La Presse Purée, c’est le nom sympathique d’un atelier de sérigraphie implanté à Rennes depuis 2007. L’association est nichée dans les calmes prairies Saint-Martin, derrière le Bon Accueil. Là, les quatre anciens des Beaux-Arts œuvrent à la sérigraphie sous des formes diverses : prestations, cours, stages, éditions et surtout créations. Rencontre à leur atelier.

 

UN ATELIER ENTRE LE CANAL ET LE CENTRE-VILLE

Presse Purée SérigraphieLe soleil se couche sur les prairies Saint-Martin. On dépasse le Bon Accueil, on continue quelques mètres. Le local associatif de la Presse Purée appartient à la Mairie. Si le bâtiment n’est pas en très bon état, à l’intérieur les couleurs chatoient. Julie Giraud et Loïc Creff nous accueillent au rez-de-chaussée. Nous discutons, ils arrêtent et reprennent leur travail. Une grande presse occupe cette pièce. Quatre autres, plus petites, sont dispersées dans les coins. Loïc nous montre une presse à tee-shirt. Sur les étagères, de la peinture, des calques, des rhodoïds. Et sur les murs de nombreuses sérigraphies, connues ou non, souvent très colorées. On reconnaît à un endroit une affiche du Marché Noir, ce festival de la microédition indépendante que la Presse Purée coorganise.

Presse Purée SérigraphieL’aventure a commencé en 2007. Fondée par Julie Giraud et Antoine Ronco, de l’EESAB, la Presse Purée – anciennement Impressions Associatives Pied-de-Poule – a accueilli rapidement Loïc Creff et Julien Duporté. Quand ils ont débuté, la passion pour la sérigraphie n’avait pas tout à fait repris en France. Certaines écoles d’art, à l’arrivée du numérique, ont même délaissé leurs vieilles presses. À l’origine, la Presse Purée était un lieu unique à Rennes. Dotée d’un matériel conséquent – dont une insoleuse et une chambre noire, sous les combles du bâtiment – l’association a pu développer son activité. Mais pas n’importe comment ! Les quatre artistes de la Presse Purée entendent suivre une ligne cohérente et uniquement artistique. L’objectif était avant tout de trouver un lieu d’expression pour leur production personnelle. Mais aussi d’exploiter les possibilités de la sérigraphie, par l’édition, les prestations ou l’apprentissage.

PETITE INTRODUCTION À LA SÉRIGRAPHIE

Presse Purée Sérigraphie
Antoine Ronco

Car qu’est-ce que la sérigraphie ? Certainement pas une impression en série ! Julie Giraud nous précise bien que cette technique ne tient pas seulement de la reproduction : la sérigraphie est pensée pour être du multiple. Elle se prête à la reproduction en série, mais les membres de la Presse Purée aiment l’envisager sous un angle plus expérimental, qui peut donner lieu à des images uniques. Contrairement à la gravure, qui utilise le creusement, la sérigraphie produit une impression couche par couche. Le procédé technique est le suivant : on dispose un écran, composé d’un cadre et d’un tissu tendu, autrefois de la soie. Puis on l’enduit d’une émulsion photosensible. On le place alors dans une insoleuse. Celle-ci vient durcir l’émulsion pour que l’encre ne passe pas. On applique ensuite un calque – qu’on appelle typon – dans l’insoleuse, sur l’écran. Là où l’encre passe, le dessin matriciel apparaît. On rince ensuite à l’eau chaude, puis à l’eau froide. Reste à installer l’écran sur une presse… et, à l’aide d’une raclette, presser l’encre pour qu’elle se dépose sur un support. Ce dernier doit être lisse : planche de bois, plexiglas, feuille, tee-shirt, etc. À partir de cette technique, les possibilités sont nombreuses, et la créativité de mise. Le sérigraphe peut jouer sur les superpositions, les mélanges, les supports ou choisir le monotype (c’est-à-dire travailler ses images de manière unique, aucun exemplaire ne ressemblant à un autre).

