Dans Marée Haute, marée basse, un ouvrage magnifique destiné aux petits comme aux grands, Max Ducos raconte une journée au bord de la mer, faite de marées hautes et de marées basses. Comme dans la vie.

La cathédrale de Rouen, les meules de foin, les rangées de peupliers, Claude Monet a utilisé ces thèmes pour fixer la lumière, la décomposer selon les moments de la journée, de la saison. Plus que leur forme c’est leur immobilisme qui a séduit le peintre de Giverny, une forme d’éternité qui laisse la priorité aux couleurs changeantes dans des séries aux cadrages identiques. Max Ducos, illustrateur vedette des éditions Sarbacane, reprend à son compte ce caractère répétitif du motif selon les heures d’une seule journée, mais il choisit un thème vivant, mouvant : une plage soumise aux courants des marées.

Marée haute marée basse Max Ducos

On le distingue, ce plan fixe caché derrière les troncs des pins de la couverture. On va apprendre à le connaître par cœur au fil des pages a priori répétitives. En haut à gauche, un embarcadère, au loin à l’horizon, un phare avec son fût blanc chapeauté de rouge et plus à droite, un haut château d’eau. Et au premier plan, envahissante sur la première page, la mer. Elle va se retirer peu à peu, laisser la place au sable et à des découvertes surprenantes. Bien entendu, le ciel va se transformer lui aussi. Bleu uni, il va se saupoudrer de nuages blancs, enrobés d’ouate, puis de nuages gris, noirs qui vont se déverser en averses brutales sur la plage avant de s’éclairer de nouveau en fin de journée pour offrir une dernière image au ciel étoilé proche de ceux de Van Gogh en Arles.

Le temps change, la mer monte et descend mais depuis le matin de petits personnages apparaissent puis disparaissent en bas de l’image à marée haute, au milieu de la page à marée basse. Pour certains on apprend leurs noms : Agathe, Philippine, Louna, Manon, Eliot. On les identifie, on les observe, cachés derrière nos pins. Le texte nous aide. Plein de poésie et de douceur, il nous dit l’écoulement du temps. Et puis une première lecture faite, on reprend le livre à la première page, on ignore les mots, on passe les doigts sur les feuilles, et on regarde plus intensément. Comme au jeu des sept erreurs, on tourne les pages, on revient à celles d’avant pour voir les modifications apportées par la pluie, la marée, la lumière. Et on suit l’histoire muette d’un parasol, d’un château de sable, d’un couple qui traine sur la plage avant de s’embarquer sur un voilier. Ils n’ont pas de noms. Leurs histoires c’est au lecteur de les inventer.

Marée haute marée basse Max Ducos

Parfois une double page élargit le champ. C’est qu’il est midi, ou minuit. Un moment clé de la journée. 

C’est beau, doux et tendre comme une belle journée au bord de mer quand l’insouciance des vacances envahit l’espace et le temps. Les planches de Max Ducos traduisent à merveille la sérénité d’un jour, a priori, sans histoires. Le cadrage strictement identique des pages oblige à se concentrer sur la lumière, les couleurs, les changements. L’enfant lecteur y verra comme un jeu, les retours en arrière seront fréquents. L’adulte appréciera la réussite graphique remarquable.

« Sais tu que cette plage existe vraiment ? », écrit l’auteur sur la dernière page. Bien sûr qu’on la connait, cette plage. Après enquête, nos plus fins limiers l’ont dénichée. On a envie de t’aider, de te guider. Suis-nous. Tu prends la route de Bordeaux, direction le bassin d’Arcachon. Tu te diriges alors vers Lège-Cap-Ferret. Tu t’arrêtes avant son phare et le village des pêcheurs. Il y a une petite place avec des bancs et une descente à la mer. Regarde, compare, c’est là. L’embarcadère en haut à gauche, c’est celui de Belisaire, la ville en face à l’horizon, c’est celle d’Arcachon. Et tu diras au dessinateur que s’il avait tourné la tête plus à droite, il aurait vu un grand et large rectangle, blanc, jaune, rouge le soir quand le soleil se couche sur l’océan. C’est la dune du Pilat. Elle aussi est immobile et change de couleurs selon l’heure, la météo. Mais elle, on la verra plus tard, dans un autre livre peut-être. Il y’a tant de journées dans une vie. Toujours pareilles, toujours différentes.

Marée haute marée basse Max Ducos

Marée haute, Marée basse de Max Ducos. Éditions Sarbacane. Mars 2023. 26 X 34 cm. 48 pages. 19€. Dès 5 ans.

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Eric Rubert
Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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