Les amateurs d’opéra à Rennes attendaient avec impatience d’assister, le 3 mai 2019, à la première du Vaisseau fantôme de Richard Wagner. Matthieu Rietzler, le jeune directeur de cette honorable maison, reconnaissait être à la fois excité, impatient et tendu à l’idée de voir son théâtre transformé en océan et vingt mille litres d’eau peser de tout leur poids sur la scène. Voilà, c’est fait, et ce fut tellement fou qu’il est probable qu’on en reparlera longtemps…

Le jeudi 13 juin 2019 à partir de 19h30 sur la place de la mairie de Rennes (et dans une quarantaine de lieux dans la région), le public pourra assister à la diffusion du Vaisseau Fantôme, depuis l’Opéra de Nantes, sur grand écran en extérieur. Mais aussi à
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À Rennes : Le Tambour, Les Champs Libres, Piscine des Gayeulles, le Cabinet photographique de WAGNER Maurepas, Pôle de rééducation Saint Hélier, Centre pénitentiaire des femmes.

vaisseau fantôme nantes Le vaisseau fantôme, qui aurait dû normalement être intitulé « Le hollandais volant » puisque son titre réel est « Der fliegende Holländer », est tiré d’un récit du très controversé écrivain allemand Heinrich Heine, « Les mémoires de monsieur de Schnabelewopski ». Si le livret de Wagner puise son inspiration dans cette œuvre légendaire, la musique, elle, lui fut rudement suggérée lors d’un très tumultueux voyage de quatre semaines effectué à bord d’un schooner qui reliait Riga à Rome. Entre les avaries, les ouragans dévastateurs et quelques situations désespérées, Richard Wagner expérimenta avec force la puissance océanique et le courage admirable des gens de mer qui, par leurs chants, exorcisaient leur peur. Ils lui contèrent la légende, il en fit un opéra hors du commun.

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L’histoire raconte le châtiment d’un capitaine et de son équipage, lesquels pour avoir blasphémé, se virent condamnés à errer sur les océans pour l’éternité. Tous les sept ans, ils pouvaient se rendre à terre et leur capitaine devait trouver une jeune fille qui accepterait de l’épouser et faire preuve de fidélité afin de racheter leur faute et d’accéder au repos éternel. Cette jeune femme, c’est Senta, la fille d’un autre marin norvégien appelé Daland. Elle est fiancée à Erik, mais, amoureuse de la figure légendaire et surnaturelle du Hollandais, elle oublie celui qu’elle aime pour devenir une héroïne exaltée. Même si elle n’apparaît qu’au milieu de l’œuvre, elle en est une véritable charnière. Inscrite dans la verticalité elle établit un lien entre deux mondes, d’un côté le réel, de l’autre le surnaturel, elle donne chair aux spectres et les met sur un pied d’égalité avec les vivants. La cantatrice Martina Welschenbach dans ce rôle difficile offrira un personnage partagé entre démence, exaltation et moments d’un sage apaisement, nous offrant un flux et un reflux de sentiments, en parfait accord avec la dynamique océanique et tempétueuse de l’œuvre de Wagner. À l’issue du chœur des fileuses, elle chante la très fameuse ballade de Senta, au cours de laquelle on pressent le basculement vers la folie, de pure jeune fille elle devient une incarnation de la rédemption.

À ce chapitre, il convient de saluer l’impeccable performance d’Almas Svilpa, « le Hollandais », qui campe un personnage sombre dont la voix grave et puissante, servie par une image spectrale, crée une ambiance de peur qui sert magnifiquement la nécessaire intensité dramatique de l’œuvre. Patrick Simper qui puise parfois dans ses ultimes ressources vocales, nous propose toutefois un Daland de bon aloi, petit bémol dont il n’est pas responsable, l’étrange danse, un peu ridicule, qui accompagne sa découverte du trésor du Hollandais n’est pas du meilleur goût, pas plus que d’écarter de force les jambes de Senta pour célébrer le fait qu’elle soit « l’honneur de son sexe ». Cela passerait sans problème dans une comédie italienne, chez Wagner cela met un peu mal à l’aise. En fiancé trahi, l’excellent Samuel Sakker, dans le rôle d’Erik, est digne de bien des éloges. Ses duos avec Senta sont des moments de pure beauté et de grande profondeur. Doris Lamprecht, pour l’occasion, devenue Mary la gouvernante, manie graves et aigus avec une belle assurance, et dans ces rôles un peu secondaires notre suffrage ira sans conteste à Yu Shao, « Le pilote », dont la très belle voix résonne comme une agréable rencontre.