Presse Purée Sérigraphie
Antoine Ronco

Cet aspect artisanal a façonné l’histoire de la sérigraphie, son déclin comme sa résurgence. Inventée par les Chinois au XVIIe siècle, puis importée en Europe par les Hollandais, aux États-Unis par l’émigration chinoise, cette technique d’imprimerie s’est développée conjointement de façon industrielle et artisanale. Son usage matériel et technique s’apprend relativement vite, ce qui explique son apparition, par exemple, durant la Résistance ou lors de Mai 68. Un courant comme le Pop art, notamment avec Andy Warhol, Roy Lichtenstein ou Robert Rauschenberg, a donné à la sérigraphie ses lettres de noblesse. Après une certaine disparition à la fin du XXe siècle, elle connaît un grand succès au début de notre siècle ainsi qu’une forte démocratisation, puisqu’on trouve désormais sur le marché des kits de loisirs ou des valises portatives pour pratiquer la sérigraphie.

LA PRESSE PURÉE, AU PRÉSENT ET À VENIR.

Presse Purée SérigraphieLa Presse Purée s’inscrit dans ce mouvement historique. Ces membres apprécient le facteur technique et artisanal. Mais aussi le fait de prendre leur temps. L’intérêt d’un atelier de sérigraphie réside surtout dans la maîtrise totale – si l’on excepte la diffusion – de la chaîne graphique. Quand ils travaillent avec des artistes, ils aiment que les contraintes créent autre chose. Sérigraphier un tableau, ce n’est pas le reproduire, mais fonder un nouvel objet, un croisement. Parfois, les artistes qui font appel à eux – spécialistes de la peinture, du collage, de la photographie, etc. – prennent des cours ou des stages. Les membres de l’atelier interviennent dans des groupes scolaires ou culturels, auprès des amateurs, pour faire découvrir la sérigraphie. La Presse Purée a notamment collaboré avec Mioshe, Simon Poligné, Marine Bouilloux, Edouard Prulhière… Les sérigraphies, à Rennes, sont diffusées lors du Marché Noir, au Jardin Moderne, mais aussi à Lendroit Éditions et chez le disquaire Blind spot.

Une autre partie de leur temps est consacré à l’édition, activité qu’ils exercent de manière bénévole. L’excédent ne sert en vérité qu’à financer d’autres projets. Entre fabriquer un livre traditionnel ou sérigraphié, la différence est nette : on touche ici à l’édition de livre d’artiste. Chaque ouvrage est le fruit d’un travail collectif entre la Presse Purée et la personne éditée. L’atelier édite surtout des affiches. Chacun des membres mène un travail personnel, dans des styles différents.

Presse Purée Sérigraphie
Macula Nigra

Loïc Creff a ainsi monté le projet Macula Nigra, « né de la maculée conception » : une utilisation de la sérigraphie monotype qui évite la série, la reproduction, mais brasse un flot de couleurs, d’images et de références diverses et contradictoires. Julie Giraud travaille sur la construction des images, leur détournement, leur déconstruction puis leur reconstruction. Julien Duporté insiste sur le plaisir de la création (et de sa réception), dans des sérigraphies colorées, influencées par son environnement direct. Antoine Ronco travaille un dessin fouillé, des lignes noires, superposées, pratiques qui d’ailleurs se retrouvent dans l’utilisation de la sérigraphie anaglyphe (en 3D).

Presse Purée Sérigraphie
Nuage incandescent, Julie Giraud

Si l’atelier des Prairies a été le point de départ et d’ancrage, les choses sont en train de changer. Face à la désertion progressive des Prairies (en prévision de la construction du parc naturel urbain par Rennes Métropole – voir notre article), la Presse Purée déménage. Mais la motivation est ailleurs. L’atelier de sérigraphie partagera à partir de décembre un grand espace dans le quartier Villejean-Kennedy, dans un ancien groupe scolaire. Ce kolkhoze, comme ils l’appellent en riant, regroupera donc la Presse Purée, l’Atelier du Bourg, spécialisé dans le graphisme, L’Imprimerie, un collectif d’artistes réunis autour de la gravure et de la sérigraphie et les Barbes à papier, un atelier qui se consacre à la gravure… sur tricycles. La fusion en un seul espace de ces quatre ateliers permettra de fédérer leur force matérielle et associative… et très certainement artistique.

La Presse Purée

 

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