Le MUR de Rennes accueille un nouvel habitant ! Après Paella, c’est au tour de Mardi Noir de s’approprier le panneau 34 rue Vasselot. Adepte du détournement de pictogrammes, dans l’espace public ou en galerie, le Rennais Arzhel Prioul a pensé une proposition qui interroge autant sa pratique artistique que le support qu’il habille de manière éphémère… Itinéraire d’un pictophile endurci !

La signature est généralement ce qui permet l’identification d’une œuvre d’art. Ça peut être un petit gribouillis ou un nom de famille inscrit au bas de la toile. Mais l’artiste rencontré entre les murs de la toute récente galerie Drama, où il présente l’exposition Local Jeune jusqu’au dimanche 8 mai 2022, ne signe pas ces affiches. La signature de Mardi Noir, Arzhel Prioul de son vrai nom, est graphique : une écriture pixelisée, et de la peinture qui dégouline des mots qu’il affiche dans l’espace urbain ou dans les galeries. « J’aime laisser les images brutes. Une fois qu’on intervient dans l’espace urbain, notre travail ne nous appartient plus », déclare-t-il. Il peut être recouvert, arraché, ou nettoyé… Mardi Noir laisse libre l’interaction avec le public. Une fois exposée à la vue de tous, la vie de l’affiche suit son cours.

C’est à lui que le MUR de Rennes fait appel pour la prochaine performance sur le panneau rue Vasselot, à découvrir jusqu’à début juin 2022.

mardi noir Arzhel Prioul
Arzhel Prioul aka Mardi noir © Benoit Beauchaine – Galerie Drama

L’entrée dans la galerie Drama, située 10 mail Louise Bourgeois, avait été imaginée de manière plutôt institutionnelle. Photos et toiles sont accrochées aux murs blancs avant laisser place, au tournant d’une cimaise, à une explosion de création moins encadrée. L’espace urbain est la carte de visite de Mardi Noir depuis plus 20 ans, mais ce n’est pour autant pas la première fois qu’il expose dans une galerie. Telle la Capsule galerie à l’été 2021 lors de la cinquième édition de la biennale Teenage Kicks. Pour cette nouvelle proposition, l’artiste avait pensé l’espace comme une résidence d’artiste pour un résultat représentatif de son travail, autant en galerie que dans l’espace public : la réappropriation libre des pictogrammes, le traitement graphique d’une image, et le travail in situ. Comment ne pas y voir une belle occasion de prendre appui sur sa proposition pour construire notre itinéraire artistique ? « L’espace d’une galerie est aussi un espace à investir au même titre qu’un espace dans une maison abandonnée, un terrain vague ou une usine désaffectée », raconte Arzhel Prioul. « C’est un autre potentiel, il y a d’autres enjeux. C’est la possibilité de mener à bien d’autres expérimentations, et la possibilité d’un échange avec le public. »

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Intéressé par ces symboles qui réglementent l’espace public depuis toujours, l’ancien étudiant en arts plastiques à l’université Rennes 2 s’est naturellement emparé de ces motifs pour les réutiliser. Selon la thématique, logos et pictogrammes s’affichent en petits, moyens ou grands formats. Contrairement à la signification initiale respective de chaque symbole, ici aucune marche n’est à suivre, l’interprétation est libre. Mais aux origines, alors qu’il n’était qu’adolescent, il y eut le graffiti. Intéressé par tout ce qui avait attrait à l’expression dans la rue, Mardi Noir en est venu à pratiquer le graffiti de manière plus ou moins légale. Ce n’était au début que des phrases anarchistes, qu’il ne comprenait pas forcément à l’époque se souvient-il en rigolant, ou slogans.

Avec autant de pratiques qu’il y a de graffeurs et d’artistes urbains, son intérêt pour le travail des autres artistes lui ouvre les portes de tout un mouvement, au large spectre créatif. Et bien qu’il soit également influencé par des pratiques artistiques dites classiques, encore aujourd’hui ceux sont les acteurs de sa génération, artistes contemporains et street-artistes, qui l’influencent principalement. Ceux-là même qui ont une approche de la ville identique à la sienne, et avec qui il est amené à discuter. « Des interventions peuvent dire sensiblement les mêmes, mais elles ne sont pas traitées de la même manière. Les ressemblances sont parfois inconscientes. On intervient dans la ville, sur le même support, et avec les mêmes interrogations et réactions par rapport à certains dispositifs », poursuit-il avant de préciser : « Je ne suis pas le seul à détourner la signalétique ».

