Osez respirer le parfum des Sirènes de Gisèle Pineau… Par ses frasques et ses manières dévergondées, Séréna avait agacé la curiosité des jeunes garçons à qui elle offrait parfois de humer ses cheveux aux fragrances d’eau marine. Des années plus tard, dans les yeux de leurs femmes, ils étaient devenus ces types roublards et lubriques. Des maris et des pères de famille inconséquents. Ils avaient aimé la Sirène avec passion. Non seulement pour son esprit libre, son grain de folie et ses chansons mais, surtout, pour ce qu’elle incarnait et qui les attirait sans cesse vers elle comme un aimant…

LE PARFUM DES SIRENES

Tout commence par une tragédie. Le 14 juillet 1980, la belle Séréna, jeune Créole aux formes sensuelles, est retrouvée morte chez elle dans une mare de sang. Son fils, Gabriel, deux ans, git à ses pieds…
Avec le temps, l’enfant recueilli par sa tante grandit comme il peut. Surprotégé parce que traumatisé. Surprotégé parce que dans certaines familles – ici en Guadeloupe -, on pourrait avoir tendance à entourer d’un amour presque étouffant, un gamin qui a vécu le pire. Si le pire n’était pas à venir.

Guadeloupe

Mais qui a tué ou comment est morte Séréna ? Qui était réellement celle qu’on surnommait La Sirène – à cause de son prénom, mais aussi de son charme envoûtant – était un phénomène : les hommes l’admiraient, les femmes la jalousaient ? Il faudra patienter longtemps avant d’émettre quelques hypothèses, sillonner entre les entrelacs d’une intrigue bien dissimulée pour tenter de comprendre comment s’est déroulé le drame. Et accepter de suivre le projet littéraire de Gisèle Pineau et s’immiscer dans les histoires imbriquées des familles de l’île.

Le parfum des sirènes

On dit que les secrets – même les mieux gardés – finissent toujours par être révélés. Peut-être parce que cela est nécessaire. Peut-être parce qu’ils servent les intérêts de quelques-uns. Peut-être parce qu’un secret est finalement fait pour être révélé un jour ou l’autre même s’il a traversé plusieurs générations.
Dans ce roman choral, Gisèle Pineau, nous peint avec brio le destin d’une femme bien singulière, tout en s’appliquant au récit d’une saga familiale pas comme les autres. Avec une plume très visuelle autant que sensitive, tel le peintre devant sa toile, elle nous entraîne dans un monde riche en couleurs, en odeurs et parfums, faisant appel à tous nos sens parmi les héliotropes blancs, jasmins de bois, figuiers et autres frangipaniers.

Guadeloupe
28 juin 1635 : la Guadeloupe devient une colonie française

C’est aussi une plongée dans une Guadeloupe qui – si elle sait se montrer autant festive que mélancolique -, n’en finit pas de tenter de se redresser de son époque coloniale, celle où les Blancs rappelaient sans cesse leur suprématie sur le peuple noir arraché à son Afrique natale.

Le parfum des sirènes, Gisèle Pineau, Éditions Mercure de France – 245 pages, 18,80 €. Parution prévisionnelle : 30 août 2018

GISELE-PINEAU

A venir : 5 septembre 2018 : Librairie Gallimard, Paris, 7e.

19 heures : soirée de lancement du Parfum des sirènes. Rencontre et dédicaces.

BIOGRAPHIE

Née à Paris en 1956 de parents guadeloupéens, Gisèle Pineau a vécu sa jeunesse loin de sa terre d’origine. Son père, militaire de carrière, s’engage dans les Forces françaises libres et combat pour la France envahie par l’armée allemande, après avoir répondu à l’appel du 18 juin 1940. Pour Gisèle Pineau, la France est le pays de l’exil. Le racisme et l’intolérance subis chaque jour nourriront plus tard son œuvre. En 1975, elle s’inscrit à l’Université de Nanterre où elle suit un cursus de Lettres modernes, qu’elle abandonnera pour une carrière d’infirmière en psychiatrie. Elle se marie, et repart en Guadeloupe, où elle exercera cette profession au centre hospitalier de Saint Claude, pendant près de vingt ans.
Avec son premier roman, La Grande drive des esprits, paru en 1993 aux Editions du Serpent à plumes, Gisèle Pineau impose son style et son regard sur la condition des femmes antillaises, dont elle dit la souffrance, les violences et les espoirs secrets. Elle se distingue comme premier écrivain féminin à obtenir le prix Carbet de la Caraïbe pour ce roman et reçoit également en 1994 le Grand Prix des lectrices de Elle. Nouvelle voix au sein de la jeune génération d’écrivains d’outre-mer, aux côtés de Patrick Chamoiseau, Raphaël Confiant et Ernest Pépin, son talent se confirme avec la parution aux éditions Stock de L’Espérance-macadam (1995), L’Exil selon Julia (1996), et L’Âme prêtée aux oiseaux (1998).
Elle est aussi l’auteur avec Marie Abraham, de Femmes des Antilles, traces et voix, cinquante ans après l’abolition de l’esclavage, un essai sur la condition sociale des femmes antillaises dans l’histoire.
Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres, Gisèle Pineau est également membre du jury du prix Tropique et du Prix du Livre insulaire d’Ouessant, dont elle a assuré la présidence en 1999.
Elle a reçu le Prix des Hémisphères-Chantal Lapicque 2002 pour son roman Chair Piment. Ce prix couronne un livre qui participe au rayonnement de l’usage de la langue française à travers le monde.

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Christophe Maris
Christophe Maris est journaliste et écrivain, agrégé de Lettres modernes. Il collabore à plusieurs émissions de TV et radio et conçoit des magazines pour l'enseignement où il a oeuvré une quinzaine d'années en qualité de professeur de lettres, d'histoire et de communication.

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