C’est avec conviction que Matthieu Rietzler poursuit la mue de l’opéra de Rennes. Elle se traduit par une ouverture attractive de ses portes à un public élargie, bien loin de la (fausse) image de temple sacré réservé à une élite mélomane qui collait à cette jolie maison sise face à l’hôtel de ville.

De fait, la rentrée 2021-2022 de l’opéra de Rennes aura accumulé les succès programmatiques. Ils sont corrélés à des pics de fréquentation catalysés par l’augmentation de la présence des étudiants, des actifs et des parents, accompagnés ou non de leurs rejetons. Comme quoi la clé de la réussite en ces temps incertains tient à peu, mais un peu essentiel : une offre populaire et audacieuse, grand public mais exigeante. Une maison hospitalière en somme.

Unidivers – La crise sanitaire aura rebattu les cartes des équipements culturels comme le vôtre tant dans leurs modes de fonctionnement que dans leurs rapports au public. Contrairement à d’autres qui auront – hélas ! – brillé par leur désengagement malgré de fortes subventions, votre direction s’est efforcée de s’adapter en permanence aux contraintes afin que la flamme opératique ne reste pas sous le boisseau. Résultat : non seulement vous avez réussi à préserver une programmation ouverte, mais la fréquentation de votre établissement est en hausse…

Matthieu Rietzler – En effet, l’opéra de Rennes a enregistré lors de ses 5 derniers spectacles – Rinaldo, Swayambhu, Trois contes, Carnav(oc)al et la Dame blanche – des taux de fréquentation situés entre 80 et 92%. Mais, plus encore, ce qui me réjouit, c’est que la part des personnes venues assister à une représentation à l’opéra pour la première fois constitue plus d’un tiers du public. 

Unidivers – Comment expliquez-vous cette (r)évolution ?

Matthieu Rietzler – Je suppose que c’est l’effet de plusieurs facteurs conjugués. D’une part, la programmation de l’opéra, bien que toujours conçue avec soin, est de plus en plus diversifiée et touche donc un public qui va des enfants aux retraités en passant par les étudiants, les actifs et les familles. D’autre part, nous avons cessé d’avoir recours à des abonnements annuels. Trop contraignants et définitivement peu adaptés par temps de crise, l’effet a été immédiat : nous n’avons pas perdu nos fidèles abonnés et avons gagné de nouveaux venus. Ainsi, notre public est composé désormais autant de passionnés qui assistent au moins à 4 représentations dans l’année que d’un nouveau public qui butine à la carte de 1 à 2 spectacles au gré de leurs envies, humeurs et coups de coeur. 

Unidivers – Comment comptez-vous continuer à attirer un public nouveau et fidéliser les nouveaux venus ?

opera rennes
Matthieu Rietzler, directeur de la maison d’opéra de Rennes

Outre une exploration à large spectre de l’héritage classique, l’ouverture à de nouveaux publics s’opère à travers des propositions innovantes (contemporain, comédie musicale, musiques actuelles, jeune public et famille…)  qui contribuent à faire de notre belle maison rennaise une sorte de laboratoire opératique à la fois audacieux et populaire. Côté pratique, nous avons ajouté des représentations les lundis, samedis soir, dimanches après-midi ainsi que durant les vacances ; ces dates ont très vite rencontré leur public, notamment des habitants issus de toute la Métropole, âgés de 30 à 50 ans, avec ou sans enfants.

D’où ce sentiment palpable que notre opéra bat davantage au pouls de la cité, à l’unisson des énergies enthousiastes du public rennais. C’est très satisfaisant pour nous : on suit avec attention – et non sans une certaine émotion, – cette progression d’une diversification homogène et d’une respiration partagée entre la ville, les Rennais et leur opéra. Afin de garder palpitant ce nouveau lien, nous portons à la connaissance du public notre programme à travers non plus une mais deux brochures annuelles : de septembre à décembre et de janvier à juin. D’où une présence réitérée dans l’offre culturelle générale à laquelle votre magazine fournit du reste une belle caisse de résonnance.

Unidivers – En pratique, comment gérez-vous la distribution des places avec l’abandon des abonnements et la multiplication des achats tardifs par les nouveaux venus mais aussi par des habitués ?

Matthieu Rietzler –  C’est une vraie question. Le remplissage de chaque date s’accélère désormais beaucoup plus tardivement, souvent dans la semaine qui précède la première représentation. Aussi avons-nous décidé de nous adapter avec un système de péréquation qui associe à la réservation en avance quelques places dans quasi toutes les séries d’emplacements à destination des personnes qui se décident au dernier moment. Autrement dit, un couple qui hésitait à prendre des places pour un spectacle qui les attire peut sans déconvenue se décider durant les jours qui précèdent la première.

Unidivers – Est-ce bien le cas avec cette nouvelle coproduction Rennes-Angers-Nantes opéra dont la mise-en-scène prometteuse délivre un contenu susceptible de plaire à toutes les oreilles et tous les yeux ?

Matthieu Rietzler –  C’est tout à fait cela : The Rake’s Progress promet de vous en mettre plein les yeux et les oreilles (rires) ! Et, de fait, même au dernier moment, les retardataires pourront acheter une place pour ce grand moment de séduction, d’aventures et de folie (rires bis) !

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Nicolas Roberti
Nicolas Roberti est passionné par toutes les formes d'expression culturelle. Docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il a créé en 2011 le magazine Unidivers dont il dirige la rédaction.

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