Le 8 février 2025, la chaîne YouTube du plasticien et performeur Olivier de Sagazan disparaissait soudainement, plongeant l’artiste dans une situation kafkaïenne. Lundi 3 mars, sans explication, elle était rétablie. Cette mésaventure soulève des questions sur la fragilité de la présence artistique en ligne et le rôle des algorithmes dans la censure du contenu numérique.
Depuis 2009, Olivier de Sagazan publiait sur sa chaîne des vidéos de ses performances, notamment Transfiguration, une œuvre emblématique ayant accumulé près de 7 millions de vues. Mais en voulant ajouter un nouveau film, il découvre un message laconique de YouTube : « Votre chaîne ne respecte pas notre règlement (nudité et contenus à caractère sexuel). Nous l’avons supprimée pour protéger notre communauté. »
L’artiste, abasourdi, tente alors de contester cette suppression via l’interface mise à disposition par la plateforme. Quelques minutes plus tard, il reçoit une réponse automatique confirmant la décision. Une rapidité d’examen qui laisse peu de place à une véritable analyse humaine de son travail artistique.
Pour Olivier de Sagazan, cette suppression reflète les limites du contrôle automatisé des plateformes. Il doute qu’un véritable examen ait été réalisé et soupçonne un simple algorithme d’avoir statué sur la base de critères flous. Transfiguration, où il modèle son visage et son corps avec de l’argile dans une métamorphose troublante, aurait pu être perçu à tort comme un contenu inapproprié.
D’autres éléments ont pu influencer cette décision, notamment une vidéo récente mettant en scène une caricature politique sensible. Il s’interroge ainsi sur une éventuelle dénonciation d’utilisateurs mécontents, un phénomène amplifié par l’anonymat et la viralité des signalements.
Ne pouvant joindre directement YouTube, l’artiste se tourne vers sa communauté Instagram, partageant son désarroi avec ses abonnés. Grâce à cette mobilisation et à l’intervention probable de sa fille, la musicienne Zaho de Sagazan, sa chaîne est miraculeusement rétablie quelques semaines plus tard.
Mais cette péripétie souligne un problème de fond : les plateformes, devenues incontournables pour les artistes, restent opaques et peuvent supprimer du jour au lendemain des œuvres sans véritable recours. « Une fois ma chaîne retirée avec ses 80 vidéos, j’ai eu cette sensation douloureuse qu’on peut rayer en quelques secondes toute une histoire s’échelonnant sur quarante ans », confie-t-il.
Vers une censure numérique croissante ?
L’affaire d’Olivier de Sagazan n’est pas isolée. De plus en plus d’artistes, journalistes et créateurs se heurtent aux limites des algorithmes de modération. Entre surcensure préventive et pressions extérieures, la liberté d’expression artistique semble compromise par les règles rigides des grandes plateformes numériques.
Si la réapparition de sa chaîne est une victoire, elle ne rassure pas pour autant l’artiste : « Soit les algorithmes sont plus restrictifs qu’auparavant, soit, dans une ambiance générale tendue, on entre dans un jeu de dénonciation permanent. » Une réflexion qui devrait interpeller tous ceux qui diffusent du contenu en ligne, et plus largement, tous ceux qui tiennent à la diversité et à la liberté de création sur Internet.
Image de une extraite de Transfiguration par Olivier de Sagazan