Depuis plusieurs saisons déjà, On n’est pas couchés et la bande à Ruquier contentent les noctambules et insomniaques du samedi soir. Créant le scandale à ses débuts avec Nauleau et Zemmour, ONPC, comme la surnomme les intimes, a pérennisé un type de talk-show particulier : le flingage en règle.

En fait, ONPC fait appel à l’un des plus bas instincts du téléspectateur : descendre en direct une personnalité. Car, avouons-le, il y a toujours une personnalité qu’on aime détester, qu’on a marre de voir surfer de succès en succès ou simplement de dire des bêtises. ONPC, tel le Zorro du PAF, s’en charge, mais en réalité se charge surtout de définir ce qui est bien ou mal dans sa vision d’une société assez paradoxale. Nauleau et Zemmour sont partis sous d’autres cieux et ont laissé la place à Pulvar, Polony, Carron et bien d’autres. Le spectateur finit par ne plus s’intéresser au sujet de la chronique ou de l’émission, mais par attendre avec impatience le clash. Au point qu’il en est déçu lorsque le chroniqueur surprend en… aimant quelque chose.

En fait, les talk-shows se rendent souvent coupables de copinage en promouvant les produits de la chaîne. Ils invitent les acteurs, chanteurs et auteurs, à parler de leur dernière sortie et se contentent mollement de quelques questions souvent banales. Au point que le spectateur connaît déjà le déroulement de l’émission. La star est là pour amener le chaland, mais la vraie star est l’émission et son/ses animateurs. Il faut alimenter le buzz, le zapping par de l’image.

Le flingage est un art télévisuel avec ses « snipers » comme Laurent Baffie ou encore ses orfèvres de la chronique comme Stéphane Guillon lorsqu’il officiait chez Ardisson, sorte de créateur du style. ONPC est donc dans cette lignée. Mais plutôt que d’avoir un sniper intervenant par surprise ou un humoriste plutôt doué pour la satire, c’est un duo archi bien-pensant parisiano-socialo-mondain caché derrière une apparence politiquement incorrect qui se sent légitimé à redresser les torts et dénoncer les exactions. Le fait d’avoir deux personnes renforce le côté piège, l’invité en promotion n’a pas le temps d’argumenter face à l’un que l’autre embraye déjà.

Trouver le point sensible de la critique est facile. Descendre pour faire mal est un exercice des plus simples. Les goûts sont si divers que cette posture de juge est à la fois jouissive et malsaine. Le spectateur se retrouve avec un choix d’identification entre le défouloir, côté juge, ou l’appitoiement, côté victime. Pas de demi-mesure. A la différence d’une chronique internet qui permet toujours un droit de réponse, ici la réponse de la victime est mise en scène avec pupitre face à un siège, un public chauffé à blanc, voire un reportage pour appuyer où ça fait mal. Rares sont ceux qui sortent grandis de cet exercice de promo masochiste. L’émission faisant de l’audience par ce racolage, il faut s’y rendre pour faire parler de son produit. Qu’importe pour les chargés du marketing que la « star » le vive mal : Parler en bien ou en mal, c’est toujours en parler.

Reste une question de fond : Qu’apporte ce type d’émissions à nous téléspectateurs ? A titre personnel, je ne peux m’empêcher de montrer de l’empathie pour la victime et de zapper systématiquement face à ce type de programme. Si l’on reproche à la télé de devenir aseptisée et que cette émission ne l’est pas, en réalité, elle l’est plus sournoisement : en introduisant une pensée unique et dominante, elle fait oublier qu’un débat posé et intelligent est possible. Si eux ne sont pas couchés, c’est peut être au téléspectateur de se coucher plus tôt le samedi soir.

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Didier Acker
didier.ackermann {@] unidivers .fr

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