Certes, il ne serait pas tout à fait injuste de considérer que Myrtò Papatanasiu arrivait un peu en terre conquise pour cette seconde prestation rennaise tant restait gravée dans les esprits la merveilleuse interprétation de Traviata en juin 2013. Toute chose ayant son contraire, le souvenir qu’elle avait imprimé dans le cœur des Rennais ne l’obligeait-il pas à la perfection ? La situation s’avérait quelque peu périlleuse : s’imposait l’évidence qu’elle n’avait pas le droit à l’erreur.

 

Apparaissant sur la scène de l’opéra dans une robe blanche à volants surmontée d’un bustier fuchsia que séparait une ceinture de satin vert olive, c’est sa fragilité intime qu’elle exposait. Elle était venue déposer une offrande au pied de son public…toute une salle retenait son souffle.

C’est par l’aria « ah ! mio cor » extrait de l’œuvre de Georg Freidrich Haendel, Alcina, qu’elle entame son récital intitulé « les chemins de l’amour ».

Myrto Papatanasiu
Myrtò Papatanasiu

Un choix qui se comprend d’un point technique : la voix est raisonnablement sollicitée et permet une montée en puissance progressive. Il faut également tenir compte du fait que Myrtò Papatanasiu a tenu le rôle-titre de cette œuvre lors de la saison 2014 et qu’elle domine les difficultés particulières de cette partition. Il n’en reste pas moins que comme « accroche », ce n’est peut-être pas l’œuvre la plus adéquate. Soyez cependant rassurés, elle s’en tire avec brio et incarne un personnage émouvant qui fait chavirer toute une assistance enfin rassurée et déjà conquise.

L’orchestre de Bretagne, pour lors dirigé par Luciano Acocella, mérite de particulières éloges. Non content de se mettre avec finesse au service d’une remarquable interprète, il nous a offert une ouverture de Don Giovanni efficace et vibrante, qui le place, sans qu’il soit possible d’en douter, au niveau des meilleurs orchestres français.

Aussi à l’aise avec Haendel qu’avec Mozart, c’est l’air de dona Anna « crudele ! Non mir dir » qu’elle nous propose ensuite. Voilà confortée l’opinion que nous nous étions forgée lors de la Traviatta 2013 : Myrtò Papatanasiu est avant tout une remarquable tragédienne. À la manière de Maria Callas, elle ne joue pas un rôle, elle est Dona Anna. D’où une violente émotion, une totale adhésion du public et les larmes qui apparaissent dans ses yeux à ce moment trouvent leur scintillant écho dans ceux de l’assistance.

Myrto Papatanasiu
Myrtò Papatanasiu

C’est avec le prélude du premier acte de Traviatta que l’OSB nous ramène à la réalité et permet à la cantatrice de se reposer quelques instants avant de nous replonger dans un délicieux passé en chantant de manière aussi vibrante l’air E strano :

« Étrange, étrange…dans mon cœur, sont gravées ses paroles ! Un véritable amour serait-il un malheur pour moi ? Que vas-tu décider ô mon âme, aucun homme ne m’a encore enflammée…Ô joie que jamais je ne connus ! Aimer et être aimée ! Cette joie la dédaignerai-je pour les folies stériles de ma vie ? 

Après quelques minutes d’entracte, Myrtò Papatanasiu nous accueille à nouveau, vêtue d’une robe noire digne d’un drapé antique et d’un splendide bustier arachnéen. C’est avec Anton Dvorak et son œuvre Rusalka qu’elle entame la seconde partie de son récital. Elle y est émouvante et met en avant ses qualités techniques et la puissance de sa voie. Une artiste accomplie. Les Rennais venus nombreux pour cette ouverture de la saison 2014-2015 éprouvent alors le sentiment qu’ils assistent à quelque chose d’exceptionnel, l’un de ces moments rares dont on s’enorgueillit de pouvoir dire « j’y étais ».

La vocalise de Rachmaninov qui précède l‘exécution de l’ouverture de Médée démontre que Myrtò Papatanasiu s’épanouit surtout dans l’interprétation d’un personnage. Dans ce morceau particulier qui met en avant la voix et la technique, l’émotion qu’elle crée en entrant profondément dans un rôle n’a pas d’existence ; cela nous laisse un peu frustré, il n’en est pas moins exécuté avec talent.

Myrto Papatanasiu
Myrtò Papatanasiu

L’air du poison extrait du Roméo et Juliette de Charles Gounot marque une nouvelle progression dans la mise en valeur des qualités de Myrtò Papatanasiu, elle démontre la puissance dont elle est capable ; elle cloue sur leur siège les éventuels récalcitrants, sa pratique de langue française n’est toutefois pas très compréhensible. Elle s’avère si bonne chanteuse qu’on en serait presque content de lui trouver un petit défaut.

Plusieurs fois, le nom de l’inoubliable Maria Callas a été cité et c’est par un morceau de bravoure dans lequel elle brillait particulièrement que se conclut le concert : « Visse d’arte, vissi d’amore ». La comparaison répétée avec la prima dona crée une situation risquée pour notre artiste invitée. De toute évidence, elle n’en a cure, et l’extrême dépouillement de son interprétation restitue toute la beauté du plus bel air de Tosca, elle nous porte la dernière estocade et nous laisse éblouis et heureux.

Alain Surrans, le directeur de l’opéra de Rennes a donc réussi un tour de force dès la première soirée de la nouvelle saison. Tout a été parfait, une chanteuse d’exception, un orchestre en état de grâce.

Myrto Papatansiu
Myrtò Papatansiu

Comme d’habitude, il ne craint pas de mettre la barre très haut, et les rendez-vous du 14 octobre avec « La création » de Haydn, comme ceux des 21 et 23 avec la venue de l’excentrique Paricia Petibon, nous promettent de fameuses soirées.

Ce ne sera pour personne une surprise de savoir que de nombreux rappels obligèrent Myrtò Papatanasiu à deux bis, dont une belle chanson grecque de Mikis Théodorakis.

En bref, une merveilleuse soirée à l’opéra de Rennes. Il ne nous reste plus à espérer que Myrtò Papatanasiu revienne bien vite dans notre ville avec laquelle elle a commencé à tisser une jolie histoire d’amour.

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Thierry Martin
thierry.martin [@] unidivers .fr

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