La Marche brisée est une série work in progress créée à quatre mains par Anna-Maria Le Bris et Francesco Ditaranto. Elle fait partie des deux projets retenus par Unidivers au titre de l’Appel à projets artistiques 2015.

 

la marche brisée 11

 

Cher Professeur,

La situation est désastreuse. Tout s’est dégradé très vite.

Cecilia a été retrouvée morte, dans son appartement. Je l’ai appris ce matin en lisant la une d’un journal local. D’après le quotidien, Cecilia était connue comme prostituée depuis des années. Elle a été poignardée plusieurs fois, hier, en fin d’après-midi. Elle a été rouée de coups avant d’être tuée.

Mais les circonstances sont pires que cela. Au Centre, j’ai trouvé Pascal. Il a été arrêté la nuit dernière pour ivresse sur la voie publique. Il est également accusé de résistance face aux gendarmes. On l’a encore frappé, ramené ici et tout de suite endormi. Mon adjoint était là quand il est arrivé. Il a décidé de lui administrer les sédatifs.

À l’heure du déjeuner, je crois, il s’est réveillé et il s’est échappé à nouveau. Je ne l’ai même pas vu. Je n’ai pas eu l’occasion de parler avec lui. Quand je suis arrivé, il dormait. J’ai été informé de sa fuite quand les infirmiers ont donné l’alerte. Peu avant, j’avais convoqué Michel Neuille pour lui demander ce que c’était passé avec Pascal. Il m’avait répondu d’une manière énervante : « Il était soûl et agressif, comme d’habitude. Voire plus. Je l’ai fait endormir. Procédure normale. Surtout avec un individu comme cela. »
Je l’ai regardé de travers.

Il a continué : « Cher collègue, pourquoi t’énerves-tu ? T’en as rien à foutre de lui. Tu sais que son amie, la pute, s’est faite tuer hier soir ? Et on ne peut pas exclure que ce soit lui-même qui l’ait poignardée. »
Je me suis levé brusquement. Il a reculé. Je lui ai donné une claque en plein visage. Il n’a rien dit. Il est sorti de mon bureau.

Je suis parti chercher mon patient. J’ai fouillé partout : son appartement, le bar, le port. Personne ne l’avait vu. Je suis revenu au Centre, en espérant qu’il fut rentré, mais il n’était pas là.
Puis Charlotte m’a appelé. Sa grand-mère, ma mère, est morte ce matin. Ma fille a grandi avec elle, quand je n’étais pas là. Je dois aller à Paris pour l’enterrement. Charlotte a besoin de moi.
Je veux tout de même faire un dernier tour pour retrouver Pascal. Je passerai chez moi ensuite, avant de prendre mon train.

Je suis inquiet, professeur. J’ai l’impression de n’avoir rien compris. Mon patient doit être halluciné, furieux ou je ne sais quoi. Que va-t-il faire ? Pourquoi ne me cherche-t-il pas ?

Je dois partir maintenant.
Je vous tiens au courant.

Mes meilleurs sentiments,

Joseph Calvez

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