La France abrite des romancières de talent… Claudie Gallay, Muriel Barbery et désormais Carole Martinez. Loin des salons et des plateaux de télé, elles collectionnent les succès littéraires et les aficionados. Du domaine des murmures, à lire.

 

Récompensée par les jurés du Prix Goncourt des lycéens aux Champs libres, à Rennes, Carole Martinez n’a pas à rougir d’une telle reconnaissance. Dans sa plume, la richesse du vocabulaire et le style de la grande écrivaine. Elle est à découvrir à l’aube de son nouveau roman mystique et charnelle. Car elle y glisse une brise légère sur nos visages, qui « joue sur nos cheveux, nous fait plisser les yeux et nous chatouille dans le creux de l’oreille. »

Peu de place à l’écriture brouillonne et tatillonne avec Carole Martinez. On est dans le réveil du récit grandiloquent et dans la note musicale des mots. Pour s’en convaincre, écoutons l’auteure décrire le mariage bien improbable de la jeune Esclarmonde: « Somptueusement harnachés et couverts de grelots d’argent, les plus beaux chevaux des Murmures portaient ma litière et toute la mesnie m’accompagnait. C’était grand défilé de montures, de bannières criardes et d’agaçants tintements, grande fête autour de ma petite personne. Sans doute tentait-on de m’épaissir en m’engonçant dans ce vacarme ! »

Dans cet ouvrage paru chez Gallimard il y a déjà quelques semaines, Carole Martinez allie la poésie et la prose et renoue avec la puissance romancière de nos anciens. Créant un univers particulier au gré de sa promenade littéraire, elle rejoint « presque » le monde des Infortunes de la vertu du Grand Sade. Esclarmonde n’est pas Justine…Mais quel délice de revenir dans l’expérience sensuelle et spirituelle ! Et quelle force dans cette scène quasi-biblique où Esclarmonde se tranche l’oreille pour échapper au mariage ! Carole Martinez doit poursuivre son chemin…loin des critiques.

Editions Gallimard, 208 pages, 18 août 2011, 17€
4e de couverture : En 1187, le jour de son mariage, devant la noce scandalisée, la jeune Esclarmonde refuse de dire « oui » : elle veut faire respecter son voeu de s’offrir à Dieu, contre la décision de son père, le châtelain régnant sur le domaine des Murmures. La jeune femme est emmurée dans une cellule attenante à la chapelle du château, avec pour seule ouverture sur le monde une fenestrelle pourvue de barreaux. Mais elle ne se doute pas de ce qui est entré avec elle dans sa tombe. Loin de gagner la solitude à laquelle elle aspirait, Esclarmonde se retrouve au carrefour des vivants et des morts. Depuis son réduit, elle soufflera sa volonté sur le fief de son père et son souffle parcourra le monde jusqu’en Terre sainte. Carole Martinez donne ici libre cours à la puissance poétique de son imagination et nous fait vivre une expérience à la fois mystique et charnelle, à la lisière du songe. Elle nous emporte dans son univers si singulier, rêveur et cruel, plein d’une sensualité prenante.

 

 

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