Depuis bientôt 50 ans, Daniel Pantchenko consacre sa plume à la musique et en particulier à la chanson française. Ayant longtemps officié comme journaliste musical pour diverses publications, il s’illustre aujourd’hui comme auteur de biographies et autres ouvrages autour des figures majeures de ce répertoire. 2 ans après un ouvrage consacré à l’oeuvre de Francis Cabrel, il nous présente aujourd’hui Claude Nougaro, Je suis un ouvrier du rêve, livre d’entretiens qui paraîtra le 15 janvier 2025 aux éditions Le Bord De L’Eau.
Né le 24 novembre 1948 à Bordeaux, Daniel Pantchenko passe son enfance dans la ville d’Arcachon, puis en banlieue bordelaise. En 1972, après un bac philo et des études de mathématiques et techniques, il monte à Paris afin de débuter une carrière dans la chanson. Il multipliera ainsi les concerts pendant près de 14 ans, travaillant notamment avec plusieurs musiciens comme les pianistes Robert Suhas et Paul-André Maby, ainsi que le multi-instrumentiste Christophe Devillers. Dès 1977, il commence une carrière de journaliste spécialisé musique en écrivant pour le quotidien L’Humanité. 5 ans plus tard, il collabore également avec diverses publications dont l’éminent mensuel Paroles et Musique. S’en suivent 15 années pendant lesquelles Daniel Pantchenko réalise de multiples critiques de spectacles, reportages, enquêtes et près de 400 interviews d’artistes dont Maxime Le Forestier, Alain Souchon ou encore Juliette Gréco.
En 1992, il intègre la rédaction du trimestriel Chorus, les cahiers de la chansons, dont il signera plusieurs articles jusqu’à son dernier numéro en juin 2009. A la même période, il écrit également pour la revue professionnelle Année du disque et réalise de nombreuses chroniques sur plusieurs sites web comme M City et Virgin Mega.
C’est au milieu de la décennie 2000 que Daniel Pantchenko débute une nouvelle activité d’écrivain sur la musique : il écrit tout d’abord avec Marc Robine la biographie Charles Aznavour ou le destin apprivoisé, qui paraît en 2006 chez Fayard et devient un ouvrage de référence sur le « Sinatra français ». Les années suivantes, plusieurs ouvrages verront le jour sous sa plume, dont trois autres biographies consacrées à Jean Ferrat (2010), Anne Sylvestre (2012) et Serge Reggiani (2014). Plus récemment, l’auteur sortait un beau livre autour de l’intégrale des albums de Francis Cabrel, publiée chez E/P/A Hachette.
Aujourd’hui, Daniel Pantchenko s’apprête à nous dévoiler un nouvel ouvrage regroupant les entretiens que lui avait accordé Claude Nougaro entre 1983 et 2002. Intitulé Claude Nougaro, Je suis un ouvrier du rêve, il paraîtra le 15 janvier 2025 aux éditions Le Bord De L’Eau.
Ce livre s’ouvre par un prologue reprenant un billet de l’acteur et chroniqueur radio François Morel, lequel consacrait sa chronique du 20 octobre 2023 à la chanson « Assez ! », sortie par Claude Nougaro en 1980 sur l’album du même nom. D’entrée de jeu, le texte rend hommage au talent qu’avait l’artiste de manier le verbe avec une verve des plus poétiques, à travers des textes à l’aura « éclatante et lumineuse », touchant parfois à l’universel. Un aspect dont on prend la mesure à la lecture des pages suivantes : y sont ainsi présentés 6 entretiens que Daniel Pantchenko a mené auprès du Toulousain pour les revues L’Humanité puis Chorus entre le 12 mai 1983 et le 20 juillet 2002, année de sa dernière tournée.
En premier lieu, Daniel Pantchenko introduit ces interviews en les resituant une à une dans leur contexte : de fait, chacune d’entre elle occupe une place particulière non seulement au sein de la carrière de Claude Nougaro mais aussi dans la vie professionnelle et personnelle du journaliste. Ce faisant, il dévoile les coulisses et évolutions de leurs échanges, dépeignant l’enfant des Minimes comme un être chaleureux et convivial à chacune de ces rencontres et entretiens téléphoniques. Au fil de ces discussions passant du tutoiement au vouvoiement, on découvre également un Nougaro à l’enthousiasme souvent manifeste, dont le lyrisme débordant irrigue plusieurs des réponses qu’il adresse à son interlocuteur. Une expressivité reflétant un investissement émotionnel qu’il revendiquait comme total, afin de viser la plus grande authenticité dans son rapport à ses auditeurs et à son public.
