Si l’on met à part le divin Mozart dont les mélodies peuplent toutes les mémoires, Rossini est certainement celui dont les airs sont les plus connus dans le monde entier. Sans le savoir, l’auditeur de France Inter fredonne gaillardement chaque après-midi l’ouverture de Guillaume Tell. D’autres sifflotent des extraits du Barbier de Séville en ignorant souvent qu’ils sont issus d’un opéra. Opéra que le monde entier salua, à juste titre, comme l’un des plus grands chefs-d’œuvre de la musique italienne.

 

Alexandrina Pendatchanska
Alexandrina Pendatchanska

Aussi, tant pour l’Orchestre Symphonique de Bretagne que pour les invités de cette soirée, le défi Rossini à relever n’était pas mince. Si on oublie un instant la notoriété de cette musique, impossible pourtant de mettre de côté les interprètes exceptionnels qui ont contribué à maintenir très haut le flambeau du succès. De Maria Callas à la Tebaldi, pour les plus anciennes, en passant par Joyce di Donato ou Cécilia Bartoli, plus récemment, les esprits sont tous marqués par des références de très haut niveau.

Kristina Hammarström
Kristina Hammarström

C’est la chanteuse Bulgare, Alexandrina Pendatchanska – raccourcie en Alex Penda pour ne pas malmener nos oreilles – qui tient la partie soprano. La répartie lui est donnée par Kristina Hammarström, mezzo scandinave, que le public rennais avait déjà eu le plaisir d’apprécier (dans le rôle de Fricka dans la Walkyrie de Wagner en 2013 et celui de Médoro, dans le Orlando de Haendel en octobre de la même année).

nader abbassi
Nader Abbassi

L’OSB a été dirigé par le chef invité Nader Abbassi, dont on sait qu’il est la fois chanteur, bassoniste, chef d’orchestre et compositeur. Plutôt amusant et très old school avec sa queue-de-pie et son gilet blanc, ce chef un peu iconoclaste délivre des interprétations enlevées et rafraîchissantes de plusieurs ouvertures de Rossini.

De Tancrède en passant par l’Italienne à Alger, sans oublier l’énergique ouverture de Sémiramide, l’OSB et son chef font passer au public un excellent moment musical, joyeux et revigorant. Pour ce qui concerne les chanteuses, nos suffrages vont sans l’ombre d’un doute vers Kristina Hammarström – professionnelle et expérimentée – qui offre de belles pages du répertoire mezzo et accompagne harmonieusement Alex Penda à l’occasion de duos très réussis, notamment Giorno d’orore extrait de Sémiramide. Ces dames ayant eu le bon goût de ne pas essayer de tirer la couverture à elles, mais de s’investir dans une collaboration équilibrée, elles ont offert de jolis moments d’émotion par la qualité de leur travail.

Cenerentola rennes
La Cenerentola de Rossini à l’Opéra de Rennes mai 2015

Pour ce qui est d’Alex Penda, nous sommes plus réservés. À l’instar de nombreuses chanteuses issues des pays de l’Est, elle fait montre d’une belle puissance vocale lorsque la partition l’exige, mais fait trop de manières et s’encombre de mimiques et de minauderies agaçantes. Elle apparaît comme très formatée, mais pas vraiment convaincante. Son interprétation de Una voce poco fa, grand air du « Barbier de Séville », est soit risible soit pitoyable, tant elle en fait trop. Dès les premiers mots, elle tord la bouche comme si ces simples paroles exigeaient un effort particulier et va chercher des sons de fond de gorge que rien n’exige et qui s’avèrent franchement gênants. La simple beauté d’une diction claire et sans artifice lui permettrait certainement de restituer à ces pages merveilleuses leur bouleversante luminosité. C’est sans doute ce qui explique le retrait du grand air de la Dame du lactanti affetti, initialement prévu pour clôturer cette soirée et qui était probablement hors de portée de cette soprano.

Cenerentola
La Cenerentola de Rossini à l’Opéra de Rennes mai 2015

L’Orchestre Symphonique de Bretagne, par solidarité avec les terribles événements de la semaine passée, avait tenu à témoigner musicalement, en offrant une remarquable et émouvante page de Puccini, Crisantemi, tristement d’actualité. Il n’était pourtant pas question de tristesse au moment de clore cette soirée puisqu’à l’instant du rappel, c’est le très fameux et un peu convenu duo des chats qui permettait à nos hôtes de prendre congé du nombreux public, de façon humoristique, à la plus grande joie des nombreux enfants présents. Imitant les félins griffant et crachant, ces dames s’en prirent au chef d’orchestre, à ses basques comme à sa baguette, le mettant dans l’obligation de conclure le duo en secouant la tête pour mettre un terme à la musique.

La perfection n’étant pas de ce monde, nous ne l’avons pas atteinte ce samedi 21 novembre. L’impression est celle que nous avions ressentie lors du retrait de Maïra Kerey, interprète de la Traviata en mai 2013, la chanteuse n’était pas mauvaise, mais pas au niveau. Il n’en reste pas moins que les autres protagonistes nous ont fait passer une bonne soirée et que le public, en répondant présent à Alain Surrans, directeur de notre opéra, a démontré que ceux qui prétendent engendrer la terreur sont impuissants devant la beauté de la musique. Moins encore devant celle de Rossini qui ne parle que de joie et d’amour.

Viva Rossini Orchestre Symphonique de Bretagne

 

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Thierry Martin
thierry.martin [@] unidivers .fr

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