Revenu des camps de concentration de Buchenwald et de Gandersheim, Robert Antelme a témoigné de sa captivité dans un livre bouleversant et pétri d’humanité, L’Espèce humaine, publié en 1947, aux Éditions de la Cité universelle, dans un silence éditorial absolu, heureusement réédité par Gallimard dix ans plus tard.

Le sociologue Edgar Morin, au moment de la mort de son ami Robert Antelme, en 1990, disait de cet ouvrage:

L’Espèce humaine a un caractère unique, inouï. C’est un chef-d’œuvre de littérature débarrassé de toute littérature, c’est un document où les mots disent toute la richesse de l’expérience vécue. C’est une œuvre dont la pure simplicité procède du sentiment profond de la complexité humaine, car Antelme n’a jamais perdu la conscience que le bourreau qui veut retirer la qualité d’homme à sa victime est lui-même un être humain. C’est une œuvre sans haine, d’infinie compassion comme seuls les ressentent les grands Russes.

Antelme a fait un récit saisissant de sa captivité, où, écrit-il, « la mort était de plain-pied avec la vie, [où] la cheminée du crématoire fumait à côté de celle de la cuisine, [où] avant que nous soyons là, il y avait eu des os de morts dans la soupe des vivants ».

Marguerite Duras, qui fut son épouse, nous raconte, dans La Douleur en 1985, le retour des camps de son mari et sa remontée lente, laborieuse, fragile, à la surface des choses et de la vie. Après la guerre, Robert Antelme eut l’ambition d’écrire des romans, mais l’aventure de la fiction, après une telle épreuve, lui apparut rapidement comme une tâche vaine et insurmontable.

DURAS ANTELME
De gauche à droite, Dionys Mascolo, Marguerite Duras et Robert Antelme.

Il faut lire ou relire ce texte extraordinaire, inoubliable témoignage de l’abominable génocide hitlérien, comme l’ont été les récits de David Rousset ou de Primo Levi, et ne pas oublier que le totalitarisme n’est jamais définitivement étouffé. Jean-Marie Domenach, dans son essai intitulé Le Retour du tragique publié en 1967, écrivait avec justesse, parlant du nazisme et de la société allemande qui en permit la naissance et l’ascension : « Que ce délire ait pu éclater et s’organiser au sein d’une société industrielle, l’une des plus civilisées du monde, cela devrait nous faire réfléchir sur les assises de notre culture et de notre politique. » Rien n’est jamais acquis…

Robert Antelme, L’Espèce humaine. Première parution en 1957, Édition revue et corrigée, Collection Tel (n° 26), Gallimard,1978, prix : 12.50 euros.

robert antelme
Robert Antelme est né à Sartène le 5 janvier 1917 et mort le 26 octobre 1990 à Paris.

ROBERT ANTELME

Robert Antelme est un écrivain français, né à Sartène – Corse – le 5 janvier 1917 et mort le 26 octobre 1990 à Paris. Il suit des études secondaires et passe son baccalauréat à Bayonne. Il s’oriente ensuite vers des études de droit à Paris et rencontre Marguerite Duras à la faculté de droit et il l’ épouse en 1939.

Lors de la Seconde Guerre mondiale Robert Antelme entre dans la Résistance avec Marguerite Duras et Dionys Mascolo. En 1943, ils intégrèrent le réseau Mouvement National des Prisonniers de Guerre et Déportés (MNPGD) dirigé par François Mitterrand (sous le pseudonyme de Morland). En juin 1944, Antelme est arrêté par la Gestapo. Emprisonné d’abord à Fresnes, Antelme est déporté à Buchenwald matricule 81474. Il est transféré à Gandersheim.

Gandersheim, Kommando de Buchenwald est situé à 80 km au sud-ouest de Brunswick. Il ouvre au début du mois d’octobre 1944 et est évacué dans les premiers jours d’avril 1945. Les détenus travaillent dans une usine à la fabrication de carlingues d’avions Heinkel. Ils sont plus de 500 en janvier 1945. Les détenus sont évacués de Gandersheim à pied à Bitterfeld, puis par train à Dachau.

Son séjour en captivité fera l’objet de son livre L’espèce humaine (1947). Source.

La Bibliothèque de la Pléiade vient de publier un volume intitulé:

L’Espèce humaine et autres écrits des camps

Édition publiée sous la direction de Dominique Moncond’huy avec la collaboration de Michèle Rosellini et Henri ScepiCollection Bibliothèque de la Pléiade (n° 660), Gallimard

►Ci-dessous la libération du camp de Dachau, les images peuvent être traumatisantes, tant que les conditions de détention étaient inhumaines. À visionner à partir d’un certain âge seulement…

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