Au TNB, Stanislas Nordey met en scène le texte de Sandrine Roche intitulé Neuf petites filles. L’ancien directeur de l’école de théâtre du TNB s’entoure d’une équipe de neuf comédiennes, dont cinq sont issues de cette institution, et d’Olivier Mellano pour la composition musicale. Neuf Petites Filles est une pièce « rennaise », mais dont la portée n’a pas de frontière. Pour preuve, l’œuvre – traduite en danois et en letton – a par exemple été lue au théâtre de Dailes à Riga en juin 2013.

« Les gros, ça rigole tout le temps et ça mange du gâteau au chocolat », « C’est ça, le petit personnel », « Allez fais-le, oh la chiquette ! », « Sa robe était trop courte, elle l’a bien cherché ! »

Les thématiques des saynètes de Sandrine Roche sont d’une actualité quasi intemporelle. De la stigmatisation de la différence (surpoids, alcoolisme, homosexualité, origine, statut social), à l’exclusion et la médisance, en passant par la torture psychologique, voire physique, la majorité de la cruauté humaine est analysée en direct. Le texte pointe aussi du doigt l’égoïsme et la non-assistance qui s’ensuivent.

D’où la question : ce besoin hostile de juger est-il inhérent à la nature humaine ou un dépassement est-il possible dans l’avenir ? Sans tenter de répondre à cette question qui intéresse pourtant un possible stade d’évolution psychologique et spirituelle de l’humanité, l’auteure en décrit les mécanismes. Et donnant à montrer, elle invite à dépasser.

De fait, c’est en imitant les adultes que les enfants apprennent à construire leur identité. Les contes cruels qu’ils échangent dans la cour de récréation ne sont guère pure invention. Au contraire, ils reflètent et charrient dans leurs esprits bridés des idées reçues et autres préjugés.

En matière opératoire, Sandrine Roche a construit la pièce de telle sorte que des adultes incarnent des enfants jouant à l’adulte. Les répliques sont épurées par un traitement enfantin, mais bien loin d’être pour autant naïves. Plutôt cinglantes et brutales. Pour l’anecdote, qui fait ici particulièrement sens, Sandrine Roche s’est inspirée d’un atelier d’écriture qu’elle animait il y a quelques années. Dans le groupe, neuf petites filles. Et une impétuosité de leurs propos et de leurs relations des plus choquantes. L’auteure leur a dédié son œuvre.

Dans la pièce, la violence est uniquement verbale. Sur scène, les seuls mouvements sont les déplacements des comédiennes. Ils permettent de deviner un changement de situation, de décor ou de récit. Les chutes et autres brutalités sont suggérées à l’imagination qui s’en emparent plus ou moins puissamment. Un choix plutôt judicieux au vu de la dureté du texte.

Le spectacle n’en est pas moins rythmé. Transformations dans l’agencement de la scène, transitions de saynètes, registres narratifs variés, refrains crus chantés à tue-tête comme des comptines – tout est mis en œuvre pour faire écho au cadre enfantin ailleurs que dans le discours. Et alourdir le choc.

Si certaines répliques font sourire, on en ressort secoué. Le malaise s’étant installé rapidement, il faudra au spectateur une bonne dose de gentillesse pour s’en remettre. De quoi redonner sens à cette vieille habitude de faire sa B.A.

Un texte sur les enfants pour les adultes, à déconseiller aux plus jeunes.

Neuf Petites Filles Sandrine Roche, mise en scène Stanislas Nordey (1h15).
Du 15 au 26 avril 2014 (relâches le 20 et 21) à 20h au TNB. De 7,50€ à 25€.

 

avec Marie Cariès, Nathalie Kousnetzoff, Sophie Mihran, Julie Moreau, Anaïs Muller, Julie Pouillon, Karine Piveteau, Lamya Regragui, Margot Segreto
collaboratrice artistique Claire ingrid Cottanceau
scénographie Emmanuel Clolus
lumières Stéphanie Daniel
composition musicale Olivier Mellano

Le texte de Neuf petites filles est publié aux Éditions Théâtrales.

production déléguée Théâtre National de Bretagne / Rennes
coproduction Compagnie Nordey – Théâtre de la Ville/Paris

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