Paru le 18 juin 2021, le nouveau roman-policier de Pierre Pouchairet explore les questions migratoires dans le cadre d’une enquête sur la mort terrible et inhumaine d’une trentaine de passagers clandestins. Après Mortels trafics, prix du Quai des orfèvres 2017, l’auteur retrouve son héroïne Léanne Vallauri-Galji, commandant de police et chef de la PJ, et ses acolytes Vanessa, psychologue , et Élodie, médecin légiste, dans une traque atypique en pleine Côte des Légendes.

L’endroit porte bien son nom. Le Pont du diable. C’est à quelques centaines de mètres de celui-ci qu’une trentaine de passagers clandestins perdent la vie, coincés dans un camion censé leur promettre l’Eldorado. Iraniens ou Afghans, ils devaient échapper à la misère et à la situation politique critique de leurs pays, mais ont finalement trouvé la mort. C’est là, en Finistère, source de légendes et de fantasmes, que l’enquête de Léanne Vallauri, chef de la Police Judiciaire (PJ)de Brest, commence.

Pierre Pouchairet signe ici un thriller migratoire particulier : qui aurait pu croire que la Bretagne et en particulier le Finistère pourrait être le théâtre d’un trafic d’êtres humains et de meurtres aussi sordides ? L’auteur embarque pour la Bretagne et ses côtes paradisiaques et venteuses pour narrer un récit sombre et tortueux sur le meurtre de plusieurs migrants. Après Mortels Trafics, couronné prix du Quai des Orfèvres 2017, il retrouve son personnage-phare Léanne, rockeuse et commandante de police, pour mener l’enquête. Lui-même ancien commandant de police pendant des décennies, Pierre Pouchairet a également travaillé en Afghanistan pendant des années, déroulant ainsi dans Le Pont du diable ses connaissances de la région.

mortels trafics

L’écrivain reconverti est un fin connaisseur du Moyen et du Proche-Orient. En mars 2006, il représente la police française en tant qu’Attaché de sécurité intérieure en Afghanistan, puis au Kazakhstan à partir de 2010. En 2012, il prend sa retraite et rejoint sa femme en poste à Naplouse en Cisjordanie. Jeune retraité, il décide d’écrire, en partie sur son expérience dans ces pays, Des Flics français à Kaboul (Éditions La boîte à Pandore), narrant son temps passé en Afghanistan. Il publie ensuite Une terre pas si sainte dont l’action se passe en Palestine occupée, puis La Filière afghane. Un troisième livre suit en 2015, À l’ombre des patriarches, suivant les aventures de Maïssa, policière palestinienne et de Guy et Dany, flics israéliens.

C’est dans un univers propice aux histoires les plus farfelues que s’implante pourtant un récit réaliste. Il s’agit d’une plongée dans une région magnifique et dangereuse, aux rochers battus par le vent, à la fin d’une terre aussi belle que dangereuse : l’Aber Wrac’h. Malgré son héritage légendaire source d’histoires merveilleuses, les Abers se dévoilent finalement être une terre de perdition. L’auteur semble jouer de cette distance entre imaginaire et réel, revenant par exemple sur les lieux hantés de la forêt de Brocéliande, avant de retourner à l’enquête sur la mort des passagers.

« Elle baigne dans une obscurité complète. C’est par flashs que remontent des éléments de son odyssée. Encore le visage de son père, La tristesse de son regard quand elle lui a annoncé son intention de partir faire le grand voyage vers l’Europe. »

Pierre Pouchairet, extrait du pont du diable.

Fidèle à son intérêt pour l’Afghanistan, les trafics illégaux et son métier de policier, l’écrivain déroule dans Le Pont du Diable une narration multiple, dont l’action a lieu tantôt en Bretagne, tantôt à des centaines de milliers de kilomètres de là, en Afghanistan. Avec toujours dans l’idée d’éclaircir cette sombre affaire très actuelle, qui pousse le lecteur à se positionner émotionnellement, voire politiquement. La mort de migrants clandestins ravive en effet des conflits et réflexions à l’échelle nationale.

Pierre Pouchairet explore dans le même temps les univers de ses personnages souvent hauts-en-couleur. Il s’attache une nouvelle fois à des figures féminines fortes et plurielles, à l’image du personnage anonyme du début, réfugiée afghane passagère du tragique convoi et combattante dans l’âme. Ou bien comme les amies de Léanne : Vanessa Fabre est psychologue et Élodie Quillé médecin légiste, contrebalançant la fonction d’enquêtrice de Léanne et son approche parfois un peu trop terre-à-terre. Loin des anti-héroïnes extrêmes telles que Lisbeth Salander dans la trilogie Millenium de Stieg Larsson, Léanne Vallauri endosse tout de même un rôle original : chef de la PJ de Brest à plein temps et rockeuse pour le reste, elle se distingue par un franc-parler et une vie de femme célibataire rare dans les romans. Cette mise en avant de figures féminines est assez exceptionnelle dans les polars, même si cela tend à changer progressivement. Le choix de l’auteur permet de changer la perspective du roman-policier et du récit et de renforcer son côté singulier. Et, par la même occasion, de modifier la trajectoire de figures féminines considérées soit comme des victimes, soit comme folles à lier.

phare aber vrac'h
Phare de l’Aber Wrac’h

De son écriture franche, simple, précise, Pierre Pouchairet nous livre autant une leçon d’humanité qu’une investigation policière passionnante. De sa plume éclot une humanité complexe, souvent torturée et blessée, mais qui se bat toujours. À l’image de la jeune femme anonyme qui débute le roman et qui trouve dans son malheur une force incommensurable.

Le Pont du Diable, Palémon Éditions. Parution 18 juin 2021. 10 euros.

Format 11 x 18 cm (format poche)

Pages 432

ISBN 978-2-372606-08-0

https://youtu.be/9qwNL_P_FAE

Pierre Pouchairet s’est passionné pour son métier de flic ! Passé par les services de Police judiciaire de Versailles, Nice, Lyon et Grenoble, il a aussi baroudé pour son travail dans des pays comme l’Afghanistan, la Turquie, le Liban…

Ayant fait valoir ses droits à la retraite en 2012, il s’est lancé avec succès dans l’écriture. Ses titres ont en effet été salués par la critique et récompensés, entre autres, par le Prix du Quai des Orfèvres 2017 (Mortels Trafics) et le Prix Polar Michel Lebrun 2017 (La Prophétie de Langley). En 2018, il a été finaliste du Prix Landerneau avec Tuez les tous… mais pas ici

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