Depuis le samedi 24 janvier 2020, 12 nichoirs en bois ont été installés dans les branches des charmes avenue Jean Janvier à Rennes. Parmi les initiateurs de cette action : l’association rennaise La Nature en ville. Son président très actif, voire activiste, Pascal Branchu, a souhaité expliquer à notre rédaction les raisons d’être de ces gîtes aviaires.

 
Nichoirs citoyens
Pascal Branchu, président de La nature en ville Rennes

UnidiversPascal Branchu, parlez-nous de l’association La nature en ville

Pascal Branchu – Organisée autour d’une trentaine d’adhérents fidèles, l’association rennaise La nature en ville se bat, depuis 2009, pour la préservation de l’environnement en milieu urbain. Elle milite notamment pour la protection des arbres et la plantation de fruitiers en ville (plus de 3 000 arbres fruitiers ont été plantés depuis 2017, les derniers en date se situent derrière les Champs Libres).

JARDIN CONFLUENCE RENNES
Jardin de la Confluence à Rennes. Décembre 2019. Jusqu’où l’eau montera-t-elle ?

La naissance de cette association est la conséquence directe d’une action que moi et plusieurs autres militants écologistes avons mené dans le quartier de la Poterie. Au cœur d’une prairie abandonnée, une friche urbaine gisait jadis une douve d’eau dans laquelle la faune foisonnait. Une expertise y révéla la présence de 100 espèces protégées dont 6 sur la liste rouge de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature. Créée en 1964, elle constitue l’inventaire mondial le plus complet de l’état de conservation global des espèces végétales et animales). Nous nous sommes donc battus contre la construction sur cette zone protégée. Malgré nos contestations virulentes, cet espace est aujourd’hui enseveli sous des murs de béton…

Depuis 8 ans, l’association organise tous les lundis à 18h02 une rencontre ouverte à tous intitulée Le Café des Possibles au Café 1802 ( 34 rue d’Antrain). Un moment dédié à de la mise en lien, de l’organisation de sorties comme des balades de jardins en jardins, de la préparation d’ateliers, etc. N’hésitez pas !

«Notre association fait de la politique avec un grand P. nous pensons que les habitants ont leur mot à dire concernant les projets de réaménagement de la ville de Rennes.» – Pascal Branchu

 
Nichoirs citoyens

Unidivers – Comment votre conscience citoyenne et écologique s’est-elle construite ?

Pascal Branchu – Il est vrai que rien ne me prédestinait à un tel engagement citoyen (rires) ! Employé dans la restauration pendant plus de 20 ans, ma conscience écologique a jailli lorsque je suis devenu parent. Comme quoi souvent ce sont les enfants qui éduquent leurs parents concernant les problématiques environnementales…

Nichoirs citoyens

Je travaille désormais en tant qu’assistant social au CDAS et en parallèle ; je suis engagé dans de nombreuses causes qui me tiennent à cœur depuis plus de 25 ans. En plus d’être le président de La nature en ville, je suis, entres autres, sociétaire d’Enercoop, acteur des parcelles Incroyables Comestibles à Rennes, militant pour une eau potable entièrement gratuite, etc. J’essaie de ne laisser aucun combat citoyen lié à l’environnement sur la touche; plus nous fonctionnons en réseau, plus nos actions ont d’impacts !

Unidivers – Pascal Branchu, depuis fin octobre 2019, des membres de votre association ainsi que d’autres collectifs militez deux samedis par mois avenue Jean Janvier. Vous proposez notamment aux passants d’adopter un charme en écrivant leur prénom sur une bande de tissu puis en l’enroulant autour de l’arbre. Pourquoi avoir choisi l’avenue Jean Janvier ?

Nichoirs citoyens

Pascal Branchu – Dans le cadre du projet EuroRennes, plusieurs élus aimeraient réorganiser la ville de Rennes de telle sorte que le Palais Saint Georges soit visible de la gare et vice-versa. Il s’agit d’une vision hausmannienne tout droit sortie du XIXe siècle, c’est aberrant ! Pour cette raison, mais aussi pour la mise en fonction de la 5G, la mairie prévoyait d’abattre 85 arbres de l’avenue Jean Janvier. Ce sont des charmes qui ont plus de 70 ans, mais qui peuvent encore en vivre 50.

Les habitants n’ont pas été consultés du tout, ils ont appris la nouvelle dans la presse. Certains, révoltés, se sont regroupés en collectif et ont fait tourner une pétition contre l’abattage des charmes qui a récolté plus de 10 000 signatures (ici). C’est le collectif Aux arbres citoyens qui a fait appel à nous afin que nous les soutenions.

NICHOIRS RENNES
Avenue Janvier à Rennes novembre 2019

Après plusieurs réunions, les élus ont accepté de revoir à la baisse les abattages prévus : ils ne concernent plus que 25 charmes. Pour autant, cette initiative nous semble illégale : l’article L 350-3 du Code de l’environnement (ici) interdit l’abattage d’arbres en ville, notamment ceux plantés le long des voies de communication… Nous nous battons pour empêcher les élus d’agir ainsi, nous avons même fait appel à un avocat pour nous épauler.

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Avenue Jean Janvier, février 2020

Unidivers – Selon vous, pourquoi est-il fondamental de se battre pour la préservation des arbres en ville ?

Pascal Branchu – En 2015, l’OMS (Organisation mondiale de la Santé) a sorti une étude révélant que la pollution de l’air est la cause de 48 000 décès prématurés par an en France. En mars 2019, la Société Européenne de Cardiologie est revenue sur ce chiffre en annonçant le chiffre de 67 000 par an. À Rennes, la pollution de l’air coûte prématurément la vie à 260 citoyens chaque année.

