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LA SOLITUDE DES GRANDES PERSONNES D’AURÉLIEN GOUGAUD

Dans La Solitude des grandes personnes, un second roman paru chez Albin Michel, Aurélien Gougaud utilise ses yeux et ses ressentis d’enfant. Le gamin, qui vient de recueillir Jupiter, un chat de hasard, vit avec sa mère dans un appartement parisien. Ô l’existence est modeste et presque routinière. Le boulot, les courses, le ménage, son enfant pour elle. L’école, la solitude, l’amour de maman pour lui. Alors quand il souhaite garder Jupiter et se trouver enfin un véritable ami et qu’on lui refuse, il chausse ses baskets, attrape quelques effets et taille la route.

Aurélien Gougaud La Solitude des grandes personnes

Commence dès lors un road trip qui ne va pas manquer de saveurs et dont le but ultime est de rejoindre l’Égypte, la patrie des félins, vénérés comme des dieux. Au cours de ce voyage, notre jeune héros multiplie les rencontres. Au-delà de sa réserve et de sa timidité, il découvre le monde avec ses lumières et ses noirceurs. Tour à tour, il approche des personnages hauts en couleur malgré leur précarité comme leur vulnérabilité, des gens fragiles en apparence, toute leur force résidant souvent dans la noblesse de leurs sentiments. Mais un petit garçon qui parcourt le monde peut autant s’émerveiller que ressentir la peur et les angoisses. Pas évident de gérer la fugue loin d’une maman attentionnée.

Ce texte tendre (mais très réaliste) est aux antipodes d’une liste de bons sentiments. C’est un conte souvent, mais un conte philosophique très pertinent, qui nous permet de voir un peu le monde et les autres à travers les yeux, les questions, les réflexions d’un enfant. Et il faut toujours tenir compte de l’avis et de l’analyse des enfants. Car ils se montrent souvent justes, percutants et nous laissent généralement pantois. Les enfants ont une intuition redoutable et font mouche. Ils avancent sans détour parce que leur vérité est respectable. Les gamins sont de fins psychologues, ils reniflent les choses (heureuses comme les dangers) et adoptent des postures qui invitent à la réflexion, à plus de sagesse, à souvent plus d’empathie.

Exercice périlleux, mais réussi. Aurélien Gougaud nous plonge dans nos jeunes années, celles où l’on essayait sans notion de calculs, sans envie de tromperie, de duperie, de comprendre le monde et celles et ceux qui nous entourent. Alors c’est souvent amplifié, mais tellement réaliste. C’est cru parfois, parce que les sentiments sont extrêmes, on adore ou l’on déteste. On ne rejette pas systématiquement, on analyse avec son jeune âge. Et quand les situations semblent trop complexes, on pose des questions parce qu’on a besoin de réponses franches. Et l’on fuit généralement le mensonge des adultes.

Et puis il y a toute l’importance de l’amour, de l’amitié, de l’attachement. Ici, le gamin s’attache à son chat Jupiter autant qu’il est attaché à sa maman. Autant qu’il peut s’attacher à des inconnus qui lui tendent la main, ou auxquels il tend lui-même la main. Naturellement.

Bien sûr, on ne peut éviter de penser souvent au périple du Petit Prince, l’œuvre incontournable d’Antoine de Saint-Exupéry. Et c’est heureux. Parce que : intemporel, universel. Et c’est ce que devient ce roman… Un livre qu’on prendra plaisir à relire, sans histoire d’âge, de condition sociale, de niveau intellectuel, de codes. La solitude des grandes personnes est aussi une invitation très franche à réveiller notre imaginaire, peut-être une suggestion pour aller chercher les forces qui sommeillent en nous depuis trop longtemps. Depuis toujours parfois…

La solitude des grandes personnes, Aurélien Gougaud, Paris, Albin Michel, 140 pages. Parution : 27 février 2019. Prix : 14,00 €.

Aurélien Gougaud La Solitude des grandes personnes
© Babelio

Aurélien Gougaud, 28 ans, vit à Paris. Il a publié un premier roman, Lithium, chez Albin Michel, à la rentrée littéraire 2016. La solitude des grandes personnes est son deuxième roman.

ADA DE BARBARA BALDI, QUAND LA BD DEVIENT UN ART

Barbara Baldi et les éditions Ici Même nous offrent avec Ada une bande dessinée exceptionnelle où les dessins sont des œuvres d’art à part entière. Une BD majeure.

Les romans graphiques deviennent de plus en plus épais et le « roman », depuis quelques mois, l’emporte souvent sur le « graphique ». Dans cette tendance, Ada fait figure d’exception. Exception comme exceptionnelle, car autant l’écrire de suite, cet ouvrage taiseux est une pure merveille picturale. L’auteure italienne signe ici après La partition de Flintham (Ici Même éditions, 2018) une deuxième réalisation qui confirme son talent immense.

Barbara Baldi La Partition de Flintham
Barbara Baldi La Partition de Flintham, Nantes, Ici Même éditions 2018

En feuilletant d’abord l’ouvrage, on pourrait se croire dans un conte pour enfants avec les forêts étouffantes et les images glaçantes d’un ogre en gros plan. L’ogre est en fait le père d’Ada, double de l’écrivaine. Un bûcheron qui vit dans une forêt d’Autriche en 1917, près de Vienne, capitale proche et lointaine où Egon Schiele et Gustav Klimt cherchent de nouvelles partitions picturales. Ce père, dont l’épouse s’est sauvée, et qui ressemble avec son énorme moustache à Staline, est autoritaire, violent et interdit à Ada la lecture et la peinture, deux passions salvatrices et empreintes d’espoir pour l’adolescente. Ada, à sa manière, silencieuse et a priori résignée, va pourtant résister, trouvant dans l’eau glacée d’un torrent ou la mise en forme d’un bouquet de fleurs, la force de combattre et d’éteindre la violence paternelle.

Ada Barbara Baldi

Ce combat raconté à distance est celui d’une jeune fille qui utilise aussi son attachement à la nature pour se construire un monde intérieur lui permettant de grandir en dehors des vociférations et injonctions paternelles. Cette nature, souvent ténébreuse mais éclairée parfois par un soleil rasant ou une lampe à huile comme des signes lumineux d’espoir, est majestueusement peinte et dessinée. Des panoramiques ou des pleine pages verticales créent une atmosphère étouffante et pesante quand le père impose à sa fille des travaux lourds et pénibles mais deviennent sources d’intimité et de bonheur quand Ada se retrouve seule au milieu des arbres et des animaux.

Ada Barbara BaldiLes aquarelles retravaillées à l’ordinateur relèvent du plus grand talent et chaque dessin est une œuvre d’art à part entière. Les effets picturaux sont multiples et parfois, comme dans une photo, la mise au point est fixée sur un détail, un objet, laissant dans le flou un environnement cotonneux et protecteur. On croit voir parfois un tableau de William Turner et la rousseur d’Ada, semblable à celle de la dessinatrice, révèle le caractère partiellement autobiographique de l’ouvrage. Elle se tient droite, Ada, et la première représentation d’elle dans une case unique la montre devant son chevalet caché. Ces portraits verticaux d’elle sont parmi les plus belles planches de la BD. La rousseur d’Ada flamboie comme les chevelures des femmes rousses de Toulouse Lautrec et le silence de son regard rappelle la force intérieure des modèles peints par Egon Schiele. Des rapprochements osés, mais justifiés.

William Turner Lake Lucerne
William Turner, Lake Lucerne, 1841-44, aquarelle, 31 x 23.
Henri de Toulouse-Lautrec Femme à sa toilette
Henri de Toulouse-Lautrec Femme à sa toilette 1896 huile sur carte 54 x 67.
Egon Schiele Couple de femmes amoureuses
Egon Schiele, Couple de femmes amoureuses, 1915, crayon et aquarelle, 32,5 × 49,5 cm.

La simplicité de l’histoire pourrait sembler insuffisante pour nourrir une centaine de pages, mais le silence permet à l’autrice d’aller à l’essentiel et de maintenir notre attention sur la force intérieure qui anime Ada. On sent avec elle le froid qui pénètre le corps, on ressent le vent qui balaie la chevelure, on est transpercés par la pluie qui accompagne un acte odieux du père. Et surtout Barbara Baldi nous emmène avec elle sous les cieux, personnage à part entière qui renforce le sentiment de solitude d’une jeune fille enfermée dans une prison sans barreau et qui se sert de la beauté du monde pour se sauver dans des terres inconnues. Même quand l’hiver et la nuit étouffent les pas et les mots.

Ada Barbara Baldi

Qu’une maison d’édition qui ne fait pas partie des maisons les plus célèbres soit l’éditrice d’un tel ouvrage majeur témoigne de la passion de ses acteurs pour trouver et publier de telles merveilles. Ici Même a apporté tout ses soins à la qualité matérielle de ce livre qui rejoint sans aucune difficulté la catégorie des livres d’art. Un livre, que l’on prend, reprend, pour s’immerger en quelques secondes dans un univers d’émotions et de sentiments.

Ada Barbara Baldi
Ada, Barbara Baldi, traduit de l’italien par Laurent Lombard, Nantes, Éditions Ici même, 7 février 2019. 120 pages. 24€. A obtenu le prix BD RTL.

Barbara Baldi
Barbara Baldi (Pavie, 1976) est coloriste pour le cinéma d’animation et la bande dessinée (Pixar, Disney, Marvel et DeA Planeta). Elle a à son actif de nombreuses publications sur le marché italien, américain et français, parmi lesquelles Sky Doll et Monster Allergy. Elle signe avec Ada son second roman graphique chez Ici Même éditions (Nantes).

RENNES. PORTES OUVERTES DU NOUVEL OFFICE DE TOURISME CE WEEK-END

Ouvert au grand public à partir de demain, l’Office de Tourisme de Rennes a déposé ses bagages dans le couvent des Jacobins. Un espace plus grand, plus accueillant et mieux placé à découvrir lors des portes ouvertes samedi 23 et dimanche 24 mars.

Office de tourisme
L’office se situe en face de l’entrée de la cathédrale Sainte-Anne à deux pas des deux lignes de métro. Stratégique.

« Où se trouve l’Office de Tourisme » ? Il sera désormais plus simple pour les Rennais de répondre à cette question. Après son départ de la chapelle Saint-Yves, les douze salariés de l’office du tourisme vont prendre leurs nouveaux quartiers au couvent des Jacobins, place Sainte-Anne. « Nous étions loin des flux touristiques. Il fallait revenir dans un endroit plus stratégique », explique Jean-François Kerroc’h, directeur général de Destination Rennes. Ce nouveau lieu sera ouvert au grand public à partir de ce week-end à l’occasion d’une porte ouverte.

Office de tourime
« Ce n’était pas l’endroit initialement prévu. Mais finalement, nous avons eu assez facilement le feu vert », explique Michel Gautier, vice-président de Rennes Métropole en charge du tourisme.

Une salle était disponible à l’arrière du couvent. C’est donc naturellement que l’office s’est déplacé place Sainte-Anne

L’espace est plus grand, plus accueillant et plus lumineux avec une ouverture directe sur le couvent des Jacobins, qu’il sera possible de visiter quand celui-ci n’est pas déjà occupé par divers événements. « Le volume a augmenté parce que le nombre de touristes a augmenté », indique Jean-François Kerroc’h. « Aujourd’hui, près de 1,8 million de personnes visitent le site ». Il sera possible de le consulter sur place grâce aux bornes présentes et au wifi disponible dans l’office. Il y aura également de quoi recharger son portable ou son ordinateur.

Office du tourisme
En plus de l’accès numérique, les visiteurs auront à leur disposition un casque de réalité virtuelle pour explorer le couvent des Jacobins et sa partie historique pas toujours accessible au public.

Les Offices de Tourisme connaissent un bouleversement avec Internet. La documentation ne se donne plus sur papier, mais s’envoie par mail et se trouve sur le web. Plus besoin d’humain ? « Les visiteurs évoluent. Donc nous aussi. Nous avons été formés sur une nouvelle façon de conseiller les touristes pour personnaliser davantage leur séjour », explique Florence Tessier, conseillère en séjour à l’office du tourisme. Le but de ce nouveau lieu permet d’aller plus loin sur la communication touristique : « nous voulons fidéliser et donner envie de revenir à Rennes », avance Jean-François Kerroc’h.

Office du tourisme
« Saint-Yves c’était plus confidentiel. Ici c’est un lieu branché mais humain », décrit Michel Gautier.

Un confort pour les touristes, mais aussi pour les conseillers. « On est vraiment satisfaits. Pour l’instant on est encore en période de rodage, car c’est une autre façon de travailler », détaille Florence Tessier. Cet office du tourisme comporte un espace boutique où il sera possible d’acheter des produits locaux. D’autres points d’informations seront mis en place à l’aéroport, la gare et à la chapelle Saint-Yves, l’ancien office.

Office de tourisme
La boutique de l’office contient uniquement des produits rennais et bretons.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Photos : Faihim El Hendez et Alexandre Hodicq

Portes ouvertes le 23 et 24 mars :

Des animations et des jeux concours seront proposés aux horaires suivants :

Samedi 23 mars de 14h à 18h et le dimanche 24 mars de 10h à 13h et de 14h à 17h à l’Office de Tourisme, 1 rue de Saint-Malo.

Visite du couvent des Jacobins : 

Du 16 au 22 avril, il sera possible d’explorer le couvent des Jacobins avec une visite guidée. Cinq créneaux horaires sont proposés : 10h, 11h, 14h, 15h et 16h. Réservation sur www.tourisme-rennes.com/fr/reserver-en-ligne et à l’Office de Tourisme. Tarif compris entre 4.20€ et 7.30€

Nouveaux horaires

A partir du 25 mars l’Office de Tourisme adoptera les nouveaux horaires suivants :

Du 1er septembre au 30 juin : le lundi de 13h à 18h, du mardi au samedi de 10h à 18h.

DU 1er juillet au 31 août : du lundi au samedi de 9h à 19h.

Les dimanches et jour fériés : de 10h à 13h et de 14h à 17h (fermeture le 15 décembre, 1er janvier et 1er mai). Fermeture exceptionnelle à 17h les 24 et 31 décembre.

Contacts :

info@destinationrennes.com/0.891.673.535 (Prix appel local + 0.20€ la minute)

LES GRATITUDES, LOIS SOUTERRAINES DE DELPHINE DE VIGAN

Delphine de Vigan fait paraître Les Gratitudes chez JC Lattès. Loyauté, gratitude, ambition, les sentiments souterrains qui sous-tendent nos relations sociales sont au centre d’une trilogie de courts romans indépendants les uns des autres, initiée par l’écrivaine en janvier 2018 avec Les Loyautés .

LOYAUTÉS DELPHINE DE VIGAN

Les Gratitudes vont au-delà du simple remerciement. Combien de fois dit-on « merci » en une journée ? Ce petit mot passe-partout, utilisé comme une politesse obligatoire, est complètement vidé de son sens au quotidien. L’auteure veut ici lui redonner de la substance en l’appliquant au geste le plus absolu qui soit, le remerciement envers quelqu’un qui vous a sauvé la vie. Lorsque la mort approche, l’homme craint de ne pas avoir su prouver son amour ou sa gratitude avec suffisamment de ferveur à celui ou celle qui a vraiment compté dans sa vie.

Dans ses romans, ramenés au plus simple scénario, l’auteure aborde d’importants sujets de société. Si Les Loyautés nous rappelaient la nécessité d’être à l’écoute de l’adolescence fragile, Les Gratitudes traitent du lien avec nos aînés.

Michka, vieille dame sans famille, ne peut plus rester seule chez elle. Depuis peu, les mots lui échappent. Parfois, elle se retrouve prostrée, apeurée, incapable du moindre mouvement. Marie Chapier, une jeune femme qui lui doit beaucoup, la convainc de rejoindre un EHPAD où elle sera en sécurité.

Vieillir, c’est apprendre à perdre.

Perdre les mots est particulièrement difficile pour cette femme qui fut une intellectuelle, reporter puis correctrice pour des magazines.

Si cet établissement semble tout à fait correct, son univers est très réglementé. Les personnes âgées y perdent inévitablement liberté, autonomie, intimité. Dans ses cauchemars, Michka vit tout ce que l’on peut entendre sur l’ambiance des maisons de retraite. Mais elle est plutôt bien soignée, surtout grâce à la gentillesse de Jérôme, l’orthophoniste. Michka souffre de paraphasie. Elle remplace des mots par d’autres. Les dialogues, très nombreux, ont alors cette poésie touchante où certains lapsus prennent sens. Jérôme s’attache à cette vieille dame, bavarde, plus encline à le questionner sur sa famille qu’à faire ses exercices sur la mémoire des mots.

Grâce à plusieurs histoires parallèles, Delphine de Vigan tisse Les Gratitudes entre tous ses personnages. Avant de perdre la mémoire, ses repères, sa tête, Michka n’a plus qu’un désir, retrouver ce couple qui l’a recueillie pendant la guerre alors que sa mère était emmenée dans les camps et enfin pouvoir leur exprimer sa gratitude. Elle sait qu’il est important, avant de mourir, de dire aux autres tout ce que l’on ressent. C’est pour cela qu’elle insiste sur le passé de Jérôme.

Marie, elle, aura-t-elle suffisamment remercié Michka, cette voisine qui l’accueillait lorsqu’enfant, elle se retrouvait seule dans l’appartement où sa mère perdait pied ? Les douleurs d’enfance sont toujours là, tapies, au plus profond des âmes adultes.

L’auteure refuse de s’appesantir sur la description de ses personnages, ce qui laisse une large place au lecteur pour identifier une grand-mère, une mère, une personne de notre entourage en proie au déclin de la vieillesse, à l’angoisse de l’abandon dans un lieu sans repères, sans mémoire. L’implication émotionnelle n’en est que plus vive.

Perdre les mots est aussi la hantise de l’écrivain. Delphine de Vigan sait parfaitement les manier, les mettre en musique, leur donner une réelle émotion. Jusque dans les lapsus, elle glisse de la tendresse, de l’émotion. Loin de tomber dans la mièvrerie des bons sentiments, l’auteure nous offre un roman épuré vibrant d’humanité.

Les Gratitudes, Delphine de Vigan, Paris, JC Lattes, 172 pages. Parution : 6 mars 2019. Prix : 17 €.

Delphine de Vigan Les Gratitudes

Née en 1966, Delphine de Vigan est une auteure française. Ancienne directrice d’études, elle a publié plusieurs romans, dont No et moi, Prix des libraires 2008 et adapté en 2010 au cinéma par Zabou Breitman, Les Heures souterraines ou encore Rien ne s’oppose à la nuit, lauréat en 2011 du Prix du roman Fnac, du Prix du roman France Télévisions, du prix Renaudot des lycéens et du Grand prix des lectrices de Elle. Ses romans sont traduits dans plus d’une vingtaine de langues. D’après une histoire vraie a reçu le prix Renaudot et le prix Goncourt des lycéens en 2015.

REVOLUTION DE GROUAZEL ET LOCARD, UNE BD EXPLOSIVE

Avec le tome I de Révolution, Grouazel et Locard nous livrent une BD exceptionnelle en offrant un regard novateur sur un évènement majeur de notre histoire : La Révolution française.

BD REVOLUTION GROUAZEL LOCARD

Ça pousse, ça tire, ça bouscule, ça rudoie, ça pue la sueur. Ça sent l’alcool. Ça sent la peur. Ça pressent la révolution. D’entrée on est dans la foule chez le marchand Réveillon fin avril 1789, on participe au pillage et au saccage de son hôtel et de sa manufacture, violences qui annoncent les futures émeutes de l’été.

On est au ras du pavé, à la manière d’un participant caméra sur l’épaule, avec ce peuple à qui Grouazel et Locard donnent visages, expressions, sentiments comme rarement une BD a su le faire. Éric Vuillard dans son roman 14 Juillet avait offert la parole aux oubliés de l’Histoire : Jean Baptiste Crétaine, Michel Béziers, Claude Degain et tant d’autres. Les auteurs de BD de la même manière donnent visage à Simon Thiry maître confiseur ou Louis Gauthier, graveur.

BD REVOLUTION GROUAZEL LOCARD

Une ressemblance de procédés qui témoigne de la même volonté d’appréhender les pages les plus connues de notre Histoire à l’aune du peuple et des anonymes, de ceux que l’Histoire a oubliés. La force majeure de cette BD extraordinaire est de nous emmener dans les rues magnifiquement dessinées de Paris, d’entendre les conversations et les mots de ce qui va devenir foule, hurlante et violente qui se portera à la Bastille le 14 juillet ou à Versailles le 5 octobre. Cette proximité, que l’historien Pierre Serna, qualifie dans sa postface de « nouvelle vision de 1789 », permet de suivre la chronologie de cette colère qui transformera la révolte ponctuelle en révolution.

BD REVOLUTION GROUAZEL LOCARD

La proximité du dessin de ces bras, de ces gueules, nous aident, sans manichéisme facile à comprendre les mécanismes insurrectionnels dans lesquels les femmes, comme la formidable Reine Audu à la gouaille contagieuse et optimiste, vont jouer un rôle essentiel. On ne se retrouve pas ainsi dans un nouvel opus sur la Révolution Française, mais dans un ouvrage original qui nous tient par la main pour nous expliquer, au long de 300 pages denses et parfaitement documentées, un processus révolutionnaire que l’on accompagne en dehors des images iconiques d’une histoire modelée par Michelet.

BD REVOLUTION GROUAZEL LOCARD

Le peuple est beaucoup, mais il n’est pas tout et grâce à un scénario qui n’ignore pas les bonheurs de lecture d’une BD traditionnelle avec ses personnages typés et des destins qui s’entrecroisent, nous comprenons tous les ressorts et les enjeux de ces mois de Mai à Octobre 1789. La noblesse, indécrottable, se croit toujours le fondement légitime de la royauté. Les coulisses des salons aristocratiques, dessinées comme à l’or fin sous une patine dorée, révèlent l’aveuglement d’une classe sociale sourde et arque boutée sur des privilèges qu’elle estime inaliénables. Plus complexe est la composition du Tiers État dont les auteurs décrivent avec subtilité les disparités de ces représentants, disparités annonciatrices des soubresauts à venir. Barnave apparaît comme l’homme de ces premiers jours des États Généraux mais les débats dans la rue, dans les clubs, laissent apparaitre les silhouettes de Robespierre, de Marat ou de Danton, figures unies sous le costume sobre et sinistre du Tiers État mais opposés sur le futur à construire.

BD REVOLUTION GROUAZEL LOCARD

Par des dessins étonnamment précis et détaillés, la vie est omniprésente et l’on entend ce qu’oublient bien souvent les livres d’histoire: la rumeur, les secrets, la peur qui monte, les complots réels ou fantasmés, tout ce qui fait le ferment des périodes troublées en évitant le simplisme d’une révolution du peuple contre les élites. Les six mois de 1789 sont ainsi suivis au plus près traçant une épopée du quotidien qui transpire le réel comme la sueur.

BD REVOLUTION GROUAZEL LOCARD

Les doubles pages muettes offrent des silences nécessaires dans ce brouhaha incessant et l’on n’oubliera pas facilement Louise, un des fils conducteurs du récit, au sommet d’un chargement d’une carriole, annonçant comme une allégorie futuriste « la liberté guidant le peuple » de Delacroix. Elles témoignent de la liberté visible accordée aux auteurs de prendre toute leur place dans un ouvrage à la fabrication remarquable où la qualité d’impression s’accorde parfaitement à la reconstitution d’une période ou les écrits et les libelles jouent un rôle essentiel.

BD Révolution, Tome 1. Grouazel et Locard. Parution 9/01/2019. 336 pages. Éditeur : Actes Sud. Collection L’an 2. 26 €.

Scénario, dessins et couleurs : Locard Younn et Grouazel Florent.

 

OPÉRA DE RENNES. LA PASSION SELON SAINT JEAN PAR LE BANQUET CÉLESTE

Le public présent à l’opéra de Rennes dimanche 17 mars 2019 est resté sans voix. Ce ne fut pas, Dieu merci, le cas des nombreux chanteurs venus présenter la Passion selon Saint-Jean de Jean-Sébastien Bach interprétée par le Banquet céleste sous la direction de Damien Guillon. Un moment presque sacré, à la hauteur de l’enjeu.

