À la rentrée sortiront des romans, encore et encore. Que choisir ? La Kube – (sorte de smartbox littéraire) qui sortira à la même période sera là pour vous assister… Encore et encore…

 

Le vrai faire cadeau, c’est éprouver du bonheur en imaginant le bonheur de celui qui recevra. Cela signifie choisir, gaspiller les heures dans le choix, donc élucubrer, rêver sur l’autre et sur comment il est fait. Au fond, cela signifie faire cadeau du temps, outre les objets ; et ce temps, le dissiper. Adorno, Minima Moralia

La Kube livreNous avions les smartbox, les wonderbox, en somme. Toute une pléiade de coffrets cadeaux conceptualisés pour gagner du temps dans la sélection et l’emballage. Nous avons désormais la Kube, une « box de lecture sur-mesure ». On peut certes s’en alarmer, croire à raison que le marketing ne doit pas envahir à ce point la sphère littéraire et perturber jusqu’à l’idée même d’une certaine communauté littéraire ; communauté floue d’où néanmoins affleurent des relations à l’autre – l’autre lecteur, l’auteur, le libraire, le bibliothécaire, mais aussi le livre lui-même.

Rassurez-vous cependant, ami lecteur : la Kube, qui sortira à l’orée de la rentrée littéraire 2015, propose un service personnalisé. Le libraire indépendant, acteur – finalement au centre du dispositif – sélectionne – selon vos critères – un livre de son choix. Directement sur le site internet, vous remplissez à votre convenance, de manière plus ou moins détaillée, votre profil de lecteur (genres littéraires, préférences, registres, rythmes, taille, etc.). Suite à quoi un livre vous sera envoyé dans la Kube, boîte en carton stylisée dans laquelle, en plus, vous recevrez quelques outils propres à la lecture.

En ayant recours à la Kube le lecteur accepte de laisser guider son choix par un libraire indépendant. La surprise et la découverte ont une place centrale dans l’identité de la Kube. Il perd effectivement un peu d’autonomie dans le choix du livre mais en échange il gagne l’opportunité de découvrir des ouvrages qu’il n’aurait peut-être jamais lus sans le choix opéré par le libraire. Quelque part c’est une nouvelle façon de lire mais c’est avant tout une nouvelle façon de choisir et de découvrir des livres.

la kubeParmi les nombreuses transformations qui affectent le monde du livre – donc, de la littérature – la Kube ne semble pas faciliter l’introduction d’une  littérature particulièrement commerciale. Au contraire, en replaçant le libraire indépendant au centre de la sélection, cela pourrait briser le cercle vicieux du canon, des prix et des rentrées littéraires. Inversement, le risque consisterait à déposséder le lecteur de sa capacité à choisir. Samuel Cimamonti, de l’ESSEC Business School, créateur avec Aurore Choanier de la Kube, tempère cependant :

le but principal de la Kube n’est pas renouveler un certain canon ni d’encourager ce qui se vend déjà, c’est avant tout de faire parvenir LE livre qui correspond le mieux à la demande du client.

samuel cimamonti aurore choanier
les deux jeunes entrepreneurs: Aurore et samuel

Entre France Loisirs ou les algorithmes amazoniens, nous pourrions préférer la Kube. Si et seulement si nous savions exactement qui sont, pour l’heure, les « trois libraires parisiens » qui choisiront les livres… Et, aussi, si la sélection équivaut à celle que nous proposent nos librairies de proximité ! Sans la démonstration d’une véritable expertise, l’efficacité de la Kube ne peut, pour l’heure, être évaluée. Il existe cependant, comme sur le site internet Culturewok, des procédés similaires, utilisés d’ailleurs par certaines bibliothèques.

En prévente pour le moment, il faudra attendre septembre pour commander une Kube (pour un prix allant de 12 à 15 euros). Reste à savoir si le libraire dématérialisé, derrière l’écran, parviendra à surprendre et réjouir le lecteur. Car, à la fierté personnelle d’une découverte se substitue avec la Kube l’oisiveté du présent (dans la double acceptation du terme). La Kube, comme concept et objet technique, est purement symptomatique : puisque nous avons, paradoxalement, de moins en moins de temps, la recherche d’une lecture est un moment qu’il convient de supprimer. Ce livre, avant qu’il ne soit découvert – livre donc sur rien ou presque – réaliserait presque dans le temps la mise à mort de l’auteur ; à ceci près que l’éviction de toute transcendance du texte n’est plus un choix, mais un symptôme confisqué par la technique.

L’idée originale de Samuel et Aurore a le mérite de proposer une alternative entre les habitudes traditionnelles du monde du livre (en nécessaire transformation) et les innovations techniques récentes. L’effet de surprise ainsi que l’aspect ludique du dispositif participera sûrement à son succès. Le lecteur, s’il se trouve satisfait de sa Kube, ne désertera pas pour autant la librairie  qu’il affectionne : les manières de choisir un livre sont suffisamment différentes pour que l’une n’exclut pas l’autre. Sur cet échiquier, l’offensive du libraire libérera des pièces pour en condamner d’autres : la question de savoir qui de l’auteur ou du lecteur sera dépossédé demeure en suspens. En septembre, nous testerons : espérons que le dispositif ne sous-tendra pas plus de discriminations littéraires encore. Les textes les plus hybrides, ceux qui échappent à toute catégorisation, se feront-ils incuber ?

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