Alors que la population carcérale atteignait son pic historique le 1 mai 2011 – 64 584 détenus – le président de la République, Nicolas Sarkozy, a annoncé le mardi 13 septembre la construction de 30 000 places de prison supplémentaires à l’horizon 2017 pour accélérer l’exécution des peines et mettre un terme à la surpopulation carcérale – point noir du système pénitentiaire français.

 

En l’espèce, si le monde tournait parfaitement rond et la prison était un havre de pénitence et de réinsertion, la raison nous pousserait à accepter sans broncher cette augmentation. Tant s’en faut. La crise économique et financière, le collapsus moral des élites et la perpétuation des sous-cultures carcérales interrogent la pertinence de cette décision politique.

Généralement, il y a deux points de vue qui s’affrontent vis-à-vis de cette thématique. D’une part, celui des personnes qui font éperdument confiance en nos élus en ne réfléchissant aucunement aux conséquences fâcheuses d’une politique pénale uniquement centrée sur le chiffre et l’exécution de la peine. D’autre part, celui des personnes, un peu plus soucieuses, qui n’ont de cesse de réclamer des avancées humaines et matérielles et un traitement pénitentiaire sinon plus équitable, du moins alternatif.

Le problème est que les premiers, mélangés à la masse des indifférents, sont plus nombreux que les seconds. D’où un boulevard laissé aux hommes politiques de divers bords pour s’exprimer sur ce sujet à leur guise, sans qu’aucun vrai débat émerge sur le sens de la peine.

Pourtant, de nombreux intervenants travaillent sur les questions pénales et pénitentiaires, établissant des constats limpides et proposant d’autres solutions. Mais peu d’entre eux sont réellement écoutés en haut lieu. Pour preuve, un des rares qui a vu son idée reprise est, comme par hasard, un ancien politicien, Pierre Botton. Il a échafaudé un concept de prison-réinsertion. Autrement dit, un projet utopique qui verrait des prisonniers salariés régler leur loyer tout en travaillant pour un salaire proche du SMIC ! Vaste gageure, reconnaissons-le, en ce monde social où le citoyen lambda n’a pas déjà forcément un travail qui lui assure une existence digne du monde occidental…

Alors que manque-t-il à notre société pour qu’une politique pénale plus sensée apparaisse ? Rappelons d’abord trois constats qui s’opposent diamétralement à la situation.

Primo, il est nécessaire de réaffirmer que la prison peine à être un lieu adéquat de réinsertion. Le plus souvent, c’est un endroit pathogène où le détenu détériore sa santé, voire apprend à devenir délinquant.

Deuxio, il paraît de plus en plus évident que les nouvelles constructions carcérales n’améliorent pas le climat carcéral.

Tertio, il est démontré que l’augmentation du nombre de prisonniers dans un pays n’a jamais fait baisser la délinquance.

Tout cela est connu. Il suffit de se pencher sur les études relatives au système pénitentiaire américain. En janvier 2010, la population pénale des Etats-Unis était de 2,3 millions de détenus, soit 0.7 % de la population. En valeur absolue, ce pays compte plus de prisonniers que la Chine ou la Russie ! Pourtant, c’est bien de lui qu’on s’inspire pour construire de nouvelles prisons et déléguer le pan de la formation professionnelle, voire la réinsertion, à la gestion privée, et condamner les délinquants. On prend exemple sur le plus mauvais des élèves : celui qui voit sa délinquance croître à un rythme infernal malgré une procédure pénale implacable.

Aussi, si l’on veut réformer la prison française de manière positive, il faudrait au moins agir sur ces trois points.

Concernant la peine de prison, les dégâts sont parfois tellement sévères qu’on ne peut pas se priver d’une évaluation de l’état de santé du détenu lors de sa pose d’écrou par un médecin généraliste étranger au milieu pénitentiaire. Ainsi, à sa sortie, le libéré pourra refaire un contrôle médical et réclamer sur cette base des dommages et intérêts, en cas de préjudice flagrant.

Par rapport à la construction des nouveaux établissements pénitentiaires, il faut arrêter de déshumaniser les prisons par une modernité de mauvais aloi. Il est nécessaire de repenser ces architectures en s’inspirant de certaines prisons nordiques : insérées dans la forêt, décloisonnées, harmonisées, portées par des énergies positives. Somme toute, imprégnées d’humanité, de bienveillance sévère mais respectueuse.

Quant à la surpopulation carcérale, le mieux, pour la combattre, serait de réserver la peine de prison aux infractions les plus graves, d’inventer d’autres formes de réparation et d’imposer un numerus clausus au milieu carcéral.

L’objectif visant à l’accélération de l’exécution des peines est en effet un leurre. Pour certaines condamnations, qu’une peine soit exécutée plus tardivement n’a pas une énorme influence sur la récidive. Ce serait même souvent un levier pour lutter contre, car l’individu doit se tenir à carreau durant cette durée pour ne pas rajouter à son problème. Ce laps de temps intermédiaire (entre la condamnation et l’exécution) est d’ailleurs utilisé par le Juge de l’application des peines pour aménager les peines de moins de deux ans « dans la mesure du possible et si leur personnalité et leur situation le permettent, en des peines de substitution d’une semi-liberté, d’un placement à l’extérieur, d’un placement sous surveillance électronique, d’un fractionnement ou d’une suspension de peines, d’une libération conditionnelle ou de la conversion de peine ». Ce moment est donc propice à l’indemnisation des victimes, à l’amendement vis-à-vis de la société.

Somme toute, nous avons les moyens d’inventer une politique pénitentiaire qui coûterait moins cher au contribuable et élèverait d’un cran notre conscience humaine et spirituelle collective. Pour cela, nous devons sortir des vieux schémas idéologiques qui perpétuent un monde carcéral plus proche de la série américaine Prison break que des Lumières et de l’héritage d’humanisme chrétien de la France.

Mettons fin au mécanisme de la stigmatisation pour entrer dans un nouvel âge d’application des peines.

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