Lorsque les meilleurs ingrédients sont rassemblés, tout incite à penser que le résultat sera satisfaisant. Cette remarque illustre parfaitement le concert qui a uni sur la scène de l’opéra de Rennes les forces vives de la musique dite savante dans notre ville. En premier lieu l’ensemble le banquet céleste, dont nous avons à de nombreuses reprises salué les performances, ensuite le chœur Mélisme(s) et son chef Gildas Pungier dont les réalisations sont toujours remarquées et enfin un ensemble qui nous tient particulièrement à cœur, la maîtrise de Bretagne, pour quelque temps encore sous la houlette de Jean-Michel Noël, dont nous avons souligné l’excellence dans un précédent article. En un mot, l’occasion de se réjouir et de revoir des visages amis.

La Passion raconte, en s’appuyant sur l’évangile de Saint-Jean mais également sur des écrits profanes, les derniers jours de la vie de Jésus et les épreuves qu’il dut accepter afin que soient rachetées les fautes du genre humain. La construction de l’œuvre de Bach respecte la chronologie utilisée dans l’évangile : Arrestation – Jésus devant les chefs des prêtres- Jésus devant Pilate – Crucifixion – Mise au tombeau.

banquet céleste
Le Banquet Céleste : La Passion selon Saint-Jean de Jean-Sébastien Bach à l’Opéra de Rennes Mars 2019.
Le Banquet Céleste (Direction Damien Guillon) est accompagné par le Choeur Mélisme(s) et la Maîtise de Bretagne.

Il aura suffi des dix-huit premières mesures avant que n’éclate le chœur « Herr, Herr unser Herrscher », Seigneur, Seigneur notre Maître. Fortement inspiré du psaume 8 de David, c’est sans doute une des pages les plus spirituelles de l’œuvre de Bach, ces lignes contiennent une incomparable intensité dramatique et évoquent avec force l’angoisse ressentie par le chrétien face aux souffrances du Christ. La narration continue avec la question posée aux juifs par Jésus au jardin de Getsémani « Que cherchez vous ? », c’est avec agressivité qu’ils répondent « Jésum von Nazareth. ». Il a beau dire qu’il est Jésus, il ne peut être entendu. La passion se révèle comme un véritable drame, on y observe ce qui pourrait être assimilé à des scènes d’opéra. C’est curieusement le genre musical auquel Bach ne s’est jamais confronté. C’est peut-être lié au fait que le conseil municipal de Leipzig, lorsqu’il a offert au cantor l’emploi de maître de chapelle de la Thomaskirche, lui avait ordonné de limiter sa production à des musiques non théâtrales. Sa rigueur très luthérienne et son sens de l’obéissance ne l’ont cependant pas empêché de produire deux passions dont la trame et le traitement musical très expressifs rappellent les plus émouvants moments d’opéra.

 La particulière beauté de cette œuvre tient également à l’articulation que propose Bach, entre la narration, faite par un personnage appelé l’évangéliste, et les chœurs ou les solistes qui viennent illustrer ses dires en les développant. A ce jeu, le ténor Thomas Hobbs nous inflige une véritable leçon de Bach dans le texte. Il a la voix et l’intelligence d’interprétation qui font de son travail une authentique démonstration. Dans le rôle de Jésus, le baryton Benoît Arnould lui répond avec conviction, comme le feront aussi la soprano Céline Scheen, le ténor Nicholas Scott, et l’excellent alto Paul-Antoine Bénos-Dijan. Soyons honnêtes, mais du point de vue vocal, nous sommes gâtés, les neufs représentants de Mélismes offrent une base solide et expérimentée, les vingt-trois membres de la maîtrise, une pâte musicale frôlant la perfection, il serait difficile d’exiger plus !

Damien Guillon
Le Banquet Céleste : La Passion selon Saint-Jean de Jean-Sébastien Bach à l’Opéra de Rennes Mars 2019.
Le Banquet Céletse (Direction Damien Guillon) est accompagné par le Choeur Mélisme-s et la Maîtise de Bretagne.

La très belle sonorité baroque proposée par le banquet céleste contribue à créer une dimension spirituelle d’une particulière intensité, nous serons parfois submergés par l’émotion, surtout au moment du reniement de Pierre ou de la crucifixion. La musique de Bach décrit les événements avec clarté, le chœur « Nicht diesen, sonder Barrabam », non pas lui mais Barrabas ! Aussi bien que le lancinant « Kreutzige » répété 24 mesures, crucifiez le !! parlent directement à notre âme et font de nous des révoltés. Nous ne le serons pas moins lors de la description des humiliations que subit Jésus, la couronne d’épines, le manteau de pourpre, les quolibets, les gifles, la terrible flagellation. La puissance narrative de Bach est évidente, chrétiens ou pas, tous communient dans une même et muette consternation. Les trois tentatives de Ponce Pilate pour libérer Jésus ne servent à rien, il a beau affirmer qu’il ne voit pas en lui de culpabilité, les juifs lui rétorquent avec hargne « Lassen do diessen los » en forme de menace..si tu le laisses partir !

Toute cette montée de l’intensité de l’œuvre s’apaise avec l’air d’alto « Es ist vollbracht » ; tout est accompli ! Discrètement accompagné par la viole le Christ prononce ses dernières paroles. Après avoir chanté la victoire de Jésus sur Judas, l’alto fait silence, c’est le moment d’entendre la phrase douloureuse et fatidique ; « et il baissa la tête et mourut. » S’ensuit le magnifique chœur ; « Ruth wohl, ihr heiligen Gebeine » Reposez en paix, ô saintes dépouilles, curieusement plus chargées d’espoir que de tristesse. Il y a dans cette musique un absolu de sérénité, une incomparable lumière qui offre à cette passion une dimension supra humaine.

Ce chef-d’œuvre de Bach fut donné pour la première fois le Vendredi saint de l’année 1724 à la Nikolaikirche de Leipzig.Quelle tristesse de constater qu’après sa mort en 1750 cette passion tombât dans l’oubli jusqu’à son exhumation par Félix Mendelssohn en 1833. Bach n’était plus à la mode !

Le grand public a tendance à lui préférer la passion selon Saint-Mathieu, plus séduisante sans doute, et plus brillante, et les choix esthétiques ne se discutent pas. Pourtant cette passion selon saint-Jean, lorsque l’on se donne la peine de l’étudier attentivement est une œuvre d’une profonde spiritualité et d’une musicalité digne de toutes les louanges. Bach avait pour habitude de terminer ses compositions avec le paraphe « A soli gloria deo », ce qui signifie « pour la plus seule gloire de Dieu ». La passion selon Saint Jean en est une vibrante illustration.

PS: Damien Guillon et le banquet céleste viennent de sortir il y a quelques jours à peine un nouveau CD consacré également à Bach. Déjà largement encensé par la critique il nous a absolument bluffés. Cette fois encore, composé avec beaucoup d’intelligence, il offre 74 minutes d’une incomparable musique. Vous le trouverez facilement « Aux enfants de Bohème », le disquaire rennais toujours présent aux concerts, nous vous le conseillons avec enthousiasme.

Photos : Laurent Guizard 

RENCONTRES D’HISTOIRE, UNE THÈSE EN 20 MINUTES PAR AURORE CAIGNET

Dans le cadre des Rencontres d’Histoire, quatre doctorant(e)s et docteur(e)s présenteront leurs thèses vendredi 22 mars à 17 h aux Champs libres. Leur challenge : l’expliquer en 20 minutes en essayant de vulgariser au maximum pour passionner un public peu familier des termes d’historiens. Aurore Caignet, docteure en études anglophones à Rennes 2, nous explique cette conférence un peu particulière.

Comment s’est formée la ville de Rennes entre 1420 et 1720 ? Comment se démine une ville ? Comment la ville de Manchester s’est-elle régénérée ? Toutes ces questions peuvent-elles trouver une réponse en 20 minutes ? C’est en tout cas le défi que se lancent Matthieu Le Boulch, Damien Petermann, Philippe Marion et Aurore Caignet à l’occasion des Rencontres d’Histoire, aux Champs Libres vendredi 22 mars à 17 h. « Je vais essayer de susciter la curiosité à propos de mon sujet et d’intéresser le plus grand monde », explique-t-elle.

Les Rencontres d'Histoire 2019

C’est là tout l’intérêt de cette conférence. Par rapport à une soutenance, le public n’est pas habitué aux termes scientifiques et aux détails historiques. Il va donc falloir simplifier pour mieux se faire comprendre. « Je ne vais pas m’attarder sur certains aspects de ma thèse pour ne pas perdre mon auditoire », avance Aurore Caignet qui expliquera sa thèse intitulée « Représenter, réinterpréter et réimaginer le patrimoine industriel : La promotion du renouveau de la ville postindustrielle du Nord de l’Angleterre (1970-2010) » . « J’ai vécu trois ans à Manchester. La présence de bâtiments hérités de la révolution industrielle m’a donné envie d’explorer le thème du patrimoine industriel. C’est une ville en perpétuel changement. Ma thèse s’intéresse à la place accordée à ce type de patrimoine dans la ville et dans l’image de celle-ci ». Vous avez 20 minutes.

À force d’expliquer mon travail à ma famille, j’ai fini par apprendre à vulgariser

Dans le même ordre d’idée, il existe un concours qui consiste à résumer sa thèse en 180 secondes. « C’est un sacré défi », avance Aurore, « 20 minutes c’est déjà assez complexe ». Cette conférence va lui permettre de s’essayer à une expérience supplémentaire. « C’est un atout dans un CV de participer à cet exercice de vulgarisation scientifique ». Elle espère à l’avenir obtenir une place en tant qu’enseignante-chercheuse. « Cela permet aussi de donner de la visibilité à ma thèse et au labo Anglophonie : Communautés, Écritures (ACE) au sein duquel je mène mes recherches ».

Ma thèse en 20 minutes
Aurore Caignet présentera sa thèse soutenue en novembre dernier

Les Rencontres d’histoire – Ma thèse en 20 minutes.

Vendredi 22 mars, 17h, les Champs libres, musée de Bretagne, 10, cours des Alliés, Rennes. Gratuit. Contact : 02 23 40 66 00.

Programme :
Matthieu Le Boulch (Rennes 2) : « Rennes, fabrique et forme de la ville (1420-1720) »,
Damien Petermann (Lyon 2) : « La ville au miroir des guides de voyage (Lyon, 19e-20e siècles) »,
Philippe Marion (Rennes 2) : « Villes libérées, villes déminées ? »
Aurore Caignet (Rennes 2) : « Patrimoine industriel et régénération urbaine : la réinvention de Manchester ».

En cliquant ici retrouvez la présentation de cette édition des Rencontres d’Histoire par Florian Mazel, enseignant-chercheur à Rennes 2 et programmateur de l’événement.

L’OCA NERA, DU JEU DE L’OIE COMME MODUS SCRIBENDI

Curieux premier roman de Gérard Cartier que L’Oca Nera dans lequel on progresse par chapitres traitant de divers personnages. Un peu comme un jeu de l’oie dont l’auteur serait le lanceur de dés et dont le narrateur vous perdrait peu à peu dans un labyrinthe.

OCA NERA GÉRARD CARTIER

Le narrateur se meut à l’intérieur de son texte tel un pion du jeu, déplacé et balloté au gré des coups du sort. Cet aspect hasardeux, complètement maîtrisé, est à mettre au crédit de l’intérêt sans cesse renouvelé d’un ouvrage qui progresse par sauts et gambades.

Plusieurs petits romans cohabitent au sein du même livre, ce qui requiert de la part du lecteur une attention certaine et des recherches annexes que favorisent divers moteurs de recherche. L’histoire principale est celle du narrateur, dont on devine qu’il est ingénieur, comme l’auteur, et plutôt en fin de carrière, atteint d’une maladie dont le pronostic est réservé. Il y est question de ses amours, d’une agitation politique autour d’un certain tunnel transalpin, de la recherche quasi obsessionnelle de jeux de l’oie qu’il collectionne comme tout ocaludophile qui se respecte.

Cette recherche est l’occasion de rencontres qui mêlent un peu tout ceci. À quoi se rajoute un curieux questionnement qui habite peu ou prou ceux et celles dont les géniteurs ont eu quelque chose à voir avec la Seconde Guerre mondiale : qui, comment pourquoi ? Le narrateur, dont la famille est originaire du Vercors, se penche sur l’histoire de son père déporté et de son oncle exécuté par la milice à 23 ans, lors de l’insurrection mal soutenue du plateau. Il cherche à comprendre leurs trajectoires. Puis apparaît un personnage, fort connu de cette guerre, militant socialiste et pacifiste déçu, très compromis dans la Collaboration et qui fuit après Sigmaringen aux confins de l’Autriche et de l’Italie germanophone pour échapper aux Alliés, à la recherche de ces desperados qu’ils sauront retourner à leur profit dans la lutte anticommuniste qui se profilait déjà. On en suivra sa trace, sous la protection d’une Église fort conciliante.

OCA NERA GÉRARD CARTIER

Un autre curieux personnage apparaît aussi dans ce roman, une certaine Mireille Provence (son nom de scène, de guerre aussi pourrait-on dire), de son vrai nom Simone Waro, terrible espionne à la solde des nazis et qui sauva sa tête à la fin de la guerre par le bénéfice d’une grâce toute gaullienne. Il faut vraiment souligner la qualité de l’écriture parfois quasi poétique qui n’ennuie jamais et se laisser aller comme dans un jeu de l’oie et parfois savoir revenir en arrière pour relier deux chapitres. Le jeu de l’Oie, né dans l’Italie du XVIème siècle, celle des académies un peu sulfureuses, n’était sans doute pas un simple jeu au même titre que les Tarots : divination et ésotérisme en sont la marque et L’Oca Nera montre cette fascination à rechercher ce qui est perdu, caché, oublié. Un beau Livre.

Gérard Cartier L’Oca Nera aux Éditions Thébaïde. Parution 17/01/19. 518 pages. 25€.

L'OCA NERA

Gérard Cartier est né en 1949 à Grenoble, a mené une carrière d’ingénieur sur des projets d’infrastructures dont le tunnel sous la Manche et le projet ferroviaire Lyon-Turin. Poète, il a publié une quinzaine d’ouvrages et a été le lauréat des prix Tristan Tzara et Max Jacob. Il est aussi auteur de récits et critique. L’Oca Nera est son premier roman.

POURQUOI LES OISEAUX CHANTENT, BEL OUVRAGE DE JACQUES DELAMAIN

Il est des éditeurs qui, tels des orpailleurs, nous font découvrir des pépites remontées des sables et fonds endormis de la littérature. Ainsi œuvrent les Éditions des Équateurs, qui ont exhumé un texte au titre simplissime, Pourquoi les oiseaux chantent, paru en 1928 sous la plume (c’est le cas de le dire) de Jacques Delamain.

Pourquoi les oiseaux chantent Jacques Delamain

Pourquoi les oiseaux chantent Jacques Delamain
Jacques Delamain, Pourquoi les oiseaux chantent, Paris, Stock, collection « Les livres de nature », 1928.

L’auteur, de vieille racine charentaise et de longue lignée de producteurs de cognac, prolongea la tradition négociante familiale par devoir.

Delamain cognac logo

Mais il cultiva aussi une aspiration plus profonde, l’ornithologie. Il écrivit peu, cet opus étant l’un des rares, et le premier, qu’il choisit de faire publier.

« Il n’était pas un écrivain né, il le fut par accident », dit de lui, un jour, un autre Charentais, le romancier Jacques Chardonne, ajoutant :

« Tout à coup, pour exprimer la passion de sa vie, il eut un style de virtuose, le trait juste, infiniment souple et varié, sans surcharge, sans la moindre coquetterie dans la phrase ».

Jacques Delamain s’avère un connaisseur captivant de tout ce qui vole. Outre ses analyses fines et éminemment poétiques du chant des oiseaux, de leur richesse mélodique et harmonique (étrangement et invariablement déclinante au fur et à mesure que les volatiles s’éloignent des terres et s’avancent vers l’océan, « la mer n’a pas de chanteurs », écrit notre ornithologue), il nous instruit également, dans un permanent bonheur d’écriture, sur leurs habitudes migratoires, leurs comportements sociaux (amoureux, grégaires ou solitaires), leurs milieux naturels (maritimes, fluviaux ou sylvestres).

Que ne connaissons-nous les noms, et les mœurs, du pouillot véloce, du bruant, du friquet, de la fauvette traîne-buisson, du bec-fin aquatique, du traquet pâtre, de la farlouse, de la lulu, « seul oiseau qui chante en plein vol dans l’obscurité », du mystérieux engoulevent « dont le vol ouaté hante les clairières à l’heure indécise », du rouge-queue de muraille « en somptueux plumage de noces, poitrine et reins cuivrés, manteau gris-bleu, gorge noire et front blanc pur » !

Tous les textes de ce livre sont de cette veine, lumineuse et chatoyante. L’écrivaine Colette, qui admirait Jacques Delamain, lui écrivait : « Que j’aimerais être votre voisine à la campagne, je vous demanderais tout ce que je ne sais pas ! ».

L’homme s’est envolé, lui aussi, pour l’éternité, un beau jour de 1953, aussi discrètement qu’il vécut, dans sa maison de la Charente, nous laissant ces textes, précis et enchanteurs, aptes à nous rendre à tout jamais amoureux de cette faune aérienne aux infinies parures et expressions musicales.

Pourquoi les oiseaux chantent [1928] de Jacques Delamain, Éditions des Equateurs, 2011, préface d’Olivier Frebourg.

Tout au long de l’année, la LPO Ille-et-Vilaine défend la biodiversité et organise des sorties découvertes dans le département => https://ille-et-vilaine.lpo.fr/

La figure de l’oiseau est une source d’inspiration importante à travers l’histoire des arts !

QUI NE SE PLANTE PAS NE POUSSE JAMAIS DE SOPHIE TAL MEN

Qui ne se plante pas ne pousse jamais est le quatrième roman de Sophie Tal Men paru chez Albin Michel. En quelques années, les romans de la jeune neurologue sont devenus incontournables, comme un rendez-vous attendu du printemps. Albin Michel a eu du nez en misant sur cette auteure qui nous invite dans ses sagas sur les côtes bretonnes avec des personnages sortis de notre cuisine, que l’on croise dans les escaliers ou à la boîte aux lettres !

Sophie Tal Men Qui ne se plante pas ne pousse jamais

La force des romans de Sophie Tal Men, elle est là : la proximité, ce réel-là, les personnages, tous, quels qu’ils soient, appartiennent à notre entourage.

Jacqueline vient de passer les quatre-vingts ans, elle sait qu’elle n’en a plus pour très longtemps puisqu’atteinte par un mal incurable. Et ses plus proches de la soutenir, Margaux, sa petite-fille, et Alexandre, son petit-fils de cœur. Mais pas de pleurs, pas de lamentations sur son sort, Jacqueline va de l’avant et entend bien qu’il en sera ainsi même quand elle oubliera qui elle est. Pour l’heure, il lui tient à cœur que ses derniers tours de piste soient brillants. Elle sait, depuis toujours, que ses deux amours sont faits l’un pour l’autre ; elle va donc tout mettre en œuvre pour rassembler Margaux, à la tête d’une grande chocolaterie et qui se perd en voyages à travers le monde, en développant avec son père de nouvelles collections de chocolats raffinés pour oublier sa solitude, et Alexandre, qui termine son internat avant de reprendre peut-être un cabinet de médecin généraliste et qui lui aussi est seul… Il faudra se plonger dans ce roman aux mille couleurs pour savoir si la petite entreprise de Jacqueline trouvera le succès.

Si l’essentiel de l’histoire, comme il est de coutume chez Sophie Tal Men, se déroule en Bretagne, du côté de Fréhel, Jacqueline ne va pas s’interdire d’envoyer ses enfants à Cuba parce que la Caraïbe renferme quelques secrets qui font sens, parce que Cuba et sa musique sont propices aux rapprochements, parce Cuba est un bon moyen de lâcher prise et d’épouser d’autres trajectoires, parce que Cuba peut prouver que l’on peut changer l’ordre des choses et qu’on peut écrire sa propre histoire, même à deux.

D’aller-retour en aller-retour, les héros de ce roman choral s’approchent, s’aimantent, prennent de la distance, s’évitent, se craignent, se retrouvent, comme dans la vie. Les grandes thématiques universelles sont omniprésentes ; la vie, l’amour, la mort… Sophie Tal Men approche aussi avec délicatesse la fin de vie, les liens du cœur souvent plus puissants que les liens du sang, mais également le rôle que se forcent à jouer les femmes de pouvoir quand elles ont des ambitions et puis le bonheur de comprendre les lieux, les ambiances où qu’on soit… La Bretagne… Cuba… Et Londres pour un final tout en tendresse… Sans oublier non plus la place importante du chocolat dans nos quotidiens, tout autant que les proverbes de nos aïeux qui ne sont jamais des hasards….

À lire comme une gourmandise, comme le kalouga de Jacqueline qui caresse le palais !

Qui ne se plante pas ne pousse jamais, Sophie Tal Men, Paris, Albin Michel, 280 pages. Parution : 27 février 2019. Prix : 18,00 €.

© Sandrine Expilly

Sophie Tal Men est neurologue à l’hôpital de Lorient. Qui ne se plante pas ne pousse jamais est son quatrième roman.

Sophie Tal Men est invitée par la librairie Le Failler (Rennes) le mercredi 27 mars pour une rencontre et dédicace.

LE VÉLO N’EXISTE PAS, LES MALADRESSES DES AUTOMOBILISTES FILMÉES

Corentin gère depuis plus d’un an et demi le compte Twitter Le vélo n’existe pas. Sur celui-ci, il filme les automobilistes coupables d’une infraction au Code de la route mettant en danger sa vie de cycliste dans Rennes. Il est suivi aujourd’hui par plus de 2000 abonnés, dont la métropole et la police nationale du département.

Le vélo n'existe pas
Corentin est père de famille et effectue quotidiennement tous ses trajets à vélo. Qu’il pleuve ou qu’il vente, peu importe. Il est bien équipé.

« Juste un kilomètre à vélo c’est dangereux », décrit Corentin. Alors, il a créé la page Twitter Le vélo n’existe pas. Lancé en avril 2017, le cycliste est suivi par plus de 2300 personnes. « Le peu de chemin que j’avais à parcourir était dangereux. J’ai donc décidé d’acheter une caméra pour répertorier les accrochages ». Ses trajets sont ensuite partagés sur sa page quand il a subi un risque important d’accident.

Heureusement, tous les chemins ne sont pas dangereux comme celui de Corentin, ce qui explique la hausse de popularité du vélo en ville. « Le trajet du cycliste influence sa vision à propos du partage de la route. Par exemple, autour de la plaine de Baud, c’est agréable et bien aménagé. Mais il reste du travail pour que ça soit le cas partout dans la ville », confie Corentin. « Quand le risque d’accident se répète sur un lieu, cela permet de faire remonter les problèmes d’infrastructures ». En effet, le compte Twitter de Corentin est suivi de près par Sylviane Rault, adjointe aux transports à la ville de Rennes. Il a d’ailleurs déjà pu échanger avec elle. « Oui, j’ai eu un retour de la métropole. Ils réaménagent les rues quand c’est possible ». Le but du cycliste est de « donner son témoignage sur la situation du vélo en ville » parmi les nombreux autres comptes Twitter dénonçant par le même procédé les maladresses des automobilistes.

« Je voulais avoir un point de vue indépendant. celui d’un cycliste lambda allant à vélo chaque jour »

Le vélo n'existe pas
La ville a commencé à sécuriser quelques routes. Corentin en souhaite davantage : « Le conflit entre voitures et vélos ne se rétablira pas sans infrastructure et voies protégées ».

Parmi ses inspirations, la page 50 euros. « C’est lui qui m’a donné l’idée de créer ce compte Twitter. Je suis souvent en relation avec d’autres pages en retweetant leurs vidéos, leurs photos ou leurs actions », explique Corentin. Dans ses vidéos, filmées par la petite caméra située sous le guidon de son vélo, la plaque d’immatriculation n’est pas floutée. Sa diffusion est légale. Mais encore faut-il que le fautif soit prévenu de la présence de la caméra en cas d’accident !

Le but de ces vidéos n’est pas de poursuivre les conducteurs. Pourtant, en cas de contact avec le vélo, le délit de fuite est très fréquent chez les automobilistes. Si le cycliste parvient à rattraper le fuyard, rares sont les constats qui sont effectués et les poursuites engagées, et ce malgré le suivi par la police nationale du département.

