Décidément, le thème du mariage en France semble une préoccupation majeure ! Après les affres connus dernièrement avec diverses manifestations, c’est à l’opéra de Rennes que son directeur, Alain Surrans, nous invite à porter sur le divin sacrement un regard amusé, un brin distancié, assurément frondeur. Le choix d’œuvres comme « l’éducation manquée » d’Emmanuel Chabrier ou la « pomme d’api » de Jacques Offenbach s’avère des plus pertinents pour illustrer ce propos.

Que cela soit dit d’entrée, le public a passé une soirée vraiment agréable. Lorsque nous sont proposées des œuvres classiques, avec leur décorum et leur solennité, rien n’est plus plaisant que de réussir à s’abandonner et laisser la musique vous submerger jusqu’au moment ou l’on « s’éveille », le regard embué. Dans le cas présent, l’indice de réussite se vérifiait au nombre de visages souriants après l’exécution des œuvres. Nouveau succès pour l’opéra de Rennes, aucun ne manquait à l’appel.

*

L’ouverture de l’éducation manquée met tout de suite en évidence les qualités de la musique de Chabrier. Mélange exact de retenue et de raffinement, elle propose une forme d’équilibre qui incarne l’élégance à la Française. Darrell Ang et l’OSB semblent parfaitement à l’aise dans ce répertoire et font l’offrande d’une remarquable exécution. Le directeur musical confirme l’impression qu’une main précise dans un gant de velours est le secret d’une réussite qui ne se dément pas.

La mezzo-soprano Ahlima Mhamdi, remplaçante au pied levé de Julie Pastouraud assure son rôle de Gontran de Boimassif avec un certain brio. Certes, il est difficile de prendre cette charmante jeune femme pour un garçon, mais l’opéra s’embarrasse peu de ce genre de détail ; et sa voix agréable, sans doute un peu plus soprano que mezzo, conquiert l’assistance. Un effort sur la diction rendrait quelquefois la compréhension plus aisée, particulièrement lorsqu’elle chante allongée, ce qui est rarement une bonne idée.

Olivia Doray nous aura séduit dans les deux œuvres. Sa voix est claire, à la demande confidentielle ou puissante, c’est un instrument qu’elle domine parfaitement.

Marc Scoffoni, que nous retrouvons quelques mois après son interprétation de Clavaroche dans Fortunio, assure, en interprète expérimenté, le spectacle. De toute évidence, il s’amuse et sa bonne humeur est communicative.

Dommage qu’il y ait un bémol, mais de peu d’importance, c’est celui des costumes parfaitement ridicules dont sont affublés les deux interprètes et certains intervenants. On se croirait revenu dans un patronage des années 70. Les casquettes à la gavroche comme les salopettes trop larges ou les marinières qui n’ont jamais connu Jean Paul Gauthier sont les emblèmes de théâtreux d’une autre époque.

*

 La seconde partie de la soirée fut consacrée à Jacques Offenbach dont le seul nom est synonyme de « Bouffes Parisiens », d’amusement second empire, mais aussi d’un véritable talent de compositeur et d’amuseur.

C’est l’occasion de retrouver Olivia Doray et Marc Scoffoni  qui se lâchent complètement. Ils encadrent Florian Cafiero qui étonne dans le rôle de Gustave tant il se sort avec aisance d’une partition – on nous pardonnera l’expression – des plus « casse-gueule ».

Il s’agit d’une courte opérette ou d’un opéra comique, selon qu’il plaira au lecteur, mais son indiscutable verve et son humour omniprésent en font surtout un moment musical rafraîchissant et salvateur.

 À nouveau l’OSB et Darrell Hang dominent leur sujet et ne sont pas les derniers à s’amuser. Aussi lorsqu’ils nous entraînent dans l’irrésistible trio du grill, on a envie de chanter avec eux… Un bon signe !

*

Reste « la mise en espace » commune aux deux œuvres. Il y a peu de choses à en dire. La présence d’un canapé un peu fatigué, de portants couverts de vêtements, d’un paravent famélique, tout cela ne constitue pas, à nos yeux, une mise en scène. Et, à l’usage, cela ne s’avère guère essentiel. Reste malgré tout le sentiment d’un ensemble cheap et un peu daté.

 L’impression globale de la soirée reste des plus favorables. Ceux qui étaient venus chercher un moment de musique et de bonne humeur n’auront pas été déçus. Alors à vos téléphones, pour ne surtout pas manquer la représentation du samedi 29 mars, notre opéra de Rennes ne permettant qu’un nombre limité d’auditeurs. Vous ne pourrez pas dire qu’on ne vous avait pas prévenu…

 

 

Article précédentAlbum CD, Avec Love letters Metronomy séduit et ennuie…
Article suivantChristos Chryssopoulos, Disjonction #6, Athènes cité-réalité
Thierry Martin
thierry.martin [@] unidivers .fr

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici