Avec son roman Le dernier arrivé, Marco Balzano nous offre un récit fort et touchant sur l’immigration enfantine qui touchait encore l’Italie dans les années 60.

MARCO BALZANO

 

Ninetto, 57 ans, dit Sac d’os, se souvient depuis la prison milanaise de l’Opéra où il vit les dernières semaines de son incarcération, des moments de sa jeunesse.

Tout commence dans un petit village sicilien marqué par la misère, la famine et la violence du père. La vie de Ninetto bascule lorsqu’une crise d’apoplexie laisse sa mère dans un état végétatif. Le jeune garçon, pourtant doué pour la poésie et attiré par les leçons de Monsieur Vincenzo, son maître d’école, doit travailler aux champs avec son père. Il y rencontre Giuvà qui rêve de partir à Milan et lui propose de l’accompagner.

BALZANO

À neuf ans, Ninetto débarque à Milan, endroit à la fois magique et horrible. Très vite, la réalité des villes dortoirs, des usines remplace les rêves promis par Giulà. Tout d’abord livreur pour une teinturerie qui l’exploite, Ninetto se fait embaucher à onze ans sur un chantier. Vivant dans des baraques surpeuplées avec d’autres migrants du Sud, Ninetto se fait peu d’amis même si les plus vieux l’épaulent et le conseillent.

On ne peut avoir de vrais amis que dans l’enfance, lorsqu’on est propre à l’intérieur, qu’on n’effectue pas de calculs d’intérêts ni autres obscénités de ce genre.

Mais il rencontre la jeune Maddalena qu’il retournera épouser dans son village natal, les deux enfants n’ont alors que quinze ans.

De retour à Milan, Ninetto parvient à se faire embaucher dans les usines Alfa Romeo. Il y passera trente-deux ans de sa vie, découvrant le syndicalisme, les cours du soir, les doubles emplois pour gagner encore plus d’argent mais surtout la monotonie d’un travail idiot où l’homme n’est rien de plus qu’un robot.

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Marco Balzano tisse habilement les deux récits, celui des souvenirs et celui du présent d’un homme qui, en sortant de prison, découvre les difficultés de réinsertion. Le monde a changé en dix ans. Si la ruche où il a vécu à neuf ans existe encore mais accueille aujourd’hui d’autres migrants venus de plus loin, les baraques ont été détruites.

Il n’y a pas à dire, la véritable peine à purger est à l’extérieur de la prison.

Ninetto peine à poursuivre son récit, même aidée d’une psychologue. Il y a forcément une part de vie difficile à confier, celle qui l’a conduit en prison.

Sa femme ne l’aime peut-être plus comme avant, mais elle est toujours attentive. Lui passe ses journées à guetter depuis la fenêtre ou à traîner dans les parcs, espérant le retour de sa fille et la découverte de sa petite fille née alors qu’il était en prison.

 Je ne connais de ma fille ni histoires ni détails…Mais je trouvais Elisabetta sublime et j’avais envie de lui dire un tas de choses qui restaient au contraire scellées dans ma bouche.

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Dans ses lectures, il se reconnaît dans L’étranger de Camus, un homme «  rejeté et disqualifié de la vie » qui ne parvient pas à s’expliquer dans une langue compréhensible aux autres.

Marco Balzano dédie son ouvrage à tous ces jeunes qui, dans un passé encore proche ont fui la misère du Sud de l’Italie pour ruiner leur jeunesse  dans les usines de Milan, Gênes ou Turin. L’histoire de Ninetto est le reflet de cette histoire collective allant jusqu’à l’emprisonnement et la difficulté d’une réinsertion dans une Italie en mouvance. Mais c’est surtout dans l’histoire personnelle de cet homme brisé qui ne veut pas renoncer à l’amour de sa fille et de sa petite-fille que le récit est le plus intense et touchant.

Ainsi j’ai beau ne plus y croire, j’espère. Et j’ai beau être las de vivre, je vis.

Le dernier arrivé est un roman de l’écrivain italien Marco Balzano, traduit par Nathalie Bauer, paru aux Éditions Philippe Rey le 5 janvier 2017- 240 pages- Prix: 18 euros.

Titre original : L’ultimo Arrivato

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Marco Balzano
Balzano recevant le Prix Campiello. Photo : GIUSEPPE FANTASIA

Marco Balzano est né à Milan en 1978, où il vit et travaille comme professeur de lycée. Le dernier arrivé est son troisième roman. Il a été récompensé par le prestigieux prix italien Campiello en 2015, prix qui avait salué avant lui le travail de Primo Levi, Rosetta Loy ou encore Sandro Veronesi.

Marie-Anne Sburlino
Lectrice boulimique et rédactrice de blog, je ne conçois pas un jour sans lecture. Au plaisir de partager mes découvertes.

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