Par ailleurs, Nougaro y livre le regard qu’il porte sur les œuvres de certains de ses contemporains, évoque son rapport dévorant à l’écriture et à la chanson, ainsi que ses collaborations avec les musiciens qui ont croisé sa route. L’occasion également pour lui de dresser le contexte de création de quelques chansons, ou encore d’établir des passerelles entre la musique et d’autres disciplines, comme le théâtre, la littérature et la poésie. On notera également quelques confidences sur sa traversée du désert précédant l’album Nougayork (1987), ou encore celles touchantes autour de ses origines familiales, à l’occasion d’une interview accordée en 1989 et republiée en 2004 dans la revue Chorus sous le titre « Un ouvrier du rêve made in Saïgon ».
Lors de ces entretiens, Claude Nougaro en profite pour évoquer ses multiples influences musicales, qu’il regroupe au passage sous le néologisme « nappe monde ». A cet égard, il souligne notamment son amour indéfectible pour le jazz, une musique qu’il a découvert enfant et qu’il désigne comme « une véritable initiation, comme une réponse à une voix intérieure ». De fait, le Toulousain fut effectivement l’un des quelques artistes français du XXe siècle qui surent le mieux entremêler l’articulation de la langue française avec les éléments du jazz, à travers plusieurs chansons dont certaines aujourd’hui passées à la postérité. Parmi elles, figure bien évidemment « Le Jazz Et La Java », adaptation du « Three To Get Ready » de Dave Brubeck et d’un thème de Joseph Haydn, ou encore « Le Cinéma », chef d’œuvre créé sous une composition signée Michel Legrand. Il fut également l’un des grands importateurs en France de la bossa nova brésilienne, dont l’influence transparaît en outre sur le fameux « Tu verras », reprise en français de la chanson « O Que Será?» de Chico Buarque.
Parallèlement à ses échanges avec Claude Nougaro, Daniel Pantchenko s’est également entretenu avec quatre personnalités dont les destins sont fortement liés à la personne ou l’oeuvre du Toulousain : tout d’abord, il dialogue avec le pianiste Maurice Vander, qui accompagna l’artiste et co-signa aussi plusieurs de ses chansons pendant près de 40 ans. Y intervient ensuite la violoniste et autrice-compositrice-interprète Catherine Lara, laquelle partit en tournée avec Nougaro en 1971, ainsi que la regrettée Maurane qui nourrissait une véritable passion pour l’oeuvre du « Petit taureau » depuis l’âge de neuf ans. Daniel Pantchenko a également retranscrit ses échanges avec Jean-Michel Boris, qui fut le directeur de L’Olympia de 1979 à 2001 et dont on apprend qu’il fut à l’origine des premiers grands passages de Nougaro dans la fameuse salle parisienne dès 1966. Tous soulignent ainsi, avec beaucoup d’émotion, la singularité de l’artiste qui réside notamment dans sa passion et son charisme captivants, ainsi que son écriture « swinguante » et à l’expressivité magnétique.
Plus de 20 ans après la disparition de Claude Nougaro, la parution de ce nouveau livre de Daniel Pantchenko s’annonce donc comme un évènement des plus réjouissants pour ce début d’année 2025. Page après page, l’auteur nous fait ainsi revivre la parole vibrante et parfois étonnante de cet artiste phare de la chanson française, offrant ainsi un aperçu vivifiant des différentes facettes de sa personnalité hors du commun.
Claude Nougaro, Je suis un ouvrier du rêve – Entretiens 1983-2002, Daniel Pantchenko, Editions Le Bord De L’Eau, collection Le miroir aux chansons, 168 pages, 15 euros. A paraître le 15 janvier 2025.
A précommander sur le site Leslibraires.fr
Merci beaucoup à Pierre Kergus pour cet article chaleureux, qui j’espère donnera envie aux lectrices et lecteurs d’Unidivers de se jeter sur mon livre, mais surtout de découvrir encore et encore d’autres chansons de Claude Nougaro que celles diffusées habituellement par les médias. DP