Le vélo n'existe pas
Le compte 50_euros, colle des autocollants sur les véhicules ne respectant pas les voies cyclables ou les parkings à vélo. Plutôt radical…

Vide juridique pour les cyclistes

À cet instant, la justice rentre donc en scène. La loi Badinter, datant de 1985 et revue en 2010, énonce que les automobilistes doivent une indemnité au cycliste en cas de dégât physique. Et ce, même si ce dernier grille un feu rouge ou une priorité. Ce qui ne va pas calmer la guerre entre voitures et bicyclettes. « Les vélos qui font n’importe quoi, c’est leur problème. Mais cela donne une mauvaise image », déplore Corentin. Cependant, cette même loi ne prévoit pas d’indemnisation en cas de dégâts matériels, souvent la preuve d’une infraction au Code de la route. « Il y a un sentiment d’injustice et d’impunité. La vidéo permet de rétablir cette justice. On se sent mieux après l’avoir postée », confie Corentin.

RENNES MANIFESTE POUR LE FONCTIONNARIAT ET LE SERVICE PUBLIC LE 19 MARS

Près de 5000 manifestants ont défilé dans les rues de Rennes comme dans plusieurs villes de France ce mardi 19 mars. Répondant à l’appel de nombreux syndicats, certaines professions ont massivement fait grève, luttant notamment pour la défense du service public, du statut de fonctionnaire et contre le projet de loi Blanquer (Education Nationale). C’est la troisième manifestation de la semaine à être fortement suivie en France.

 

manifestation
Différents syndicats ont appelé à la grève le 19 mars. Ici FSU, syndicat de la fonction publique.

Le rendez-vous était donné à 10h sur l’esplanade Charles de Gaulle de Rennes. Peu avant 11h, la foule se mettait en marche. A contrario de la « Marche du Siècle » du samedi 16 mars où les syndicats étaient bien peu représentés, le défilé du 19 mars avait ses couleurs. Elles se succédaient les unes après les autres : CGT, FO, SUD santé sociaux, FSU, CNT, SNES, mais aussi le NPA, le PCF, les « Stylos rouges » et quelques dizaines de « Gilets jaunes »; tous étaient venus exprimer leur mécontentement à l’encontre de la politique du gouvernement.

manifestation

manifestation

Au centre de l’insatisfaction, le démantèlement du service public. L’ambition affichée par le gouvernement de supprimer 120 000 postes de fonctionnaires était l’un des principaux sujets de la colère des manifestants.

Autre sujet largement décrié : le projet de loi Blanquer pour une « école de la confiance« . Les enseignants du primaire et du secondaire ont fait entendre leur voix (et voir leurs panneaux) pour rejeter une réforme qui selon eux représenterait une véritable « démolition de l’école ».

BLANQUER MANIFS RENNES 19 MARS 2019

BLANQUER MANIFS RENNES 19 MARS 2019

La privatisation de l’Aéroport de Paris, approuvée par l’Assemblée la semaine passée, était également au cœur des discussions. De manière générale, la défonctionnarisation du secteur public par la tête de l’Etat au profit de contractuels gérés par le secteur public ou par le secteur privé, sa politique jugée « ultra-libérale », constituait une cause majeure de mécontentement. Le personnel médical (fonction publique médicale) du CHU de Rennes était notamment présent dans le cortège. Étaient également représentées les Finances Publiques, touchées par les projets du gouvernement (suppression de postes).

BLANQUER MANIFS RENNES 19 MARS 2019

Un peu partout en France, les manifestations ont débouché sur des exercices de démocratie participative (débats, réflexions collectives, etc.). La grève a été suivie également par les employés des transports publics rennais.

BLANQUER MANIFS RENNES 19 MARS 2019

OPERA DE RENNES. DE PARIS A MOSCOU AVEC LE VIOLONISTE MATTHEW TRUSLER

De Mikhail Glinka à Camille Saint-Saëns, l’Opéra de Rennes a réveillé du 14 au 22 mars le souvenir d’une époque d’échanges culturels fructueux entre la Russie et la France qui partageaient une fascination mutuelle. D’un côté la mode, la chaleur, l’élégance, une certaine légèreté ; de l’autre, l’immensité, le froid glacial, un sens inné du décorum. Chez les deux, une musique marquée d’une profonde identité.

Courtoisie oblige, c’est avec un invité russe que s’ouvre le bal. Et pas n’importe lequel ! Mikhail Glinka est considéré comme le père de la musique russe et fondateur du grand opéra national. Soumis à de nombreuses tensions avec le pouvoir tsariste, ce musicien auteur du fameux Ruslan et Ludmilla produira en 1856 la valse fantaisie pour orchestre en si mineur. Dès les premières notes assez sombres de l’œuvre, semblables à un appel autoritaire, le ton est donné. Aux moments de danse légers succèdent des instants plus sévères, tout cela sur l’élégant rythme à trois temps de la valse. Parfois Glinka, de façon assez malicieuse, semble adresser à son auditeur un coup d’œil complice en introduisant avec humour des touches exotiques rendant sa musique peu dansable, mais tellement évocatrice.

Serge Prokofiev prend ensuite le relais avec un impressionnant concerto pour violon n°1 en ré bémol majeur opus 10. Le moment est donc venu pour le public rennais de faire connaissance avec le soliste invité, le Britannique Matthew Trusler.

MATTHEW TRUSLER

Les premières mesures calmes et mélodieuses permettent à notre intervenant de s’échauffer, mais rapidement la mélodie s’entête devient plus trépidante, plus exigeante, le mouvement de l’archet sur le splendide Stradivarius ne cesse de s’accélérer et permet à Matthew Trusler de démontrer une technique bien maîtrisée. Il approche, notamment lors du Scherzo, les limites de ses capacités et certaines notes sont un peu laborieuses, mais cela peut être interprété d’une manière différente, une option volontaire afin de préserver une certaine âpreté, le souhait de garder un son brut, dénué d’artifices. Mathieu Rietzler, le directeur de l’opéra de Rennes, évoquera un violon sans concessions.

C’est au tour des musiciens français de s’inviter sur scène et Camille Saint-Saëns, auteur de la fameuse danse macabre, volontiers grinçant et malicieusement sarcastique, ne manquera pas de provoquer ses auditeurs grâce à Introduction et rondo capriccioso. Les premières mesures pleines d’une humilité portée avec discrétion et élégance par les pupitres de cordes vont rapidement se métamorphoser en une danse digne de Méphistophélès au cours de laquelle le violoniste va pouvoir s’en donner à cœur joie et faire montre de ses qualités techniques. Matthew Trusler ne s’en prive pas et avec brio, entraîne son public dans les transes que provoque habituellement la musique de Nicolo Paganini. La comparaison est pertinente lorsque l’on sait que l’œuvre jouée fut composée en 1863 à la demande du prodige espagnol Pablo de Sarasate, pour lequel Camille Saint-Saëns avait composé quatre ans plus tôt son premier concerto pour violon en la majeur. Le jeune interprète était alors âgé de 15 ans.

MATTHEW TRUSLER

C’est avec un second musicien prestigieux, en la personne de Francis Poulenc, que nous achèverons ce voyage entre Moscou et Paris. La sinfonietta, dont le titre à l’Italienne n’a d’autre fin que de démontrer le dédain de l’auteur pour les formes trop classiques, ne réussit toutefois pas à nous faire oublier la structure en quatre mouvements (Allegro con fuoco, Molto vivace, Andante cantabile, Finale) significative de ce qu’est une symphonie, à la façon de Joseph Haydn par exemple. On n’en trouve pas moins cette élégance à la française, cette forme musicale teintée d’humour tel qu’on pouvait l’attendre légitimement de l’auteur des Mamelles de Tirésias.

Ce concert de deux heures de l’orchestre symphonique de Bretagne dirigé par Grant Llewellyn , marqué par des interprétations intelligentes et vigoureuses, a su mettre en évidence les ponts entre auteurs russes et français. Esprit d’indépendance, refus de la contrainte, brio et humour, pied de nez à l’ordre établi, les deux nations révolutionnaires ont été bien servies. Les rangs peu clairsemés de l’opéra de Rennes, malgré une soirée de football opposant Rennes à Arsenal, ont démontré l’intérêt du public pour cette intéressante formule. Cela dit, notre violoniste vedette n’a pas forcé sur les rappels et le bis préférant se réfugier non loin dans un pub rassemblant de nombreux supporters londoniens… Passion, quand tu nous tiens !

Crédit photos : Laurent Guizard

RENNES BIENNALE EXEMPLAIRES. EDITION ET DESIGN GRAPHIQUE EN AVRIL

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Rennes accueille, du 28 mars au 30 avril 2019, la troisième édition de la Biennale Exemplaires à l’EESAB–Rennes, au Frac Bretagne, Cabinet du livre d’artiste et Bibliothèque Thabor Lucien Rose. La Biennale Exemplaires est un événement conçu par des enseignants et des étudiants en écoles d’art. L’objectif de la biennale est de mettre en lumière la production éditoriale francophone.

Après les écoles d’art et design de Lyon (ENSBA) et de Strasbourg (HEAR), l’EESAB–site de Rennes accueille en son cloître, du 28 mars au 30 avril 2019, la troisième édition de la biennale Exemplaires. Treize écoles d’art (françaises, mais également belge et canadienne) sont associées et chacune exposera une sélection de livres francophones publiés durant les cinq dernières années qu’elles auront jugé remarquables.

rennes biennale exemplaires

Une biennale qui met en lumière l’apparence graphique des ouvrages sélectionnés, mais aussi leur processus d’élaboration, leur singularité, ainsi que la cohérence entre forme et contenu. Les treize points de vue des écoles participantes sont réunis dans les galeries du Cloître de l’EESAB–site de Rennes autour d’une exposition organisée à l’occasion. L’interprétation de ces ouvrages par les graphistes francophones de demain met en avant de nouveaux enjeux éditoriaux pour l’édition francophone contemporaine.

rennes biennale exemplaires

Un colloque international se tiendra durant la biennale Exemplaires. Dix intervenants, professionnelles du monde de l’art et du design graphique aborderont les questions soulevées par l’exposition des sélections. Le colloque se tiendra à l’amphithéâtre Donzelot-Université Rennes 1. Intervenants : Sandra Chamaret, Marcelline Delbecq, Will Holder, Sophie Lesiewicz, Philippe-Alain Michaud, Guillemette Morel Journel, Fraser Muggeridge, Véronique Patteeuw, Achim Reichert, Helmut Völter.

rennes biennale exemplaires

Les 13 écoles de design graphique francophones participantes : ISBA (Besançon), Le manifeste d’un bon catalogue d’exposition, ERG (Bruxelles), L’architecture en revue, La Cambre (Bruxelles) Des trucs en perspective, des arbres de haut, des crocodiles, d’une seule ligne, ESAC (Cambrai), De Biblioteca, ESADHaR (Le Havre), Lost in Books, ENSBA (Lyon), Habibi Club, ESAL (Metz), À petit prix, UQAM (Montréal), Territoires, EESAB–site de Rennes (Rennes), Run Run Run, Université Rennes 2 (Rennes), Enseigner et apprendre, HEAR (Strasbourg), Contre-exemplaires, isdaT (Toulouse), Depuis ailleurs, ici, ESAD (Valence), Voyeurs.

rennes biennale exemplaires
Infos pratiques

Expositions de la Biennale Exemplaires du 28 mars au 26 avril 2019 : EESAB–site de Rennes, Frac Bretagne, Cabinet du livre d’artiste, Bibliothèque Thabor Lucien Rose

JEUDI 28 MARS
Hôtel de Ville (Grands Salons) 12h00 Ouverture de la biennale
Amphithéâtre Pierre Donzelot 14h00 Présentation de la biennale
Bibliothèque Thabor-Lucien Rose 17h30 Vernissage de l’exposition « Charivari »
École européenne supérieure d’art de Bretagne 18h30 Vernissage des expositions « Exemplaires, formes et pratiques de l’édition » et « Habibi Culture Clubs »

VENDREDI 29 MARS
Amphithéâtre Donzelot 10h Introduction, Marjolaine Lévy 10h15 Philippe-Alain Michaud
11h Helmut Völter (en anglais) 11h45 Fraser Muggeridge (en anglais) 12h30 Pause
14h Will Holder (en anglais) 14h45 Guillemette Morel Journel 15h30 Achim Reichert 16h Véronique Patteeuw
Cabinet du livre d’artiste 17h30 Vernissage de l’exposition « Enseigner et apprendre »
Frac Bretagne 18h30 Vernissage de l’exposition « Des mots et des choses »

SAMEDI 30 MARS
Amphithéâtre Donzelot 10h Marcelline Delbecq 10h45 Sophie Lesiewicz 11h30 Sandra Chamaret 12h15 Fin du colloque
Archives de la critique d’art 15h00 Visite organisée des Archives de la critique d’art

EXPO RENNES. LES ANIMALITÉS DE NADÈGE NOISETTE AU CAFE CORTINA

Les créations de Nadège Noisette investissent le Café Cortina, du 5 au 31 mars, quartier du Colombier à Rennes. Dans cette exposition intitulée « Animalités », l’artiste interroge le rapport de l’homme à l’animal sans masquer son militantisme écologiste. Rencontre avec l’artiste politique.

Le café Cortina s’anime, ce mardi 12 mars, pour le vernissage de l’exposition « Animalités » de Nadège Noisette. Les peintures et dessins de l’artiste se fondent dans l’atmosphère chaleureuse du décor. Les spectateurs se plongent tantôt dans les toiles, tantôt dans les discussions qu’elles suscitent. Aux murs, encadrés dans des cagettes ou de simples cadres en bois, les œuvres de Nadège Noisette mettent en scène un monde sauvage, foisonnant, animalier et interrogateur. « Je questionne le rapport de l’homme à l’animal », énonce-t-elle simplement.

Nadège noisette Nadège noisette

La plupart des dessins sont colorées, réalisées au pastel. Certains petits formats sont faits d’encre noire sur fond blanc. Toutes créées récemment, leur lien semble principalement thématique. Nadège Noisette affirme, elle, une démarche esthétique : « Le style que je travaille depuis quelques années est très graphique, sur le trait, la couleur », qu’elle explique par ses autres activités, « Je suis ingénieur en électronique. Cette formation scientifique, consciemment ou non, a sûrement impacté mon travail. J’utilise beaucoup de traits, de formes géométriques. »

Nadège Noisette
Nadège Noisette

Une démarche esthétique qui ne serait « rien » sans la démarche militante qui l’accompagne : « Dans cette série, on retrouve des animaux de nos régions, en voie de disparition. Je les ai intitulé Les Survivants. Ils nous interrogent sur le déclin de notre biodiversité. Ils regardent le spectateur pour l’interroger… C’est ma propre interrogation face au monde. »

J’encadre certaines de mes œuvres dans des matériaux recyclés, pour faire ce lien entre l’homme et la nature et questionner notre société de consommation.

Nadège noisette Nadège noisette

Et pour cause, Nadège Noisette a plusieurs casquettes. Adjointe à la mairie de Rennes, engagée auprès du parti EELV, elle défend en politique les mêmes causes que dans ses œuvres, « l’écologie principalement mais aussi le féminisme, la solidarité… ». Une autre exposition est d’ailleurs visible jusqu’au 22 mars au Planning Familial où l’artiste dévoile ses portraits de femmes. Nadège Noisette évoque un autre projet qui serait en chemin, auprès de l’association Cœurs Résistants, qui vient en aide aux personnes vivant dans la rue.

Le politique et l’artistique sont liés. Je pratique un art de la société, tourné vers l’extérieur.

Guidée par des thématiques militantes, elle souhaite pourtant faire de sa carrière artistique son activité principale dès la fin de son mandat politique, en 2020. Elle l’explique ainsi : « L’Art peut toucher un public plus large, car il est moins frontal que la politique. Chacun y pioche ce dont il a envie ». L’Art peut-il, au même titre que la politique, initier des débats de société ?

Nadège Noisette au Café Cortina, discute avec le public de ses œuvres. 12/03/19

L’artiste cultive également un projet aux origines plus intimes, celui d’aller « croquer » (dessiner) les habitants d’un petit village basque, non loin de ses racines familiales. « C’est un petit village très touristique. On voit toujours les touristes mais jamais les gens qui y vivent ». Après son détour par les animaux, Nadège Noisette reviendrait donc à ses représentations d’êtres humains. Non sans le regard acéré qui caractérisait déjà ses portraits passés, au style « robotique » questionnant la société de consommation et l’automatisation des comportements.

EXPO NADEGE NOISETTE

En attendant ces futures créations, sa série Animalités est visible du 5 au 31 mars 2019 (du lundi au vendredi uniquement) au Café Cortina.

Ouverture du café Cortina :
Lundi de 8h à 19h
Mardi et Mercredi de 8h à 22h30
Jeudi et Vendredi de 8h à1h00 du matin
Fermé le W.E. et jours fériés

Egalement du 11 au 22 mars 2019 – Rennes

Exposition collective
organisée par le Planning Familial

Le 4 Bis, cours des Alliés

Nadège noisette Nadège noisette

L’écologie est un thème qui m’est cher. Au-delà du sujet, je cherche dans ma pratique à limiter les impacts de mon travail sur l’environnement. J’utilise alors le plus possible du papier recyclé ou récupéré, le pastel plutôt que la peinture, je récupère aussi des anciens cadres ou des chutes de bois pour encadrer mes travaux. Nadège Noisette.

Site web de Nadège Noisette
Page Facebook

L’EMBACLE, LE DIABLE S’HABILLE AUSSI EN HIPSTER

Attention : âmes sensibles ne pas s’abstenir ! Si vous vous aventurez dans cette ville de taille moyenne de Touraine, vous rencontrerez ou croiserez des personnages comme tout le monde et aussi singuliers que celles et ceux qui nous entourent habituellement. Mais voilà, souvent ceux que nous côtoyons, nous finissons par de ne plus les voir, souvent même, ils deviennent transparents ou participent seulement du décor ambiant.

EMBACLE SYLVIE DAZY

Alors quand on débarque à La Fuye, à la fois sur le Cher et la Loire, on est loin de s’imaginer qu’il pourrait se produire là un événement bien particulier : l’histoire d’une Apocalypse qui se dessine : pour le pire ? et si c’était aussi pour le meilleur ? Les eaux possèdent cette double capacité : elles détruisent tout sur leur passage comme elles permettent une certaine forme renaissance… (voyons-le ainsi très concrètement)

EMBACLE SYLVIE DAZY
Un Embâcle désigne l’obstruction du lit d’un cours d’eau par un amoncellement de glace

À La Fuye, on peut miraculeusement apercevoir Paul Valadon, un bonhomme qui vit tout seul dans sa baraque qui tombe en ruines et, qui n’aspire qu’à une chose – depuis la mort de sa femme -, qu’on lui foute la paix, qu’on le laisse finir sa vie entre ses chats et ses chiens. Ah, oui, il faut préciser que Paul Valadon est atteint du syndrome de Diogène, inutile donc de préciser qu’il est quasiment impossible d’entrer chez lui sous peine d’étouffer sur toutes les immondices qu’il collectionne depuis des années et qu’il n’entend pas déblayer. Alors quand l’assistante sociale de la ville tente une approche, cela ne se passe pas très bien… accueil humide même !

À La Fuye, on peut aller prendre un petit « noir » chez Malick qui tient un des derniers « bistrots » digne de ce nom. Oh, il n’y a pas foule, le décor n’est pas des plus récents, mais Malick sait accueillir et ne vous fermera jamais sa porte, une fois les trois marches de l’estaminet grimpées. Lui aussi il est seul, le soir venu, pensant à sa femme qui n’est plus là. Et puis que ce serait La Fuye sans ses vieilles personnes qui semblent poser là depuis toujours, presque en attente d’une place en maison de retraite ou en EHPAD…

À La Fuye, si l’on commence à s’attacher aux personnes du centre, souvent peuplé de bobos, il y a celles et ceux qui vivent en haut au nord dans les tours érigées là d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître ; il y a celles et ceux qui vivent au sud dans des quartiers en apparence plus calmes et protégés. Et au milieu de tout cela, il y a les deux bras de rivière qui aboutissent au Cher, à la Loire. Et de tous temps, les saisons passées au rythme de ces masses d’eau faussement paisibles n’ont pas été de tout repos ; il y a eu des moments d’angoisse lors de crues ; il y a eu des moments tragiques quand les eaux emportaient toutes formes de vie dans leur colère. Et pourtant la plupart des villes moyennes sont construites au bord des fleuves comme des rivières. Parce que l’eau est nécessaire au développement d’une cité, parce qu’elle offre un côté salvateur autant qu’elle peut soulever toutes les inquiétudes en matière d’infrastructures suffisamment solides pour résister au pire. Et le pire peut se produire… D’ailleurs le pire se produit toujours… L’existence manquerait de drôleries autrement… sans l’omniprésence d’une mort potentielle.

À La Fuye, impossible de passer à côté de drôles de zigues sans s’arrêter et observer les deux compères : Berthot, l’investisseur immobilier aux dents longues et Théo, son lieutenant en charge de proposer de racheter tout immeuble (maisons, commerces, friches, …) qui pourrait offrir un potentiel financier intéressant après réhabilitation. Se posent alors deux questions importantes : peut-on tout effacer pour tout recommencer d’abord et avant tout au nom du profit ? Peut-on s’arroger le droit d’effacer les vivants et les morts, la mémoire collective de lieux emblématiques et renvoyer l’Histoire sociale aux oubliettes ? Thématiques fort pertinentes abordées avec justesse par Sylvie Dazy.

SYLVIE DAZY

Au terme, un roman fort où l’humanité résiste à chaque page, où la pitié n’a pas place, où le respect est omniprésent, celui des lieux, des bâtiments, des gens, de la nature, qui finalement prend ou reprend toujours le dessus. Et L’embâcle nous prouve que les plus faibles, en apparence, peuvent se révéler comme étant les plus forts.

L’embâcle – Sylvie Dazy – Éditions Le Dilettante – 256 pages. Parution : mars 2019. Prix : 18,00 €.

Couverture : Camille Cazaubon – Photo auteure Sylvie DAZY © babelio

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RENNES. LES RENCONTRES D’HISTOIRE EXPLORENT LA VILLE

La quatrième édition des Rencontres d’Histoire débute ce mardi 19 mars au Tambour de l’Université Rennes 2. Le thème de cette année, « La ville, tout un monde ! ». L’événement se prolonge à partir de vendredi aux Champs libres pour trois jours de rencontres et de visites. Unidivers a pu échanger avec Florian Mazel, professeur d’histoire médiévale et un des enseignants-chercheurs qui pilotent la programmation.

Florian Mazel rencontres d'histoire
Ancien élève de l’École normale supérieure (Fontenay-Saint-Cloud) et agrégé d’Histoire, Florian Mazel est actuellement professeur d’Histoire médiévale à l’université de Rennes 2 et membre de l’Institut universitaire de France. Ses recherches sur l’aristocratie et l’Église en Provence l’ont imposé comme l’un des meilleurs historiens médiévistes français spécialistes de la société féodale. (Librairie Dialogues)

UNIDIVERS – C’est la quatrième édition des Rencontres d’histoire. Comment est né le projet, et a-t-il évolué ?

rencontres d'histoire 2015 empires
Rencontres d’Histoire 2015 : Les empires

rencontres d'histoire 2016 gouverner rencontres d'histoire 2017 travailleurs travailleuses

FLORIAN MAZEL – À l’origine, le projet répond à une demande explicite de l’ancien maire de Rennes, Edmond Hervé, qui souhaitait que les historiens de Rennes 2 participent à une médiation du savoir dans la ville. Le projet existe depuis une dizaine d’années. Jusque là, c’était un cycle de quatre conférences annuelles, le samedi après-midi. Depuis 2015, l’événement s’étend pour devenir un forum d’Histoire du vendredi au dimanche autour d’une thématique privilégiée, et combinant des temps de plus en plus différents. Cette année, l’événement s’étale encore car il est associé au cinquantenaire de l’Université Rennes 2. Les Rencontres débutent par deux soirées au Tambour, sur le campus de Villejean. Une conférence introductive par Hélène Noizet et Cédric Fériel le mardi, et des projections de films le mercredi soir avec le Ciné-Tambour.


Mercredi 20 mars, 18h, Tambour : Ten d’Abbas Kiarostami (Iran / 2002 / DCP / 1h34).

Mercredi 20 mars, 20h30, Tambour : Collateral de Michael Mann (USA / 2004 / 35mm / 2h).

UNIDIVERS – Selon vous, quel intérêt présente la collaboration entre les institutions culturelles d’une ville et son université ?

