mathieu pernot

La Vie en photographie est la nouvelle exposition du musée de Bretagne à Rennes, en Ille-et-Vilaine, présentée du 13 mai au 3 décembre 2023. Le photographe Mathieu Pernot met en regard son travail et les collections photographiques du musée. Dans la salle d’exposition temporaire est racontée une histoire de la photographie et interrogé le métier de photographe dans les studios photo en Bretagne, de la fin du XIXe siècle aux années 70.

Ce n’est pas la première fois que le photographe français Mathieu Pernot porte la casquette de commissaire d’exposition. En revanche, pour la première fois, il construit une exposition qui réunit ses photographies et celles d’une collection. « J’avais été commissaire d’une exposition aux archives départementales des Bouches-du-Rhône à Marseille sur des images de la cour d’assises d’Aix-en-Provence », donne comme exemple le photographe qui s’est fait connaître par son travail et son engagement auprès des communautés tziganes quand il résidait à Arles à la fin des années 90.

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  • expo photo champs libres
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Au musée de Bretagne, La Vie en photographie est un exemple de ce qui porte son travail photographique depuis ses débuts : une photographie vernaculaire qui analyse une géographie de proximité, l’histoire d’un lieu. Ici, le métier de photographe en Bretagne, de la fin du XIXe siècle aux années 70. Le passionné d’histoire de la photographie expose le pan commercial d’une pratique dans un revisite des collections photographiques du musée, tout en interrogeant la fonction d’une exposition.

Quand Joseph Nicéphore Nièpce invente le premier procédé photographique en 1820, il s’enclenche une véritable révolution par l’image. La photographie est considérée comme le huitième art avec la télévision et la radio, tous les trois réunis dans les « arts médiatiques ».

mathieu pernot
Mathieu Pernot

« Ce que j’ai toujours aimé dans la photographie, c’est sa capacité à parler d’une histoire qui n’était pas seulement celle de la photographie, mais aussi d’un territoire, de personnes », explique Mathieu Pernot avant d’ajouter : « La photographie est une porte d’entrée pour poser des questions parfois plus larges ». Les plus âgés d’entre vous se souviendront certainement de studios de photographie qui jalonnaient les rues, reflet d’une époque et d’une société révolues. Il en existe encore quelques-uns, mais la plupart ont disparu de l’espace public avec la naissance du numérique afin de laisser place à des salons de coiffure, restaurants ou à la trentaine d’e marques boutiques d’enseignes qui se retrouvent dans toutes les grandes villes d’Europe.

Là est le point de départ de l’aventure de Mathieu Pernot. Le photographe a acquis en 2014 un lot de tirages argentiques couleur 9x9cm pris en 1965 par un représentant Kodak. Les clichés montrent les vitrines de studios photo en Bretagne et dans l’ouest de la France, dans les grandes agglomérations et les petits villages. « Je suis d’une génération qui a connu ces vitrines, ce visage social et commercial du portrait me parlait. Mais je suis de la génération qui les a vus disparaître avec l’apparition de la photographie numérique », raconte le photographe. « J’ai souhaité faire un travail d’enquête pour photographier ces vitrines plus de 50 ans après. »

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Témoignages précieux du métier de photographe, ces clichés constituent aussi la trace de la présence de ces boutiques dans l’ensemble du territoire à cette période. Mathieu Pernot, tel un archéologue qui part sur les trace du passé, décide alors de partir à leur recherche afin de les retrouver et observer ce qu’ils sont devenus. Comme dans ses précédentes séries, cette acquisition fut une porte d’entrée qui permet d’interroger l’état et le devenir d’un lieu aujourd’hui, une histoire. « Ce qui m’intéressait dans ce projet, c’était d’interroger l’histoire de la photographie, la transformation des usages commerciaux et industriels de la photographie et la transformation de ce que ça voulait dire en termes de représentation sociale. »

Son travail d’enquête photographique rejoint ici sa fonction de commissaire d’exposition. Dans l’un comme dans l’autre, Mathieu Pernot mène l’enquête, construit un récit. En tant que photographe, il travaille régulièrement avec des images qui ne sont pas les siennes et se les réapproprie : cartes postales, photomatons ou photographies d’archives. « En tant que photographe j’ai toujours une dimension de chercheur et de réutilisateur d’images faites par d’autres », explique-t-il avant de compléter : « Quand je suis commissaire, ma pratique de photographe s’efface normalement au profit de celles des autres ».

