Le DJ et producteur House UN*DEUX était, samedi dernier, en warm up sur la grande scène du festival Rock’n Solex à Rennes. À 28 ans, le DJ originaire de Vitry-Sur-Seine, a lancé la soirée devant une trentaine de personnes, un exercice difficile mais auquel il est habitué. Rencontre avec ce Sri-Lankais déjà adopté par la scène House du moment.

ROCK N SOLEX RENNES

UN*DEUX, c’est original comme nom de scène…

UN*DEUX : C’est par rapport à mes origines. Je suis de Vitry-Sur-Seine, j’étais le seul Sri-Lankais, et à l’époque, personne ne faisait la différence entre un Indien et un Sri-Lankais. Tout le monde m’appelait l’Hindou, ce qui est déjà une erreur car c’est une religion. J’ai toujours pris ce surnom comme une affection, et il me suit encore aujourd’hui. Quand j’ai commencé à graffer, je taguais l’Hindou, sauf que j’ai vite été démasqué puisque j’étais le seul dans Vitry. UN*DEUX est un jeu de mots parce que ma mère est Sri-Lankaise. Elle a un accent lorsqu’elle parle français, pour dire « un deux », elle dit « hindou ». Après j’ai commencé à faire du son et j’ai gardé ce nom de graff. Ce n’est pas terrible comme nom mais j’ai décidé de le garder pour rester fidèle à mes origines. C’est un nom qui me met dans beaucoup de difficultés notamment dans le référencement. Quand tu tapes dans Google « un deux », tu tombes sur « un, deux, trois, soleil ». C’est aussi pour ça que j’ai mis un astérisque entre un et deux pour être mieux référencé, mais ça ne marche pas tellement (rires).

ROCK N SOLEX

C’est votre première participation à Rock’n Solex, vous en aviez déjà entendu parler ?

UN*DEUX : Apparemment c’est hyper connu, c’est la 51ème édition, je n’en avais jamais entendu parler. Quand j’ai appris que je jouais ici, j’en ai parlé à des potes et certains avaient déjà joué ici et m’ont dit que l’ambiance était terrible, 100% étudiante. J’aime bien la démarche. Par expérience, quand tu travailles avec des professionnels, généralement ils bâclent le travail, ils ont tellement d’expérience qu’ils ne se donnent pas à fond. Tandis que des étudiants travaillent à fond parce que c’est leur première fois, ils veulent bien faire. J’ai bien vu que l’organisation était carrée, et les bénévoles sont très cool aussi.

Ce n’est jamais simple d’être placé en début de soirée, comment ça prépare ?

UN*DEUX : Je préfère le warm up, plutôt que mixer en pleine soirée. À Rock’n Solex, je m’attendais à voir peu de monde lorsque j’ai vu que je jouais au début. 19h pour un festival c’est un peu tôt. En France, il y a une culture où les gens sortent très tard, aux alentours de minuit, dans les festivals ou dans les clubs. Mais qu’il y ait 5 ou 2000 personnes devant moi, je prends toujours autant de plaisir à mixer. J’ai joué un set très House, un peu minimal et groovy, sur mes goûts du moment. Je ne prépare jamais mes sets à l’avance, seulement mes playlists. Je remplis mes clés USB avec des tracks et après je passe des sons au feeling. Je me suis amusé et j’ai essayé de faire découvrir des sons au public. Habituellement lorsque je mixe, je m’adapte plus en fonction de la réaction des gens.

ROCK N SOLEX RENNES

Vous avez l’habitude de jouer en warm up ?

UN*DEUX : Je fais souvent les warm up. Mes bookers m’ont toujours placé devant des grands artistes comme Agoria, Kolsh, ou Kaytranada. J’adore faire ça, c’est un bel exercice et super difficile car tu dois chauffer la salle sans trop en faire. C’est comme la cuisson d’un steak, il faut qu’elle soit saignante pour l’artiste qui passe après. Personnellement, j’ai toujours peur par rapport à celui qui fait mon warm up parce que tu peux avoir des DJ’s qui n’ont jamais joué en club, mais seulement dans leur chambre. Et lorsqu’ils arrivent en club, c’est leur seule date, donc ils veulent tout donner et mettre leur feu. Alors que le warm up doit permettre de faire seulement un peu danser les gens, le staff, et les barmans. Quand les gens arrivent, ils sont timides et le DJ en warm up doit commencer à les chauffer.

Où mixez-vous la plupart du temps ?

UN*DEUX : Principalement à Paris. Jeudi dernier, j’étais au Café Barge, sur les quais de Seine. C’est un endroit super à Paris, ouvert de 19h à 2h, c’est un autre mode de fête, plus éclairé, festif, et les gens sont moins bourrés. C’est comme si nous faisions une fête l’après-midi. Hier j’étais à Rouen, je mixais dans un club qui était totalement différent, il n’y avait pas de lumière, il y avait de la fumée de partout. J’ai joué dans pas mal de clubs, au Rex, Showcase, Concrete. Je tourne un peu en France, à Nantes, Annecy, et Lyon. Des festivals j’en ai pas fait tellement, juste à Malte avec The Sound You Need, et à Paris avec Le Brunch Electronik.

Pour revenir à vos débuts, comment la house est-elle arrivée à vous ?

UN*DEUX : J’ai découvert la House grâce à ma sœur. J’avais 14 ans, elle sortait déjà en club, elle travaillait pour des marques de vêtements, et elle était déjà dans le milieu de la mode où ils écoutaient beaucoup la house. Moi j’étais loin de tout ça, je venais du rap français et du hip-hop à l’ancienne qui samplait déjà de la soul, funk et disco. Au début, j’avais du mal avec la house que je trouvais très répétitif, aujourd’hui, je remarque davantage l’émotion et l’ambiance qu’elle dégage. Ma sœur m’a fait écouter plein de choses, et je suis tombé amoureux d’une compilation qui s’appelait DJ Kicks, c’était mixé par Tiga à l’époque. Après cette découverte, j’ai commencé à composer et à mixer.

En juillet 2013, On Drugs sort sur le label Tealer Records, un premier EP qui va déclencher une tournée dans toute la France…                                           

UN*DEUX : J’avais fait ce travail depuis un petit moment. Tealer Records a été crée en 2012. Entre temps, Jeff, le patron, a entendu mon track parce qu’un de mes potes était son cousin qui travaillait chez Tealer. Il a écouté et il a eu envie de faire un label. Il était déjà DJ, et il voulait allier ce côté mode et musique. Il a crée le label, nous avons fait le clip de On Drugs, et depuis ce clip je tourne un peu partout. Ça me fait drôle parce qu’avant je faisais de la musique dans ma chambre, et j’avais seulement quelques dates en club. D’ailleurs On Drugs, et Shopping Day qui est aussi dans cet EP, ont connu le plus de succès, alors que ce sont des tracks que j’ai produit en même pas trois heures (rires).

Un deuxième EP sort ensuite en février 2014, intitulé Roses, un EP plus personnel que le précédent…

UN*DEUX : Un EP très différent, moins sample, qui représente 95% de composition. Il est beaucoup plus personnel, moins club. Je le voyais plus comme un EP à écouter dans son Ipod. Il n’y a pas très longtemps, un mec m’a booké, il m’a connu en after dans son salon, il était défoncé et il avait mis Spotify. Mon track était en train de passer, et il a eu la plus grande montée de sa vie. Deux jours après, ma sœur m’envoie un texto, sa pote lui dit « c’est ton frère UN*DEUX ? J’ai eu le meilleur plan de ma vie sur Roses il n’y a pas longtemps ». Sur ce deuxième EP, je voulais que les gens trippent dessus, non pas en fête mais plutôt seul, en faisant l’amour ou en fumant un joint.

Le projet de compilations Deep in Your House est un peu un retour aux sources…

UN*DEUX : J’étais en stage au sein du label Serial Records en 2014 de mémoire. Je suis arrivé tout innocent devant le patron en lui disant « je suis DJ, j’adore le catalogue de Serial, est-ce que je peux reprendre les anciens morceaux et faire des compilations ? ». Il a accepté le projet, et ça a super bien marché. Ce sont des morceaux qui m’ont fait aimer la House, ils sont sortis entre 1995 et 2002 et passaient sur Radio FG à l’époque. Il y a Didier Sinclair, Djulz, Soldiers of Twilight. Je suis arrivé dans ce label par hasard, c’est mon école qui m’avait trouvé ce stage, et aujourd’hui j’y travaille encore. Nous avons créé un nouveau label, et nous sortons d’autres artistes.