FLORIAN MAZEL – C’est une collaboration très fructueuse. Elle nous permet de faire connaitre nos travaux de recherche et d’enseignement en dehors du campus, mais tout de même localement, et de porter cette diffusion de façon collective puisque l’idée est de faire intervenir l’ensemble du département d’Histoire au fil des années et qu’il y ait une forme d’investissement local des professeurs. Du côté des Champs libres, c’est intéressant de ne pas travailler uniquement avec des célébrités nationales, mais d’inclure les compétences locales pour diversifier l’offre culturelle. Il y a aussi l’enjeu de collaborations scientifiques et culturelles qui peuvent se nouer, des liens avec le musée, des contrats doctoraux associant les Champs libres et l’université.

L’enjeu majeur c’est la diffusion du savoir et de la recherche en train de se faire, pour que les activités de recherches ne restent pas cantonnées au laboratoire ou à l’amphithéâtre.

UNIDIVERS – Cette année, le thème de la ville s’inscrit dans le cadre d’Explorations urbaines, le fil conducteur de la programmation de la saison 2018-2019 des Champs libres. Mais en quoi la ville est-elle un objet d’histoire intéressant ?

explorations urbaines champs libres 2018-2019

FLORIAN MAZEL – L’histoire urbaine est un champ de l’histoire extrêmement développé depuis longtemps. Le programme et riche, mais au-delà de la conférence inaugurale qui a un spectre très large, c’est avant tout une succession de focale sur des points particuliers. Pour les Champs libres, deux enjeux étaient à privilégier . D’une part, l’histoire locale, et d’autre part, l’articulation entre l’histoire et l’archéologie, puisque un des ressorts de l’exposition Rennes, les vies d’une ville est la place de l’archéologie au regard des nombreux chantiers qu’il y a eu à Rennes récemment. Il y avait là une conjonction entre l’actualité urbanistique à Rennes et l’évolution de la recherche en histoire ancienne, puisque l’histoire urbaine telle qu’on la pratique depuis vingt ans est révolutionnée par l’archéologie.

explorations urbaines, expo vies d'une ville
Cliquez pour en savoir plus.

Fouille couvent jacobins rennes inrap
Le chantier du couvent des Jacobins a été le plus gros chantier d’archéologie urbaine de France pendant trois ans. En seize mois, une trentaine d’archéologues ont fouillé 8 000 m2, comprenant le couvent, le jardin du cloître et les cours extérieures. Ils ont multiplié les découvertes sur ce quartier de l’antique cité de Condate, sur son évolution en faubourg médiéval et sur l’histoire du couvent des Jacobins. Cliquez sur l’image pour découvrir la chronique des fouilles.

à l’échelle du temps, la population des villes n’est majoritaire que depuis peu. Mais, d’un point de vue historique, le phénomène urbain a toujours tenu une place centrale dans les sociétés urbaines

UNIDIVERS – Comment expliquer cette forme de paradoxe énoncée dans la présentation de l’événement ?

FLORIAN MAZEL – On observe une dé-corrélation entre le poids démographique et l’importance politique et culturelle des villes. Il y a une spécificité très ancienne des sociétés urbaines. La ville a un poids démographique très variable au cours du temps et elle ne devient un phénomène démographique dominant qu’au XXe siècle, ce qui est récent à l’échelle de l’histoire de l’humanité. En revanche elle a toujours été un centre de pouvoir politique et religieux, et d’activités économiques spécifiques (avant même l’industrialisation il y a des activités proto-industrielles qu’on ne trouve qu’en ville). Par conséquent on y trouve des profils sociaux très différenciés des campagnes, et ce même si une des grandes données structurelles de l’histoire urbaine jusqu’au XIXe siècle est que la séparation entre ville et campagne est moins forte qu’aujourd’hui. Y compris sur le plan paysager, où on a des formes d’imbrication de paysages urbains et de paysages ruraux qui sont très fortes jusqu’au XIXe siècle. Les villes de l’antiquité, du Moyen-Age ou de l’époque moderne évoluent de manière plus conjointe avec les campagnes qu’aujourd’hui, où on a l’impression qu’il y a des tensions fortes ou des évolutions contradictoires entre société urbaine et société rurale. Le paradoxe tient surtout au fait que la démographie ne commande pas nécessairement le politique, le social et l’économique autant qu’on voudrait le croire.

UNIDIVERS – La ville aurait polarisé le sens de l’Histoire ?

FLORIAN MAZEL – À certains moments, le phénomène urbain a joué un rôle décisif. Par exemple, ce qui retiendra notre attention le vendredi est la phase de constitution de la cité antique comme modèle politique, forme paysagère et type de société en Grèce et à Rome. C’est un moment où toute la société antique, même si elle est très minoritairement urbaine, est définie par la ville, qui devient le modèle d’intégration sociale, politique et économique.

Au cours du Moyen-Age c’est très différencié. À partir du XIIe-XIIIe siècle, la ville reprend un ascendant fort, notamment pour des raisons politiques, avec la question des capitales, mais aussi pour des raisons culturelles, avec la naissance des universités, phénomène majeur. Il y aura encore un autre moment urbain avec l’industrialisation, depuis le XIXe siècle, qui donne l’impression que l’histoire générale est dominée par le fait urbain.

UNIDIVERS – La ville peut-elle être vue comme un miroir de l’histoire humaine ?

FLORIAN MAZEL – Ce sera justement l’enjeu de la conférence introductive pendant laquelle les intervenants montreront qu’aujourd’hui, le phénomène urbain a tendance à englober le monde et que, par conséquent, ce qui définit l’humanité c’est de plus en plus son urbanité. Tout un courant de pensée promeut l’expression anthropocène pour définir le moment où l’impact de l’homme sur l’environnement devient désormais déterminant et il est clair que le phénomène urbain joue dans cette évolution un rôle décisif. On pourrait presque parler d’urbanocène, car si l’homme pèse à ce point sur la nature, c’est parce qu’il est devenu urbain dans des proportions que l’humanité n’avait jamais connues. À ce titre le phénomène urbain incarne une évolution énorme de nos sociétés. Le développement scientifique et industriel au XIXe siècle s’accompagne et est complètement coïncidant avec l’urbanisation.

halles centrales émile zola
L’oeuvre de l’écrivain Émile Zola témoigne des transformations de la ville moderne.
Les grandes Halles dans Le Ventre de Paris (1873).

magasin printemps émile zoka
Les grands magasins dans Au Bonheur des dames.

La vies des grands boulevards dans La Curée.

UNIDIVERS – On parle beaucoup en ce moment d’un divorce entre villes et campagnes…

FLORIAN MAZEL – À partir du moment où le monde semble entièrement dominé par le fait urbain, il y a, de facto, pour tous ceux qui n’en font pas partie, indépendamment même des politiques menées qu’on peut reprocher aux uns ou aux autres, un sentiment de marginalisation. On n’est pas au cœur du système. Parallèlement, cette hégémonie urbaine nourrit certains phénomènes étonnants, qu’au moyen-âge on appelait des retraits du monde, et qui aujourd’hui sont des retraits de la ville, des projets utopiques comme les ZAD (zone à défendre). On est là dans une marginalisation qu’on revendique.

rat des villes rat des champs gustave doré
« Adieu donc ; fi du plaisir /
Que la crainte peut corrompre », Jean de la Fontaine, Le Rat de ville et le Rat des champs, 1668. Gravure par Gustave Doré, 1880.

UNIDIVERS – Le samedi, vous animerez une rencontre sur la ville et l’université. Que peut-on dire de l’université rennaise sur un plan historique ?

FLORIAN MAZEL – À la fin du XVe siècle, lorsque la principauté ducale de Bretagne se développe, elle fonde une université à Nantes, où est sa capitale. À Rennes, l’université est récente. Elle a bénéficié de l’implantation par la monarchie du Parlement de Bretagne à Rennes, car il y a une forte relation entre l’institution judiciaire et l’institution universitaire qui est d’abord liée au droit avant de se diversifier au XIXe siècle vers les lettres et les sciences. De plus, au début du XVIIIe siècle, les élites nantaises se désintéressent de l’université, ce qui encourage les juristes à quitter Nantes pour s’installer à Rennes. Ici en revanche, les élites locales municipales ont joué très tôt la carte de l’université. Ce sont les municipalités successives qui sont à l’origine de la plupart des sites d’implantation et des locaux de l’université rennaise, que ce soient les anciens bâtiments dispersés dans le centre ville ou les nouveaux campus de Beaulieu et Villejean plus récemment. Il y a là une conjonction entre l’État, la ville et l’université tout à fait exceptionnelle, tandis qu’il a fallu attendre les années 1960 pour que réapparaisse une université à Nantes. Aujourd’hui à Rennes, la dispersion des sites fait qu’il y a un polycentrisme universitaire. La ville et l’université s’entremêlent complètement et de plus en plus.

UNIDIVERS – Quelles autres entrées seront empruntées pour explorer le thème de la ville ?

FLORIAN MAZEL – À chaque fois, il y a deux objectifs. D’abord, on veut couvrir tout le champ chronologique, parce que les institutions culturelles ont spontanément tendance à privilégier le contemporain, l’actualité sociale et culturelle immédiate, alors que du côté de l’histoire, on cherche plutôt à réintroduire les questions contemporaines dans une durée longue. Dans le programme, on part de la Grèce jusqu’à l’ultra contemporain. Dans la conférence d’ouverture sont réunis une médiéviste et un contemporanéiste pour jouer sur ce grand écart. Le deuxième enjeu est la diversité thématique, l’histoire sociale avec la conférence de Dominique Kalifa sur les bas-fonds, la question de la forme urbaine avec l’histoire des cartes et des plans de Rennes mais aussi l’urbanisme antique, et les aspects culturels, les plaisirs à Rome, les lieux de spectacles, la question de l’embellissement urbain avec une conférence sur les mosaïques du Rennais Isidore Odorico.

mosaïque odorico
Odorico Frères, façade de l’ancienne usine de chaussures Morel & Gaté , Fougères, 1926. Crédit : Alain Amet Musée de Bretagne

mosaïque odorico cité universitaire
Odorico, Cité universitaire du boulevard de Sévigné, Rennes, 1935. Crédit : Alain Amet Musée de Bretagne

mosaïque odorico crèche
Odorico, Crèche municipale rue Papu, Rennes, 1934. Crédit : Alain Amet Musée de Bretagne

mosaïque odorico
Maison d’Isidore Odorico, Rue Joseph Sauveur, Rennes, 1939. Crédit : Alain Amet Musée de Bretagne

UNIDIVERS – Le programme comporte aussi des projections de films et de documentaires…

FLORIAN MAZEL – Pour nous, le défi est de mettre en relation un espace su ou appris, une sorte de savoir sur la ville porté par l’historien et l’archéologue, avec le ressenti, le vécu qu’on peut tous éprouver en déambulant dans les villes, leur appréhension par les populations et les artistes. Que ce soit le regard des cinéastes dans les films projetés au Tambour le mercredi soir ou bien les documentaires projetés le dimanche, qui sont centrés sur Rennes et l’expérience des nouveaux quartiers.

Regards sur la ville Jennifer Aujame et Candice Hazouard

Dimanche 24 mars, 14h30, Regards sur la ville. Documentaristes, vidéastes, photographes, Jennifer Aujame et Candice Hazouard portent des regards complémentaires sur deux quartiers de la ville, Cleunay et Bourg-l’Évêque.

Dimanche 24 mars, 16h, Les Rumeurs de Babel, de Brigitte Chevet. Pendant trois mois, l’écrivain Yvon Le Men a partagé la vie des habitants de Maurepas. Dans ses pas, le film porte un regard sensible sur cette quête poétique dans l’univers des HLM de Rennes.

UNIDIVERS – La ville de Rennes revient régulièrement dans les sujets abordés. Est-elle un cas exemplaire ou, au contraire, particulier de la notion de ville ?

opéra rennes

FLORIAN MAZEL – Sa place dans le programme est liée au fait qu’il y a un enjeu pour nous à s’adresser et à intéresser de manière privilégiée le public rennais, de lui parler de sa ville, de ses lieux de vie. Cela a de l’intérêt et de la valeur en soi et pour soi. Mais il faut aussi replacer la trajectoire urbaine de Rennes dans des dynamiques urbaines générales dans lesquelles sa singularité apparaît.

Toutes les villes ont des histoires singulières, c’est que qui fait que l’histoire urbaine est compliquée. Souvent, il faut concilier des trajectoires extrêmement variées. On peut considérer que Rennes entre dans une certaine catégorie de ville qui sont très anciennes par leur site mais très récentes par leur promotion urbaine. Rennes devient une vraie ville au second XXe siècle, récemment donc. Nantes est déjà une vraie ville à l’époque moderne. À la fin du moyen-âge, Rennes est un centre de pouvoir religieux et politique, puis devient un centre judiciaire à l’époque moderne. Mais la Bretagne et le Grand Ouest sont des régions rurales, les villes sont des exceptions. À ce titre, Rennes a un profil singulier davantage que représentatif, par rapport aux autres exemples qu’on évoquera lors des rencontres. C’est une ville qui s’est énormément développée à l’époque contemporaine et qui continue de se développer de manière extrêmement dynamique.

plans rennes
Musée de Bretagne, Collection Arts graphiques

plans rennes

Rennes 1718

plans rennesUNIDIVERS – Comment l’Histoire peut-elle éclairer les politiques urbaines actuelles ? Celles de Rennes par exemple ?

FLORIAN MAZEL – Il y a énormément d’archives et de recherches sur le sujet. Le problème majeur auquel elles sont confrontées est l’interaction avec le politique. C’est une séquence historique où des logiques nationales et régionales très fortes se sont imposées. Concrètement, l’essor urbain de Rennes est directement lié à l’exode rural et à l’effondrement du monde agricole, très puissant dans la région jusqu’aux années 1950-1960. Par rapport à ça, les élites locales et municipales ont souvent été obligées de gérer un afflux de populations nouvelles et jeunes. C’est très net pour l’université où il faut faire face très rapidement à une hausse démographique. D’un point de vue plus personnel, ce qui me frappe à Rennes est la maîtrise du développement urbain, notamment par rapport à certaines villes du Sud qui peuvent avoir des profils proches de Rennes, comme Aix-en Provence. À Rennes, on a l’impression que le développement urbanistique est mieux pensé, organisé, régulé et que cela limite les effets d’une démographie galopante.

horizons rennes
Les Horizons. La conception de cet immeuble, premier I.G.H. (immeuble de grande hauteur) de France, reposait sur la nécessité de loger près d’un millier de personnes dans 480 appartements en copropriété. Le principe de deux tours de trente-cinq niveaux s’avéra le plus judicieux. Élevé en 1970 sur les plans de Georges Maillols, ce bâtiment témoigne du renouvellement urbain qui s’opère alors dans la capitale bretonne. Office de tourisme de Rennes.

UNIDIVERS – Merci à vous, Florian Mazel.

L’ensemble du programme est disponible sur le site des Champs libres, cliquez pour y accéder.

▬▬▬▬▬▬▬▬ INFOS PRATIQUES ▬▬▬▬▬▬▬▬

➭ Entrée libre et gratuite dans la limite des places disponibles

📍 19 & 20 mars au Tambour / Université Rennes 2
2, place Recteur Henri le Moal – 35000 RENNES

Métro : Villejean Université
Bus : arrêt Université

📍 du 22 au 24 mars aux Champs Libres
10 cours des Alliés – 35000 Rennes

Métro : station Charles de Gaulle
Vélo STAR : station Champs Libres
Bus lignes C1, C2, C3, 11, 12 : arrêt Champs Libres/Charles de Gaulle

PRIMITIFS MODERNES, LA MAISON TELLIER ROUVRE SES PORTES

En l’espace de 15 ans, La Maison Tellier a pris sa place dans le champ du rock et de la musique folk en français. Primitifs modernes, leur sixième opus au ton direct et électrisant, sort le 22 mars prochain. S’en suivra leur prochaine tournée, dont trois dates en Bretagne !

maison tellier primitifs modernes

La première pierre de La Maison Tellier fut posée en 2004 à Rouen, en Normandie. C’est là que Yannick Marais, alias Helmut Tellier, rencontre le guitariste Sébastien Miel, qui deviendra Raoul Tellier, lors de l’unique concert solo donné par ce dernier. Ils se découvrent alors une passion commune pour les répertoires folk et country, et décident de former un duo. Ils donnent à leur nouveau groupe le nom La Maison Tellier, en référence à la nouvelle du célèbre écrivain Guy de Maupassant qu’Helmut lisait à ce moment-là. Leurs premières chansons communes commencent à les faire connaître du milieu musical. Ils voient même leur reprise de « Killing In The Name » de Rage Against The Machine figurer sur la 4e compilation du label Travaux Publics, sortie en 2006.

Par la suite, ils sont rejoints par le trompettiste Frédéric Aubin (Léopold Tellier), le claviériste et bassiste Morgan Baudry (Alphonse Tellier) et le batteur Hyacinthe Chetoui (Alexandre Tellier). Fort de ces dernières recrues, le groupe enregistre alors un album éponyme, qui sort cette même année 2006 sur le label rouennais Euro-Visions. Un an plus tard, en 2007, ils enregistrent Second souffle, leur deuxième album, et assurent en juin de la même année la deuxième partie des concerts d’Alain Bashung à l’Olympia.

maison tellier, primitifs modernes
Photo: Richard Schroeder

Il y a trois ans, après deux autres albums et un enregistrement en public, ils sortent l’album Avalanche sur le label At(h)ome, œuvre marquée pour l’essentiel par des instrumentations centrées sur la guitare acoustique. Le 22 mars prochain, ils nous proposeront leur dernier né, Primitifs modernes, en partie conçu entre 2016 et 2017 durant leur tournée précédente.

La première chose que l’on remarque dans cet album est que plusieurs chansons, par leur tempo effréné, se situent dans la même dynamique que celle suivie par le groupe pour Avalanche. En témoigne notamment la chanson titre, « Primitifs modernes », ou encore « Les Apaches », au dynamisme très communicatif. Ces nouvelles créations révèlent également une plus grande place accordée aux guitares électriques saturées qui, associées à des lignes de basses parfois martelées, créent des instrumentations percutantes, voire détonantes. Elles transmettent ainsi une énergie débridée, similaire à celle distillée jadis par le rockabilly des années 50, le punk rock des années 70 ou encore le rock alternatif popularisé pendant les années 90 par des groupes comme R.E.M. Dans « Les Apaches », l’accompagnement instrumental, articulé autour d’une rythmique de batterie presque disco, pourrait évoquer certains morceaux du groupe Television et le rock indé des Franz Ferdinand dans leurs premiers albums.

D’autres titres, au contraire, se rapportent davantage à un certain classicisme rock et font apparaître des esthétiques inspirées de la musique folk et du pop-rock des années 60, desquelles le groupe est familier depuis ses débuts. On le remarque par exemple à travers le picking folk présent sur « Je vous parle d’un pays », ainsi que l’intervention des tambourins dans « Chinatown » et « Laisse-les dire », similaires à celles présentes sur certains standards du pop-rock des années 60 comme « Ticket To Ride » des Beatles.

Dans les textes des chansons de cet album, Helmut Tellier met en scène ces « primitifs modernes », dont les histoires tourmentées peuvent nous être familières. Les personnages dépeints par le chanteur et auteur du groupe, épris de liberté et de la fureur de vivre, affrontent le désenchantement auquel tend notre époque et cherchent différents types de refuges.

Parmi ces êtres, très souvent anticonformistes, figure le célèbre boxeur américain Mohamed Ali, auquel La Maison Tellier rend un bel hommage à travers « Ali ». Dans cette chanson, l’harmonie pentatonique, l’ostinato lancinant et le jeu slide de la guitare électrique lui donnent des accents blues rock. De même, l’éruptif solo de guitare présent au milieu de la chanson peut également évoquer le blues touareg qu’a pu rendre célèbre le groupe Tinariwen.

Ces histoires retraduisent alors les mouvements de l’âme humaine, qu’il s’agisse de l’urgence et l’agitation (« Les Apaches »), les désillusions, ainsi qu’une profonde mélancolie qui va occasionnellement de pair avec la nostalgie. Cette dernière est notamment palpable à l’écoute de « Chinatown », où il est question d’une déception amoureuse, thématique également présente dans « Prima Notte ».

Sur d’autres aspects, l’introspection occupe une place privilégiée. Dans « La horde », Helmut Tellier parle à la première personne, pour mieux aborder nos aspirations et nos traumatismes adolescents, qui parfois nous poursuivent encore à l’âge adulte. Plus précisément, il y raconte notre envie très souvent irrépressible de s’intégrer à un groupe et de fuir la détresse que provoque l’isolement. Raison pour laquelle il ne cède à aucun passéisme, affirmant que

Non c’était pas mieux avant. C’était juste avoir vingt ans, sans croiser âme sœur qui vive.

https://youtu.be/bMJii9sF1yM

La concentration des parties instrumentales autour de la guitare électrique saturée aurait pu signifier un changement de cap de la part des musiciens de La Maison Tellier. De même, l’intervention occasionnelle du synthétiseur apporte quelques sonorités électroniques, proches de celles de la new wave et moins habituelles dans leur musique. Elles apparaissent de façon flagrante dans la chanson titre de l’album, rythmée par la batterie d’Alexandre Tellier. Mais si le style des Rouennais prend inévitablement de nouveaux contours, il parvient à conserver l’identité musicale « Americana » qu’ils avaient développée pendant toutes ces années et à laquelle leur public s’est attaché. (L’americana est défini comme un mélange de musique roots américaine et des traditions musicales qui ont fait l’histoire musicale américaine : folk, country, rhythm and blues et rock ‘n’ roll et pop rock, NDLR)

De plus, les textes d’Helmut Tellier présentent une qualité poétique certaine et empruntent à de nombreuses références musicales, littéraires et cinématographiques qu’on savoure au détour de discrètes allusions. C’est ainsi qu’un passage du fameux poème « Liberté » de Paul Eluard se retrouve transformé, ou plutôt mué en une expression du désarroi face au changement physique et hormonal de l’adolescence. Dans un autre registre, chaque refrain de « Chinatown » fait apparaître la formule « It’s all over now, baby », comme en écho au « It’s All Over Now (Baby Blue) » de Bob Dylan.

maison tellier, primitifs modernes
Photo: William Lacalmontie

On retrouve également la voix si expressive et parfois emplie de sanglots d’Helmut Tellier. Son ton plaintif, par moments impulsif et irrégulier, lui a souvent valu une comparaison à la vocalité de Gérard Manset et on peut aussi le rapprocher de celle d’Alain Bashung.

Mentionnons encore les parties de trompette et de cuivres assurées par Léopold Tellier, toujours très chantantes et dont les différents modes de jeu confèrent à l’album des couleurs sonores diverses. Le timbre de ses instruments attribue plus que jamais une patte singulière au style orienté rock et folk du groupe. On le remarque notamment à l’occasion d’une très belle polyphonie dans les refrains de la chanson « Ali » et d’une délicate intervention mélodique de la trompette lors du pont de « Chinatown ».

maison tellier, primitifs modernes
Photo: William Lacalmontie

Avec Primitifs modernes, les musiciens de La Maison Tellier parviennent à dépeindre des tranches de vies souvent difficiles, tout en nous offrant un exutoire et en nous transmettant un réel enthousiasme. Ces sentiments mêlés traversent toutes les chansons et trouvent leur épilogue dans « Que mes chansons… reposent en paix », concluant l’ensemble dans l’effervescence. Dans tous les cas, ces existences mises en musique parlent à nos âmes esseulées, et leur tiennent compagnie le temps de l’écoute. Les concerts qui jalonneront la prochaine tournée du groupe devraient permettre de prolonger ce moment, pour notre plus grand plaisir…

maison tellier, primitifs modernes
Visuel: Jean-Luc Singerat

L’album Primitifs modernes de La Maison Tellier sortira le 22 mars prochain sur le label Messalina/Verycords/Warner.

Leur prochaine tournée sera marquée par trois dates en Bretagne : le 2 mai au Vauban de Brest (29), le 3 mai à l’Echonova de St Avé (56) et le 4 mai à l’Ubu de Rennes (35).

ERASMUS +. TROIS RENNAIS EN ROUMANIE !

