Marc Pautrel, dans ce roman intimiste, zoome sur la vie du cinéaste japonais Yasujirô Ozu (1903-1963). Dans cet Ozu Marc Pautrel romance drames, succès, visions et art. Objectif : donner corps au décalage entre la vie de l’artiste et la teneur de ses films.

 
Successivement frappé par des tragédies, perte de proches, grand tremblement de terre du Kantômarc pautrel ozu gallimard qui détruit intégralement Tokyo, guerre sino-japonaise, Ozu s’enfonce de plus en plus dans son travail de réalisateur.

« La vie se répète sans cesse, elle prononce à nouveau des phrases qu’elle avait eues jadis, on dirait qu’elle veut souligner le trait, insister, approfondir le sillon, la vie se répète et ça ne le surprend pas, il s’y attendait, il sait qu’au-delà de la surprise de leur forme perpétuellement changeante, les choses vont toujours dans la même direction… »

Dans son bureau des studios de la compagnie Shochiku, il est seul, souvent seul, il aime s’y retrouver pour se ressourcer, entouré de livres, de peinture, de photos, d’archives personnelles et de saké. Il écrit. Il y réfléchit. « Son bureau au studio, c’est sa bulle et son jardin secret, l’endroit où méditer ».

La solitude pèse parfois pour ce cinéaste de l’affect. Il s’inspire de la vie de famille, du couple, mais aussi de l’amitié dans la réalisation de ses films, avec tendresse et poésie. Il s’acharne, maniaque, dans sa vie professionnelle. Il capte à l’objectif ce qu’il ne saura jamais vivre. Il renonce à sa vie.

yasujiro ozuYasujirô Ozu aime l’amour, mais ne peut résister à l’appel de ses réalisations « Le monde est ainsi fait que l’amour cède la préséance à l’Art » transmettre, communiquer de l’émotion, créer et produire. Être ce qu’il doit être : un passeur d’espoir et de vie.

Yasujirô Ozu est né à Tokyo le 12 décembre 1903 et mort le 12 décembre 1963. Il devient assistant-réalisateur et réalise son premier film, Le Sabre de pénitence, dès 1927. Au milieu des années 1930, il devient l’un des réalisateurs les plus célèbres du Japon, aussi talentueux dans la comédie que dans le drame. Il filme la vie familiale japonaise et livre un véritable témoignage des bouleversements sociaux de l’époque. De 1927 à 1936, il réalise 34 films muets puis à partir du Fils unique (1936), il voyage à tokyoréalisera 20 films parlants (alors même que le premier film parlant au Japon date de 1931); il passera à la couleur avec Fleur d’équinoxe en 1958. Le premier film de Yasujiro Ozu qui bénéficiera d’une distribution commerciale en France en 1978 sera Voyage à Tokyo (1953), reconnu unanimement comme un chef-d’oeuvre. Le goût du Saké (1962) sera le dernier film de ce génie du cinéma. La littérature occupe également une place importante dans son existence, il alimente ses carnets durant 30 ans, où il note son quotidien, ses réflexions, mais parle très peu de sa vie intime.

Marc Pautrel illustre de manière magistrale le décalage entre la vie d’Ozu et la teneur de ses films. Ozu, qui a inlassablement filmé la famille japonaise et son évolution, n’a pourtant jamais été marié lui-même et a toujours vécu avec sa mère. Ce roman est un petit bijou de subtilités et d’émotions. Un style fluide musical, poétique et chantant pour une pure merveille qui donne envie de découvrir ce réalisateur de l’intime qui affirmait : « je veux que le spectateur ressente la vie ». Les images et les mots pour transcender les maux, voilà ce à quoi s’est employé toute sa vie ce réalisateur d’exception.

Lire les 17 premières pages du roman: ici

Marc Pautrel Ozu, Editions Louise Bottu,  17 août 2015, 136 pages, 14 €

Marc Pautrel est né en 1967. Après des études de droit, il a décidé de se consacrer à l’écriture. Il a reçu le Prix littéraire d’Aquitaine en 2010 et le Prix de la Résidence d’auteur de la Fondation des Treilles en 2015. Ce roman sur Ozu a débuté en 2011 et l’auteur a bénéficié d’une « Mission Stendhal de l’Institut Français » qui lui a permis de séjourner au Japon en mars et avril 2012.

Ouvrages parus : Le métier de dormir (Ed. Confluences, 2005), Je suis une surprise (Ed. Atelier In8, 2009). Quatre romans parus aux Éditions Gallimard dans la collection de Philippe Sollers « L’Infini » : L’homme pacifique (2009), Un voyage humain (2011), Polaire (2013) et Orpheline (2014).

À paraître en janvier 2016, Une jeunesse de Blaise Pascal, Gallimard, collection « L’Infini »

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