Les Sidérées, pièce écrite par Antonin Fadinard et mise en scène par Lena Paugam, a-t-elle sidéré le public ? Au sens médical du terme, sans doute. Les Sidérées étaient présentées au TNB dans le cadre du festival Mettre en Scène, du 2 au 5 novembre 2016 (plus une représentation unique à la Passerelle, à Saint-Brieuc, le 10 janvier 2017). Le troisième événement de cette vingtième édition peine singulièrement à convaincre. Est-il si difficile de mettre en scène ?

 

Sidérées TNBLes Sidérées, d’Antonin Fadinard et Lena Paugam, s’inscrit dans la vingtième édition de Mettre en Scène. À ce titre, et selon les (derniers) mots du directeur du TNB François Le Pillouër, elle nous présente « des artistes lassés des frontières habituelles, pour analyser les peurs, l’ennui et les espoirs de notre monde ». Oser, en majuscule, est du reste le titre de son éditorial. Or, à trop oser, on prend parfois le risque d’exploser. Sur la scène Serreau, les personnages paraissaient moins sidérés que dispersés.

Relecture lointaine des Trois Sœurs de Tchekhov, Les Sidérées se passent « sur les terres bretonnes ». Trois sœurs, Chloé, Eileen et Joyce reviennent décider du sort de la maison qui appartenait à leur frère défunt. Surviennent un homme mi-clochard mi-journaliste, un promoteur immobilier et un amour d’enfance (agent d’entretien pour la commune, à ses heures perdues). La pièce est présentée dans le cadre d’un diptyque, Au point mort d’un désir brûlant. Le deuxième opus, Les Cœurs tétaniques, sera joué du 16 au 19 novembre à Rennes. « L’état de la suspension (ou de la sidération) du désir m’intéresse en ce qu’il me parle d’un certain renoncement contemporain à l’existence engagée, et à l’action, au sens politique du terme » explique Lena Paugam. Politique, engagement, praxis, désir et suspension : le discours théorique tient la route. Mais comment le spectateur chemine-t-il dans la pièce ?

Lena Paugam Les Sidérées
Lena Paugam

Les Sidérées manquent tout simplement de justesse. Pièce à thèse, elle met en scène des personnages qui existent uniquement comme versions multiples et contradictoires d’une seule et même personne (certainement le dramaturge). Tout le monde parle par la même bouche la même langue : quand les sœurs se font, avec grandiloquence, poétesses, le promoteur joue au philosophe et l’homme d’entretien au sage des bords de mer. Ne reste qu’à attribuer à chaque caractère des arguments censés imposer au monde une grille de représentations à mi-chemin entre allégorie et sondage de l’Ipsos. Le texte réitère à foison ces métaphores à rallonge et ces maximes sur la société ou la vie. Au final, n’assiste-t-on pas à un fourre-tout dans lequel l’auteur, ne sachant trop où se rendre, donne à vendre ses propres idées sur notre présent ?

Les Sidérées Antonin Fadinard
Antonin Fadinard

Les comédiens ne rehaussent pas le niveau. Le peuvent-ils seulement ? Il semble difficile d’incarner sur scène des êtres d’encre aussi désincarnés sur le papier. C’est au chef d’orchestre qu’il revient de maîtriser la polyphonie qu’il veut interpréter. L’antagonisme des personnages, bien souvent, excusent les carences du texte et de son propos. Il est donc question, pêle-mêle, d’utopie, d’engagement, d’art, d’écriture, de désir, de rêve. De vacuité, aussi. Heureusement, on saluera la beauté du décor, une maison en ruine déjà pour moitié enseveli dans le sable. Puisque la pièce tourne autour d’elle, elle constitue un personnage à part entière. Gardons donc l’enveloppe…

Les Sidérées de Antonin Fadinard et Lena Paugam, Théâtre National de Bretagne (TNB) dans le cadre de Mettre en Scène

 

Avec Leslie Bouchet, Sébastien Depommier, Antonin Fadinard, Pierre Giafferi, Helene Rencurel, Fanny Sintes
Scénographie : Benjamin Gabrié
Son : Vassili Bertrand
Lumière : Jennifer Montesantos
Avec la participation de Nathan Gabily pour la composition musicale
Production déléguée Théâtre National de Bretagne/Rennes
Coproduction compagnie Lynceus-Théâtre ; La Passerelle, Scène nationale de Saint-Brieuc ; Le Théâtre de Lorient – Centre Dramatique National ; CNSAD, SACRe-PSL avec la participation artistique du Jeune Théâtre National
du 2 novembre au 10 janvier 2017
La Passerelle – Saint-Brieuc : mardi 10 janvier 2017

 

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