L’arrogance française imagine trop souvent qu’en dehors de Goethe la littérature allemande n’existe pas. Une telle ineptie reviendrait à dire que, passé Molière, il n’y a pas grand-chose non plus chez nous… Pourtant : Voltaire, Beaumarchais, Hugo, Balzac, Dumas, Zola, Chateaubriand, Proust, Cocteau, Colette, George Sand… excusez du peu ! Il en est de même en Allemagne avec Friedrich Rückert, Schopenhauer, Adelbert von Chamisso, Thomas Mann, Hermann Hesse, Bertolt Brecht, Ernst Jünger, Günter Grass et… Stephan Hermlin, l’un des plus grands poètes de langue allemande du XXe siècle.  

Stephan Hermlin

Stephan Hermlin est le pseudonyme de Rudolph Leder. Né à Chemnitz (Saxe) dans une famille juive en 1915, il adhère très tôt au parti communiste avant de s’engager au côté des Français contre le troisième Reich, puis de devenir citoyen de R.D.A. en 1947 où il s’installe à Berlin-Est. Si son œuvre n’a pas souffert des polémiques autour de sa probité, l’homme ne sortit pas indemne de ses nombreux mensonges, lorsqu’en 1995 le journaliste Karl Corino dénonça dans une biographie son manque de rectitude (Die Legenden des Stephan Hermlin). La remise en cause de son engagement dans la résistance, l’inexactitude de son internement dans un camp nazi et son amitié ouverte avec Erich Honecker alors dirigeant de la R.D.A. lui vaudront de lourdes antipathies.

Pour autant, Stephan Hermlin reste l’une des plus merveilleuses proses germanophones. L’eut-il utilisée pour affirmer ce qu’il savait être faux ou taire ce qu’il aurait dû dire ; bref, pour mentir, l’essentiel est ailleurs. Car bien d’autres « héros » de l’après-guerre ont construit leur œuvre en usurpant titres et honneurs, sans avoir malgré tout l’ombre de son talent. 

« Mais mon regard était à nouveau appelé vers le ciel où un bleu s’amoncelait étonnamment sur un autre bleu, au ponant une lueur rougeâtre perçait au-dessus des chaînes de montagnes, les premières étoiles apparaissaient, pâles, parmi les contours précis des petits nuages et non sans quelque frayeur je vis, en me retournant, très haut dans le ciel, l’aigle du soir tracer ses cercles au-dessus du sombre triangle du pic d’Esan. »

Avec Crépuscule, Stephan Hermlin signe une autobiographie au format d’un essai poétique. Un travail sur l’enfance. Une prose autour du souvenir. Texte court. Flamboyant. Étincelant. Il rappelle que la littérature allemande n’est pas seulement Goethe et Schiller et, que pour un écrivain, l’essentiel n’est pas la vérité, mais l’idée qu’il s’en fait.

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"Crépuscule" de Stephan Hermlin - Editions Les Presses d'Aujourd'hui

"Abendlicht" von Stephan Hermlin - Verlag Salto

Abendlicht (Crépuscule) 

de

 Stephan Hermlin

Version originale aux  éditions Salto, accessible ici – 96 pages – 13,90 €

Version française épuisée (1980) aux Editions Les Presses d’Aujourd’hui

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Jérôme Enez-Vriad
Jérôme Enez-Vriad est blogueur, chroniqueur et romancier. Son dernier roman paru est Shuffle aux Editions Dialogues.

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