À l’occasion d’un projet Erasmus +, trois jeunes Rennais.e.s ont passé sept jours dans la ville de Târgu Jiu, en Roumanie. Le but de leur présence était le suivi d’une formation intitulée « 2I2O Tools » destinée à la prise en main d’outils innovants dans le domaine de l’inclusion sociale. Au-delà de la formation, cette expérience de mobilité fut l’occasion pour de nombreux partages interculturels entre les membres de douze pays européens. Une manière de faire vivre et co-agir la communauté européenne. Récit…

L’avion atterrit à Bucarest. Zoé, 19 ans, volontaire en service civique à Rennes, fait son premier pas sur le sol roumain. Ce 1er mars, elle va rencontrer Antonio (29 ans) de Palerme, étudiant en ingénierie civile ; Eva (23 ans) de Malaga, en études d’institutrice ; Andrea (23 ans) de Sofia, qui étudie la culture israélienne ; ou encore Marino (21 ans) de Zagreb, travailleur en informatique. De pays et de domaines d’activités différents, ils ont entre 16 et 40 ans. Ils vont rester 7 jours (1-8 mars) ensemble à l’Hotel Story dans la ville de Târgu Jiu, dans l’ouest du pays. La cité roumaine va les accueillir dans la vétusté de son décor, saupoudré de monuments historiques et de quelques œuvres du célèbre sculpteur Constantin Brâncuși en centre-ville. L’hôtel, ce non-lieu inesthétique, placera chacun en terrain vierge, feuille blanche comme les murs d’où pourra naître un collectif à l’image de ses participants : joyeusement cosmopolite.

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Târgu Jiu, 80 000 habitants.

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Zoé et Marion, deux des trois Français participant à la formation « 2I2O Tools ». Ici à l’aéroport de Bucarest.

Débarqués de 12 pays européens – France, Espagne, Italie, Portugal, Rép. Tchèque, Croatie, Lettonie, Lituanie, Biélorussie, Bulgarie, Roumanie et Turquie — les 36 participants ne venaient pas en touristes, mais pour participer à la formation « 2I2O tools » dédiée aux outils online et offline pouvant faciliter l’inclusion sociale des personnes handicapées. Cette formation a été montée par l’association roumaine « Colour your dreams » qui, avec l’aide financière d’Erasmus +, a engendré des partenariats avec 12 autres associations européennes, chargées de recruter 3 participants chacun.

Pour certains, comme Zoé, que l’association dinannaise En Root a expédiée ici, c’est un premier pied à l’étrier : « Je n’ai aucune connaissance en matière de handicap. Je suis souvent mal à l’aise avec cela et je vois cette formation comme un moyen de surmonter ce malaise ». Mais pour elle comme pour d’autres, cette formation est avant tout l’occasion de « voir du pays » et de « faire des rencontres interculturelles ».

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Les participants rencontrent les formateurs dans la « conference room ».

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Visite de l’école spécialisée de Târgu Jiu.

« Ces enfants sont dans des situations inhabituelles, ils ont donc besoin d’une éducation inhabituelle. C’est pourquoi nous encourageons à l’éducation “non formelle” via ce projet. Il faut faire bouger les choses et ça passe par ce genre de projets. » Adela Vladoiu, Présidente de « Colour your dreams »

Au menu des sept jours de formation, divers apprentissages allant de la facilitation graphique à l’utilisation d’applications telles que Actionbound ou Kahoot. Aussi, d’autres activités dédiées autant à l’apprentissage qu’au team-building; par exemple une chasse au trésor s’est déroulée dans Targu-Jiu. Durant celle-ci le groupe s’est séparé en 6 équipes. Certains participants se virent contraints de ne pas utiliser certains de leurs cinq sens, nécessitant la solidarité de leurs camarades « valides », eux-mêmes obligés de prendre en compte les handicaps des leurs pour avancer dans le jeu. Des méthodes non-formelles d’apprentissage sur le handicap, dispensés par Andrei (Dobre) et Andreea (Buzec) – ça ne s’invente pas – deux professionnels roumains, ainsi que Darko Stojanovic, lui Serbe. Enfin, la visite du centre scolaire pour l’éducation inclusive de Târgu Jiu fut pour certains l’occasion d’une première rencontre avec le monde de l’éducation spécialisée.

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Travail de groupe sur la terrasse de l’Hotel Story, Târgu Jiu.

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Si la formation a donné aux participants le hasard de se réunir, la substantifique moelle de cette semaine fut sans nul doute la qualité des rencontres effectuées entre ces derniers. Zoé décrit pourtant des débuts frileux : « Au début les échanges étaient très formels : ton âge, ton nom, qu’est-ce que tu fais ? » Mais les lignes ont vite bougé, « Grâce aux activités proposées par les formateurs… et puis le fait de vivre ensemble pendant une semaine, forcément, ça crée une intimité hors norme ».

Tant et si bien que dès le premier jour de formation achevé, une soirée s’organise entre les participants. Dans une ambiance bon enfant, les sourires timides se transforment minute après minute en paroles confiantes, en accolades amicales, en rires partagés. Freed from desire, Dragostea din tei, I love rock’n roll, la musique populaire fait acte de liant entre les diverses cultures représentées dans la conference-room, devenue fiesta-room dès 21 h. La libération des corps fait suite à la libération des mots. Des corps dansent, seuls ou déjà accompagnés, chantant à tue-tête le même « yaourt » anglophone aux accents divers : slaves, latins, orientaux (…), dans une même ronde de partage, joyeux et oublieux du lendemain. D’autres, plus raisonnables, préfèrent le repos dans le calme de leur chambre… et rêvent en anglais.

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Selfies et photos sont de mise à chaque moment partagé.

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Les affinités se créent vite entre les participants.

9 h 15 : Yeux plissés et peaux tendues, des jambes lourdes se traînent hors des chambres. D’autres gambadent depuis 8 heures du matin. Le petit-déjeuner se partage, comme tous les repas, autour des grandes tables rondes du restaurant de l’hôtel. Une petite vie de famille a déjà émergé. La parole revient vite, dans un anglais brumeux : « Pass me the bread please », « Somebody wants more coffee ? ». Le temps de se remémorer la veille au soir, de partager les gags aux absents et il est déjà l’heure de l’energizer — activité de stimulation matinale — puis de reprendre la formation sous l’œil bienveillant de la très énergique organisatrice, Adela Vladoiu, Présidente de « Colour your dreams ».

Véritable pile électrique — son surnom serait Duracela — elle nous confie travailler actuellement sur pas moins de 7 projets Erasmus + simultanément. « J’ai envoyé beaucoup de jeunes d’ici dans d’autres pays, pour des projets. À chaque fois, ils me remercient en revenant. Parce qu’ils sentent qu’ils ont changé, qu’ils ont amélioré quelque chose dans leur compétence, dans leur vie, dans leur vision des choses. Quand j’ai d’aussi bons retours… je ne peux pas m’arrêter, voilà tout », nous rapporte-t-elle, roulant les r d’un anglais qu’elle juge (faussement) approximatif.

Adela vladoiu
Adela Vladoiu (centre) entourée des participantes lettoniennes (à gauche) et lituaniennes (à droite)

En dehors des soirées officieuses organisées par les participants presque chaque soir, deux « soirées interculturelles » ont également eu lieu durant la semaine. Lors de ces rendez-vous colorés, chaque pays s’est présenté aux autres, proposant un aperçu de sa culture. Selon les pays, ce fut le partage, la fierté ou le cliché humoristique qui prit le pas. L’équipe espagnole insista sur le goût disproportionné des Ibériques pour la sieste — qu’ils pratiqueraient « 6 à 7 heures par jour », selon eux. Le trio turc partagea avec ses convives des mets ottomans venus directement d’Antalya. Les Français optèrent pour le camembert et servirent le vin et le cidre breton, invitant chacun à exprimer librement ses idées reçues sur les habitants de l’Hexagone.

Des vidéos de chaque pays furent projetées sur le mur blanc, comme autant d’invitations au voyage. « You have to come in Croatia » scandait celle projetée par Marija, Lucija, Leon et Marino. Des affinités personnelles avec des pays se sont créées. Adela raconte que lors d’un projet Erasmus + récent, un participant français est allé directement en Estonie et au Danemark à la fin de sa semaine de formation, pour rendre visite à d’autres participants. « Je trouve ça génial ! » sourit-elle.

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Aperçu des soirées interculturelles.

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« Pour moi, Erasmus + est la meilleure chose qui soit. Si je l’avais connu quand j’étais jeune, je ne serais rentré chez moi que tous les trois ans ! », plaisante Adela le 7e jour. Satisfaite du déroulé de la semaine, elle réaffirme sa confiance en ces programmes à la portée à la fois professionnelle et culturelle : « À chaque fois, à chaque projet on découvre de nouvelles choses. Et si on ne découvre rien, c’est nous qui partageons ce que nous savons avec d’autres personnes. »

Pour beaucoup, la séparation arrive trop tôt et l’expérience mériterait de se prolonger. Pourtant à 4 h du matin le vendredi 8 mars, il faut reprendre le bus pour Bucarest. Certains participants n’ont pas dormi de la nuit, préférant savourer ensemble chaque seconde restante de leur vie en communauté. Ils entonnent un dernier morceau du groupe Queen en karaoké puis, résignés, plient bagage et s’engouffrent bras-dessus bras-dessous dans le véhicule qui les ramène à leurs vies respectives.

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Danse roumaine au dernier soir. Mains liées.

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Les participants profitent de leur dernière nuit à l’hôtel Story. Ici Alberto (Italie), Zoé (Rennes) et Valentina (Italie).

Zoé, émue avant de reprendre l’avion pour Paris, nous propose son retour sur expérience : « J’ai été surprise par l’intensité des relations qui se sont créées. En quelques jours seulement on était tous comme une petite famille. Ça donne du baume au cœur de vivre des expériences comme ça. J’ai appris des choses que je pourrai appliquer après, comme la facilitation graphique. J’ai aussi l’impression d’avoir voyagé dans les 12 pays qui étaient présents avec nous, pas juste en Roumanie. »

Si elle regrette de ne pas avoir beaucoup découvert la Roumanie, elle n’en garde pas moins l’empreinte d’une intense expérience multiculturelle : « Jusqu’ici j’ai toujours senti qu’il y avait des barrières qui m’empêchaient de créer des liens étroits avec des personnes étrangères. Mais pour la première fois, je me suis lié sincèrement avec des gens d’autres pays. (…) Parler anglais tout le temps pour moi ça a été dur. J’ai un accent terrible. Mais en même temps j’ai pu voir le niveau de certaines personnes et ça m’a donné envie de m’améliorer dans cette langue, pour de futurs projets ou des voyages, afin de mieux pouvoir partager avec chacun. »

« Ça a duré une semaine, mais j’ai l’impression d’être partie un mois. J’aime ma vie à Rennes, mais je crois que je vais quand même pleurer en rentrant. [rires] »

À en juger par l’effervescence subsistante des groupes Facebook, Instagram ou Whatsapp liés au projet, il semblerait que Zoé ne soit pas la seule a avoir ressenti l’envie de prolonger l’autarcie…

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12 pays, 36 participants.

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Des participants profitent du week-end suivant pour visiter ensemble Bucarest. Ici la Rép. Tchèque, la France et la Croatie sont représentées.

TRADUCTION EN ANGLAIS / ENGLISH TRANSLATION :

Taking part in an Erasmus + project, 3 persons from Rennes (Brittany) have spent seven days in Târgu Jiu, Romania. They went there to follow the training course named “2I2O Tools”, dedicated to the learning of online and offline tools in the social inclusion sector. Beyond this training course, this mobility experience has been an opportunity for intercultural sharing between inhabitants of 12 european countries. A way for the european community to exist and get strengthened.

The plane lands in Bucharest. Zoé, 19 years old, who is a volunteer in a “civic service” in Rennes, makes her first step on the Romanian’s land. On this 1st of March, she will meet Antonio (29) from Palermo, student in civil and environmental engineering; Eva (23) from Malaga, primary school student; Andrea (23) from Sofia, studying Israeli and Jewish civilisation; or even Marino (21) from Zagreb, who works in the informatic field. They have different backgrounds and come from different countries. They are between 16 and 40 . They are going to stay 7 days (1st ti 8th of March) together at the Hotel Story in the city of Târgu Jiu, in the west of the country. The romanian town will host them in its outdated decor, powdered with historical monuments and pieces of art made by Constantin Brâncusi. The empty walls of the hotel, as if it was white paper, will allow the birth of a picture : the picture of a merry cosmopolitan group.

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Freshly arrived from 12 european countries – France, Spain, Italy, Portugal, Czech Rep., Croatia, Latvia, Lithuania, Belarus, Bulgaria, Romania and Turkey – the 36 participants were not there as tourists but in order to take part in a training named « 2I2O Tools » dedicated to online and offline tools able to facilitate social inclusion for people with disabilities. This training course was organised by the romanian association « Colour your dreams » with the financial help of Erasmus +. 12 other european associations were in charge of finding 3 participants each.

For some of them, like Zoé, sent by the association “En Root” (Dinan, France), this is a very first step : “I don’t have any experience regarding people with disabilities. I even feel embarassed in front of such situations. This formation is an opportunity for me to overcome this feeling.” Nevertheless, for Zoé and for many members of the group, this training course was above all “an opportunity to travel” and to “take part in intercultural encounters”.

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« Those children with special needs, they need a special treatment. That’s why we encourage non-formal education with this project. We need to change our tools. » Adela Vladoiu, President of Colour your dreams.

On the training course menu are many different teachings, from the graphic facilitation to exercices with new apps like Actionbound or Kahoot. Other activites are dedicated to team building and training at the same time. For example, a treasure hunt took place in Targu Jiu. The group was spread in 6 teams. Some of the participants were made blind, deaf or mute, in order to physically experience some disabilities and to engage a solidarity process with the “not disabled” members of their team. Those non-formal methods of education were conducted by Andrei (Dobre) and Andreea (Buzec) – true story – two romanian professionnals, and Darko (Stojanovic), from Serbia. Also, the visit of the school center for inclusive education of Târgu Jiu has been a highlight of the week. For some participants, it was a first meeting with a special education site and with children suffering from disabilities. Each day of the training course ended with a “feedback moment” with the trainers, and also “reflexion groups” between the participants.

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If the topic of the training has given the opportunity for the participants to meet up, the heart of the week has been, without doubt, the quality of the relationship built between them, during the week. However, Zoé describes cautious beginnings : « In the beginning, the talk were very formal : what’s your name ? Your age ? Your job ? », but the lines have quickly shifted, « thanks to the group activities delivered by the trainers… and the fact that we all lived together for a whole week, it has created an extraordinary familiarity and intimacy in between us. »

So much so that at the end of the first day, a party is organised by and for the participants. In a relaxed atmosphere, the hesitant smiles have turned into confident talks, friendly hugs and shared laughters. Freed from desire, Dragostea din tei, I love rock’n roll… Pop music brings people together, as a link in between the cultures represented here in the « conference-room », turned into a « fiesta-room ». After the liberation of the words come the liberation of the bodies. Bodies dancing, alone or already accompanied ; voices singing their hearts out, in some « fake English » with various accents from latin, slave or baltic origins ; round-dancing, joyful and forgetful of the next day. Other ones, more reasonable, went to bed earlier, resting in the quiet of their hotel room… probably dreaming in english.

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9am : Tired eyes and heavy legs drag themselves out of the rooms. Some others roam happily for an hour already. Breakfast is shared, like every meal, around the big round tables of the hotel restaurant. A kind of family life has already taken shape. The words quickly come back, in a foggy english : “Pass me the bread please”, “Somebody wants more coffee ?”. Just enough time to share with everybody the stories of the previous night, and it’s already time to move to the energizer – morning stimulating activity – and to go back to the training course, under the caring eye of Adela Vladoiu, President of “Colour your dream”.

Adela is always full of energy – her nickname is Duracela ! She admits that she is currently working on seven different Erasmus projects. “I’ve sent a lot of young people from here to other countries, for projects. Everytime they come back and say “Thank you so much”. Because they feel that they have changed, that they have improved something in their skills, in their lives, in their visions of things. When I receive such feedbacks… I can’t stop, that’s it !”, she says, rolling her r’s with a charming romanian accent.

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Aside from the informal night parties organised by the participants – almost every evening -, two “intercultural nights” has taken place during the week. During those colourful rendez-vous, each country has to introduce itself to the other ones, giving a view of its own culture. It is not an easy exercise, but each team finds its own way. Generosity, pride and humor were the keywords of those moments of sharing. The spanish team has stressed on their taste for sleeping, admitting that they daily take “6 to 7 hours naps”. The Turkish trio has shared with their guests food from Antalya. The Frenchies has opted for a smelly camembert with wine and breton cider, opening a funny debate on clichés about French people.

Videos about each country were screened on the white wall, like “invitations to voyage”, an open-door from Europe to another Europe. “You have to come in Croatia” shouted the man in Marija, Lucija, Leon and Marino‘s video. Personal affinities were created with some countries, like Zoé who felt in love with Turkey after watching the spectacular movie screened by Abdullah, Osman and Emine. Adela tells us the story of this French guy who went staight away from his Erasmus project to Estonia and Denmark, with the purpose of visiting his fellow participants. “I think it’s great !” she smiles.

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« In my opinion, Erasmus is the best thing is the world. If I knew it when I was young, I would have been away from home most of the time, coming back every three or four years ! », Adela jokes, on the 7th and last day. Satisfied with the achieved project, she claims once more that she really believes in those intercultural and yet educational programs : “Everytime, every project you learn new things. And if you don’t, then you share what you know with other people”.

For many, the separation comes too soon and the experience would rather last more. However, it’s 4am on the 8th of March and it’s time to take the bus to Bucarest. Some participants haven’t slept this night, preferring to enjoy together each last second of their community life. After one last karaoke song, resigned, they’ve packed their bags and hopped, arm in arm, in the bus that would bring each of them home.

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Zoé, waiting for her flight back to Paris, is moved by her experience in Târgu Jiu : « I’ve been amazed by the intensity of the relationships that we’ve created. In few days, we became family like. That’s a balm to the heart to live such experiences. I’ve learned many things that I might be able to use again. Above all, I have the impression that I’ve been travelling in 12 different countries, not just Romania”.

Even though she regrets that she hasn’t been able to spend more time visiting Romania, she will remember of this week as a multicultural experience : “Until now, I always felt like there were some borders that couldn’t be crossed, between people from different countries. For the first time though, I’ve really linked to strangers, and create strong bounds with them”. “It’s been difficult for me to speak english all the time. My accent is terrible. But at the same time, I’ve had the opportunity to notice the english level of other europeans and it made me want to improve myself, for future projects, future trips, in order to be able to share more things with other people.”

“It was just a week, but it feels like a month… I like my life in Rennes, but still, I’ll probably cry when I’ll be back. [laughs]”

Judging by the remaining enthousiasm on the Facebook, Instagram and Whatsapp groups made by the training course members, it seems that Zoé is not the only one who wanted this autarky to last…

Clit.

COMME UN ENFANT QUI JOUE TOUT SEUL, RAPHAËL OU L’APPEL DE L’OCÉAN

Réussir dans la vie, la belle affaire… Mais réussir SA vie, c’est le défi de l’existence aussi longue que brève soit-elle. Barnabé Raphaël occupe de hautes fonctions dans la capitale, toujours happé par diverses activités. En réalité, il y a longtemps qu’il s’est dispersé dans des futilités, perdant de vue l’essentiel, l’existentiel, le luxe des petits instants, des petits riens et une part de son humanité.

ALAIN CADEO

Ainsi, avec le temps et les années, il serait devenu une machine de guerre froide, un robot, dépouillé d’émotions seulement destiné à être efficient et rentable pour ses employeurs, indifférent à ceux qui l’entourent. Mais la nature peut aussi rappeler d’aucuns à l’ordre et son cœur lui signale qu’il ne sera pas éternel. La machine peut aussi se gripper et alors l’urgence de donner du sens surgit. Et les vaisseaux du cœur de hurler de concert que cela suffit !

À la suite de ce coup de semonce, Barnabé Raphaël décide de mettre les « voiles » parce qu’il a perçu l’appel de l’océan, comme un rappel à l’ordre, comme un besoin imminent et brûlant d’un retour aux sources (on ne peut nier comprendre un retour à la matrice amniotique, celle source de vie). D’où cela vient-il ? Il y a parfois des choses que l’on n’explique pas, que l’on ne s’explique pas. Même quand ses plus proches ne sont plus, on ressent le besoin de retourner sur leurs traces pour les appréhender de nouveau. Et ce n’est pas, selon la plume d’Alain Cadéo, une réaction passéiste, c’est une manière de mieux se découvrir, mieux se comprendre et… peut-être de mieux dessiner le présent, l’avenir, le temps qui reste… Savoir adopter d’autres points de vue peut rendre plus fort, plus tendre aussi, plus humain surtout.

Au volant de sa bonne vieille automobile qui feule, qui sent bon le cuir, ce jeune quadra prend la tangente, va aspirer l’asphalte et va tracer son propre sillon en épousant les petites routes de France pour gagner la côte sud-ouest et retrouver l’océan de son enfance, quand il jouait tout seul… Les rencontres vont se multiplier au cours de ce road-trip et les personnes avec lesquelles il va échanger ne manqueront pas de relief, de charisme, simples mais toujours empreintes d’une grande humanité. Et n’oublieront pas de l’aider à trouver son chemin personnel, philosophique voire spirituel, le tout dans une poésie des mots comme Cadéo sait les employer à bon escient. Et Barnabé Raphaël aussi de redécouvrir le plaisir des sens…

Ailleurs, il y a Éléna, la belle Éléna, maman d’un petit Lorenzo, qui a vécu des choses lourdes, qui est passée par nombre d’épreuves et qui, aujourd’hui, tente de garder la tête haute, tout en silence, entourée par quelques femmes de sa famille. Éléna vit, elle, au bord de l’océan, dans une sorte d’auberge espagnole, de celle qu’on aimerait tant pouvoir dénicher pour s’y réfugier et s’y re-construire. Et ces femmes mises en scène par l’écrivain valent non un détour mais un séjour. Elles présentent toutes un caractère trempé et savent faire tourner leur monde, surtout les hommes, pauvres types restés enfants qui ne seraient rien sans elles. Car les femmes nous ouvrent les yeux comme elles nous les ferment.

Et si ces deux « cabossés » de la vie se rencontraient un jour ? Pourquoi pas, tout est envisageable dans un roman qui a le goût du sel comme des embruns. Qui a la force d’inertie de ces rouleaux que l’on peut côtoyer sur les côtes landaises. Et si en fait ils étaient liés Eléna et Barnabé ? Et si et si ? On peut tout piocher dans ce nouveau roman très fort d’Alain Cadéo. Difficile selon les pages de le ranger dans une catégorie. Ce qui serait risqué et trop facile. Cadéo est plus subtil que cela… Ce livre est UN roman mais aussi un conte philosophique, un essai sur le sens de l’existence qui met les sentiments, le désir, la puissance de la transmission en filigrane à chaque page.
Comme un enfant qui joue tout seul, se lit, mais surtout, se relit, et se relit et se relit et se relit… Avec bonheur !

Comme un enfant qui joue tout seul… d’Alain Cadéo– Éditions La Trace – 200 pages. Parution : 15 mars 2019. Prix : 18,00 €.

Couverture : Ed La Trace – Photo auteur Alain CADEO © DR

Retrouvez la chronique du précédent livre d’Alain Cadéo Des mots de contrebande.

CARE DE MÉLANIE PERRIER AU TRIANGLE, UN SPECTACLE PORTEUR

Jeudi 21 mars 2019, la chorégraphe Mélanie Perriercompagnie 2 minimum — invite le public à se questionner sur la relation à l’autre avec le spectacle Care (2016). Dans un univers où la musique, la lumière et la danse ne font qu’un, une ode à la sollicitude et à la vulnérabilité sera dansée au Triangle. Entretien avec la chorégraphe.

Care Melanie Perrier le triangle
Mélanie Perrier © Erik Houllier

Unidivers : Votre recherche tourne autour de la mise en relation de deux personnes, du duo en particulier. Comment en êtes-vous venue à vous orienter dans cette direction ?

Marine Perrier : Je travaille sur la question de la relation à l’autre depuis 25 ans, dès lors que j’ai entamé un travail dans le milieu de la danse. Selon le point de vue, c’est à la fois fichu ou bien parti pour continuer dans cette voie (rires). En termes d’écriture, je m’intéresse à la manière de modeler une relation. La relation à l’autre et le duo est un sujet extrêmement vague : quel est le type de relation ? Comment peut-on construire une relation entre deux partenaires ? Et quel type de danse se crée à partir du moment où on porte l’attention sur la relation au partenaire, et pas sur le mouvement que l’on fait ?

