Monsieur Appert, c’est une gamme de bocaux de fruits et légumes directement du jardin à l’étagère. Cette nouvelle entreprise rennaise, Monsieur Appert, a pour but de remplir vos assiettes de produits d’un haut niveau de qualité, dont l’origine serait majoritairement bretonne. L’intention est des plus stimulantes ; il s’avérait donc impossible, voire inexcusable, de ne pas approfondir notre enquête par une impitoyable dégustation…

 
Notre souci de justice et d’impartialité nous oblige avant toute chose à rendre hommage à celui dont le nom a inspiré cette gamme de bocaux. Nicolas Appert, cuisinier champenois, certainement peu connu du grand public, est pourtant l’auteur d’une invention dont les répercussions atteignent une échelle mondiale. Sans son procédé de stérilisation, que de famines ou de disettes auraient ravagées des pays entiers ! Seulement voilà, lorsque l’on peut préserver les aliments dans de bonnes conditions, de tels cataclysmes sont évités d’une simple chiquenaude.

Patrick Elziere Philipe Boissel
Patrick Elziere et Philipe Boissel

C’est par ce rappel que Patrick Elziere et Philipe Boissel, créateurs de la marque Monsieur Appert, inauguraient leur présentation, en présence des représentants de la presse. Ces deux épicuriens ont développé ce projet depuis seulement deux ans, avec des idées très arrêtées. La conserve de nos grand-mères a une image un peu désuète, il est temps de la rajeunir. Il est surtout essentiel de revenir à un vrai respect de la nature, observer la saisonnalité, produire dans le respect de l’environnement, et proposer une gamme de très haut niveau. C’est ce qui a été fait, et le premier travail a bien sûr consisté à sélectionner des fournisseurs engagés dans une démarche de respect du produit. Pour ce faire, ils n’ont pas hésité à s’appuyer sur la compétence du centre culinaire contemporain et sur celle de la société IDEMER, spécialisée dans la recherche et le développement en externalisé.

monsieur-appert-bocal-cuisine-centre-culinaireSi une étude de marché a été réalisée avec soin, pas besoin d’être grand clerc pour deviner que de telles exigences ne peuvent engendrer que des niveaux de prix mettant ces conserves hors de portée du commun des mortels. Le bocal de carottes eau de vichy et beurre salé à 9,95 euros les 350 grammes vous assure en bouche un moment de plaisir, mais ne peut pas se concevoir au quotidien. Le positionnement haut de gamme coule donc de source ! Si les produits sont déclinés sur trois gammes distinctes : celle du jardinier, celle de l’épicier, et enfin celle du cuisinier, seules les deux dernières sont déjà en partie réalisées, chaque année verra de nouveaux produits les enrichir.

Respectant la même logique élitiste, le mode de distribution apparaît de manière évidente. Dans un premier temps, seules des épiceries fines de haut niveau seront sélectionnées pour devenir distributrices des « collections ». Dans un second temps, le projet est la création de la boutique de la marque, pas sous la forme de franchise, mais intégrées, afin de garder la main haute sur l’éthique de « Monsieur Appert ». La perspective sur cinq ans d’arriver à trente distributeurs et cinq à six boutiques, ne paraît pas d’un enthousiasme excessif. Cela semble même plutôt raisonnable. Il n’en reste pas moins que, « modernité exige », les gourmands de toutes origines pourront se fournir sur un site internet et se faire livrer dans tout l’hexagone et plus loin encore (dans l’avenir) si leur estomac l’exige…
monsieur-appert-bocal-cuisine-centre-culinaire

Passons, si vous le voulez bien à l’aspect gustatif de notre enquête. Sous la houlette de Soizic Rescamp, chef de cuisine chargée de mettre en scène les différents produits, nous avons entamé notre découverte par des cocos de Paimpol cuisinés avec du jambon Serrano, suivis d’une panacotta de choux-fleurs, et de nombreux autres plats dont il convient de dire qu’ils étaient tous absolument délicieux. Pouvait-il en être autrement ? Assurément non. Lorsque la qualité est là, le prix s’oublie ! Enfin presque… En tout cas, pour ce qui est de la qualité, nos deux créateurs ont réussi leur pari, les produits « Monsieur Appert » sont tout à fait remarquables. Le Butternut au beurre demi-sel parfumé à l’orange démontre au fur et à mesure de la dégustation sa capacité à être utilisé aussi bien dans une préparation sucrée que salée et le chutney de cerise aux oignons et safran vous fera saliver de plaisir.

monsieur-appert-bocal-cuisine-centre-culinaireUne seule question reste donc posée. En quoi les produits « Monsieur Appert » se différencient-ils de ce qui existe déjà dans les épiceries fines ? La réponse se décline sur plusieurs registres et permet de découvrir toute la réflexion qui a présidé à la création de cette gamme. Première remarque, chaque produit est conçu pour une consommation autonome et se suffit à lui-même. Où cela devient beaucoup plus intéressant, c’est que dès la conception la complémentarité des produits a été pensée testée et validée. Ainsi donc, vous pouvez ouvrir une boite de carottes à l’eau de vichy et beurre demi-sel et la mélanger, si le cœur vous en dit, avec une boite de tomates, cuisinées avec de l’ail rosé et du thym, sans que la juxtaposition des saveurs soit gênante. Au contraire, toutes sont sublimées.