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Qu’ils soient présents sur scène ou dissimulés, les chœurs des opéras de Rennes et Angers-Nantes font l’admiration de tous. Purement époustouflants! Rencontré à la suite de la représentation, le chef invité Rudolf Piehlmayer ne cache pas le souvenir admiratif qu’il a gardé pour l’ensemble Mélisme(s) et son chef Gildas Pungier qu’il avait connu en dirigeant à Rennes Lohengrin il y a de cela trois ans. Cela ne retire rien à la performance des protégés de Xavier Ribes, chef de chœur d’Angers-Nantes-Opéra, qui en plus de bien chanter ont passé la représentation à se mouvoir les pieds dans l’eau, ce qui s’est révélé extrêmement fatigant.


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La mise en scène des sœurs Beverly et Rebecca Blankenship révèle une véritable compréhension de l’âme de l’œuvre de Richard Wagner. L’omniprésence de l’eau et du bruit qu’elle produit ajoute un instrument informel à la puissance évocatrice essentielle. Les cordages qui tombent des cintres et sur lesquelles s’acharnent les marins sont une trouvaille simple mais particulièrement efficace. Les éclairages de Hans-Joacchim Koester ajoutent au climat sépulcral de l’ensemble, autant que les cinq jeunes filles vêtues de blanc dont les cadavres blêmes flottent sur l’eau apportant une note proprement effrayante. Que dire des brumes duveteuses qui parfois recouvrent les eaux obligeant les personnages à évoluer plus comme des spectres que des êtres humains. Petit bémol, lorsque la lumière est un peu forte sur le cadre qui entoure la scène, soulignant notre position de spectateur, on perd un peu de la visibilité de se qui se passe sur le plateau.

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L’Orchestre symphonique de Bretagne, pas vraiment à l’abri des aspersions au fond de la fosse et fort de cinquante-cinq membres, délivre dés l’ouverture une pâte musicale puissante, à ne pas dire brillante, particulièrement lorsque les cuivres étincelants suggèrent avec brio la fureur des éléments. Le maestro Piehlmayer, remarquable chef débordant d’énergie, fait corps avec l’orchestre et en tire le meilleur. On entre alors dans une fascination que la croissante intensité dramatique de cet opéra maintient pendant tout son déroulement. C’est grandiose comme du Wagner, il n’y a rien à ajouter à cela.

 

vaisseau fantôme

Petit scoop pour les mélomanes rennais, c’est de nouveau Rudolf Piehlmayer qui dirigera en juin 2020 le prochain opéra sur écrans, depuis Rennes cette fois. Quel opéra ? Les lecteurs d’Unidivers le sauront prochainement…

 

Le Vaisseau Fantôme sera donné à Rennes le dimanche 5, le mardi 7, le jeudi 9 à 20h et le samedi 11 à 18h, nous ne saurions que trop vous recommander de vous précipiter à la billetterie de l’opéra, pour une première expérience vous seriez éblouis.

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Si cela vous semble impossible, reste la solution de vous rendre le jeudi 13 juin sur la place de la mairie de Rennes (et dans une quarantaine de lieux dans la région) et d’assister à la diffusion du Vaisseau Fantôme, depuis l’Opéra de Nantes, sur grand écran en extérieur….et gratuitement!

Crédit photo : Laurent Guizard

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Mise en scène Beverly et Rebecca Blankenship
Scénographie et costumes Peer Palmowski
Lumières Hans-Joachim Koester

Orchestre Symphonique de Bretagne

Direction musicale Rudolf Piehlmayer

Choeur d’Angers-Nantes Opéra
(Direction Xavier Ribes)

Choeur de chambre Mélisme(s)
(Direction Gildas Pungier)

Holländer Almas Svilpa
Senta Martina Welschenbach
DalandPatrick Simper 
ErikSamuel Sakker
MaryDoris Lamprecht
Steuermann Yu Shao

Coproduction Opéra nationale de Lorraine, Théâtres de la Ville de Luxembourg, Opera Zuid, Angers-Nantes Opéra

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Thierry Martin
thierry.martin [@] unidivers .fr

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