manquent pourtant pas, nous avons de tout: de l’argent, du bois, du gaz…Mais elles sont exploitées par des entreprises étrangères, rien ne reste ici. Un mendiant assis sur un trône en or, voilà ce qu’est la Bolivie. » (Page 140).
« Fouiller dans le ventre de la Bête était mal considéré par une majorité de ses concitoyens qui préféraient enterrer le passé. Pour eux, explorer les relations étroites que l’Argentine avait entretenues et entretenait peut-être encore avec d’anciens nazis tenait du sacrilège. Cette inquisition remettait en cause la personnalité de Juan Peron, et par ricochet, celle de sa femme Evita, icônes nationales sanctifiées par bon nombre d’Argentins. » (Pages 180-181).
Christophe Sémont est né dans l’Allier en novembre 1973 d’un père bourbonnais et d’une mère bretonne. Après des études à Clermont, il s’installe dans l’Ouest où il travaille dans une agence média comme directeur du marketing.
Christophe Sémont a longtemps sillonné les routes de notre planète sac au dos, avec une prédilection pour l’Amérique du sud, avant de se poser afin de fonder une famille. De ses pérégrinations personnelles, il a tiré un goût prononcé pour les histoires de toutes sortes, qu’elles soient orales ou écrites, réelles ou fantaisistes. Malgré une vie bien remplie, il continue de voyager. Il travaille actuellement à la rédaction de son 4e roman.
Avec son Traité de Jajalogie, Pierrick Jégu souhaite rapprocher le public des vignerons. Dans son livre, il s’adresse aux « libres-buveurs » en présentant les démarches de fabrication d’un vin naturel. Indispensable pour les fêtes de fin d’année.
Cela fait 15 ans que Pierrick Jégu se promène de vignoble en vignoble. Ce journaliste pour l’Express, spécialisé dans la gastronomie, s’est découvert une passion pour les vins naturels. « L’objectif pour ces vignerons c’est de faire un vin avec le moins d’intrants possibles, sans souffre et sans sulfite. C’est à dire sans insecticides ou glyphosates et sans antioxydants et antibactériens », explique l’auteur. Ce livre incite les consommateurs sans grandes connaissances sur le vin à mieux choisir sans s’y perdre. « Acheter du vin c’est très compliqué. On peut se faire avoir par des labels et voir des a-prioris sur les appellations », reconnaît Pierrick Jégu.
Le Traité de Jajalogie par Pierrick Jégu paru le 15 décembre 2018
Il a donc sorti un livre : « Traité de Jajalogie : de la vigne au verre, les fondamentaux du vin naturel décryptés », paru aux éditions 12.5° et tiré du magazine 180° sur la gastronomie. « C’est une revue sans pub et sans trop de contraintes de lignages ce qui nous permet de passer plus de temps avec viticulteurs », décrit Pierrick Jégu. Même s’il avoue être un peu « frustré de ne pas avoir pu en raconter davantage ».
Pierrick Jégu publie son cinquième ouvrage, son troisième autour du vin.
« Il ne faut pas oublier le principe de base quand on boit du vin : prendre du plaisir »
Mais ici, pas de choix bêtes et méchants. Car avant, il y a les étapes de fabrication. Et avec ses nombreux reportages sur le terrain, Pierrick Jégu s’y connaît bien. De façon ludique, il décrit la vigne, la cave et non sans une certaine subjectivité, les avantages du travail « à l’ancienne » par rapport aux techniques modernes avec les machines. « C’est un ouvrage pédagogique, mais s’adressant au grand public » décrit Pierrick Jégu. Il sépare son « manuel des libres-buveurs » en quatre parties : l’histoire du vin, la production, la dégustation et les cartographies des vins par région.
Pierrick Jégu rend hommage aux viticulteurs en expliquant avec détails leurs travaux.
Selon le journaliste, le vin ne se juge pas uniquement en fonction de son goût, mais aussi en fonction de son contexte. « On ne boit pas un vin. On boit une démarche de fabrication ». C’est là-dessus qu’il insiste beaucoup. « Aujourd’hui on sait faire des bouteilles naturelles, et on sait que ça fonctionne. Pas uniquement chez le consommateur, mais aussi chez le vigneron. Et dans les écoles de vignerons, ça s’enseigne de plus en plus ».
« On peut boire un très bon muscadet et un très mauvais saint-émilion »
Dans ce livre, Pierrick Jégu en profite pour saluer le travail des vignerons. « Il faut savoir qu’un an est l’équivalent d’un essai ». Il met en valeur leur capacité d’adaptation. « Un vin se produit en fonction du contexte du vignoble. Ça peut être le climat, le terroir, l’économie… » Tout ça pour finalement revenir à son discours de base : ce que l’on ressent quand on goûte un vin suffit.
Le livre présente des cartographies très fournies sur les caractéristiques des vins par régions
Dans son chapitre « Jajaland » consacré à la dégustation, les cartographies des différentes régions vous aident à différencier la fabrication et le goût de chaque vin afin de mieux les choisir. Ici, des choix subjectifs parfaitement assumés : « Je connais bon nombre de ces producteurs. C’était difficile de faire des choix », explique Pierrick Jégu. On comprend alors mieux pourquoi tel vin est davantage produit dans telle région et pourquoi tel goût y ressort.
À travers de grandes et belles photos immersives, des infographies bien illustrées, le Traité de la Jajalogie réussi son pari de s’adresser à ceux qui ne s’y connaissent pas beaucoup tout en adressant des arguments en faveur pour le vin naturel à ceux qui s’y retrouvent chez un caviste. Et toujours avec modération, pas comme les chapitres de ce livre.
Les illustrations sont assurées par Bénédicte Govaert