Lundi 6 février 2023, l’opéra de Rennes présentait au public l’œuvre inachevée de Mozart Zaïde. Considérée comme un singspiel, une sorte de fantaisie musicale, Zaïde alterne des airs chantés et des scènes parlées.

Écrite en 1780, probablement pour plaire au souverain Joseph II qui caressait le projet de création d’une troupe lyrique allemande, cette œuvre fut abandonnée, sans ouverture, sans conclusion et même sans les textes parlés, devant l’indifférence du monarque et le peu d’intérêt du public viennois enclin à plus de légèreté. Cette turquerie préfigure clairement L’enlèvement au sérail, il est assez probable que des éléments écrits à l’époque pour Zaïde aient été intégrés dans cette seconde œuvre.

Zaïde Mozart Opéra

La question se pose donc, comment peut-on faire connaître au public une partition si incomplète sans risque de le frustrer. La réponse est assez claire, écrire les parties manquantes afin de compléter l’œuvre. Après tout, l’élève de Mozart, Sussmayer a bien achevé son Requiem au plus grand plaisir de tous. Cela a déjà été fait et pour cette nouvelle production, c’est le musicien Robin Melchior qui s’est confronté à cette tâche aussi titanesque que risquée, écrire les parties manquantes.

Une deuxième question se pose alors, quel type d’écriture faut-il employer?, une approche contemporaine, un «à la manière de», imitant le style de Mozart au risque de tomber dans une forme de pastiche. Difficile gageure et exercice périlleux s’il en fut. C’est plutôt la première hypothèse qui a été retenue.

Notre impression quant au résultat est en deux tons. L’ouverture, comme une musique descriptive, propose des images agitées et tempétueuses, évoquant avec talent un paysage maritime en plein orage. Ne boudons pas notre plaisir, c’est réellement une réussite. La furie de la mer est présente et l’ensemble plante un décor totalement cohérent avec la vision qu’a Louise Vignaud de la mise en scène. Notre sentiment est plus mitigé pour la conclusion, dont les sonorités nous renvoient plus à une comédie musicale à l’Américaine ou une pure production de Broadway. Nous sommes un peu éloignés d’une conclusion en apothéose comme l’exige le conte philosophique et moral qu’est Zaide, célébrant l’amour et l’altérité.

Zaïde Mozart Opéra

Plutôt qu’un palais de sultan encombré d’odalisques et de janissaires, c’est une île déserte qui servira d’écrin au développement de l’intrigue, et c’est franchement une approche originale et très cohérente.

Le décor en forme d’amas de roches basaltiques et noires concentre le récit et fixe notre attention. Les costumes de Cindy Lombardi adoptent un look entre ethnique et naufragé pour Zaide Alazim et Soliman, celui de Gomatz nous laisse un peu dans l’expectative. Il n’en sera pas de même pour Marief Guittier, en narratrice, dont les atours arachnéens et pailletés comme les chairs teintées de bleu, jouent habilement sur la confusion entre les mots mer et mère, et c’est assez bien trouvé. Un petit regret toutefois, même dans les instants de silence religieux qui accompagnent ses interventions, il n’est pas toujours facile de saisir ses propos. Quelques décibels en plus, c’eut été parfait.

Zaïde Mozart Opéra

La partie vocale dévolue à de jeunes chanteurs souffre malgré tout d’un petit manque d’expérience, mais chacun d’eux aura à différents moments de l’œuvre, l’occasion de se mettre en avant. Kseniia Proshina, nous offre une agréable interprétation du célèbre air «Ruhe sanft, mein holdes leben», MarkVan Arsdale, en Soliman fait preuve d’une belle présence scénique et donne de l’épaisseur au personnage torturé qu’il incarne. Niall  Andersson  propose un Allazim sensible, parfois fragile, mais déterminé lorsqu’il s’oppose à son frère. Sa voix aux accents graves et bien posée accentue sa crédibilité. Enfin, en Gomatz, le ténor Kaelig Boché , offre une prestation satisfaisante proposant les aigus intéressants d’ une voix qui ne manquera pas d’évoluer encore positivement. Dossier à suivre.

Zaïde Mozart Opéra

La partie musicale, quant à elle, sera tenue d’une main ferme par le maestro Nicolas Simon à la tête d’un orchestre National de Bretagne, de toute évidence pas perturbé par la différence des musiques à interpréter.

A l’aise avec Mozart, l’enbemble Breton, lors de l’ouverture de Robin Melchior, donne à cette musique une intériorité et une vigueur qui la rend plus séduisante encore.

En conclusion, une œuvre du maître de Salzbourg et une rencontre avec la modernité qui méritent toute votre attention !

Réserver votre place

Dates et horaires

Lundi 6 février 2023 à 20h, mercredi 8 février 2023 à 20h, vendredi 10 février 2023 à 20h, dimanche 12 février 2023 à 16h, Durée 1h45 sans entracte

Zaïde Mozart Opéra

Distribution

Nicolas Simon : Direction musicale assisté de Sébastien Taillard
Robin Melchior : Composition /Orchestration
Louise Vignaud : Mise en scène
Alison Cosson & Louise Vignaud : Dramaturgie & livret parlé
Irène Vignaud : Scénographie
Cindy Lombardi : Costumes
Sarah Kristian : Assistante mise en scène
Robin Le Bervet : Chef de chant
Julie-Lola Lanteri : Lumières
Alexandre Schreiber : Assistant éclairagiste
Clément Rousseaux : Création sonore
Judith Scotto : Maquillages et coiffures
Orchestre National de Bretagne
Décors et costumes fabriqués dans les ateliers de l’Opéra de Rennes et d’Angers Nantes Opéra

Avec :
Kseniia Proshina : Zaïde
Kaëlig Boché : Gomatz
Niall Andersson : Allazim
Mark van Arsdale : Sultan Soliman
Marief Guittier : Inzel

Article précédentAntarctique. Barbara Hernandez réalise la plus longue nage en eau glacée
Article suivantSaint-Malo. Bienvenue chez les Corrigan, première enquête de la Breizh Brigade 
Thierry Martin
thierry.martin [@] unidivers .fr

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici