MUR de Rennes. Les vanités contemporaines de Naga

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naga mur de rennes
@ Rod Maurice

Le Rennais Naga sera le 40e artiste à faire le MUR de Rennes à partir de samedi 26 octobre 2024. Sur l’étendue noire du tableau de rue, il offrira à la population rennaise son univers pictural réaliste. Le fond sera habité de ses sujets de prédilection : la présence humaine, le monde végétal et animal, en référence au temps qui passe, à la vie et sa fragilité.

Naga ne vient pas du milieu graffiti, sa présence sur la scène artistique rennaise est même récente. Après une formation en arts plastiques à l’université Rennes 2 et en graphisme publicitaire à l’école MJM Graphic Design, il se reconvertit dans la boucherie avant de revenir à la peinture, pour le plus grand plaisir de nos yeux, en 2019. C’est l’artiste Mist1guette (voir notre article) qui lui remet le pied à l’étrier en lui proposant de peindre un mur à ses côtés, une première pour le jeune homme qui n’a essayé ce support qu’une fois avec des amis d’école, et « c’était un petit mur », précise-t-il. Elle l’invite ensuite à participer à une exposition au Oan’s pub. Depuis, il n’a pas arrêté et continue en parallèle de son travail.

Naga
Naga @ Antoine Louce

Comme Izuku Midoriya, personnage principal du manga japonais My Hero Academia, qui tire son nom de super-héros du surnom (un peu moqueur) que lui donnait son ami d’enfance, Naga tire son blase d’un surnom qu’on lui donnait au collège, une gentille blague, peut-être un peu raciste avoue-t-il, autour de son nom de famille qu’il préfère garder confidentiel. « Ce surnom fait partie de moi, même mes profs m’appelaient comme ça. »

Quand il retrouve ses pinceaux, l’artiste change de style au profit d’une peinture plus réaliste. « Avant, j’utilisais la photo pour les positions puis je les déformais », raconte-t-il. Mais un jour, c’est le déclic, une photo prise de sa petite-amie à Grenoble l’interpelle particulièrement. « Le clair-obscur était vraiment beau, je trouvais dommage de tout déformer. » Il prend plaisir à reproduire picturalement l’image en s‘intéressant particulièrement à l’ombre et la lumière. De là naît un style figuratif reconnaissable que l’on peut rapprocher, à certains égards, d’un des plus grands muralistes du XXe siècle, le Mexicain Diego Rivera, peintre particulièrement connu pour ses fresque murales sociales et historiques.

« Je ne réfléchis pas forcément à un discours quand je peins, des choses apparaissent et reviennent. » Quand on observe son travail, on décèle dans ses sujets ses sensibilités personnelles ; quand on l’écoute parler d’artistes qu’il aime, on s’aperçoit qu’elles reflètent ses affinités artistiques. Son appréciation de l’œuvre de l’Italien Caravage révèle son intérêt pour le clair-obscur ; dans les figures féminines qu’il représente, on retrouve son goût pour l’illustrateur tchèque Alphonse Mucha. Les artistes qu’il cite ont en commun la figuration et le réalisme. Il en va de même pour les artistes contemporains : le collectif ETAM Cru des Polonais SAINER et BEZT et la Française Rouge, qui a d’ailleurs déjà fait le MUR de Rennes. Quant aux illustrations de l’Espagnol Dulk ? On retrouve l’intérêt de Naga pour le végétal et l’animal. « Je travaille beaucoup autour de la vanité, c’est pour cette raison qu’il y a souvent un crâne caché, ou pas d’ailleurs », exprime-t-il.

Dans certaines peintures, la nature reprend ses droits sur l’être humain et, comme du lierre, elle grimpe sur les peaux, remplace les visages, fusionne avec le corps au final. « C’est donner une impression de la fin de l’humanité sans le côté apocalypse », avec une touche au contraire poétique et douce. « Ce n’est pas forcément négatif de peindre un crâne, ça permet de se questionner. » La figure du chien revient souvent en ce moment, particulièrement le doberman qui lui rappelle le dieu des morts Anubis, dans la mythologie égyptienne. « C’est bien de se confronter à ces sujets, dans d’autres pays, comme au Mexique, la mort n’est pas traitée de la même manière. »

Alors que les vanités représentent les activités humaines mises en regard de l’éphémère de la vie et sa fin, Naga s’approprie le genre et s’attarde particulièrement sur la deuxième : la mort, le temps qui passe et la fragilité de la condition humaine. Mais au delà de cela, on y voit aussi le Vivant quel qu’il soit. « Chaque chose a une fin et et c’est vrai qu’on n’a qu’une vie, autant en profiter. »

naga mur de rennes
@go Maurice

Naga allège ses œuvres en opposant le réalisme au naïf. Des nuages, des fleurs et des maisonnettes aux traits enfantins apparaissent de-ci de-là dans ses compositions. « C’est marrant, les différents discours », déclare-t-il au sujet de son travail. « Parfois, les parents préfèrent le côté naïf parce qu’ils trouvent l’œuvre trop sombre alors que les enfants, eux, préfèrent le côté réaliste. »

Au vu de son travail, la période pour faire le MUR est faite pour lui semble-t-il. « Le fait de venir peindre pour le MUR de Rennes, à la maison, c’est important pour moi. » Sur cette étendue noire de la rue Vasselot, l’artiste souhaite montrer l’ensemble de son univers. Il nous met dans la confidence et nous révèle le montage photo qui lui servira de support à l’œuvre qui accompagnera la population rennaise dans ses déambulations diverses et variées du centre-ville. « C’est souvent ma copine le modèle, parce que c’est elle qui est souvent à côté de moi », s’amuse-t-il. Mais motus et bouche cousue, Unidivers ne révélera rien même sous la torture (ce serait de circonstances vu la saison). Encore une fois, la vie sera au cœur de cette nouvelle œuvre murale. Le mur de Naga se construira au fil de jours, de samedi 26 et dimanche 27 octobre, et restera le temps de quelques semaines. Car, pour reprendre ses mots, « chaque [bonne] chose a une fin ».

Le vernissage aura lieu dimanche 27 octobre à 16h

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