Seconde approche qu’on peut légitimement qualifier d’intelligente, si chaque produit peut être consommé comme une garniture il peut aussi entrer comme simple élément d’une recette plus complexe. Le bocal d’oignons fumés de Roscoff parfumés à la graisse de canard apportera une touche particulière à la conception d’un plat ou sera consommé tel quel avec un plaisir équivalent. monsieur-appert-bocal-cuisine-centre-culinaireLa notion d’accompagnement étant importante, des fiches recette seront jointes aux commandes ou aux achats afin de permettre une préparation optimisée. Tout cela est bien pensé et plutôt flatteur.

Si nous pouvions nous permettre toutefois une petite remarque, c’est, à notre goût, un excès autour de la présentation des produits. Il s’agit, pardon, de remettre les pieds sur terre, de conserves de légumes, or tous les textes sont un peu trop ciselés, et on ne parle que de « cuisson délicate » de bocaux comparés à des écrins, de « mousseline » de choux-fleurs et de « farandole » de tomates, de chutney « aigre-doux et raffiné »… tout cela est bien gentil, mais apparaît comme un peu chichi-pompon et une touche de simplicité ne serait pas de mauvais aloi. Rajoutez à cela les produits déclinés en « collections », comme dans la haute couture et millésimés comme les grands vins et vous comprendrez que cela peut engendrer un agacement aussi légitime que de courte durée.

De toute manière, la seule vérité restera au consommateur. La gamme des produits « Monsieur Appert », est d’une irréprochable qualité. En face de cela, les prix en sont vraiment élevés. Seul l’avenir nous dira si l’exigence de Patrick Elzière et de Philippe Boissel aura trouvé grâce aux yeux du public en leur accordant un succès que l’excellence de leur gamme leur fait vraiment mériter. Malgré l’ancrage breton crânement revendiqué, c’est à Paris que la première boutique verra le jour, cela fait un peu taper du pied, mais c’est probablement inévitable. Rassurez-vous, la seconde est prévue à Rennes… nous sommes déjà impatients.

  MONSIEUR APPERT tarif : de 6,50 à 20€ pour la collection hiver 2016

 

Nicolas Appert

Nicolas Appert (1749-1841) : il apprend chez son père, aubergiste à Châlons, son métier de cuisinier-confiseur. Après avoir tenté d’installer une Brasserie royale dans cette ville, il la quitte en 1772 pour se mettre au service de Christian IV, duc du Palatinat ; on le retrouve, en 1775, officier de bouche de la princesse de Forbach. En 1784, il s’installe confiseur à Paris à l’enseigne « La Renommée ». Dès 1789, il s’engage dans la Révolution ; président de la section des Lombards, il est emprisonné pendant la Terreur. C’est à cette époque qu’il découvre qu’en faisant chauffer pendant un certain temps des aliments à cent degrés dans des récipients hermétiquement clos, on peut les conserver indéfiniment. L’appertisation était née.

Il installe à Ivry-sur-Seine son premier atelier et commence à exploiter sa découverte qu’il fait tester surtout par la marine. En 1802, il crée à Massy une fabrique qui emploie cinquante personnes. En 1810, il obtient du gouvernement impérial un prix de douze mille francs pour son procédé universel de conservation et publie L’Art de conserver pendant plusieurs années toutes les substances animales et végétales. Il ne dépose pas de brevet. Cet inventeur généreux a préféré le soulagement de la population à son enrichissement personnel. Sa méthode de conservation se voit copiée par les Britanniques qui ne lui versent aucune compensation financière et se contentent de l’honorer du titre symbolique de « bienfaiteur de l’humanité ». Utilisant la technique Appert, reprise dans un brevet déposé par Peter Durand, les Britanniques Bryan Donkin et John Hall remplacent les bouteilles de verre par des boîtes en fer-blanc. C’est à Appert que l’on doit le bouillon en tablettes, les procédés de clarification des boissons fermentées, le lait concentré, et le premier « lait pasteurisé »

monsieur appert
Photos : Franck Hamel pour Monsieur Appert

Article précédentRennes, le Cirque d’hiver Bouglione vient enchanter l’Esplanade Charles-de-Gaulle !
Article suivantOpéra de Rennes, Eugène Onéguine, âme russe et goût de la tragédie
Thierry Martin
thierry.martin [@] unidivers .fr

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici