Dans le cadre du festival Ré-elles, le documentaire Les Silencieuses de Nicole Zeizig est projeté à la bibliothèque Lucien Rose de Rennes, dans le quartier du Thabor, mercredi 12 mars 2025. Avec une grande sensibilité, la réalisatrice interroge la maternité comme norme sociale en donnant la parole à des femmes qui n’en ont pas eu, par choix ou non. La projection sera suivie d’une rencontre avec la réalisatrice.
Organisé à Rennes par l’association Comptoir du doc depuis 22 ans, le festival Ré-elles s’engage à mettre en lumière, à travers le documentaire, les luttes féministes, la diversité, les dénonciations contre les discriminations et les violences de genres. Cette année, la programmation se fait plus que jamais l’écho de craintes sociétales et de droits aujourd’hui menacés ou remis en question. Parmi les œuvres cinématographiques programmées se trouve Les Silencieuses de Nicole Zeizig. Dans ce documentaire, la réalisatrice aborde le sujet de la non-maternité. Elle filme cinq témoignages de nullipares. Ce mot, que l’on catégorise de prime abord comme péjoratif à l’entente, désigne les femmes qui n’ont jamais vécu d’accoucher. Ce terme est d’ailleurs le même en zoologie pour désigner une femelle animale qui n’a jamais mis bas.
Elles n’ont pas voulu en avoir, elles ont avorté, car pas le bon moment, ou elle n’ont pas réussi. Chacune a sa raison, mais aucune n’a d’enfant. Dans Les Silencieuses, Nicole Zeizig donne la parole à cette minorité invisible, voire marginalisée, qui vit dans une société où la maternité est encore un modèle d’accomplissement. Inspirée de son expérience personnelle, la réalisatrice crée un espace pour ces femmes que l’on entend trop rarement dans les débats publics, qu’on juge, parfois inconsciemment, sans savoir si cette absence d’enfant est un choix ou indépendant de sa volonté.
Nicole Zeizig a choisi d’interroger l’injonction à la maternité en partant à la rencontre de celles qui n’ont pas de voix pour se faire entendre. Les mouvements cassent le silence et expriment ce que l’on tait. Plusieurs parcours de vie révèlent le poids social qui pèse sur les femmes concernant leur rôle reproducteur dans le but de déconstruire ces normes sociales qui définissent, encore trop souvent, la féminité par la maternité.
Pourtant, c’est un fait, toutes ne rêvent pas de couche culottes. À tour de rôle, dans des décors différents mais toujours dans l’espace public, une femme se trouve face à la caméra. Comme si le temps était venu de lui donner cette chance de raconter son histoire aux yeux de tous et toutes. La raison de ce choix, le comportement de l’entourage ou encore les questions qu’il pose, elles se livrent avec comme accompagnement le léger bruit de l’extérieur (le vent, la rue, etc.) « J’ai tout fait pour faire attention […] Je n’ai jamais pris de risque, jamais », signe Patricia. « Entre 40 et 50 ans, on peut se poser d’autres questions, est-ce un regret ? », continue-t-elle, satisfaite d’être une tante plutôt qu’une mère, sans trop savoir si cette question est la sienne ou celle induite par l’entourage.
« Je me dis que j’aurais aimé aimer faire des enfants », Patricia.
La simplicité du cadrage laisse toute la place aux discours poignants de chacune d’entre elles. Le documentaire traverse avec délicatesse et sensibilité plusieurs âges, entre 40 et 65 ans. Il montre un large spectre et ne se cantonne pas exclusivement aux femmes qui ont fait le choix de ne pas enfanter. Au refus de la maternité de certaines se superpose le regret des autres : il inclut celles qui ont désiré un enfant trop tard ou qui n’ont jamais réussi, car c’est aussi un fait : l’absence de maternité peut ne pas dépendre de la femme, mais d’autres circonstances de la vie. La pression sociale à ce sujet peut ainsi alourdir un mal-être ou des traumatismes profonds. « Je n’ai jamais voulu faire d’enfant, je voulais fonder une famille. Je voulais faire un enfant parce que c’était le père qui me donné envie de fonder quelque chose avec lui », confie Fred. « Le fait d’être maman ne me manque pas aujourd’hui […] C’est plus cet inconnu qui me manque, savoir quelle mère j’aurais été. » Quelques minutes plutôt, on découvrait le parcours de Françoise aujourd’hui âgée de 65 ans : « Quand mon gynécologue m’a dit vous êtes une nullipare, ça m’a fait comme un coup de poignard ». Malgré le fait qu’elle ait essayé d’avoir des enfants à partir de 30 ans, elle n’y est pas parvenu, et parle de « choc fondateur ».
Pendant le visionnage, on peut penser à la rhétorique d’Emmanuel Macron autour du « réarmement démographique », il y a un peu plus d’un an, qui provoquait un tollé. Ce documentaire pousse la réflexion au delà de l’absence de maternité : il interroge des modèles sociaux quand le situation est subie par la femme et questionne la possibilité des femmes à disposer de leur corps quand elle est volontaire. En ça, il est universel.
Les Silencieuses de Nicole Zeizig, mercridi 12 mars 2025, à 18h30. Gratuit.
Bibliothèque Thabor – Lucien Rose de Rennes
Disponible jusqu’au 18 septembre 2025 sur France TV.