Des slogans anarchistes, Arzhel a retenu un plaisir à travailler la typographie. Parallèlement, les pictogrammes sont arrivés dans sa pratique. Il a choisi de mélanger les genres, jouer sur les formes de détournement, et créer de nouveaux sens de manière décalée. À ses débuts, Mardi Noir s’est d’abord inscrit dans une logique promotionnelle : en mettre partout, à des endroits stratégiques pour se faire connaître. Force est de constater que ce procédé à fonctionner.

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L’artiste ne se concentre pas tant sur le côté revendicatif de l’affichage que sur l’image et le traitement graphique, excepté certains sujets pour lesquels il revient en ville. « Quand je réalise un travail en réaction à une actualité, faire des collages dans le centre-ville permet d’être vu par le plus grand nombre. » Concrètement, chacune de ses créations consiste en un détournement de ce qui nous entoure au quotidien. Loin de se cantonner aux pictogrammes classiques du Code de la route, il utilise cette forme de langage universel (même si certains restent parfois obscurs) pour toucher un large public. Dans l’exposition Local Jeune, les logos des emballages en carton imprimés en noir se sont par exemple invités sur des toiles en lin à la manière d’un rébus, et lui permettaient de questionner l’objet toile à travers les pictogrammes. Dans ce triptyque, les flèches indiquaient le sens de la toile, la fragilité de l’objet était représentée par le fameux verre, et son altération avec le temps ainsi que son besoin de protection par le parapluie.

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Mardi Noir, Exposition Local Jeune à la galerie Drama, Rennes.

De la même manière, l’affichage de poubelles amoncelées rappellait les barricades pendant les manifestations, mais également l’accumulation des déchets. Que ce soit une critique sociale ou environnementale, chacun interprète le travail de Mardi Noir par son prisme, avec une dimension ludique omniprésente. Après tout, il existe autant de pistes de lecture que de spectateurs…

Son travail se fait exclusivement in situ afin de créer un dialogue entre le motif et le lieu dans lequel il s’inscrit. « La logique fait que quand je repère un lieu, je me demande comment je pourrais intervenir et quelle mise en scène je pourrais imaginer. Je vais piocher dans ma banque d’images et c’est à partir de ce moment-là que je reproduis les images pour ensuite retourner les coller », explique Mardi Noir. « Mais je peux aussi travailler des images juste parce que c’est une thématique qui m’intéresse. Je les mets de côté, et un beau jour, je trouverai peut-être un endroit qui matchera avec ces images. » De la même manière, même si la beauté de certains lieux peut l’attirer, il ne s’oblige en aucun cas à créer s’il n’a pas l’inspiration spécifique à cet endroit. Il laisse faire le temps, « sans pression ».

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Égal à lui-même et à sa pratique, l’artiste intervient de manière contextuelle sur le MUR de Rennes. Le pictogramme d’un rouge intense « Pas de publicités SVP » s’inscrit en grand sur le panneau, attire le regard, et rappelle sans mal les bloqueurs de pub installés sur les ordinateurs.

Peu habitué à ce genre d’invitation, Mardi Noir interroge le support dudit mur, qui reprend les codes des encarts publicitaires. Il prolonge avec une réflexion sur sa démarche même : « C’est à la fois pour et contre la pub. J’avais déjà amorcé cette réflexion à travers plusieurs articles parce qu’en investissant ce panneau, je me fais aussi ma propre pub. Mais est-ce que ce genre de panneau ne favoriserait pas l’acceptabilité de l’ensemble des autres panneaux publicitaires ? »

Arzhel interroge de ce fait l’historique même du panneau d’affichage, et le lien omniprésent entre le côté utilitaire et celui mercantile. L’abri de bus reste un support publicitaire. « Les opérateurs de Rennes possèdent des contrats avec la Ville. On implante des panneaux sur lesquels beaucoup d’affichages vont être dédiés aux événements culturels, sportifs, ou événementiels, mais en contrepartie, des publicités sont insérées pour vendre un slip ou une bagnole ». Plus largement, Mardi Noir pose la question de l’espace public comme un espace marchand, jusqu’aux pratiques artistiques qui se retrouvent encadrées à un endroit…

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MUR de Rennes, 34 rue Vasselot, Rennes.

Performance de Mardi noir du 7 au 8 mai 2022 / Vernissage : dimanche 8 mai 2022, 16 h.

Site du M.U.R de Rennes

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Jusqu’au 8 mai 2022, exposition Local Jeune, à la galerie Drama.

16 mail Louise Bourgeois, 35 000 Rennes – 06 71 61 75 72
contact@drama-galerie.com

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