Le fronton triangulaire de l’Hôtel-Dieu.

Le centre hospitalier universitaire va vendre une partie des terrains de l’Hôtel-Dieu. La vente se déroulera-t-elle en catimini ? L’opposition le craint… Mais le dossier est plus complexe que cela.

(artilce publié le 18 novembre 2011) En janvier 2011, lors d’une réunion du projet du Mail François Mitterrand, l’adjoint au maire chargé de l’urbanisme et de l’aménagement, Frédéric Bourcier, évoquait implicitement le bouleversement du site. Immédiatement, sur un forum, des jeunes architectes rennais s’en donnaient à cœur joie : « Il y aurait un projet immobilier, » expliquait l’un d’eux. « Des commerces investiraient le cloître et les travaux commenceraient par la rue de la Cochardière. » Un deuxième était beaucoup plus circonspect : « La mutation du centre hospitalier viserait à étendre le projet du centre-ville vers le Nord. Ce serait le penchant opposé à EuroRennes en quelque sorte, mais certainement dans une proportion moindre. » En revanche, un troisième était beaucoup plus affirmatif. « Des démolitions sont à l’ordre du jour. Elles concerneraient l’internat, le Cecos, l’école des sages femmes et une partie de l’ancien laboratoire. En revanche, le cloître serait laissé à la ville. »

“Le cloître serait laissé à la ville”

Après avoir rapatrié la maternité et l’orthopédie, le centre hospitalier universitaire laissera sur le site son bâtiment principal Damien Delamaire. On peut le comprendre aisément. La direction hospitalière veut peut-être éviter le déplacement de ses occupants, une centaine de personnes âgées. Mais quid du reste ? « L’ilot de la Cochardière représente environ une surface de 7000 m2. Nous envisageons bien de le vendre. Mais ce n’est pas à nous de décider de ce qu’il en adviendra, » expliquait en fin de semaine dans le quotidien Ouest-France, André Fritz, le directeur général du CHU. En clair, on s’en lave les mains.

« Ce n’est pas à nous de décider ce qu’il en adviendra. »

Dans sa dernière édition, le journal 7 Jours évoquait partiellement ce dossier, en publiant le communiqué de Bruno Chavanat (UMP). « C’est par le hasard d’une délibération sur le déménagement du centre d’accueil de la rue Cochardière que l’on apprend que la municipalité prévoit de percer une rue traversant l’emprise de l’Hôtel-Dieu. » Passé l’effet de surprise, le représentant de la droite locale n’entend pas en rester là : « Sur cette affaire, nous appelons à un large débat public. C’est maintenant et non une fois que les projets sont ficelés qu’il faut intervenir»

Dans ce journal d’annonces légales, Bruno Chavanat propose trois grandes lignes directrices : une extension apaisée du centre ville, une cohabitation nouvelle entre générations et la mise en valeur des bâtiments patrimoniaux. Dans la même veine, les Amis du patrimoine rennais s’étaient saisis du dossier sur leur site Internet. « Contrairement au ministère de la Défense, qui a mis en place une Mission pour la réutilisation de nombreux biens militaires devenus inutiles, le ministère de la Santé n’a encore pris aucune initiative en ce sens, » écrit un bénévole de l’association, Daniel Kempton.

Des sauvegardes ont été entreprises

Toutefois, des actions à l’échelon supranational et régional ont toutefois été entreprises pour sauvegarder les bâtiments des hôpitaux publics. « Le programme PAPHE (Présent et Avenir du Patrimoine hospitalier européen), depuis 2001, a recensé le patrimoine hospitalier de sept pays européens, dont la France. A un niveau plus bas, il convient de citer également l’exemple de l’Agence régionale de santé de Bourgogne qui a nommé depuis 1998 un chargé de mission culture et patrimoine. »

Confronté à la vétusté progressive des équipements et infrastructures, l’hôpital est aujourd’hui transféré dans des locaux modernes, souvent situés en périphérie, et plus adaptés à des contraintes sanitaires. Mais  que faire des anciens bâtiments ? « La question se pose de leur devenir. Faut-il les détruire ou les préserver ? Et, dans ce dernier cas, comment les valoriser ? Malheureusement, les hôpitaux, ainsi désaffectés, sont hélas souvent considérés comme occupant inutilement l’espace. Tant et si bien que certains prônent leur destruction, afin de construire de nouveaux logements ou bureaux. »

Un autre obstacle récurrent, et peut-être moins classique, s’explique par la taille des lieux. « Tel est le cas pour l’Hôtel-Dieu de Lyon, dont la réaffectation prévoit un hôtel de luxe, un centre de congrès, des espaces pour des commerces et des bureaux, et peut-être un musée de la santé.»

Une solution retenue a été la muséification

Malgré ces difficultés, de nombreux hôpitaux ont été préservés et ont été valorisés. « Une solution retenue est la muséification. L’Hôtel-Dieu de Charlieu a été reconverti, après sa fermeture en 1981, en musée de la soierie et en musée hospitalier. » Toutefois, les réaffectations autres que culturelles peuvent également s’avérer très réussies. « En témoigne l’ancien hôpital psychiatrique d’Auxerre, construit au XVIIIe siècle, dont les quinze pavillons ont été transformés en logements, le tout dans le respect de leur architecture d’origine.»

Si rien n’est encore fait, plusieurs pistes sont à l’évidence possibles. Mais encore faut-il qu’il existe une volonté politique pour encadrer toute rénovation… Dans Ouest-France, la mairie laissait entendre « qu’elle vérifierait la compatibilité des projets immobiliers avec le plan local d’urbanisme. » On est peut-être en droit d’attendre un plus que cela… Il y a quelques années, le centre hospitalier militaire Ambroise Paré avait été transformé en immeubles de luxe. Depuis, les riverains en rigolent encore en évoquant cette construction : « Cet endroit, c’est Fort Knox. Il est impossible d’y pénétrer. » L’Hôtel-Dieu vivra-t-il le même destin ? Pour un tel lieu, on espère une vraie ambition urbaine, architecturale et politique, mais non l’enrichissement d’un promoteur immobilier.

Encadré : l’histoire d’un bâtiment

En 1851, le maire Emmanuel Pongérard (1841-1853) lance un concours pour la construction d’un nouvel hôpital, sur les terrains de la Cochardière, au nord de la ville. Aristide Tourneux est choisi, en 1852. La construction s’échelonne entre 1854 et 1858. Les bâtiments sur la cour d’honneur sont édifiés dans la tradition néo-classique.

Au sommet de la travée centrale, le fronton triangulaire est orné d’un médaillon circulaire du sculpteur J.-B. Barré (la Charité accueillant les souffrants). Autour d’une cour, les quatre pavillons des malades s’organisent avec une galerie couverte surmontée d’un étage. Au nord, la galerie sur la chapelle avec là encore fronton triangulaire. Ange de Léon, maire de 1855 à 1861, vit dans cet établissement un « d’hospice digne et monumental et d’architecture simple et sévère. »

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