Un arbre capte le carbone, le dioxyde de carbone, mais aussi 20 kilos de particules fines par an. Et selon un récent document de l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la maîtrise de l’Énergie), ce sont ces particules fines les responsables des décès prématurés.

De plus, cet été nous avons procédé à un relevé de températures au sol sous les arbres et au sol au soleil : notre appareil indiquait 23°C puis 67°C… Les arbres agissent tels de véritables climatiseurs naturels ! Si ceux de l’avenue Janvier sont abattus, il y a fort à parier que les habitant devront investir dans une climatisation pour passer l’été, lesquels sont de véritables désastres pour l’environnement.

«Il s’agit d’une question de santé publique. La pollution de l’air est devenue la seconde cause de mortalité. Il ne faut surtout pas toucher aux arbres, au contraire ! Il est nécessaire de les entretenir et d’en planter d’autres. Ce sont les feuilles qui captent les particules polluantes, les arbres ont donc besoin d’atteindre une certaine maturité afin de capter la pollution et de relâcher de l’oxygène.» – Pascal Branchu

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Unidivers – En plus de proposer aux Rennais d’adopter un arbre un samedi sur deux, vous menez mensuellement des « actions choc » que vous gardez secrètes jusqu’à la veille afin de décupler l’effet de surprise. Quelles sont les raisons qui vous ont poussées à installer 12 nichoirs avenue Janvier le 24 janvier 2020 ?

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Installation des nichoirs dans les charmes le 24 janvier 2020. Image : Facebook La nature en ville

Pascal Branchu – Le vendredi 18 octobre 2019, l’arrêté d’abattage des arbres a été affiché avenue Janvier. À la vue de cette nouvelle, nous avons passé le weekend à rédiger un référé suspension. Nous avons déposé le recours au tribunal administratif le lundi 21 octobre 2019 au matin, mais le lundi après-midi, 4 arbres de l’avenue Janvier ont quand même été abattus.

Quelques heures après l’abattage de ces charmes, de nombreux passereaux, étourneaux et mésanges gisaient morts sur le sol. Vous me direz, pourquoi ne se sont-ils pas envolés lors de l’abattage ? Tout simplement parce qu’il étaient piégés ! Il y a 6 ans, des filets ont été installés autour des branches de ces charmes. En principe, ce genre de filet est posé pendant un mois et demi l’hiver puis est enlevé, mais pas là. Conséquences : des branches ont poussé, elles n’ont pas été élaguées et donc à cause du vent et des enchevêtrements des branches, les oiseaux entraient dans les feuillages, mais ne parvenaient plus à en ressortir.

NICHOIRS CITOYENS RENNES
Avenue Janvier novembre 2019

Nous avons décidé de créer des nichoirs pour adresser un message symbolique à la mairie : « Nous, nous pallions à l’érosion de la biodiversité ! »  Il s’agit donc de nichoirs construits grâce à du bois récolté à la Belle Déchette (une recyclerie à Rennes, située 2 rue du Pré du bois). Si les 12 nichoirs ont été installés le 25 janvier 2020, ce n’est pas anodin ! Le 25 janvier est la journée nationale du comptage des oiseaux. Heureusement, depuis, la mairie a enlevé les filets.

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Facebook La nature en ville

Unidivers – Vous vous inscrivez dans une ligne de défense de la biodiversité revendicatrice et activiste. Donc, vous allez continuer à mener des actions ?

Pascal Branchu – Les prochains abattages avenue Janvier sont prévus après les élections. C’est pour cette raison que nous augurer de préparer au moins deux grosses actions avant mi-mars. Mais pour le moment elles sont tenues secrètes – gardez vos yeux et vos oreilles ouverts ! – la prochaine « action choc » de La nature en ville sera annoncée la veille sur la page Facebook de l’association !

Sinon, rendez-vous les 8 et 29 février 2020 pour adopter votre arbre. Un atelier de ce type est proposé tous les 15 jours car au fur et à mesure nos bandes de tissu sont enlevées.

L’idée d’adopter un arbre pour prévenir de son abattage vient de Thomais Brail. Cet arboriste grimpeur a passé un mois dans un arbre devant le ministère de l’écologie cet été afin d’alerter quant à l’urgence climatique. Après avoir été reçu par Élisabeth Borne, il a fondé le GNSA (Groupe national de surveillance des arbres). Nous avons donc constitué une antenne GNSA à Rennes pour lui témoigner notre soutien. Thomas Brail sera présent les 26 et 27 février 2020 à Rennes. À cette occasion, nous espérons pouvoir rencontrer Nathalie Appéré pour lui parler de l’urgence avenue Janvier !

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Facebook La nature en ville

Site La nature en ville 

Facebook La nature en ville 

Facebook Groupe national de surveillance des arbres 

Café des possibles, tous les lundis à 18h02 au Café 1802, 34 rue d’Antrain. 

L’avenue Janvier, autrefois nommée l’avenue de la gare à Rennes :

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Julie Pialot
Julie Pialot a suivi des études de Lettres Modernes. Pendant une année d'ERASMUS à Pondichéry (Inde), elle a rédigé un mémoire sur la littérature de voyage en Orient, avant de compléter sa formation à l'école de journalisme de Marseille. Passionnée de voyages et de nouvelles découvertes, c'est en Bretagne, son choix de coeur, qu'elle a choisi de mettre en valeur les initiatives culturelles locales.

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