Unidivers : Sur le site de la compagnie 2 minimum, vous parlez de la relation entre la danse et la lumière, la lumière et la musique et la musique et la danse. En définitive, il est question de plusieurs duos qui se complètent et forment une boucle…

Marine Perrier : Exactement, plusieurs niveaux de relation peuvent se lire. Nous avons d’abord le noyau dur, ce qui réside à l’intérieur de deux personnes — ici les danseurs et danseuses.

La création d’un objet spectaculaire interroge le type de relation qui va se construire à partir de la danse et de tous les autres acteurs, la lumière et la musique. Chaque création représente une nouvelle relation à inventer sans a priori de départ, comme on peut parfois le penser, en particulier avec la danse et la musique. Je m’intéresse à la rencontre de ces deux disciplines : comment les faire se rencontrer et cohabiter sur un pied d’égalité ?

La lumière tient également une place importante dans mon travail depuis longtemps. Je pars du principe que la lumière ne fait pas qu’éclairer la danse. Un tissage entre les deux existe sans conteste, elle participe à la manière dont la danse va se construire et devient un vrai partenaire de danse. Ce mélange s’est peut-être joué de façon plus évidente sur Care ou Lâche, la précédente création. Selon les spectacles, je demande au créateur lumière de faire disparaître les interprètes afin de voir comment le public arrive à les visualiser après.

J’aime voir comment se crée un réseau de relations et fabriquer une œuvre où elles cohabiteront toutes.

Unidivers : Pour chaque spectacle, créez-vous en simultané la musique, la lumière et la danse ?

Marine Perrier : Les trois domaines sont effectivement travaillés quasiment en même temps. Cette façon de faire spécifique est étrangement trop rare à l’heure actuelle. Le créateur lumière reste les deux tiers du temps de la création, il participe à matérialiser l’environnement dans lequel évolue les danseurs et danseuses. La musique se crée avec la danse, donc il s’agit de créations originales live. Ce qui est le cas avec Care, la musique étant composée par Meryll Ampe.

Care Melanie Perrier

Unidivers : Le spectacle Care sera présenté au Triangle le jeudi 21 mars 2019. Vous y questionnez cette relation à l’autre à travers une figure emblématique en danse classique : le porté. Elle est présente pendant toute la durée du spectacle, mais jamais à son apogée. Plus que la figure en elle-même, de multiples significations du mot sont ici représentées…

Marine Perrier : Le travail chorégraphique de Care se place au-delà du formel. L’idée était de travailler la figure du porté sans reprendre complètement l’héritage classique. Sans vouloir réinventer de nouvelles formes à ce porté, Care interroge sa signification d’un point de vue émotionnel et relationnel plutôt que formel ou physique. Que signifie accepter d’être porté et de porter ? Au final, pourquoi se porte-t-on, qu’est-ce que cet acte signifie, et à partir de quand ça commence ? Ce n’était pas les interrogations de la danse classique, mais elles nous ont traversés tout au long du processus créatif de Care.

On peut tout à fait se sentir porté dès le moment où on s’appuie légèrement sur l’épaule de quelqu’un. On n’est pas obligé de se porter entièrement pour porter quelqu’un.

Unidivers : L’éthique du Care est une théorie de la sollicitude, née dans les pays anglo-saxons. Comment se traduit cette théorie à travers un spectacle de danse ?

Marine Perrier : L’idée n’était pas d’assembler une litanie de significations, mais plutôt de voir comment il était possible de traverser cette figure (le porté) à partir d’une lecture de l’éthique du Care. La figure du porté est extrêmement genrée en danse classique, l’homme porte la femme et dans l’imaginaire collectif général c’est ainsi. Care renverse la situation et essaie de contrecarrer cette idée de force et du sempiternel « je suis tellement fort que je te porte ». Il tente de valoriser la notion de vulnérabilité. Du soutien à la sollicitude en passant par le fait de retenir, contenir et contraindre également, la vulnérabilité ne concerne pas forcément la personne qui se laisser porter, mais également celle qui porte.

care

L’éthique du Care nous l’apprend, la vulnérabilité est une force, pas une faiblesse. Care est une façon de célébrer cet état.

Unidivers : Pourquoi avoir choisi un duo d’hommes et un duo de femmes ? Pour marquer une différence ?

Marine Perrier : Au contraire, cette composition des duos permet justement de montrer l’indifférence. Alors même que les deux duos interprètent la même chorégraphie, les spectateurs sont confrontés à comment ils envisagent ou perçoivent les choses. Au-delà de la manière d’exécuter les mouvements, deux femmes et deux hommes qui se portent ne renvoient pas au même imaginaire. Les hommes ont de la force, c’est un fait, nous l’avons retrouvé et traversé dans le processus de travail. Cependant, une femme est aussi forte qu’un homme et de manière fascinante, le public n’a pas la même vision face aux deux duos.

Pendant le processus créatif, on s’est demandé comment opérer : réduire la force chez les hommes, en ajouter chez les femmes ou mettre plus ou moins de douceur chez les uns et les autres. C’est heureusement beaucoup plus fin et complexe en règle générale et j’ose espérer dans le spectacle. Care touche du doigt cette question et cherche à montrer que la différence n’est plus forcément valable. C’est clairement une construction sociale et pas une capacité physique réelle.

Unidivers : Avez-vous ressenti cette différence dans l’avis de spectateurs ?

Marine Perrier : Ils ne cherchent pas tant de différences dans les gestes, car ils sont contraints de constater que les deux duos dansent la même partition. Les interprètes ne font objectivement rien, mais des gestes sont parfois perçus comme doux, érotiques ou autres. Leur regard circule entre les deux duos, c’est intéressant à observer.

Care est un spectacle qui fait du bien. Beaucoup de spectateurs mettent du temps à sortir de l’univers de Care et donc de la salle. Des câlins avec leurs voisins sont parfois échangés. Je pense qu’ils se connaissent, mais ce n’est peut-être pas le cas. Le spectacle produit un bel effet. Il vient toucher, au-delà des questions de genre, la propre sollicitude de chacun. Peut-être parce que le spectateur reconnaît avoir été porté et porteur à un moment de sa vie. D’une façon ou d’une autre, Care célèbre tout ça de manière assez puissante parce qu’il touche des endroits très intimes et profonds.

Care de Mélanie Perrier – Compagnie 2 minimum. Le Triangle, cité de la danse.
Jeudi 21 mars 2019, à 20 h.

 

conception et chorégraphie Mélanie Perrier / danseuses Doria Bélanger & Marie Barbottin / danseurs Massimo Fusco & Ludovic Lezin / création musicale en live Méryll Ampe / création lumière Mélanie Perrier / régisseur lumière William Guez / assistante en analyse fonctionnelle du corps dans le mouvement dansé Nathalie Schulmann / consultant cirque Alexandre Fray / administration de production Hélène dechezleprêtre
Coproductions : Le Manège de Reims – Scène Nationale de Reims, CCN de Caen – Normandie (dispositif artiste associée), La Villette, Ballet de Lorraine – CCN de Nancy, Musée de la danse – CCN de Rennes, Théâtre de Bretigny, Scène conventionnée / Soutiens : CESARE – Centre National de création musicale / La Brèche, Pôle National des Arts du cirque – Cherbourg Octeville, La Briqueterie – CDC du Val de Marne, Maison des Arts de Malakoff – Centre d’art contemporain, Théâtre Louis Aragon – Scène conventionnée danse – Tremblay en France, Théâtre de l’Agora – Scène Nationale d’Evry / Avec le soutien de la DRAC Ile-de-France – Ministère de la Culture et de la Communication au titre de l’aide au projet / Avec l’aide d’Arcadi Ile-de-France.
CARE a bénéficié d’un accueil en résidence de création à Césare, Centre national de création musicale – Reims. La création musicale de Méryll Ampe a bénéficié du soutien de Césare.
Avec le soutien de l’Onda – Office national de diffusion artistique.


INFOS PRATIQUES

Le Triangle – Cité de la danse
Boulevard de Yougoslavie
35 000 Rennes

Téléphone : 02 99 22 27 27

TARIFS

18€ plein
13€ réduit
6€ -12 ans
4€ / 2€ SORTIR !
PASS Triangle :
13€ plein
10€ réduit
5€ -12 ans
++ sieste sonore
jeu 21 mars 19:00
un sas avant le spectacle, préparé par Méryll Ampe, créatrice sonore du spectacle.
gratuit réservation recommandée auprès de l’accueil.

AUTOUR DE

• MAR. 12 MARS
• Atelier
• Atelier « Se laisser porter »
• JEU. 21 MARS
• Care Sonore

L’OVNI LITTERAIRE ATTERRIT DANS VOS SMARTPHONES

Alerte : L’OVNI, un nouvel objet littéraire, est en approche sur vos smartphones ! Conçu par le fringant Rennais Frédéric Martin, l’app L’OVNI est dès aujourd’hui disponible sur l’Appstore et GooglePlay. Peut-on présenter un ovni ? Qui d’autre que lovni.com est susceptible de mieux le faire ?

L’Ovni, c’est la réunion dans une application d’auteurs, d’éditeurs et de libraires pour vous faire voyager dans la galaxie des maisons d’édition francophones. Chaque semaine, découvrez des œuvres courtes et étonnantes pour vivre la littérature et les arts où que vous soyez: dans le métro, dans votre lit, à la plage, au travail. Tous ovnivores !

l'ovni

L’Ovni, c’est d’abord un rêve
Celui de rassembler dans un téléphone le plus beau de ce qui se fait dans l’édition francophone en matière de littérature et d’art. L’imaginaire en un clin d’œil dans votre téléphone.

lovni app

L’Ovni, c’est donc une application
Et un cabinet de curiosités perpétuel : chaque semaine, vous recevez des œuvres extraites du catalogue des éditeurs les plus variés (il y aura aussi des inédits et curiosités glanées sur les réseaux).

l'ovni app

L’Ovni, c’est aussi l’art du bref
Chaque œuvre se parcourt en quelques minutes. Que vous soyez dans le métro ou au bureau, dans une cachette ou sous la couette, vous pourrez embarquer en un clin d’œil pour des voyages et faire le plein d’imaginaire.

ovni

 

L’application est actuellement en phase de test
Jusqu’à cet automne, L’Ovni est gratuit et vous fait découvrir 7 œuvres par mois. À partir d’octobre 2019, L’Ovni décolle et vous proposera 7 œuvres par semaine. N’attendez pas pour devenir ovnivore !

Frédéric Martin
Frédéric Martin

À l’initiative du projet de L’Ovni, Frédéric Martin est aussi le fondateur des éditions Le Tripode. Échappé d’une ZEP, dopé dès son enfance à Francis Ponge et Arsène Lupin, diplômé de l’ESCP, il est adepte des nuits courtes et admirateur des Haïdouks.

L’app LOVNI est dès aujourd’hui disponible via le concepteur rennais Mobizel ou sur l’Appstore ou GooglePlay

Facebook, Twitter et Instagram pour suivre l’actualité de L’Ovni.

lovni

RÉVEILLE TA MOELLE, UN FESTIVAL POUR DANSER ET DONNER

Réveille ta moelle est la première édition d’un festival rennais qui mêle les musiques électroniques à un enjeu de santé, le don de moelle osseuse. L’association France ADOT 35 et le Crédit agricole se sont associés à six collectifs électro rennais pour une semaine de sensibilisation et d’événements musicaux qui a commencé dans les bars rennais et s’est poursuivie sur le campus de Rennes 2 avant une soirée de clôture à l’Ubu. Avec plus de 300 inscriptions sur le registre en une semaine, l’opération est un franc succès ! Entretien avec Jonathan Sablé, initiateur du projet, et Antoine Robin, DJ du collectif Turte Corp.

UNIDIVERS : À quoi ça sert au juste de faire don de sa moelle ?

JONATHAN SABLÉ : Quand quelqu’un est atteint d’une leucémie, d’un cancer du sang, d’une aplasie, c’est qu’il souffre d’un déficit de moelle osseuse. La moelle osseuse est composée des cellules souches qui servent à produire le sang. Si elle est en mauvaise santé, le sang aussi. Ce sont des maladies compliquées à gérer, pour lesquelles il n’y a pas de médicaments. La seule solution est la greffe grâce à un don. L’objectif du don est d’offrir au malade une nouvelle moelle à la fois compatible et en bonne santé.

ÖND signifie haleine, respiration, souffle mais aussi esprit et canard en Islandais. Après avoir exploré les joies du clubbing avec le projet Midweek, ÖND naît en 2014 à Rennes. C’est la promesse de nouvelles explorations sensorielles, l’éveil des esprits, la curiosité du regard. ÖND titille vos 5 sens au travers d’événements atypiques ouverts à tous. L’équipe de ÖND anime également une émission de radio hebdomadaire sur C Lab à Rennes. Nouveau venu sur la scène rennaise, Adam fera sa première date avec l’association lors de la soirée de clôture de Réveille ta moelle.

UNIDIVERS : Quels sont les enjeux de ce sujet à l’heure actuelle en France ?

JONATHAN SABLÉ : Aujourd’hui en France, il y a 290 000 personnes inscrites sur le registre de don de moelle osseuse. Ces inscriptions peuvent sauver des vies : quand quelqu’un tombe malade, on cherche une compatibilité dans ce registre. Plus il y aura de monde sur ce registre, plus il y aura de gens à pouvoir potentiellement aider les malades. En quelques chiffres, y a deux mille malades en France qui sont en attente de greffes, mais il n’y a qu’une chance sur un million de donner, et une chance sur quatre au sein de votre famille. Donc les 290 000 inscrits ne suffisent largement pas à sauver les malades qui sont toujours en attente de greffe. Pour comparer, en Allemagne il y a sept millions de personnes inscrites, au Royaume-Uni, en Espagne, en Italie on est à environ deux millions d’inscrits. Il y a une urgence : il faut s’inscrire sur le site de l’Établissement français du sang ou sur www.dondemoelleosseuse.fr.

UNIDIVERS : Comment expliquez-vous cette différence frappante de chiffres entre les pays européens ?

JONATHAN SABLÉ : Il n’y a pas la même stratégie de sensibilisation, la même envie, ni tout à fait la même culture du don. L’Allemagne par exemple est un gros pays de donneur de sang, les chiffres sont liés à cette culture de la sensibilisation au don. Aujourd’hui en France, on n’est pas inscrits en assez grand nombre pour pouvoir donner à tous nos malades.


Flou c’est l’histoire d’amis d’enfance qui se regroupent autour d’une passion commune : la musique électronique. Déjà 4 ans que l’association Flou investit Rennes avec passion dans la réalisation des soirées STORM et CELESTE à l’Ubu !

UNIDIVERS : En plus de votre statut de sociétaire du Crédit agricole, vous êtes bénévole à France Adot 35, la branche d’Ille et Vilaine de la Fédération des Associations pour le Don d’Organes et de Tissus humains. Quelles sont les actions que vous pratiquez habituellement ?

JONATHAN SABLÉ : France Adot a plusieurs missions. D’abord, la sensibilisation au don d’organes. Plusieurs bénévoles se rendent dans les lycées et collèges pour en discuter avec les jeunes. Ensuite, la sensibilisation au don de moelle. Cette mission est plus sporadique, elle est menée différemment puisqu’on ne s’adresse pas forcément aux jeunes en priorité. Nous serons à la foire de Rennes à la fin du mois de mars, il y a la semaine de la sensibilisation au don de moelle osseuse une fois par an, et nous participons plusieurs actions ponctuelles tout au long de l’année avec des partenariats différents, comme ASKORIA, ou des universités.

UNIDIVERS : Comment est né le projet Réveille ta moelle ?

JONATHAN SABLÉ : J’ai donné ma moelle il y a quelques années et j’ai été sensibilisé au sujet. J’ai été voir France ADOT 35 pour leur proposer mon aide. On a fait un état des lieux il y a un an, dans lequel on s’est dit qu’il fallait recruter des jeunes.

Plus on est inscrit tôt, plus on restera longtemps inscrit sur le registre, plus on aura de chance de donner à quelqu’un un jour dans sa vie.

Je suis aussi élu de la caisse locale du Crédit agricole où des budgets existent pour financer des initiatives locales qui dynamisent notre territoire. On a donc mêlé le financement du Crédit agricole, mais aussi des bénévoles sociétaires de la banque, et des bénévoles de France ADOT 35 pour monter un projet. En réfléchissant à comment sensibiliser les jeunes, on a envisagé un événement à la fois pédagogique et ludique. On a donc prévu une semaine de sensibilisation qui se clôturerait par un événement festif.

Par un ami en commun, je connaissais le collectif Flou, originaire de Servon-sur-Vilaine comme moi. Je les ai rencontrés en septembre dernier et leur ai confié la partie festive de l’événement. Pour ce faire, ils se sont associés avec les collectifs Chevreuil, ÖND, Pulse Msc, Turtle Corporation, Organisme Texture et les scénographes de l’Asso More. Ils ont carte blanche sur la programmation et la scénographie de la soirée à l’Ubu du 6 mars. On se disait que si les gens repartaient du concert avec un bon souvenir, ce serait un excellent moyen de sensibilisation au problème du don de moelle osseuse.


Chevreuil est un collectif rennais qui à travers l’organisation d’événements culturels, graphiques et musicaux, partage sa vision de la fête et de la musique. En plus d’artistes renommés, il s’attele à promouvoir les talents de ses différents membres et de la scène locale !

UNIDIVERS : Qu’est-ce qui a motivé ce rassemblement des collectifs rennais ?

ANTOINE ROBIN : Ce n’est pas le premier événement dans le genre, à Rennes on pense à Concert Against Cancer. C’est tout simplement pour la bonne cause. Les collectifs rennais s’entendent très bien entre eux, ce qui est une force. Ici, on se rassemble pour faire passer un message, pour sensibiliser à une cause qui est rarement mise au premier plan. On espère que réunir des collectifs actifs sur le bassin rennais en organisant trois soirées donnera plus de visibilité à la question.

UNIDIVERS : Un certain imaginaire collectif associe la musique électronique aux excès inhérents à la fête. Y avait-il une volonté de rompre avec cette image ?

ANTOINE ROBIN : On ne cherche pas du tout à redorer l’image vieillotte que pourraient avoir certaines personnes des musiques électroniques, ce n’est pas le débat pour nous. Même si les consommations excessives peuvent être une réalité du milieu festif, je pense que cette image est de moins en moins admise communément. Il suffit de comparer les réactions qu’ont suscitées les musiques électroniques en arrivant en France il y a trente ans à leur développement actuel. Non seulement des soirées sont organisées dans les boites de nuit et les salles de concert, mais on obtient aussi beaucoup plus facilement des autorisations pour créer des événements sur le domaine public. À Rennes, par exemple, c’est la troisième année que le Made Festival investit le Parc des expositions et il y a beaucoup d’open airs organisés. On a beaucoup plus la confiance des autorités par rapport au passé.


Fondée en mars 2017, Turtle Corporation amène un visage nouveau à la musique électronique rennaise. À travers une équipe de 8 artistes, elle sillonne la région Bretagne afin de faire découvrir son univers. L’amitié, la découverte et le partage sont les mots qui se rapprochent le plus de ce que Turtle Corporation veut proposer à son public. Le collectif vient d’annoncer la seconde édition de Rivage qui aura lieu sur trois jours le weekend du 1er juin 2019.

UNIDIVERS : En quoi la fête peut-elle être un lieu de sensibilisation ?

ANTOINE ROBIN : La fête rassemble. Et cela fait qu’on parle du sujet. C’est un nouvel espace de diffusion pour les bénévoles de France ADOT 35, et il y a un relais sur les réseaux sociaux et dans les médias. L’événement crée l’intérêt. Tout le monde n’est pas obligé de faire un don, mais en parler c’est déjà sensibiliser. Quand on sait le succès des soirées électro chez les jeunes du bassin rennais, créer un événement de ce type semble une bonne façon de rassembler et de communiquer autour d’un sujet, plus efficace sans doute qu’un article sur internet ou dans les journaux.

Créé il y a 5 ans maintenant, Pulse Msc est une organisation qui s’est développée grâce à la publication de podcasts et l’organisation d’événements, partagés entre house et techno. L’association a depuis poussé plus loin sa démarche en lançant début 2017 un label focalisé sur la house. En 2 ans, la maison de disques Pulse Msc a grandit de façon exponentielle, grâce à de belles sorties qui ont vu se succéder des artistes émergents et d’autres plus confirmés. La partie techno n’est pas en reste puisque l’organisation s’est encore étoffée cette année en lançant ALK Recordings.

UNIDIVERS : Comment se déroule l’événement ?

JONATHAN SABLÉ : Deux befores ont déjà eu lieu dans des bars, au Chantier et au Barexpo. C’est une idée des collectifs rennais. Des bénévoles de France ADOT 35 étaient présents pour expliquer ce qu’est le don de moelle. On a même enregistré des pré-inscriptions envoyées à l’EFS, qui ne tardera pas à contacter les personnes pour finaliser l’inscription dont la prise de sang.

Lundi 4, mardi 5 et mercredi 6 mars, de 10h à 18h, les bénévoles de France ADOT 35 et du Crédit agricole seront présents sur le campus Villejean de l’Université Rennes 2 pour rencontrer les étudiants. Il y aura une distribution de barbe à papa pour grignoter en discutant. Si les gens sont convaincus, il y aura des médecins de l’EFS au Tambour pour réaliser les inscriptions au registre.

Texture est une famille créative rennaise œuvrant dans le domaine de l’événementiel, regroupant plusieurs amis qui ont choisi de réunir leur savoir-faire pour travailler ensemble sur des projets artistiques et musicaux. L’objectif principal du collectif est de proposer des événements conviviaux, insolites et musicaux, comme par exemple leur festival TXTR, dont la troisième édition se prépare. DJ et producteur du collectif, Yann Polewka sort prochainement un EP sur le label Pétrole.

Le concert du mercredi à l’Ubu débute à 22h. Il est gratuit sur inscription. On n’est pas à même de faire une sensibilisation pédagogique dans les conditions d’un concert électro, ce n’est pas l’objectif. On veut avant tout que les gens passent une bonne soirée et n’oublient pas pourquoi ils sont venus. On distribuera des sacs contenant des prospectus d’information et le formulaire d’inscription au registre. Même si ce ne sera pas forcément le lieu pour lire cette documentation, les bénévoles seront présents pour discuter avec le public. Parmi les jeunes, beaucoup ignorent ce qu’est le don de moelle osseuse, et ils peuvent avoir des préjugés ou des inquiétudes. On sera là surtout pour rassurer les gens, pour les informer sur les conditions de prises en charge, désormais très confortables, qui sont mises en place pour le cas où une personne est appelée à donner.

France Adot prévention réveille ta moelle

UNIDIVERS : Y a-t-il des conditions particulières pour donner sa moelle osseuse ?

JONATHAN SABLÉ : Pour s’inscrire il suffit d’avoir entre 18 et 51 ans et d’être en bonne santé. Un test salivaire ou sanguin est réalisé pour déterminer les compatibilités, et il faut ensuite rester en contact avec l’Agence de la biomédecine qui gère le registre. Il faut aussi savoir que ce n’est pas parce qu’on ne peut pas donner son sang qu’on ne peut pas donner sa moelle, les conditions d’exclusion sont beaucoup moins nombreuses.

Asso More Ftne réveille ta moelle
Crédit : Ftne

L’Asso More est une équipe de scénographe fondée en 2013. Ils travaillent régulièrement avec le collectif Pulse MSC pour créer des décors toujours inventifs !

Toutes les informations sont à retrouver sur l’événement facebook Réveille ta moelle #1.

Programmation musicale de la soirée :

Adam et Fⱥje
Brender et Ømnis
Yann Polewka et Abile

https://www.youtube.com/watch?time_continue=13&v=_9c2bxU6YhY

Retrouvez toutes les informations sur le don de moelle osseuse en cliquant ici.

En guise de bilan, le communiqué de presse de Réveille ta moelle :

Le Réveille Ta Moelle #1 a été un gage d’espoir pour les malades en attente d’une greffe de moelle osseuse.

Malgré la météo capricieuse sur le campus de Rennes 2, les étudiants se sont pressés en nombre auprès des médecins de l’EFS pour s’inscrire sur le registre des donneurs volontaires de moelle osseuse. C’est un record inattendu avec près de 250 nouvelles inscriptions enregistrées en trois jours. Elles ont été permises par l’accueil et la sensibilisation des bénévoles de France ADOT 35 et des élus des caisses locales rennaises du Crédit Agricoles, alors merci à eux. Merci à tous les bénévoles qui ont soutenu ce projet : “On était loin d’espérer autant d’engagement auprès d’un public que l’on croit à tort désensibilisé”.