Votre manière de produire a évolué depuis vos débuts ?

UN*DEUX : Je suis passé par différents stades. J’ai commencé avec un ordinateur et une souris dans ma maison. Mon cousin faisait déjà des beats en Angleterre avec ce matériel là. Il ne faut pas sous-estimer l’ordinateur et la souris, je connais encore des producteurs aujourd’hui qui font des hits mondiaux avec ça. J’ai ensuite acheté un clavier maître. Aujourd’hui, vu que je travaille en semaine sur un bureau et devant un écran, j’avais envie d’avoir un matériel qui m’évite de regarder mon écran. J’ai donc acheté une MPC 3000, une vieille machine qui date de 1994, et qui a un son assez particulier. Ça me permet de faire du son sans avoir d’ordinateur devant moi. C’est mieux pour mes yeux, le son est mieux et c’est une autre approche de la musique.

Le « back-to-back » est un exercice que vous appréciez ou vous préférez mixer en solo ?

UN*DEUX : J’adore le « back-to-back ». Ce sont deux exercices totalement différents. J’ai un de mes très bons potes, Jean-Patrick, que j’ai rencontré en « back-to-back » en Corse. Il devait mixer et il n’y avait pas trop de monde pendant son set, je lui ai donc proposé de mixer avec moi toute la nuit. Jeudi dernier, j’étais aussi en « back-to-back » avec Marwan Sabb de INSOMNIA. C’est un exercice qui te permet de t’adapter avec la personne, et d’échanger avec elle. Tandis que lorsque tu es tout seul, tu crée ton histoire. Tu peux avoir de mauvaise surprise en « back-to-back ». Le principe est de ne pas faire de l’ombre à ton prochain, de ne pas essayer de faire mieux que lui, mais d’essayer de faire mieux ensemble. C’est comme au foot, si tu commences à vouloir te mettre en avant ça ne marche pas. Le « back-to-back » c’est trop bien, tu as le temps d’apprécier la musique, et de danser aussi. Des fois quand je suis tout seul, je suis stressé, je n’arrive plus à danser et à prendre du plaisir. Le « back-to-back » permet de faire une pause, et de reprendre les platines à n’importe quel moment. Je ne suis pas tout le temps stressé, il y a des moments où j’ai des coups de stress parce que j’ai l’impression que je n’arrive pas à faire bouger la foule. C’est pour ça que je regarde beaucoup le public et quand je n’y arrive pas, je me creuse les méninges, et j’essaye de trouver le bon son. C’est surtout pendant mon set que je peux stresser, quand je vois que j’ai fait un bide ou une mauvaise transition.

Un petit mot sur votre dernier EP Prince de la Vrille ?

UN*DEUX : Prince de la Vrille est sorti vendredi dernier sur le label Ondulé. C’est en référence à l’album mythique de 113 intitulé Les Princes de la Ville, car c’est un groupe de chez moi, de Vitry-Sur-Seine. Il y a trois morceaux dans cet EP : 3615 CARO, Deepacito, en référence à la chanson Despacito, j’ai fait un jeu de mot, et Space Bass Tool. C’est un EP très House, sorti en digital et qui va sortir en vinyle à la fin du mois.

Quelles sont vos prochaines dates ?

UN*DEUX : Le 20 mai je serai à Toulouse, et le 31 mai à Paris sur Les Croisières Électroniques. C’est super stylé, il y a deux croisières, nous sommes sur la Seine et il y a le son à fond. Je l’ai fait l’année dernière, c’est la meilleure fête de ma vie. Déjà sur un bateau il y a une atmosphère particulière, et quand tu passes sous les ponts de la Seine, il y a une résonance de dingue. Il y a une bonne ambiance, et il va faire beau. Après, il y a l’événement à Concrete sur Paris en juillet et des dates cet été à Biarritz et en Corse.

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Timothy Gaignoux
Timothy Gaignoux est journaliste spécialisé en culture musicale.

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