Pour la première fois, Mathieu Pernot part de ses photographies et construit un récit autour du métier de photographe. « Quand le musée de Bretagne a entendu parler de ce travail et qu’il m’a proposé de faire une exposition, assez vite est arrivée l’idée d’interroger leurs collections et de mettre mon travail en regard de la collection. » Au milieu de l’exceptionnel fonds photographique du musée de Bretagne (500 000 négatifs sur verre et film souple, 13 000 tirages, 56 000 cartes postales, et tout n’est pas encore ni numérisé ni traité), il a pioché dans les fonds d’un certain nombre de photographes du XXe siècle acquis par le musée de Bretagne dans les années 80. Mathieu Pernot a voulu interroger la pratique d’un studio tel qu’elle apparaît dans les collections du musée en se concentrant sur le portrait. « J’ai découvert une collection que je trouve absolument magnifique. C’est là que j’ai compris que c’était surtout ça que je devais montrer. »

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Devant la sélection de photographies, le public fera face à l’évolution de la pratique en studio avant sa disparition, les techniques, comme les masques pour filtrer la lumière, les manières de travailler. « Pour moi, il y a une pratique cohérente dans la photographie jusqu’aux années 80 et qui tient surtout à une forme de gravité et de solennité dans la photographie. Les personnes photographiées restent sérieuses, ne sourient pas. » Avec l’arrivée de la couleur, un changement s’opère, les sourires apparaissent. « Entre les photographies du début du XXe siècle et celles des années 80, on constate que les photographes de studios travaillaient avec des fonds ou des peintures comme décors placés derrière les modèles », analyse-t-il. « Ce décor avait un peu une fonction d’anoblissement du modèle. C’étaient souvent des décors bourgeois, des jardins de châteaux, quelquefois des fonds marins. Cette manière de faire a disparu au fil des années. »

L’exposition reflète également d’une société – avec des attitudes, des vêtements, etc. -, et dont cette dernière appréhendait la prise en photo, au fil des époques.

Divisée en trois parties, l’exposition s’attarde également sur un pan particulier de la pratique : le portrait funéraire, également appelé photographie post mortem. Cette pratique populaire dans la première partie du XIXe a perdu de son attrait avant de totalement disparaître avec l’apparition de la photographie instantanée. « Il y avait beaucoup de mortalité infantile, les familles étaient demandeuses de photographie de l’enfant mort, au moins pour en garder une image. » Dans une pièce aux allures de chambre funéraire, le public découvrira ces portraits, dernière apparition du corps des défunts. Est interrogé en filigrane la perte de ce rapport à la mort et, ainsi, l’évolution de notre vision occidentale quant à un sujet devenu, pour la majorité, tabou.

Également, 60 portraits de près d’un mètre de haut forment une frise chronologique et se dressent tel un monument. Le premier cliché montre un bébé, le dernier une personne âgée. « Il peut y avoir des époques photographiques différentes côte à côte, mais ce qui réunit les portraits et la façon de les montrer, c’est l’âge des modèles. Il y a une espèce d’uniformité dans le sérieux de la pose, la solennité. » Collés au mur, ils encerclent le public et inversent les rôles, c’est au tour des visiteurs d’être observés. Une photo d’Henri Rault attire particulièrement notre attention. Mathieu Pernot l’a surnommé « Marguerite », tout simplement car elle tient un bouquet de marguerite dans ses bras. On ne sait ni qui elle est, ni pourquoi un bouquet, mais l’esquisse d’un sourire sur ses lèvres, un des rares dans la frise, happe le public.

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Portrait de femme, négatif sur verre – Henri RAULT

In fine, Mathieu Pernot cherche à révéler la poésie et la beauté d’une pratique en nous racontant ce que fut une partie de sa vie… Pour faire suite à l’exposition, allumez un smartphone et allez sur Internet, vous constaterez la dernière évolution du portrait en date des années 90 : le selfie.

L’exposition La Vie en photographie de Mathieu Pernot est présentée du 13 mai au 3 décembre 2023 au Musée de Bretagne, cours des Alliés, Rennes.

Plein tarif : 4 €

Horaires d’ouverture :

Du mardi au vendredi de 12h à 19h
Samedi & dimanche de 14h à 19h

Site du musée de Bretagne

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