Pour fêter cela et clôturer comme il se doit cette première édition, l’équipe organisatrice était fière d’afficher complet au concert à l’UBU; les DJs rennais ont mis l’ambiance tandis que la sensibilisation continuait. Ainsi plus de 50 nouvelles inscriptions se sont ajoutés aux 250 premières. Un travail de fond dans des conditions originales mais important et indispensable pour sensibiliser les 400 jeunes présents. Les collectifs électro nous ont soutenus dans ce projet en jouant le jeu de ce défi : proposer par les jeunes, pour les jeunes.

Encore merci à tous ceux qui se sont inscrits, à tous les bénévoles et aux partenaires. ​Des remerciements à la hauteur de la réussite de cette première édition, toute l’équipe du Réveille Ta Moelle vous donne rendez-vous pour le #2 !!!

Pour fêter cette réussite et parce que la sensibilisation continue, France Adot 35 et les collectifs rennais vous invitent à une dernière soirée, l’after Réveille ta moelle.

ROCK RENNAIS. THE FREAK DE DJIIN PREMIER ALBUM PROMETTEUR

Après avoir multiplié les concerts en Bretagne, en France et même en Europe, le quatuor rennais Djiin sort The Freak, son premier album studio, ce jeudi 14 mars. Un curieux mélange de rock psyché progressif bien agressif et de douces sonorités orientales posées par la harpe et la voix de Chloé Panhaleux. Une vraie réussite.

L’histoire du groupe démarre dans un café à Rennes. Surpris par le timbre grave de la voix de Chloé Panhaleux, le batteur Allan Guyomard, le bassiste Johann Godefroy et le guitariste Tom Penaguin l’invitent à une répétition. Elle apporte son instrument de prédilection : la harpe. Le mélange est parfait : Djiin est lancé. Ce jeudi, le groupe de stoner/psyché sort son premier album The Freak lors d’une soirée au 1988 Live Club à partir de 20 h. Avant cela, nous avons bavardé avec la chanteuse du groupe.

UnidiversComment appréhendez-vous la sortie de ce premier album studio ?

Chloé Panhaleux — J’ai un peu peur à vrai dire. C’est le premier album d’un groupe qui est plus live que studio. Je n’aime pas ça le studio, j’ai beaucoup de mal à chanter. En plus on l’a fait avec nos propres moyens, avec l’aide de Justin Nicquevert du studio Blue Anvil Sound de Rennes. Tous les contributeurs y ont vraiment mis du cœur. C’est pas mal de stress, car il y a beaucoup de choses à gérer lors d’une sortie d’album.

« L’album ? on a tout fait en deux mois »

De gauche à droite : Allan Guyomard, Tom Penaguin, Johann Godefroy et Chloé Panhaleux.Djiin

UnidiversDepuis combien de temps travailliez-vous sur cet album ?

Chloé Panhaleux — On y pense depuis environ deux ans. Mais nous avons tout fait en deux mois à partir de décembre dernier. On y a inclus trois morceaux inédits avec pas mal de titres récents qu’on a déjà pu jouer. Après, c’est difficile de définir notre musique. C’est assez expérimental on est dans le rock touareg et progressif avec des sonorités orientales. Notre bassiste est d’origine malienne et on est touchés par cette culture.

UnidiversComment composez-vous ?

Chloé Panhaleux — Généralement, Johann nous amène un riff de basse. Ensuite, chacun apporte une partie suivant sa personnalité et ça va très bien avec les paroles que j’écris. Les passages un peu plus décalés, c’est Tom. Et les parties plus énergiques et psychédéliques, c’est Allan. C’est pour cela que chaque morceau de l’album est lié, car chacun a mis de sa personnalité. Ce qui explique aussi l’aspect expérimental.

UnidiversLe djin est une créature mythique de la religion musulmane qui prend le contrôle du mental des humains. C’est ce que vous faites ?

Chloé Panhaleux — Oui complètement. On est toujours dans l’esprit surréaliste. C’est ce qui explique la pochette de notre CD créée par Tessa Najjar, avec la chimère à tête de loup et de lion à queue de serpent et à corps d’aigle. Chaque animal représente un membre du groupe suivant sa personnalité. Johann c’est la force tranquille du lion, Allan l’aigle et le guide, Tom le serpent, car toujours à lâcher un commentaire juste qui calme tout le monde et moi une louve prête à protéger la meute. Pas évident à décrire !

Djiin
Après un premier album live en 2017, le groupe rennais sort The Freak, son album studio le 14 mars 2019.

« C’est important pour nous d’aller voir ailleurs ce qui se fait comme musique et comme type de festival »

UnidiversVous avez fait une tournée avant même la sortie de l’album. Ça vous a aidé pour sa production ?

Chloé Panhaleux —On a fait une petite tournée d’essai en France et en Allemagne. Cette expérience était très importante même si c’était beaucoup d’adrénaline et de stress. C’est là que tu sais si un groupe va s’inscrire dans la durée, c’est sur sa capacité à résister à une tournée. On a fait plusieurs dates avec d’autres groupes comme Glowsun ou Howard et surtout Fuzzy Grass, avec qui ça a bien accroché. On fait d’ailleurs la majorité de notre prochaine tournée avec eux. Ça nous a permis d’avancer, car le stoner-psyché est un petit réseau. On est partis assez tôt à l’étranger et surtout en Allemagne. C’est très lié à ma vie et je voulais absolument y emmener Djiin là-bas. Maintenant ce n’est pas terminé, on va en faire une autre à partir du 14 mars jusqu’au 9 mai toujours en France et en Allemagne, mais aussi en Belgique.

Djiin a déjà sorti un album live en 2017 après son concert au festival de l’œil glauque. Djiin

Unidivers — Cela voudrait donc dire que le rock n’est pas mort ?

Chloé Panhaleux — Il y a encore un énorme public, mais je constate qu’il est divisé en deux parties : l’une qui va toujours aux concerts, et l’autre, bien plus majoritaire, qui est un peu restée dans les années 1970 à acheter les CD et vinyles de l’époque plutôt que de rechercher les nouveautés. Après je remarque aussi que l’industrie musicale ne s’axe plus sur le rock. Déjà parce que ça marche moins bien que l’électro ou le rap, mais aussi parce qu’avec toute la législation, un groupe de rock c’est cher entre le groupe et le matériel. Un artiste seul c’est moins couteux. C’est le but de la soirée de l’association ERATO : promouvoir la scène rock. Ici à Rennes on a de la chance, car c’est une ville qui se bat pour garder vivante cette musique. Ce n’est pas le cas partout.

Erato
La communication des arts, la complémentarité des arts voilà l’idée phare du projet qui a vu le jour le 28 octobre 2017. Des concerts mêlés à des expositions, fresques libres, bœufs et bodypainting, plongeant le public dans une ambiance synesthésique et les impliquant dans les œuvres qui les entourent.

Unidivers — Parle-nous un peu du programme de ce soir…

C’est une soirée qui se passe au 1988 Live Club à partir de 20h ce jeudi. Trois groupes s’y produiront. Tout d’abord Maidavale, un groupe psychédélique formé par quatre Suédoises, Djiin où nous jouerons tous nos nouveaux morceaux et Howard, avec qui nous avons déjà tourné, qui est un groupe parisien avec un orgue à la place de la basse. L’entrée est à 12€.

erato djiin release party
Cliquez pour accéder à l’événement Facebook.

Release Party : Jeudi 14 mars à partir de 20 heures au 1988 Live Club. 10 € en prévente, 12 € sur place.

Djiin — The Freak : Disponible le 14 mars. 5 € le CD et 20 € le vinyle en précommande lors de la soirée.

Chaîne Youtube

Genre
Stoner psychédélique

Membres du groupe
Chloé Panhaleux – Lead Vocals / Electro Harp,
Johann Godefroy – Bass / Backvocals,
Tom Penaguin – Guitar/ Backvocals,
Allan Guyomard – Batterie/Backvocals

Ingénieurs son : Justin Nicquevert
Technicien vidéo : Florent Allain
Graphiste : Amandine Panhaleux et Tessa Najjar

L’affiche de la tournée de Djiin qui jouera avec Fuzzy Grass, Howard, Glowsun et Nobody’s Cult.

 

QUE DIRE DE SÉROTONINE DE MICHEL HOUELLEBECQ ?

Bien peu évident d’écrire quelques lignes de plus sur Sérotonine, le dernier roman de Michel Houellebecq, sorti début janvier chez Flammarion. D’autant plus si on se risque à consulter toute la presse qui entoure ce nouveau récit. Depuis des années, d’aucuns écrivent tout et son contraire à propos des livres de Houellebecq. En moins de vingt ans, l’écrivain dépressif est devenu la coqueluche des médias ; il faut dire qu’avec sa gueule et son phrasé, il est plutôt bon client et si bon communicant par sa non-communication récente.

Michel Houellebecq

Comme Houellebecq ne veut voir ni rencontrer personne, tout le monde le sollicite ou le traque, c’est encore plus idoine à l’époque cette manie de vouloir tout savoir de quelqu’un. Enfoirés de voyeurs ! Mais le bougre est malin. Sitôt la sortie de son nouveau livre effectuée, il disparaît, protégé tant par son éditrice que par son agent. N’a-t-il pas raison au fond de fuir le petit cénacle médiatique ? Chacun jugera. Après tout, Houellebecq fascine encore plus quand il se tait. Houellebecq fascine certaines et certains par ses livres, parce qu’il a son style bien à lui, qu’on aime ou qu’on déteste. Houellebecq est un écrivain du moment. Traversera-t-il les époques, laissera-t-il un réel souvenir via ses écrits ? C’est une autre histoire… Et probablement s’en moque-t-il d’ailleurs, cet éternel provocateur qui est si bien élevé qu’il en paraît suspect.

Sérotonine Michel Houellebeq
Sérotonine… Les uns se pâment devant ce nouveau roman ; les autres crachent dessus ou jurent avec dédain que pas même ils ne se torcheraient le cul avec. Mais de quoi traite réellement Sérotonine ? De l’histoire d’un type qui va mal, très mal (thématique chère à Michel Houellebecq), et qui se décide à prendre un antidépresseur pour tenter non pas d’aller mieux, mais d’aller moins mal en attendant la mort. De l’Espagne à Niort, de Niort à Paris, de Paris au Cotentin et à la Suisse romande, le personnage traîne son ennui, sa solitude et son chagrin (si si il est capable de chagrin) en se rappelant ses amours défuntes, toutes celles qu’il a vécues et détruites parce qu’il n’allait pas bien, parce qu’il se pensait incapable d’aimer, de partager avec une autre, l’être « aimé ». Inapte au bonheur.

Passons sur le sexe et les pulsions provoquées par des lolitas (souvent asiatiques)… Avec les doses de médocs qu’il s’envoie, son appendice reste désespérément mou. Passons sur son empathie, elle semble être totalement absente de son registre de vocabulaire comme d’esprit… Passons sur sa propension à la sociabilité, il en est sauvagement dépourvu, seulement ou presque enclin à avancer seul face à lui-même. D’hôtels de deuxième zone, de chaînes de restaurant en zones commerciales, ce cadre agronome aisé s’emmerde sans emmerder les autres. Il attend quoi au juste pour se jeter un coup de pied au cul pour rebondir ? On ne sait pas ; on ne saura pas… Crever, peut-être… Se foutre en l’air ? Pas même. Il n’a pas ce courage, car il faut du courage pour s’ôter la vie ou même parfois celle des autres, celle de celles et ceux qui vous auraient offensé.

Ce roman est une photo longue à dérouler (le rythme est volontairement lent)… Un travelling de 350 pages sur l’état d’esprit d’un type d’aujourd’hui qui aurait réellement pris conscience du monde dans lequel il vit. Un désenchantement permanent dans une société qui meurt à petit feu. C’est cynique ? C’est tragi-comique ? C’est souvent cynique avec Houellebecq parce que nos vies actuelles sont cyniques. Et nous sommes si pathétiques que cela pourrait presque en devenir comique si nous avions réellement conscience de notre décadence, de notre pathos, de notre vulgarité…

Tout y passe ou presque : les familles décomposées jamais recomposées, les campagnes abandonnées, l’ultralibéralisme qui conduit à toutes les folies, l’abandon de l’agriculture, la malbouffe, la pornographie, la mort du romantisme (car oui oui, Houellebecq est un romantique), la puissance de l’argent qui nous ronge, la course au pouvoir, le désespoir intergénérationnel et transgénérationnel, la religion qui ne tient plus les peuples, la politique qui a disparu ou encore la nécessité de ne plus se reproduire parce que tout est foutu, parce que plus rien ne vaut le coup… à part peut-être quelques cachetons de Captorix (nom fictif de l’antidépresseur que prend le narrateur comme on boufferait des Smarties) pour contempler un pays décrit comme étant au bout du rouleau. Le tout arrosé de quelques verres d’alcool, de centaines de clopes, tant qu’à faire…

Et si Houellebecq était plus visionnaire qu’il ne s’en défend ? Et si Houellebecq était un fin observateur de notre époque ? Et si Houellebecq racontait mieux que personne en sociologue aiguisé, avisé et déguisé en écrivain l’état dans lequel est la France du moment ? Et si c’était vrai ?

SérotonineMichel Houellebecq – Éditions Flammarion – 350 pages. Parution : janvier 2019. Prix : 22,00 €.

Houellebecq Sérotonine

Michel Houellebecq est romancier, essayiste, poète, considéré par de nombreux critiques comme l’écrivain français le plus marquant de notre époque, il est lu dans le monde entier depuis Extension du domaine de la lutte (1994). Il a reçu le prix Goncourt pour son roman La Carte et le territoire, en 2010. Soumission, paru en 2015, a suscité admiration et polémique ; il a été un best-seller dans la plupart des pays européens.

ALGÉRIE. LE POUVOIR VEUT BOUTEFLIKA ET LE PEUPLE VEUT BOUTER FLIKA !

L’extension du quatrième mandat du chef de l’Etat algérien, Abdelaziz Bouteflika, ne passe toujours pas auprès de la population. Les manifestations de désenfle pas depuis trois semaines en Algérie. Un millier d’enseignants et d’élèves manifestent ensemble ce mercredi dans le centre-ville d’Alger contre le prolongement du quatrième mandat du président Abdelaziz Bouteflika et pour « un meilleur avenir ».

RENNES. LES PREMIÈRES IMAGES DE LA LIGNE B DU MÉTRO

Avec une ouverture prévue fin 2020, les Rennais ont déjà pu voir le réaménagement des places autour de la ligne B du métro de Rennes. Mais qu’en est-il des stations sous terre ? Voici les premières images de la station Mabilais. La ligne B réserve aussi quelques nouveautés…

« La station est bien avancée », lance Jean-François Lescoat, chargé de communication de la société SEMTCA, une des entreprises constructrices de la ligne b de Rennes. À la station Mabilais, l’habillage et le carrelage sont sur la finition. « Nous sommes dans les coûts et dans les temps », ajoute-t-il. Après avoir creusé 8,6 km de galerie pendant 3 ans, la station commence à montrer le bout de son nez avec quelques nouveautés…

Frauder dans le métro sera désormais plus difficile. © Artefacto

Nouvelles voitures, stations plus grandes et portillons antifraude

Le premier élément remarquable est la grandeur de la station. « Les normes de sécurité ont évolué depuis 2002 et l’inauguration de la ligne A. Les installations seront plus larges et donc les quais plus grands. Ce qui nous offre la possibilité d’ajouter une troisième voiture », commente Jean-François Lescoat. Ce wagon supplémentaire permettra aux passagers de circuler entre les voitures. En outre, les portes seront plus larges pour faciliter les allées et venues. « Il n’y en aura plus que deux, mais ce sera plus simple pour les personnes à mobilités réduites de passer ».

« Nous sommes en phase de second œuvre. La station a bien avancé ».

Si les ascenseurs gardent le même fonctionnement, il faudra désormais franchir un portillon comme on peut en trouver dans le métro de Paris. « Le nombre de fraudes a considérablement augmenté. On espère avec ces portiques la réduire de 30% ». Enfin, à l’intérieur des voitures, les indications concernant les autres lignes seront plus fournies.

METRO RENNES TRAVAUX
La station Mabilais : plus grande et plus lumineuse que les stations de la ligne A © Artefacto

Avec cette deuxième station, les lignes de bus devraient être revues. De même, les gares avec des accès doublent comme Saint-Anne et la gare verra son nombre d’usagers augmenter. Le nouveau métro sera plus rapide avec une vitesse commerciale de 38km/h. Il faudra compter 21 minutes de Saint-Jacques-Gaîté à Cesson-Viasilva sur la ligne B.

Effondrement et accidents

De près de 1000 personnes travaillant sur ce métro en début de chantier, ils ne sont plus que 300 sur toute la station aujourd’hui. « Il s’agissait du génie civil au début avec la pose de 92000 m² de béton. Aujourd’hui on est sur les lumières et les réglages techniques pour le passage du métro, en plus de la confection des places autour des stations ». En bref, il reste du pain sur la planche. »La difficulté est le jeu sur les dimensions. Ça se joue à un centimètre près ».

METRO RENNES TRAVAUX LIGNE B

Forcément, un tel chantier ne s’est pas fait sans risque. « Nous avons malheureusement accusé deux accidents graves sur toute la construction. Aujourd’hui, ils sont dans un état stable », explique Jean-François Lescoat. Il a également confirmé le lien entre l’effondrement du magasin Noz du centre-ville et la construction de la deuxième rame. « Il y a eu une poche d’air au cœur de la terre, mais les ouvriers n’en avaient pas tenu compte à ce moment-là. Désormais, nous sommes sur nos gardes à la moindre alerte ».

Portes ouvertes le 18 mai et visites virtuelles

Il est déjà possible de visiter virtuellement les différentes stations de métro sur ce site. De plus, une porte ouverte sera proposée le 18 mai dans quatre stations : La Courrouze, Cleunay, le Gros Chêne et Colombier. Vivement l’inauguration !

 

Toutes les stations en visite virtuelles sont à retrouver ici.

Sur Smartphones et tablettes : téléchargez l’application Métro ligne b Rennes – 3D sur Google Play ou AppStore.

covoiture appli

Photos : Caroline Morice

 

JUNIOR DE JB BULLET, UNE CHANSON VIRALE POUR LA CAUSE ANIMALE

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Après avoir connu le buzz avec sa chanson Je suis Charlie, JB Bullet est revenu en mars 2016 avec JUNIOR porté par un duo musical en compagnie de Jérémy Bellet. La nouvelle chanson surfe sur le thème de la défense de la cause animale en dénonçant les animaux, en l’occurrence un chien, abandonné à l’orée des vacances et des bois. JUNIOR connait un succès mitigé avec 11 000 vues en 3 ans.

https://youtu.be/AOAG66fFC2k

Mais, énigme et efficacité des réseaux sociaux, le 7 mars 2019, il (re)publie la même vidéo et connait un succès rapide. Plus de 30 000 vues, 200 likes et plus de 1 500 partages sur Facebook en quelques jours.

Le relai des associations et organisations dédiées à la protection animale ont certainement contribué à ce succès auprès des internautes inscrits sur Facebook. Un élément de plus en faveur de la sensibilisation aux droits des animaux.

CULTURE CLUB AVEC THYLACINE A LA MJC DU GRAND CORDEL

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Culture Club pose ses caméras à la MJC du Grand Cordel à Rennes Beaulieu. L’émission Culture Club animée par Thibaut Boulais en compagnie de Nicolas Roberti est tournée chaque mois dans un lieu emblématique de la Métropole de Rennes. TVR et Unidivers – 2 regards culturels en 1 pour le même prix (gratuit). Essayer Culture Club, c’est l’adopter !

A LA MJC GRAND CORDEL enrichi du bestiaire désenchanté d’Ador et sa relecture d’Omar m’a tuer
Invités :
Thylacine, le musicien présente son dernier album enregistré sur la route en Argentine
Cécile Vautier qui décrypte l’art urbain à Rennes
Laetitia Degeuse, directrice du Grand Cordel et Nicolas Roberti du webzine Unidivers.

BRASIER NOIR, UN ROMAN NOIR INCANDESCENT SIGNÉ GREG ILES

Avec Brasier Noir, le romancier américain Greg Iles ouvre une trilogie exceptionnelle, qui se poursuit avec la parution actuelle de L’arbre aux morts. L’écrivain nous emmène dans les recoins les plus sombres et sordides de l’histoire des États-Unis. Prodigieux et irrespirable.

BRASIER NOIR

Un lecteur averti en vaut deux. Alors avant de commencer cet énorme ouvrage, prenez votre souffle, ralentissez votre respiration, car vous allez entrer en apnée pendant plus de mille pages, mille pages qui vont vous tenir en haleine, vous faire rencontrer des personnages inoubliables, vous hanter même en dehors de longues heures de lecture. C’est l’ignominie, l’horreur d’une société raciste dans les années soixante dans l’État du Mississippi que nous raconte l’auteur rendu célèbre avec son premier roman consacré au criminel de guerre Rudolf Hess, un rapprochement historique pas anodin quant au degré de l’horreur.

GREG ILES

 

Bien entendu qui dit roman policier, dit intrigue, suspense, et Greg Iles tire toutes les ficelles du genre, nous incitant à tourner à chaque fois la page et à prolonger notre lecture jusque tard dans la nuit. Un père médecin accusé de meurtre sur son ancienne maîtresse noire, un fils maire de la ville de Natchez, se débattant avec l’image idéalisée de ce père a priori irréprochable, un chef mafieux, des meurtres, des vengeances, des complots, forment la structure solide et haletante du livre.

KU KLUX KLAN

Mais la force de l’ouvrage réside avant tout dans la description de la société américaine, dans ce Sud des années soixante où les tirs de la guerre de Sécession résonnent encore dans les esprits marqués notamment par les assassinats de Martin Luther King, John Fitzgerald Kennedy et Bob Kennedy, les « trois K » comme les trois K du Ku Klux Klan. Cette société secrète est trop tendre pour quatre assassins fondateurs de Aigles Bicéphales qui vont, au nom de la supériorité de la race blanche instaurer un ordre racial démoniaque et totalitaire. Quarante ans plus tard, les cadavres écorchés, dépecés, démembrés reviennent à la surface et Greg Iles nous narre une Amérique contemporaine, toujours hantée par ces horreurs. La description des relations humaines au sein d’une petite ville côtoie l’ahurissement devant les effets dévastateurs de shérifs et de procureurs élus, souvent véreux et corrompus dans un système judiciaire qui fait froid dans le dos. Même le mythique FBI ne ressort pas indemne de ces enquêtes.

Greg Iles est un écrivain, un grand écrivain et ces constats nous sont amenés en douceur, sans effets de manche, simplement en racontant avec des mots justes, des histoires dont il nous précise qu’elles sont inspirées de « véritables affaires », même si les résolutions romanesques de celles-ci diffèrent de la réalité. Les personnages et leur histoire traversent celle de leur pays et la confrontation générationnelle est passionnante, permettant d’établir un pont entre les années soixante et celles du XXIe siècle, dévoilant un socle raciste toujours solide et fondateur et dévoilant des hypothèses probables sur l’assassinat de JKF et le rôle de la mafia. Histoire quotidienne locale et histoire nationale se confondent pour tisser une toile lisible de tous, fondée sur la couleur de peau.

Ça ne vous dérange pas d’avoir du sang noir sur la peau ? Tom éclata de rire. Il y a une chose que j’ai apprise quand j’étais aide-soignant sur le front : quand on saigne, on saigne tous de la même couleur.

Greg Iles ne nous pas lâché, il nous a tenu la tête hors de l’eau jusqu’au dénouement final haletant, mais nous a fait plonger dans les miasmes les plus sordides et horribles de l’histoire raciste des États-Unis. Un pays dont on comprend au fil de nombreuses lectures qu’il est construit sur une histoire fantasmée et dont François Busnel dans son remarquable édito de la dernière livraison de la revue America écrit : “Croire à la prééminence de la couleur de la peau, penser que cela reflète des caractéristiques plus profondes et, par conséquent, contribue à l’organisation de la société, voilà qui fonde la conviction d’une nation qui continue, sous le règne de Trump, à croire qu’elle est blanche. Contre toute évidence et de manière tragique”. Le livre de Greg Iles illustre parfaitement cette affirmation et renvoie l’Amérique à ses démons originels. Qu’elle n’arrive pas à vaincre pour l’instant.

Brasier Noir de Greg Iles. Éditions Actes Sud. Collection Actes noirs. Mai 2018. 1046 pages. 28 €. Traduit de l’anglais (États-Unis) par : Aurélie TRONCHET.

l'île aux morts greg iles

Le deuxième tome “L’arbre aux morts” est sorti en janvier 2019 (même collection pour “seulement” 970 pages).

LA REVUE GRENOUILLE A GRANDE BOUCHE DEGUSTE NOTRE SOCIETE

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La revue Grenouille à Grande Bouche, c’est, tous les deux mois, 1 thème et 3 cahiers (culture, cuisine, société) pour raconter la société à travers ce que l’on mange ! Numéro 1 spéciale soupes ! Qu’elles soient populaires, industrielles, musicales, d’ici ou d’ailleurs, vous en reprendrez bien une louche !

rennes grenouille grande bouche
Pour ce premier numéro (116 pages au tarif de 13 euros), l’édito est signé François-Régis Gaudry, animateur- producteur de l’émission « On va déguster » sur France Inter et parrain de la revue. Conçue par une équipe de professionnels (journalistes, photographes, auteurs, dessinateur…), la revue rennais propose à tout un chacun de venir y contribuer s’il le souhaite : conférence de rédaction ouverte, appel à texte, interview participative, rédaction d’articles, test de recettes et de produits… La Grenouille à Grande Bouche se veut un média ouvert qui appartient réellement à ses lecteurs. La Grenouille à Grande Bouche, c’est également un restaurant à Rennesqui ouvrira prochainement ses portes à Rennes. Le restaurant, comme la revue, est participatif et redistribue ses bénéfices à des associations socialement utiles.

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ILLUSTRATRICES À RENNES, HAPPYDERM’INK ET SES ARCHITECTURES IMAGINAIRES

Rennes regorge d’illustrateurs et illustratrices aux univers multiples. Unidivers vous présente une série de portraits avec, aujourd’hui, une créatrice locale : Happyderm’Ink, de son vrai nom Anne-Flore, dessinatrice d’architecture de profession. Expatriée à Toulouse pour raisons professionnelles, elle s’évade (et nous transporte par la même occasion) dans un univers urbain surréaliste en noir et blanc. Entretien.

Unidivers : Comment en êtes-vous venue au dessin ?

Anne-Flore : Le dessin a toujours été pour moi le meilleur moyen de communication, comme une évidence. Certains se passionnent pour la cuisine, la danse, moi, c’est le dessin. Je ne suis pas spécialement à l’aise à l’oral, dessiner est le moyen d’exprimer mes pensées sans passer par le langage, même si c’est aussi un langage. Tout le monde peut comprendre un dessin, il n’y a pas de barrière de culture ou de langue.

illustration happyderm'ink rennes

Unidivers : Pourquoi avoir choisi Happyderm’ink comme nom d’illustratrice ?

Anne-Flore : Une amie m’a dit un jour que mes dessins pourraient faire de très beaux tatouages, la finesse du trait et les contrastes assez marqués. Au moment de chercher un nom d’illustratrice, j’ai pensé au mot « épidermique », mais il peut avoir une définition assez négative si on pense aux réactions allergiques par exemple. « Épidermique » est devenu « Happydermique », le Ink rappelle l’encre et la relation au papier.

Unidivers : Vous êtes actuellement dessinatrice en architecture à Toulouse. Votre style d’illustratrice a-t-il une continuité avec votre activité principale ?

Anne-Flore : Mes études m’ont forcément influencée, mais dessiner des personnes s’avère aussi très compliqué. D’un point de vue technique, mais aussi humain. Vous vous sentez facilement jugée par le regard du modèle, car vous représentez une personne. L’architecture ne va pas s’amuser à dire « tu ne m’as pas bien dessiné » ou « je ne suis pas exactement comme ça » (rires).

Dessiner de l’architecture donne une certaine liberté. On peut s’évader, se promener, sans chercher à représenter une chose concrète ou réelle, dépasser le côté physique et les lois de la gravité. C’est pour cette raison que j’aime représenter des villes sans échelle, on ne sait pas si elle flotte dans les airs ou pas.

Les crayons que j’utilise sont également la base du travail d’architecte. Très peu de choses sont dessinées à la main, mais dès qu’un projet est expliqué à un enseignant ou un client, les crayons noirs à pointe fine sont utilisés, des outils basiques que l’on retrouve partout, mais essentiels.

illustration happyderm'ink rennes

Unidivers : Contrairement à votre métier, l’univers d’Happyderm’Ink propose des mondes et des architectures irréels. Comment sont nés ce style et cet univers ?

Anne-Flore : Les cours d’histoire de l’art que j’ai suivis en arts appliqués au lycée m’ont influencée dans le sens où ils m’ont permis de découvrir beaucoup d’artistes. Et autant en peinture et sculpture qu’en bande dessinée.

Un ancien enseignant disait que le dessin permettait de représenter des choses non réelles et de s’affranchir des lois de la physique. Dessiner un éléphant sur une aiguille à coudre devient alors possible. Cette phrase m’a toujours motivé et je pense que c’est une des raisons pour laquelle je dessine des univers fantastiques. Ce détournement du réel et du quotidien me plaît : s’inspirer de ce qui nous entoure et qui est ancré dans une réalité pour mieux le faire dériver vers un horizon surréaliste.

illustration happyderm'ink rennes

Unidivers : Pouvez-vous nous citer des courants ou artistes qui vous ont influencée ?

Anne-Flore : Jules Verne m’inspire énormément, notamment le livre d’anticipation Paris au 20e siècle (publié à titre posthume en 1994, NDLR). Il y décrit sa vision de l’évolution de Paris projeté dans les années 1960, où les sciences auraient triomphé sur la littérature, la musique et la peinture. Le personnage principal est un jeune lauréat d’un prix de poésie latine qui essaie d’échapper à cet enfermement. Il décrit la ville d’une façon gigantesque, et même si le livre ne parle pas d’illustrations, je le trouve exceptionnellement bien illustré. Le film Metropolis (1927) aussi, de Fritz Lang, est un film révolutionnaire dans l’histoire du cinéma. On y découvre une ville qui contamine la population, comme une sorte de monstre.

Mes villes ne sont pas menaçantes, mais ce genre d’œuvres cinématographiques ou littéraires ne peuvent qu’inspirer. Les villes sont traitées comme des êtres humains et deviennent des personnages à part entière de l’œuvre.

illustration happyderm'ink rennes
Exposition Promenades urbaines à la boulangerie My by Thierry Bouvier.

Côté peinture, j’aime beaucoup le mouvement surréaliste. Les Belges sont très forts de ce point de vue, notamment Magritte, qui travaille sur la lumière et la couleur, ce qui n’est pas encore mon cas. Je ne suis pas encore passée par cette étape-là, j’y arriverai peut-être, mais pour l’instant, je reste sur le noir et blanc. Dans une série, L’Empire des lumières, il joue sur des oppositions entre le jour et la nuit. Les tableaux représentent par exemple des maisons plongées dans l’obscurité dont les fenêtres sont éclairées, sous un ciel bleu avec des nuages. Ces contradictions dans le style m’ont inspiré et de là découlent mes idées.

Magritte l'empire des lumières

L’univers de la bande dessinée est extrêmement riche en grands dessinateurs et en grands scénaristes également. Toujours du côté de la Belgique : le dessinateur François Schuiten et le scénariste Benoît Peeters ont réalisé Les cités obscures, une bande dessinée qui retrace différentes villes imaginaires. Chaque ville a une caractéristique particulière.

Tous ces univers m’inspirent, mais concrètement, je dessine d’après des bâtiments que j’ai pu voir lors de voyages par exemple. J’ai parfois le temps de faire un rapide croquis sur place qui me sert de base et que je réadapte en fonction de mes idées. Je dessine rarement d’après photos, et, si je le fais, ce ne sera que pour prendre quelques détails d’un bâtiment ou essayer d’être dans le « vrai » d’un style architectural en particulier.

illustration happyderm'ink rennes

Unidivers : On peut voir quelques touches de couleurs dans certains de vos dessins, mais vous travaillez essentiellement en noir et blanc…

Anne-Flore : Je me suis décidée à me tourner vers le dessin au moment de mes études en architecture. Les outils qu’on utilise les plus en architecture ceux sont des crayons noirs simples. Le but n’est pas de développer le dessin avec de la couleur, les crayons servent seulement à réaliser des esquisses et des croquis. Je suis partie sur ces outils, car la technique me convenait. Je préfère les exploiter au maximum avant de me tourner vers autre chose.

illustration happyderm'ink rennes

Unidivers : Comment se passe la réalisation d’un dessin concrètement ?

Anne-Flore : Le dessin est une histoire d’humeur. Si vous n’êtes pas motivé et que vous n’avez pas d’inspirations, rien ne sert de chercher ou de forcer le travail. Certains dessins n’ont pas vraiment de fins, ou bien je ne sais pas quand sera mis le dernier coup de crayon. D’autres sont plus rapides, l’inspiration vient tout de suite.

MA MANIÈRE DE DESSINER EST À PENSER COMME LA DÉCOUVERTE D’UNE VILLE QUE L’ON NE CONNAÎT PAS : ON SE PROMÈNE, PARFOIS ON SE PERD, AVANT DE RETROUVER LE BON CHEMIN.

Je travaille toujours sur papier, l’ordinateur n’intervient que pour la partie numérisation et mise en ligne des illustrations. La façon de composer dépend du dessin en lui-même. Je peux en commencer un et y revenir trois mois plus tard en repensant totalement la composition initiale. Je dispose les volumes du premier plan d’un rapide coup de crayon. Seulement quelques rectangles et quelques lignes qui donnent les orientations et perspectives. Une fois ceci fait, je me promène sur la page. Je commence par un bâtiment, je peux me rendre compte qu’un trait ne me plaît pas, mais il va me permettre de matérialiser autre chose. Je ne cherche pas de but précis dès le début, mais vraiment à déambuler sur la page.

illustration happyderm'ink rennes

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RENNES. LE CLAVECINISTE PASCAL DUBREUIL AUX CHAMPS LIBRES

Pascal Dubreuil est un claveciniste de réputation internationale. Enseignant dans la classe de musique ancienne du Conservatoire de musique de Rennes, il donne une conférence, doublée d’un concert, intitulée L’éloquence du discours musical baroque. Organisé dans le cadre du « temps fort #Baroque », l’événement se déroule aux Champs Libres le vendredi 29 mars 2019 à 12h30.

JOHN ELIOT GARDINER

Voilà une belle raison pour lire, ou relire, un merveilleux livre sur Jean-Sébastien Bach écrit par l’un des plus grands grands maîtres du clavecin et interprètes de la musique baroque, John Eliot Gardiner, intitulé Musique au château du ciel : un portrait de Jean-Sébastien Bach où l’on découvre le génial compositeur baroque sous un jour inattendu et très original.

Bach
Himmelsburg à Weimar. Huile sur toile de Christian Richter (1660). Détruite en 1774.

Quand il était au service des Ducs de Weimar Saxe, Jean-Sébastien Bach avait pour habitude de jouer sur l’orgue surplombant la nef de la chapelle du château ducal dont la voûte peinte représentait les cieux. Des notes descendaient ainsi depuis cette voûte vers l’auditoire seigneurial et sa cour, et la chapelle du palais de Wilhelmsburg résonnait alors de la musique « céleste » de Jean-Sébastien, dans ce château devenu, par la magie de l’interprète et d’un poétique jeu de mots, le « Himmelsburg », le Château du ciel.

https://youtu.be/sZ94WMr3Xsc

John Eliot Gardiner, le chef et musicien anglais, fondateur du Monteverdi Choir, s’est servi de cette métaphore pour intituler sa biographie de Bach, traduite en français il y a quelques mois. L’auteur fait un très vivant tableau du grand compositeur et l’une des originalités de ce portrait est de nous présenter un personnage bien éloigné des apparences quelque peu lissées et conventionnelles qui nous ont été servies pendant trois siècles.

Bach était un être humain plein de défauts, un aspect que nous ne tolérons pas chez nos héros… [il y avait] chez ses hagiographes une répugnance fort répandue à reconnaître la complexité et les contradictions de son tempérament artistique.

Dès son plus jeune âge, révèle John Eliot Gardiner, Jean-Sébastien Bach manifesta un caractère frondeur, intransigeant et indiscipliné, voire révolté (« Bach, the subversive », dira la musicologue Laurence Dreyfus dans une conférence en 2011), qui ne le quittera jamais, que ce soit face aux maîtres des différents instituts où il s’est formé, jusqu’aux élus et nobles de province qui l’employèrent à leur service.

Sa facilité à se mettre en colère, son refus de tolérer toute médiocrité dans la pratique musicale sont un témoignage d’une propension de Bach à mépriser les autorités.

pascal dubreuil

Les Bach ont formé le plus impressionnant foyer familial de musiciens en Europe : 33 membres selon un inventaire dressé par Jean-Sébastien lui-même qui, étrangement dans la liste qu’il établit, omit de mentionner les femmes, y compris les siennes, dont deux au moins des trois étaient pourtant des chanteuses confirmées. L’Allemagne luthérienne, de toute évidence, était « fort encline à la phallocratie ». Impensable à la même époque, par exemple, chez les Couperin en France. Jean-Sébastien s’attachera beaucoup à l’enseignement et la science de deux hommes, son oncle et son frère aîné, tous deux prénommés Johann Christoph, auprès de qui il acquiert une éducation musicale, une grande connaissance de la composition et une dextérité de virtuose du clavier qui lui fait rapidement soutenir la comparaison avec Domenico Scarlatti ou Georg-Fredrich Haendel.

pascal dubreuil
La Grande Faucheuse, très tôt, va « amplement moissonner » dans le cercle de ses proches : il perdra ainsi ses parents avant qu’ils n’atteignent l’âge de cinquante ans et dix de ses vingt enfants alors que ceux-ci n’avaient pas atteint cinq ans. Cette confrontation avec la mort le rapprochera considérablement de l’enseignement du réformateur Luther, qui écrivait, tel un Montaigne d’outre-Rhin :

Nous devrions nous familiariser avec la pensée de la mort durant notre vie, la convier en notre présence alors qu’elle en est encore éloignée.

Et nombre de ses compositions en témoigneront, dès « l’Actus tragicus », cantate BWV 106, chef d’œuvre d’un jeune homme de 22 ans seulement, bouleversant de douceur et de grâce qu’admirait tant Jean-Philippe Rameau.

Bach aura les moyens de développer sa musique religieuse à Leipzig essentiellement, à partir de 1723. Auparavant divers obstacles matériels ou conflits personnels et hiérarchiques l’en empêchèrent, dans les charges qu’on lui confiera à Arnstadt, à Mülhausen, à Weimar, à Köthen. La musique d’église, inspirée de sa vision du monde profondément religieuse, aura une importance capitale pour lui. Bach composera chaque semaine des cantates et des motets, dont le rôle était d’insuffler l’esprit de piété aux fidèles. « S’il y a quelqu’un qui doit tout à Bach, c’est bien Dieu » dira non sans humour le philosophe Cioran. Et plus de la moitié de toutes les cantates connues de Bach furent composées dans les premières années de son Cantorat de Saint-Thomas à Leipzig.

pascal dubreuil

John Eliot Gardiner, en grand musicologue, fait une analyse magnifique des cantates BWV 81 et BWV 75. Comme il fait l’examen, tout de précision et de finesse, des « Passions de Saint Matthieu et de Saint Jean et de la “Messe en si”.
Libéré du contrôle officiel des autorités de Leipzig, Bach fait jouer aussi sa musique concertante dans le fameux café Zimmerman, à la tête du Collegium Musicum, institution indépendante qui lui donne la liberté de s’échapper vers la composition profane, proposant à un public socialement plus divers une soixantaine de concerts municipaux par an. Entrecroisement des genres, religieux et profanes, important pour Bach et typique du monde baroque, souligne John Eliot Gardiner.

BACH
Bach peint en 1746 par Elias Gottlob Haussmann (1695 – 1774)

Il faut lire cet ouvrage dense, novateur et lumineux, qui donne une vision très originale et surprenante de la vie de Bach, de ses tourments et bonheurs familiaux et musicaux, écrite par un chef d’orchestre, superbe interprète et analyste de la musique du Cantor de Leipzig. John Eliot Gardiner était d’autant mieux préparé à le jouer un jour, dit-il avec amusement, qu’il vécut dans la maison de son enfance, dans le Dorset, sous l’un des deux fameux portraits de Jean-Sébastien Bach peints par Elias Gottlob Haussmann

L’éloquence du discours musical baroque, concert-conférence avec Pascal Dubreuil, professeur de clavecin au Conservatoire de Rennes, organisé dans le cadre du temps fort #Baroque. Vendredi 29 mars, 12 h 30, les Champs libres, salle de conférences, 10, cours des Alliés, Rennes. Gratuit. Contact : 02 23 40 66 00, contact@leschampslibres.fr, http://www.leschampslibres.fr

Cette conférence propose d’explorer les différents aspects de l’éloquence du discours musical baroque, de Claudio Monteverdi à Johann Sebastian Bach, illustrée par des exemples musicaux.

Musique au château du ciel : un portrait de Jean-Sébastien Bach” par John Eliot Gardiner, Flammarion, 2014, 800 p.

Pascal Dubreuil
Pascal Dubreuil est enseignant au Conservatoire de Rennes

Biographie de Pascal Dubreuil

Après avoir travaillé le clavecin durant plusieurs années avec Yannick le Gaillard, PASCAL DUBREUIL obtient au Conservatoire national supérieur de Musique de Paris les Premiers Prix de clavecin et de basse continue. Il complète sa formation par de nombreux stages, avec Kenneth Gilbert notamment et tout particulièrement avec Gustav Leonhardt. Il étudie également la direction d’orchestre avec Nicolas Brochot. Lauréat du Concours international de Bruges en 1997, il développe dès lors des activités de concertiste et de pédagogue. Comme claveciniste, mais aussi sur le clavicorde et le pianoforte, il joue en Europe en soliste et au sein de formations de musique de chambre, en particulier avec Musica Aeterna Bratislava, en tant que continuiste avec l’Ensemble vocal de l’Abbaye aux Dames de Saintes et Sagittarius, ou avec Claire Michon, Patrick Ayrton (en duo de clavecins), François Fernandez, Marie Rouquié, Bruno Boterf ou Ricardo Rapoport. Il est invité par des festivals tels que le Printemps des Arts, les Académies musicales de Saintes, le Festival de Musique ancienne de Barcelone, le festival Dni starej hudby de Bratislava ou le Ruhr Klavier Festival. Il a enregistré pour Le Chant du Monde, K 617 et Arion ; il enregistre actuellement pour le label Ramée. Son enregistrement de l’intégrale des six Partitas de Johann Sebastian Bach (RAM 0804) a été unanimement salué par la critique internationale et a obtenu plusieurs récompenses, dont le prestigieux Prix allemand de la Discographie (Preis der deutschen Schallplatten- kritik). Pascal Dubreuil est actuellement professeur de clavecin et de musique de chambre au sein du Département de Musique ancienne du Conservatoire de Rennes. Il enseigne également le clavecin et la rhétorique musicale au Centre d’Études supérieures de Musique et de Danse de Poitiers. En 2009, il fonde l’ensemble Il Nuovo Concerto, dont il est le directeur artistique. Il est également le fondateur du festival “Baroque… et vous ?” de Rennes. Ses travaux de recherche sur la rhétorique musicale, menés depuis plusieurs années, l’ont amené à publier, en collaboration avec Agathe Sueur, la première traduction française intégrale du traité Musica Poetica (1606) de Joachim Burmeister, ainsi que d’importants extraits des deux autres traités de ce théoricien (Mardaga, 2007). Pascal Dubreuil est sollicité pour de nombreux jurys et classes de maître, en France ou à l’étranger, dans des institutions d’enseignement ou pour des examens et concours. ((source Ramee.)

TU N’AS PAS DE CŒUR, CHAMP DE BATAILLE DE CHRISTINE JORDIS

Tu n’as pas de cœur est le quatrième roman de Christine Jordis. L’écrivaine et éditrice de Gallimard y plonge dans les dédales des relations familiales. Comment sort-on d’un champ de bataille ?

Tu n'as pas de coeur Christine Jordis

Un enfant peut renaître à l’endroit qu’il a choisi, grâce à l’imaginaire, aux livres et à la lecture. Christine Jordis

Les relations humaines sont souvent complexes, c’est un truisme que de l’écrire. Les relations familiales le sont plus encore, parsemées qu’elles sont de moments d’admiration, de respect, de reconnaissance tout autant que de rivalités, de conflits, de haines également. C’est tout un art d’exister au sein d’une famille en qualité d’entité propre, sans que l’on soit référencé aux aînés, soit que l’on soit comparé sans cesse aux parents, aux grands-parents, aux frères et sœurs…

Dans Tu n’as pas de cœurChristine Jordis plonge dans les relations entre trois femmes, la grand-mère, la mère, la fille qui n’ont de cesse de se faire souffrir l’une l’autre pendant des jours, des mois, des années. Et même quand l’une ou l’autre s’efface — parce que la mort parfois vous fauche sans prévenir —, les rivalités, les rancœurs, les frustrations demeurent bien au-delà de l’amour naturel « qu’on devrait porter aux siens ». L’auteure souligne à maintes reprises que l’on n’est pas forcé d’aimer les siens parce que ce sont les siens justement. Une fille peut détester sa mère ou sa grand-mère comme une mère peut ne pas aimer son enfant. Même si cela peut paraître parfois troublant — peu de personnes « osent » reconnaître ce fait —, c’est tout à fait vrai. D’autant plus quand on a le sentiment profond d’avoir vécu des moments brefs ou prolongés de maltraitance. Et la maltraitance peut s’inscrire tant sur le plan psychologique que physique, les deux de concert parfois.
Tu n’as pas de cœur aborde aussi avec une acuité parfois déconcertante le poids des traditions, de l’entourage social, de l’appartenance à une caste (le milieu bourgeois est épinglé, non sans jouissance), ce poids qui peut conduire au pire.

En situant son récit (on peut parler d’essai), la narratrice nous dépeint à travers un kaléidoscope plutôt coloré diverses situations qui l’ont conduite à ce sentiment amer qu’a laissé son éducation. Elle fouille aussi, avec une grande pudeur, les frustrations de ses aînées – la vie quotidienne de femmes dans des époques reculées, mais pas si lointaines, qui n’ont pas toujours pu vivre pleinement leurs passions, devant toujours dissimuler, mentir ou se taire. Et l’on sait combien verbaliser les choses apaise. Elle aborde avec une pertinence qui fait mouche la violence qui peut se révéler quand on se retient trop, quand on vit toujours sous contrôle. Du coup, on trouve des boucs émissaires (ici, la jeune fille) et l’on passe ses colères en invectives, en humiliations, en coups.

Le récit parfois teinté d’humour est également empreint d’une dureté permanente. Parce que les humains sont imparfaits, parce que d’aucuns, pour exister un peu, seraient prêts à tout, même le pire. Alors comment sort-on moins cabossé d’un tel champ de bataille ? Christine Jordis a son idée là-dessus, et l’on peut rejoindre tant son analyse que sa démonstration : par l’art, les arts et ici-bas : la littérature. Et l’imaginaire…

En effet, on trouve sa résilience comme l’on peut avec les appétences qui nous apaisent. Impossible de ne pas penser à l’œuvre d’Annie Ernaux pendant cette lecture tout comme au superbe roman Lignes de faille (2006) de Nancy Huston.

Christine Jordis, Tu n’as pas de cœur…, Paris, Albin Michel, 325 pages, parution février 2019, prix : 20€. 

Tu n'as pas de coeur Christine Jordis

 

Christine Jordis a étudié à la Sorbonne et à Harvard. Auteure d’une thèse de doctorat sur l’humour noir en anglais, elle a été responsable de la littérature au British Council et a dirigé la littérature aux Éditions Gallimard. Elle est membre du comité de lecteur des éditions Gallimard et du Prix Femina. Après William Blake ou l’infini, Grand Prix SGDL de l’essai, Paysage d’hiver, Prix Écritures et Spiritualités, et Automnes, Tu n’as pas de cœur… est le quatrième titre qu’elle fait paraître aux Éditions Albin Michel.