Outreau : Une affaire traumatisante pour la justice, pour une région, mais aussi pour les victimes de tous bords. Une affaire qui a pourtant tourné à la caricature, laissant sur le bord de la route de la justice des enfants-victimes, de faux accusés calomniés et des coupables. Une blessure profonde qui est loin d’être refermée.

 Outreau a été le théâtre entre 2001 et 2005 d’un gigantesque scandale de la pédophilie. Cette petite cité du Pas-de-Calais, peuplée de 14000 habitants, a été vite caricaturée par la presse en gigantesque repère de pédophiles. L’accusation eut lieu sur la foi du témoignage de nombreux enfants validé par des experts.

Croupissant en détention préventive, les accusés ont vu leur vie bouleversée par cette affaire. Tout cela pour se terminer par une annulation en appel, par des dommages et intérêts pour les personnes faussement accusées et par la critique de l’instruction du juge Burgaud ; ce qui permit aussi de mettre en accusation la fonction même de juge d’instruction par la suite. En résumé, de tous coupables, l’affaire est passée à tous innocents, sauf le petit juge. Et pourtant…

Prenant le contrepied des enquêtes bâclées par l’instruction et une bonne partie de la presse française, trop heureuse de vendre du papier autour de la légende urbaine du « réseau pédophile » (déjà utilisé avec Marc Dutroux, le réseau tient plus à la diffusion de vidéos et images que d’échange d’enfants), des journalistes belges ont réagi. Ils ont vite compris la tournure que prenait l’affaire et les failles d’une instruction persuadée de tenir le jackpot du réseau.

Dans cette veine, loin du brouhaha du procès, d’autres journalistes se sont penchés sur l’affaire. Selon nombre d’entre eux, la vérité n’a jamais été mise à jour et des victimes pour le coup bien réelles sont toujours en attente de justice. Le blog DonDeVamos — âmes sensibles, passez votre chemin – tente de résumer ce point de vue à travers deux longs articles (1 & 2). Il en ressortirait qu’en se concentrant sur la seule instruction bâclée et en s’empressant de mettre bon ordre chez les personnes accusées à tort, aucune nouvelle instruction de l’affaire n’a été faite.

Quelques esprit chagrins pourraient résumer ce fiasco par : « On a donné de l’argent à tout le monde et passer l’éponge ». Mais depuis, des accusés de l’affaire d’Outreau ont été condamnés dans des affaires touchant à la violence sur enfant et à la corruption de mineur (à noter que les faits de corruption n’ont pas été retenus pour le couple Lavier dans le jugement de février 2012). Il reste également des condamnations pendantes dans cette affaire et des libérations après remise de peine). Reste que les déclarations d’un enfant sont bien difficiles à avaliser. Il faut souvent attendre que la victime ait atteint une certaine maturité. Rappelons-nous des malheureuses affaires où des victimes se sont rétractées (l’affaire Alain Marecaux). D’où la circonspection autour des accusations du fils aîné du couple Delay visionnables sur youtube (voir la vidéo). Tout cela crée un contexte qui apparait peu propice à une réouverture de l’instruction.

Entre tabou, fait de société et caricature, la pédophilie n’a pas fini d’alimenter les fantasmes. L’affaire Outreau aurait dû contribué à lever le voile sur ce type de crime, mais l’effet aura été inverse. Comme le dit l’auteur dudit blog, « l’acquittement ne signifie pas non coupable et les acquittés conservent toujours la suspicion autour de leur personne tandis que les victimes ne comprennent pas le silence de la justice ».

Ils auraient pourtant tout intérêt, de chaque côté, à permettre une réouverture du dossier pour enfin être libérés de ce fardeau. Contrairement à ce qu’avance Maitre Dupont-Moretti, il ne s’agit aucunement de révisionnisme. De révision de procès, au sens juridique du terme, il n’y a en jamais eu.

Ice

 

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Didier Acker
didier.ackermann {@] unidivers .fr

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