La proposition de loi HR3261, plus connue sous le nom de Stop Online Piracy Act (Stop au piratage), a été déposée à la Chambre des Représentants des États-Unis le 26 octobre 2011. Son but : renforcer les moyens de lutter contre le viol de la propriété intellectuelle et la contrefaçon sur Internet (mondial). Dans l’oeil du cyclone, Youtube, Dailymotion, Megavideo et la pléthore de sites de streaming et de vente de produits contrefaits.

En cas de ratification de cette loi, le ministère américain de la Justice ainsi que les ayant-droits d’auteur pourront demander des ordonnances judiciaires contre les sites permettant ou facilitant l’infraction au copyright. Mieux, les facilitateurs de paiement tels que PayPal ou Visa se verront notifier l’interdiction de faire des affaires avec le site contrefait ; quant aux moteurs de recherche et aux prestataires de services Internet, ils se verront obliger de bloquer l’accès audit site. Enfin, les sites de streaming au contenu non entièrement autorisée seront condamnés pour crime. À noter que, dans une veine dénonciatrice, une immunité sera offerte aux facilitateurs de paiement qui prendront des mesures contre les sites Web dédiés à la contrefaçon. Mais Paypal ou Visa sont-ils prêts à mettre fin à leur juteux bizness avec Ebay dont le site recèle de fait toutes sortes de contrefaçons ? Le doute est permis…

Au demeurant, les habituelles points de vue opposés se sont élevées. Les partisans du projet de loi affirment qu’il protègerait la propriété intellectuelle et des milliers d’emplois, les opposants crient à la censure et à la mort de la liberté d’expression.

Un nouveau rebondissement a pris place le 15 novembre quand neuf des géants du web américain – AOL, eBay, LinkedIn, Mozilla, Zynga, Facebook, Google, Twitter et Yahoo – ont officiellement exprimé leur opposition au Stop Online Piracy Act. Dans une lettre cosignée, ils expliquent épouser les objectifs de la proposition de loi, mais craignent que les mesures prescrites ne freinent l’innovation et la création d’emplois. Plus précisément, selon eux, cette loi mettrait en péril la pierre angulaire du droit de l’internet : le régime dérogatoire de responsabilité des intermédiaires. Là encore, on peut ajouter à ces honorables arguments que la fermeture des sites comme Youtube, Ebay ou Twitter entraînerait un sévère préjudice pour le modèle économique de ces neuf géants du web.

Côté français en Avignon, Nicolas Sarkozy s’est félicité le 18 novembre dernier d’une soi-disant diminution du piratage et a annoncé une intensification de la répression du streaming. Il faut savoir que la loi LOPPSI2 a instauré en 2009 un mécanisme de blocage à l’encontre des sites pédopornographiques. Si ce régime d’exception est justifié par la gravité des crimes en question, serait-il judicieux que le gouvernement étende ce type de blocage aux sites de streaming ? Dans les milieux informés, on murmure que certains y seraient favorables.

Quoi qu’il en soit, on s’étonnera du silence des médias comme de la justice à l’égard des partenariats commerciaux qui permettent aux sites de streaming illégaux de prospérer. De fait, si un internaute se rend sur ce genre de sites et choisit un film à regarder, une nouvelle fenêtre ou un pop-up s’ouvre dans son navigateur en affichant un site marchand qui l’incite à consommer. Comment caractériser les relations qui lient les sites de streaming, par l’intermédiaire de la régie publicitaire estonienne Adcash, à Betclic, Partypoker Spartoo, Sarenza ou, encore, aux 3 Suisses et à La Redoute  ? Complicité de délit, facilitation de recel, complicité de recel ? Avant d’employer les grands moyens contre les sites de streaming illégaux, pourquoi les gouvernements français et américain ne s’emploient-ils pas à fermer le robinet à sous publicitaire, le nerf de cette guerre numérique ?

Nicolas Roberti

 

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Nicolas Roberti
Nicolas Roberti est passionné par toutes les formes d'expression culturelle. Docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il a créé en 2011 le magazine Unidivers dont il dirige la rédaction.

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